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Décisions

ADLC, 22 juillet 2013, n° 13-DCC-95

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif de la société Printemps Holding Luxembourg SARL par la société Divine Investments S.A

ADLC n° 13-DCC-95

21 juillet 2013

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 17 juin 2013, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Printemps Holding Luxembourg SARL par la société Divine Investments S.A formalisée par un contrat d’achat d’actions en date du 13 juin 2013 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Divine Investments S.A. (ci-après « DISA ») est un véhicule d’investissement créé conformément aux lois luxembourgeoises pour les besoins de l’opération. DISA est détenue à 100 % par Lys Holding I SARL, elle-même détenue à 100 % par M. [X], de nationalité qatarienne (ci-après « l’Acquéreur »). L’Acquéreur est actionnaire unique ou majoritaire d’un certain nombre de sociétés holding détenant des actifs immobiliers en France. Il exerce par ailleurs un contrôle indirect sur la maison de couture Valentino, qui est présente dans le secteur de la fabrication d’articles de luxe et qui exploite également 6 boutiques de vente au détail en France.

2. Printemps Holding Luxembourg SARL (ci-après « PHL ») est la holding de tête du groupe Printemps, actif dans le domaine de la distribution généraliste non alimentaire, qui commercialise essentiellement des produits de mode et accessoires, des produits de beauté et des produits pour la maison via 19 magasins en France sous enseigne « Printemps ». Le groupe Printemps est également présent dans le domaine de la distribution de produits « sportwear » via sa filiale Profida dans des magasins sous enseigne Citadium (2 points de vente) et Made In Sport (10 points de vente). Au travers de ses filiales Printemps Logistique SA et Printemps.com SA, le groupe printemps est également actif en matière de logistique et de vente en ligne des produits commercialisés par les points de vente physiques du groupe.

3. L’opération, formalisée par un contrat d’achat d’actions en date du 13 juin 2013, consiste en l’acquisition indirecte par DISA de 100 % du capital social de PHL. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de PHL par DISA, l’opération constitue une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (L’Acquéreur : […] d’euros pour 2012 ; Groupe Printemps: […] d’euros). Deux au moins de ces entreprises réalisent en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (L’Acquéreur : […] d’euros ; Groupe Printemps : le chiffre d’affaires mentionné ci-dessus est intégralement réalisé en France). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas de dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Les parties sont simultanément présentes sur les marchés du commerce de détail non alimentaire. L’Acquéreur, via Valentino, est également présent sur les marchés de la fabrication et commercialisation en gros d’articles de luxe. Toutefois, compte tenu de sa position tout à fait marginale sur ce marché, de nature à exclure tout problème de concurrence au titre d’effets verticaux, ce marché ne fera pas l’objet d’une analyse concurrentielle spécifique.

 

A. MARCHÉS DE PRODUITS

6. La pratique décisionnelle tant nationale que communautaire distingue d’une part le commerce de détail alimentaire, et d’autre part le commerce de détail non alimentaire1. En l’espèce, les parties sont uniquement présentes dans le secteur de la distribution au détail de produits non alimentaires, le Printemps via son réseau de grands magasins et les enseignes Citadium et Made in Sport, et l’acquéreur via Valentino Fashion Group, qui commercialise au sein des magasins qu’il détient en propre des produits de marque Valentino et Missoni.

7. Les grands magasins sont classés par l’Insee dans les commerces non spécialisés. Ils offrent, sur des surfaces de vente importantes, la quasi-totalité des biens de consommation courante dans des rayons spécialisés animés en permanence par un ou plusieurs vendeurs. Ils privilégient cependant l’équipement de la personne et du foyer et proposent des produits situés en milieu ou haut de gamme qui relèvent de grandes marques. Leur lieu d’implantation est traditionnellement le centre ville, mais ils sont également présents dans certains centres commerciaux. Le ministre de l’économie, dans une décision Galeries Lafayette/Marks and Spencer de 20012, avait sur cette base, retenu un marché pertinent des grands magasins constitué des commerces de détail en magasins non spécialisés, d’une surface de vente supérieure à 2 500 m².

8. D’autres autorités de concurrence ont en revanche considéré que les grands magasins étaient en concurrence avec l’ensemble des magasins spécialisés proposant des produits similaires (vêtements, chaussures, parfumerie, équipement du foyer, etc.)3.

