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Décisions

ADLC, 3 juillet 2013, n° 13-DCC-80

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle conjoint du pôle de compétences urbaines de Bordeaux par la société Midi Foncière 2 et la Caisse des Dépôts et Consignations

ADLC n° 13-DCC-80

2 juillet 2013

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 30 mai 2013, relatif à la prise de contrôle conjoint du pôle de compétences urbaines situés à Bordeaux par la société Midi Foncière 2 et la Caisse des Dépôts et Consignations, formalisée par un protocole d’accord signé le 19 décembre 2012 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Midi Foncière 2 est une société par actions simplifiée dont le capital est réparti entre les sociétés Méditerranée Immobilier, ACMN Vie et des filiales de BPCE, ces dernières détenant ensemble 66,5 % du capital et des droits de vote. Midi Foncière 2 a pour activité l’acquisition, la détention, la mise en valeur (notamment par voie de reconstruction, de rénovation, d’aménagement et de réhabilitation), l’exploitation, la gestion et l’administration de biens immobiliers dont elle est propriétaire. BPCE est par ailleurs active dans les secteurs de la banque et de l’assurance au travers des réseaux Banque Populaires et des Caisses d’Épargne ainsi que de Natixis. BPCE détient également des participations dans le secteur des services immobiliers, des services de gestion du poste client et dans les opérations de capital investissement dédiées aux PME.

2. La Caisse des Dépôts et Consignations (ci-après, « la CDC ») est un établissement public à statut légal spécial, régi par les articles L. 518-2 et suivants du code monétaire et financier, qui remplit des missions d’intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l’Etat et les collectivités locales, et qui exerce des activités ouvertes à la concurrence. Celles-ci sont regroupées autour de quatre pôles : (i) l’immobilier par l’intermédiaire de la Société Nationale Immobilière et de la société Icade, (ii) l’environnement, (iii) les services et (iv) l’investissement et le capital investissement.

3. La cible est un pôle de compétences urbaines, d’une superficie de 6 352 m² SHON, qui fait partie d’un ensemble immobilier plus vaste situé dans le secteur des « Bassins à Flots » à Bordeaux et constituée d’immeubles à usage de bureaux, d’enseignement et de commerce. Il est prévu que ces surfaces soient louées à des sociétés sur la base de baux d’une durée de plusieurs années.

4. Le pôle de compétences urbaines est toutefois acquis en état futur d’achèvement et ne générera donc, au jour de l’acquisition, aucun chiffre d’affaires auprès de tiers. L’ensemble immobilier cible fait néanmoins l’objet d’une pré-commercialisation auprès de preneurs potentiels et la pré-commercialisation d’un minimum de […] % du total de la surface utile du pôle de compétences urbaines est une condition suspensive à la réalisation de l’opération notifiée. La partie notifiante a fourni à l’appui de la notification les courriers de deux preneurs potentiels marquant leur intérêt à la prise à bail de surfaces de l'ordre de […] m² soit […] % de la surface totale de l'immeuble, et a confirmé la signature prochaine des baux avec ces deux preneurs. Compte tenu de ces éléments, la cible constituera à la date de réalisation de l’opération une activité économique se traduisant par une présence sur les marchés concernés, à laquelle un chiffre d’affaires sera rattachable sans ambiguïté.

5. L’opération notifiée, formalisée par un protocole d’accord signé le 19 décembre 2012 par Midi Foncière 2 et la CDC, consiste en l’acquisition de la cible par la SCI PCU, créée pour les besoins de l’opération par Midi Foncière 2 et la CDC. Ces dernières exerceront un contrôle conjoint sur la cible dans la mesure où elles détiennent respectivement […] % et […] % du capital de la société et où, conformément aux statuts de la SCI PCU, les décisions stratégiques relatives à son activité doivent être adoptées à la majorité des trois quarts des droits de vote des associés.

6. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle conjoint de la cible par Midi Foncière 2 et la CDC, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

7. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (BPCE : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2012 ; CDC : […] d’euros pour le même exercice ; cible : au moins […] euros à partir de 2015). Deux d’entre elles ont réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (BPCE : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2012 ; CDC : […] d’euros pour le même exercice). Les seuils de notification de l’article 1 paragraphe 1 du règlement (CE) 139/2004 sont franchis mais chacune des entreprises concernées réalisant plus des deux tiers de son chiffre d'affaires dans l’Union en France, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatives à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

A. DÉLIMITATION DES MARCHÉS DE PRODUITS ET DE SERVICES

8. L’opération entraîne un chevauchement d’activités de la CDC, Midi Foncière 2 et de l’actif cible sur certains marchés du secteur de l’immobilier.

9. Les autorités de concurrence nationales et européenne ont envisagé, tout en laissant la question ouverte, différentes segmentations dans le secteur des services immobiliers1 selon (i) les destinataires des services (particuliers ou entreprises), (ii) le mode de fixation des prix (immobilier résidentiel libre et logements sociaux ou intermédiaires aidés2), (iii) le type d’activité exercée dans les locaux (bureaux, locaux commerciaux et autres locaux d’activités3), et (iv) la nature des services ou biens offerts4.

