ADLC, 4 juillet 2013, n° 13-DCC-84
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à l’affiliation de la mutuelle interprofessionnelle SMI à la société de groupe d’assurance mutuelle Covéa
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 15 mai 2013 et déclaré complet le 28 juin 2013, relatif à l’affiliation de la mutuelle interprofessionnelle SMI à la société de groupe d’assurance mutuelle Covéa (ci-après « Covéa »), formalisée par un projet de convention d’affiliation devant être conclu entre SMI et Covéa et qui a été approuvé* par les assemblées générales* de SMI du 20 juin 2013 et de Covéa du 27 juin 2013 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-10 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Covéa est une société de groupe d’assurance mutuelle (« SGAM ») dont l’activité principale consiste, conformément aux dispositions de l’article L. 322-1-2 du code des assurances, à prendre et à gérer des participations dans des entreprises d’assurance ou de réassurance ou à nouer et à gérer des liens de solidarité importants et durables avec des mutuelles, des institutions de prévoyance, des sociétés d’assurance mutuelle, ou des entreprises d’assurance ou de réassurance à forme mutuelle ou coopérative ou à gestion paritaire.
2. Conformément aux dispositions de l’article L. 322-1-3 du code des assurances, la SGAM Covéa entretient des liens de solidarité financière importants et durables ne résultant pas de participations financières avec les entreprises qui lui sont affiliées et leurs filiales (l’ensemble formé par ces sociétés et la SGAM Covéa étant ci-après dénommé « groupe Covéa »)1. La SGAM Covéa est ainsi liée par des conventions d’affiliation avec les entreprises suivantes :
- la société d’assurance mutuelle MAAF Assurances, la mutuelle MAAF Santé, l’union Force et Santé et Apgis, * ;
- les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles, MMA Vie Assurances Mutuelles, DAS Assurances Mutuelles, et le Finistère, * ;
- les sociétés d’Assurances Mutuelles de France (ci-après, « AM ») et ;
- la Garantie Mutuelle des Fonctionnaires et employés de l’Etat et des services publics et assimilés (ci-après, « GMF »).
3. Le groupe Covéa est actif dans les secteurs de l’assurance, de la prévoyance, de l’assurance-vie, de la gestion d’actifs, dans le secteur du courtage bancassurance et dans le secteur des portails internet concernant la santé.
4. SMI est une mutuelle interprofessionnelle, régie par les dispositions du livre II du code de la mutualité. Elle est active essentiellement dans les secteurs de l’assurance et de la prévoyance.
5. La convention d’affiliation qui doit être conclue entre Covéa et SMI, et qui a été approuvée par leurs conseils d’administration respectifs, prévoit (i) la mise en place de liens de solidarité financière importants et durables entre Covéa et SMI, ainsi que les modalités de mise en oeuvre de cette solidarité financière ; (ii) les modalités de coordination et d’organisation du groupe d’assurance mutuelle et les dispositions relatives à la combinaison des comptes de celui-ci ; (iii) une délégation de représentation donnée par SMI* au groupe d’assurance mutuelle ; et (iv) les principes de fonctionnement et le partage des coûts au sein du groupe d’assurance mutuelle.
6. Au vu de ces éléments et conformément à la pratique décisionnelle2, l’affiliation de la société SMI à la SGAM Covéa constitue une fusion de fait, dans la mesure où cette opération réunit les activités de SMI avec les activités des autres entreprises affiliées à la SGAM Covéa au sein d’un seul et même ensemble économique. En conséquence, la présente opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
7. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (groupe Covéa : 14,27 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2011 ; SMI : 186,6 millions d’euros pour le même exercice). Le groupe Covéa et SMI réalisent chacun, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (groupe Covéa : 13,57 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2011 ; SMI : 186,6 millions d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce, relatives à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
8. Les parties à l’opération sont simultanément actives dans le secteur de l’assurance des personnes.
A. MARCHÉS DE PRODUITS OU DE SERVICES
9. Au sein du secteur de l’assurance, la pratique décisionnelle distingue, de manière constante, les assurances de personnes et les assurances de dommages (biens et responsabilités), chacun pouvant à leur tour être segmentés en autant de marchés qu’il existe d’assurances couvrant les différents types de risques ou de types de contrats, dans la mesure où, du point de vue de la demande, ces assurances ou ces contrats diffèrent et ne sont pas substituables3. Concernant le marché des assurances de personnes, une segmentation supplémentaire peut être opérée entre les contrats d’assurance collective, conclus entre un assureur et un souscripteur distinct du bénéficiaire, et les contrats d’assurance individuelle pour lesquels le souscripteur est également le bénéficiaire4. De la même manière, concernant le marché des assurances de dommages, une segmentation supplémentaire peut être opérée entre les assurances à destination des particuliers et les assurances à destination des professionnels5.