9. Il n’est cependant pas nécessaire, dans la présente affaire, de trancher la question du ou des marchés pertinents de produits sur lesquels opèrent les grands magasins du groupe Printemps dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées.

10. En ce qui concerne les marchés de la vente au détail de vêtements sur lesquels les parties sont, en toute hypothèse, simultanément actives à travers les enseignes Citadium et Made in Sport pour le groupe Printemps, et Valentino pour l’Acquéreur, la pratique décisionnelle opère une distinction (i) par genre3 (homme, femme, enfant) (ii) par canal de distribution4 (boutique spécialisée, GSS, GSA) et (iii) par gamme5 (bas, moyen, haut de gamme) 4. Elle a également distingué un marché de la distribution au détail de produits cosmétiques et de parfumerie ainsi qu’un marché de la distribution au détail d’accessoires de mode. Par ailleurs, la pratique décisionnelle6 a envisagé une distinction entre les ventes en magasin et les ventes à distance, tous canaux de vente à distance confondus. Les parties sont simultanément actives sur les marchés de la vente en magasins (i) de prêt à porter haut de gamme, (ii) d’accessoires de mode, (iii) de cosmétiques et parfumerie haut de gamme.

11. Au cas d’espèce, la question de la délimitation exacte des marchés peut être laissée ouverte dans la mesure où quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées.

 

B. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

12. La pratique décisionnelle5 a, à plusieurs reprises, retenu une délimitation locale pour les marchés de commerce de détail spécialisés, et procédé à une analyse sur des zones de chalandises de 20 minutes en voiture autour de chaque magasin.

13. S’agissant d’un éventuel marché des grands magasins, le ministre a, dans la décision de 2001, considéré que, compte tenu de la spécificité de leur offre, leur zone de chalandise ne saurait se restreindre à un ou quelques quartiers des villes où ils sont implantés mais s’étendait à l’ensemble de la ville.

14. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire, en l’absence de problèmes de concurrence dans la présente affaire, de préciser la dimension géographique des marchés concernés.

III. Analyse concurrentielle

15. Sur un éventuel marché des grands magasins, la part de marché du groupe Printemps a été estimée par les parties à près de [20-30] %, l’opération n’emportant aucun chevauchement d’activité, puisque seul le groupe Printemps y serait actif.

16. Sur les différents marchés du commerce de détail spécialisés haut de gamme sur lesquels les activités des parties se chevauchent (prêt à porter, accessoires de mode, cosmétiques et parfumerie), leur part de marché au niveau national resterait inférieure à 5 %, les ventes des magasins Valentino étant évaluées à moins de [0-5] % du marché.

17. Au niveau local, les activités des parties se chevauchent à Paris uniquement. Les parties n’ont pas été en mesure de communiquer leurs parts de marchés mais l’addition de deux points de vente Valentino aux positions occupées par le groupe Printemps n’est pas de nature à modifier la structure de la concurrence sur les différents marchés parisiens concernés.

18. Il y a donc lieu de considérer que l’opération ne porte pas atteinte à la concurrence sur les marchés concernés.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 13-046 est autorisée.

 

NOTES :

1 Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie en date du 24 décembre 2001 aux conseils des sociétés Galeries Lafayette et Marks & Spencer relative à une concentration dans le secteur de la distribution, décisions de la Commission européenne n°COMP/M.070 – Otto/Gratta du 21 mars 1991, n°COMP/M.080 – La Redoute/Empire du 25 avril 1991 et n°COMP/M.5721 – Otto/Primondo Asstes du 16 février 2010.

2 Lettre du ministre de l’économie du 24 décembre 2001 aux conseils des sociétés Galeries Lafayette et Marks&Spencer.

3 Voir la Federal Trade Commission, decisions Federated/May de 2005 et Whole Foods Market/Wild Oats Market de 2007.

4 Notamment, décision de la Commission européenne Otto/Primondo Assets précitée, et décision n° 12-DCC-179 du 19 décembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif par la société Maus Frères des sociétés Lacoste SA et Patentex.

5 Notamment, décision n° 12-DCC-179 du 19 décembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif par la société Maus Frères des sociétés Lacoste SA et Patentex.