Cass. com., 23 novembre 2004, n° 02-20.700
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 7 novembre 2002), que la société Felletinoise Entreprise (la société) a été mise en redressement judiciaire le 2 juillet 1998 ; qu'un plan de cession totale d'une durée d'un an a été arrêté le 3 février 1999, Mme X... puis la SCP Bécheret-Thierry étant nommés commissaire à l'exécution de ce plan ; que les actes de cession ont été conclus, et que le prix de cession a été payé ; qu'un expert a été chargé de rechercher les éventuels actes de gestion anormaux ; qu'au vu de son rapport, le tribunal a prorogé jusqu'au 31 décembre 2003 la durée de plan et la mission du commissaire à l'exécution, afin de permettre à ce dernier d'exercer des actions en responsabilité à l'encontre du dirigeant ; que la société a formé contre ce jugement un appel-nullité, par l'intermédiaire de M. Y..., mandataire ad litem ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'annulation du jugement, alors, selon le moyen :
1 / que la durée du plan constitue un élément substantiel des objectifs et des moyens du plan de cession, dont la modification ne peut être demandée par voie judiciaire que suivant la procédure prévue par l'article L. 621-69 du Code de commerce ; qu'en décidant, pour écarter le moyen de nullité soulevé par la société, tiré de l'inobservation par le commissaire à l'exécution du plan des règles de procédure prescrites par l'article L. 621-69 du Code de commerce, que cette disposition n'avait pas à s'appliquer lorsque n'était demandée qu'une simple prorogation de la durée du plan et de la mission du commissaire à l'exécution du plan, laquelle ne constituait pas une modification dans les objectifs et les moyens du plan, la Cour d'appel a violé l'article L. 621-69 du Code de commerce ;
2 / que seul le chef d'entreprise, en application de l'article L. 621-69 du Code de commerce, a qualité pour demander une modification substantielle dans les objectifs et les modalités du plan de cession ; qu'a violé l'article L. 621-69 du Code de commerce la cour d'appel qui pour dire que la demande de prorogation de la durée de plan et des fonctions du commissaire à l'exécution du plan, qui portait pourtant sur un élément substantiel des objectifs et des moyens du plan, n'entrait pas dans les prévisions de l'article L. 621-69 du Code de commerce, s'est fondée sur le fait que la demande avait été introduite par le commissaire à l'exécution du plan ;
Mais attendu que la prorogation du plan ne constitue pas une modification substantielle de ses objectifs ou de ses moyens, au sens de l'article L. 621-69 du Code de commerce ; que dès lors, ayant retenu que cet article n'a pas à s'appliquer lorsque le commissaire à l'exécution du plan demande la prorogation de ce plan et de sa propre mission, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'aucune des parties, et notamment pas la SCP Bécheret-Thierry, n'avait soutenu dans ses écritures, en vue de faire échec à l'exception de nullité invoquée par M. Y... tirée du caractère non contradictoire de la procédure de première instance, que cette procédure aurait eu un caractère gracieux ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter ce moyen, qu'en raison du caractère gracieux de cette procédure, les premiers juges n'étaient pas tenus d'observer le principe du contradictoire, la cour d'appel, qui a soulevé d'office ce moyen sans rouvrir les débats en vue de provoquer les explications des parties sur ce point, a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, la SCP Bécheret-Thierry ayant demandé à la cour d'appel de dire que le jugement prorogeant le plan était une mesure d'administration judiciaire ne pouvant faire l'objet d'aucun recours, la question de la nature de cette décision se trouvait dans le débat, et qu'il n'y avait pas lieu de provoquer les explications des parties sur ce point ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les troisième et cinquième moyen, réunis :
Attendu que la société fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'aucune disposition légale ne donne au tribunal le pouvoir de proroger la durée de plan de cession et, par conséquent, de la mission du commissaire à l'exécution du plan aux seules fins de permettre à celui-ci d'engager des procédures dans l'intérêt de l'entreprise ou des créanciers ; qu'en retenant, pour décider le contraire, que les articles L. 624-6 et L. 621-10 du Code de commerce donnaient mission au commissaire à l'exécution du plan d'engager de telles missions et en se fondant ainsi sur des dispositions qui ne permettaient en aucun cas au tribunal de proroger la durée du plan ou de la mission du commissaire à l'exécution du plan pour exercer les actions litigieuses, la cour d'appel a violé ces articles ensemble l'article L. 621-90 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant retenu que l'article L. 624-6 du Code de commerce donne au commissaire à l'exécution du plan mission d'engager, le cas échéant, des actions contre les dirigeants, la cour d'appel, qui pouvait, en application de l'article L. 621-66 du même Code, fixer la durée du plan dans la limite de dix ans, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le quatrième moyen :
Attendu que la société reproche à l'arrêt d'avoir confirmé au fond le jugement entrepris après avoir écarté les moyens de nullité présentés par M Y..., alors, selon le moyen :
1 / que la société s'était bornée dans ses écritures à demander la nullité du jugement, sans jamais conclure au fond ; qu'en retenant au contraire que cette société avait conclu au fond, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que lorsqu'elle est saisie d'un simple appel-nullité et qu'elle écarte le moyen de nullité tiré de l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel ne peut statuer au fond, au cas où l'appelant n'a conclu qu'à l'annulation du jugement, qu'après avoir invité les parties à conclure au fond ; qu'en confirmant le jugement, après avoir écarté le moyen de M. Y... tiré de l'absence de citation de la société devant les premiers juges, sans inviter les parties et notamment M. Y..., qui n'avait conclu qu'à l'annulation du jugement, à conclure au fond, la cour d'appel a violé les articles 16 et 562 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, saisie d'un appel-nullité, ayant rejeté la demande en annulation du jugement fondée sur la violation d'un principe fondamental de procédure ou sur un excès de pouvoir, la société est sans intérêt à lui reprocher d'avoir confirmé ce jugement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.