10. Au cas d’espèce, les parties à l’opération sont simultanément actives en matière d’assurance de personnes. Les parties ont identifié les segments suivants sur lesquels leurs activités se chevauchent :
- le marché de l’assurance santé complémentaire, qui regroupe les produits d’assurance garantissant les bénéficiaires en cas de maladie, d’accident ou de maternité et visant à faire bénéficier les assurés d’une couverture complémentaire des frais de santé. Les parties ont distingué les assurances santé complémentaires individuelles et les assurances santé complémentaires collectives ;
- le marché de la prévoyance6, qui regroupe les produits d’assurance faisant l’objet d’un contrat conclu entre un assureur et un souscripteur distinct du bénéficiaire, destinés à couvrir les bénéficiaires contre une perte de revenus imprévisible (en cas d’accident, de décès, de longue maladie, de perte d’emploi, d’invalidité ou d’incapacité) au moyen du versement d’une indemnité sous la forme d’un capital ou d’une rente. Pour des raisons de rentabilité de l’offre globale, le même contrat d’assurance couvre généralement plusieurs risques. Les parties ont distingué la prévoyance individuelle et la prévoyance collective.
11. En l’espèce, les effets de l’opération seront donc analysés sur les marchés de l’assurance santé complémentaire, individuelle et collective, et sur le marché de la prévoyance, individuelle et collective.
B. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS
12. A l’exception de certaines assurances couvrant des risques de grande ampleur, la pratique décisionnelle considère que les marchés de l’assurance sont de dimension nationale compte tenu des préférences des consommateurs, de l’existence de législations et de contraintes fiscales nationales, de la structure actuelle de ces marchés ou encore des systèmes de régulation7 concernant ce secteur d’activités.
III. Analyse concurrentielle
13. Le groupe Covéa et SMI sont simultanément présents sur les marchés des assurances de personnes. Au total, le groupe Covéa représente [5-10] % de l’ensemble de ces marchés et SMI, moins de [0-5] %.
A. L’ASSURANCE SANTÉ COMPLEMENTAIRE
14. Sur le marché de l’assurance santé complémentaire individuelle, Covéa détient une part de marché de [0-5] % et SMI une part de marché de [0-5] %, soit au total [5-10] %. Sur le marché de l’assurance santé complémentaire collective, la part de marché de Covéa s’élève à [0-5] % et celle de SMI à [0-5] %, soit une part de marché cumulée limitée à [0-5] % pour l’ensemble.
15. Sur ces marchés, la nouvelle entité sera confrontée à la concurrence de nombreux concurrents importants tels que MGEN, Groupama et Harmonie mutuelle notamment, qui détiennent une part de marché comprise entre [5-10] % sur le marché de l’assurance santé complémentaire individuelle, et tels que Malakoff-Médéric, AXA, AG2R-La Mondiale et Harmonie Mutuelle, qui détiennent une part de marché comprise entre [5-10] % sur le marché de l’assurance santé complémentaire collective.
16. Par conséquent, quelle que soit la segmentation retenue, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de l’assurance santé complémentaire.
B. LA PRÉVOYANCE
17. Sur le marché de la prévoyance, Covéa détiendra une part de marché de [0-5] % à la suite de la nouvelle affiliation ([0-5] % pour Covéa et [0-5] % pour SMI). Sur le segment de la prévoyance individuelle, Covéa détiendra une part de marché de [0-5] % à la suite de la nouvelle affiliation ([0-5] % pour Covéa et [0-5] % pour SMI). Sur le segment de la prévoyance collective, la part de marché de la SGAM ne dépassera pas [0-5] % pour Covéa et [0-5] % pour SMI).
18. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à affecter la concurrence sur les marchés de la prévoyance.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 13-050 est autorisée.
NOTES :
* Rectification d’erreur matérielle.
1 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n°11-DCC-97 du 29 janvier 2011 relative à l’affiliation de l’institution de prévoyance Apgis à la société de groupe d’assurance mutuelle Covéa.
2 Voir notamment les décisions n° 10-DCC-52 du 2 juin 2010, relative à la création d’une société de groupe d’assurance mutuelle (« SGAM ») par la MACIF, la MAIF et la MATMUT et n° 11-DCC-97 du 29 juin 2011 relative à l’affiliation de l’institution de prévoyance Apgis à la société de groupe d’assurance mutuelle Covéa.
* Rectification d’erreur matérielle.
3 Voir notamment les décisions de la Commission européenne COMP/M.5083 - GROUPAMA / OTP GARANCIA du 15 avril 2008, COMP/M.3556 - FORTIS / BCP du 19 janvier 2005, ainsi que les décisions n° 09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Epargne et Banque Populaire ou n° 11-DCC-97 du 29 juin 2011 relative à l’affiliation de l’institution de prévoyance Apgis à la société de groupe d’assurance mutuelle Covéa.
4 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° COMP / M.5083 précitée et la décision n° 09-DCC-61 du 4 novembre 2009 relative aux prises de contrôle exclusif de la mutuelle Altéis et de la mutuelle Releya par la mutuelle Prévadiès.
5 Voir par exemple les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-52 ou n° 11-DCC-97précitées.
6 Voir par exemple les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-52 ou n° 11-DCC-97précitées.
7 Décision n°10-DCC-52, précitée.