10. Concernant la segmentation selon la nature des services ou des biens offerts, la pratique décisionnelle a envisagé la distinction entre :

(i) la promotion immobilière qui comprend les activités de construction et de vente de biens immobiliers ;

(ii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre ;

(iii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte de tiers ;

(iv) l’administration de biens immobiliers qui recouvre les activités de gestion des immeubles pour le compte de propriétaires et qui peut être segmentée entre la gestion locative et la gestion de copropriété ;

(v) l’expertise immobilière ;

(vi) le conseil immobilier ;

(vii) l’intermédiation dans les transactions immobilières, activité au sein de laquelle il peut être distingué entre la vente et la location d’immeubles5.

11. En l’espèce, les parties sont simultanément présentes sur le marché de la détention et de la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre d’immeubles à usage de bureaux, à usage d’autres activités et à usage de commerces puisque la cible ne comporte que des surfaces à usage de bureaux, d’enseignement et de commerce.

12. En ce qui concerne la segmentation selon la destination des locaux, une segmentation des locaux commerciaux a été envisagée, tout en ayant été laissée ouverte, entre les locaux commerciaux situés dans les centres commerciaux et les locaux commerciaux situés en pieds d’immeubles ainsi qu’une segmentation des centres commerciaux selon leur taille6. En l’espèce, seul le segment des locaux commerciaux situés en pied d’immeuble est concerné par l’opération.

13. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces segmentations à l’occasion de la présente opération.

 

B. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS

14. La pratique décisionnelle7 considère que les marchés de services immobiliers à destination des particuliers sont de dimension locale. En revanche, les opérations relatives à des marchés de services immobiliers à destination des entreprises ont été analysées tant au niveau local qu’au niveau national8.

15. S’agissant en particulier du marché de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à usage de bureaux, pour les régions autres que la région Île-de-France, où le niveau le plus approprié pour l’analyse concurrentielle est le niveau régional9, les autorités de concurrence ont mené leurs analyses concurrentielles au niveau régional ou infrarégional. Au cas d’espèce, l’analyse sera donc conduite à l’échelle de la région Aquitaine et à l’échelle du département de la Gironde.

16. La question de la délimitation exacte des marchés pertinents peut toutefois être laissée ouverte à l’occasion de la présente décision, car les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées quelles que soient les délimitations retenues.

 

III. Analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX

17. Les activités de la BPCE et de la CDC dans ce secteur se chevauchent au niveau national, en région Aquitaine et en Gironde sur les éventuels marchés suivants :

 le marché de la gestion pour compte propre de locaux à usage de bureaux ;

 le marché de la gestion pour compte propre de locaux à usage de commerces ;

 le marché de la gestion pour compte propre de locaux commerciaux en pied d’immeuble ;

 les marchés de la gestion pour compte propre de locaux à usage d’autres activités.

18. Les parts de marché cumulées de la BPCE et de la CDC ne dépassent [0-5] % sur aucun de ses éventuels marchés. Avec une surface utile totale de 5.612 m², la prise de contrôle conjointe de l’immeuble cible n’est donc pas de nature à y porter atteinte à la concurrence.

 

B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX

19. La CDC ainsi que Midi Foncière et BPCE sont actives sur d’autres marchés du secteur de l’immobilier à destination des entreprises. Toutefois, compte tenu de la position très limitée de la cible sur les marchés concernés par la présente opération, les risques d’atteinte à la concurrence par le biais d’effet verticaux peuvent être écartés.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 13-078 est autorisée.

 

NOTES :

1 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 11-DCC-178 du 13 décembre 2011 relative à la prise de contrôle de la conjoint par la Caisse des Dépôts et Consignations et CNP Assurances de la société Malthazar SA ; la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-112 du 17 septembre 2010 relative à la prise de contrôle conjoint par Prédica et Altaréa de la société Alta Marigny Carré de Soi ; la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-13 du 29 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par Icade S.A. de la Compagnie la Lucette S.A ; la lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi C2008-79 du 22 août 2008, aux conseils des sociétés CDC et Eurosic, relative à une concentration dans le secteur de l’immobilier BOCCRF N° 8 bis du 23 octobre 2008 ; la décision de la Commission européenne du 9 mars 2004, n° COMP/M.3370, BNP Paribas / ARI.

2 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2002-112 du 8 novembre 2002 aux conseils de la société Gecina relative à une concentration dans le secteur des actifs immobiliers, B.O.C.C.R.F. n° 2003-11.

3 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2003-66 du 17 avril 2003 aux conseils de la société CBRE Holding Inc. relative à une concentration dans le secteur des services immobiliers, B.O.C.C.R.F. n° 2003-11.

4 Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2005-126 du 25 janvier 2006 aux conseils de la société Perexia relative à une concentration dans le secteur des services immobilier, B.O.C.C.R.F. n° 2006-06 ; décision de la Commission européenne COMP/M.3370 précitée.

5 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2005-126 précitée.

6 Voir la décision C2007-52 / Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 22 mai 2007, aux conseils de la société Unibail, relative à une concentration dans le secteur des services immobiliers, publiée au BOCCRF n° 6 bis du 28 juin 2007 ainsi que la décision de l’Autorité de la concurrence n° 12-DCC-18 du 13 février 2012 relative à la prise de contrôle de la Société Immobilière de Location pour l’Industrie et le Commerce par la société Icade.

7 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n°12-DCC-18 du 13 février 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société immobilière de location pour l’industrie et le commerce par la société Icade.

8 Voir notamment la décision 09-DCC-16 du 22 juin 2009 de l’Autorité de la concurrence relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Epargne et Banque Populaire et la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi C2007-52, précitée.

9 Décision C2006-151 du ministre de l’économie SNI / EFIDIS du 10 janvier 2007.