ADLC, 5 novembre 2014, n° 14-DCC-161
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la fusion des groupes AG2R La Mondiale et Réunica
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 6 octobre 2014, relatif à la fusion des groupes AG2R La Mondiale et Réunica, formalisée par une lettre d’intention en date du 25 juin 2013, par un projet de statuts de l’association sommitale AG2R La Mondiale Réunica en date du 13 septembre 2013 ainsi que par un projet de statuts du GIE AG2R Réunica en date du 5 février 2014 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. AG2R La Mondiale est un groupe paritaire de protection sociale1 dont les orientations politiques et stratégiques sont déterminées par l’association sommitale AG2R La Mondiale, composée paritairement de représentants des organisations syndicales et des fédérations d’employeurs. Le groupe est composé d’une société holding d’assurance, La Mondiale Participations, de la SGAM AG2R La Mondiale, des institutions de prévoyance AG2R Prévoyance, Isica Prévoyance et INPCA, de deux Groupements d’Intérêts Économiques (ci-après « GIE ») AG2R et La Mondiale Groupe ainsi que d’une union de mutuelles, l’Association Générale des Mutuelles ou AG.Mut, à laquelle va adhérer la mutuelle ViaSanté2. La Mondiale détient en outre 65 % du capital de la société La Mondiale Participations (laquelle détient 100 % des sociétés La Mondiale Partenaires et La Mondiale Europartner) et 50 % du capital de la société Arial Assurance. La Mondiale Participations est détenue à 35 % par Aegon International BV, une société de droit néerlandais active dans le secteur de l’assurance aux Pays-Bas et en Allemagne, cotée sur le marché Euronext et New York Stock Exchange. Le groupe AG2R La Mondiale est principalement actif dans le secteur de l’assurance de personnes à destination des entreprises et des particuliers, ViaSanté distribuant également de manière marginale des produits d’assurance pour le compte de tiers
2. Réunica est un groupe paritaire de protection sociale doté d’une association sommitale dénommée Réunica, de deux GIE de moyens, le GIE informatique Systalians et le GIE Réunica qui regroupe les moyens humains, ainsi que de différentes entités exerçant des activités concurrentielles dans le domaine de l’assurance et des activités non concurrentielles de gestion de retraite à travers deux institutions de retraite complémentaire (Reuni retraite salariés et Reuni retraite cadres) pour lesquelles Réunica a reçu une délégation de gestion de la part des fédérations Agirc et Arrco. L’association sommitale Réunica est l’organe décisionnel du groupe, composé et géré paritairement entre les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés. Le groupe Réunica est principalement actif dans le secteur de l’assurance de personnes à destination des entreprises et des particuliers, à travers les mutuelles Réunica Mutuelle, Muta Santé et l’institution de prévoyance Réunica Prévoyance. Il exerce également des activités de courtage en assurance et exploite des résidences de vacances et des hôtels.
3. Aux termes de la lettre d’intention en date du 25 juin 2013, l’opération consiste en la mise en place d’une association sommitale commune aux deux groupes AG2R La Mondiale et Réunica, laquelle aura pour vocation d’assurer les orientations politiques et stratégiques de la nouvelle entité. Cette nouvelle association sommitale sera constituée par l’adhésion des membres de l’association sommitale AG2R La Mondiale à l’association sommitale Réunica, laquelle changera alors de statuts et de dénomination pour s’appeler AG2R La Mondiale Réunica. Conformément à l’accord du 8 juillet 2009 signé par les organisations représentatives d’employeurs et de salariés sur la gouvernance des groupes paritaires de protection sociale, l’association sommitale est la structure unique de gouvernance des groupes paritaires de protection sociale et son rôle de gouvernance s’applique à toutes ses activités, y compris les activités concurrentielles. S’agissant des structures de moyens, les deux groupes ont créé le 25 avril 2014 le GIE AG2R Réunica qui, au 1er janvier 2015, procédera à la fusion absorption des GIE de moyens Réunica, AG2R et Systalians, dont les membres deviendront membres du GIE AG2R Réunica. Ce GIE portera alors les moyens de développement et de gestion des activités des deux groupes ainsi que leurs fonctions support.
4. Par conséquent, conformément à la pratique décisionnelle de l’Autorité3, le rapprochement des groupes AG2R La Mondiale et Réunica s’analyse comme la fusion de deux entités antérieurement indépendantes. L’opération notifiée constitue donc une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce4.
5. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d’affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Groupe AG2R La Mondiale : 9,3 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2013 ; Groupe Réunica : 633 millions d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Groupe AG2R La Mondiale : 8,9 milliards d’euros ; Groupe Réunica : 633 millions d’euros). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, les seuils prévus par l’article 1, paragraphe 2, a) et b) du Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sont atteints. Néanmoins, AG2R La Mondiale et Réunica réalisant plus des deux tiers de leur chiffre d’affaires en France, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. Les parties à l’opération sont simultanément actives dans le secteur de l’assurance.
A. DÉLIMITATION DES MARCHÉS DE PRODUITS OU DE SERVICES
7. Les autorités nationales et européennes de concurrence distinguent les marchés de l’assurance de personnes, de l’assurance dommages et de la réassurance5. En ce qui concerne les deux premières catégories de produits, les autorités de concurrence ont estimé qu’elles peuvent être segmentées en autant de marchés qu’il existe d’assurances couvrant les différents types de risques, dans la mesure où, du point de vue de la demande, les assurances couvrant ces risques différents ne sont pas substituables6.
8. Concernant le marché des assurances de personnes, une segmentation supplémentaire peut être opérée entre les contrats d’assurance collective, conclus entre un assureur et un souscripteur distinct du bénéficiaire, et les contrats d’assurance individuelle où le souscripteur est également le bénéficiaire. De la même manière, concernant le marché des assurances de dommages, une segmentation supplémentaire peut être opérée entre les assurances à destination des particuliers et les assurances à destination des professionnels.
9. Au cas d’espèce, les parties à l’opération sont simultanément actives en matière d’assurance de personnes, et en particulier, sur les segments suivants :
- marchés de la prévoyance collective et individuelle qui regroupent les produits d’assurance destinés à couvrir les bénéficiaires contre une perte de revenus imprévisible (en cas de décès, d’invalidité ou d’incapacité) au moyen d’un versement sous la forme d’un capital ou d’une rente7 ;
- marchés de l’assurance santé complémentaire collective et individuelle qui ont pour objet de compléter les prestations offertes par les régimes obligatoires d’assurance maladie. Le risque couvert correspond aux frais, non pris en charge par la sécurité sociale, à engager pour se soigner. Les remboursements complémentaires sont fonction des prestations du régime légal de la sécurité sociale8 ;
- le marché de la dépendance qui comprend les garanties consistant à verser une prestation, sous forme de capital ou de rente, au bénéficiaire en cas de perte d’autonomie totale ou partielle, permanente ou temporaire. Il peut s’agir soit de contrats d’assurance collective soit de contrats d’assurance individuelle9.
10. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l’occasion de la présente opération.
11. En l’espèce, Réunica est présente de manière très marginale sur le marché de la dépendance. Par conséquent, les effets de l’opération seront examinés sur les seuls marchés de la prévoyance et de l’assurance santé complémentaire, individuelle et collective.
B. DÉLIMITATION DES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
12. Il ressort de la pratique décisionnelle10 qu’à l’exception de certaines assurances couvrant des risques de grande ampleur, les marchés de produits d’assurance sont considérés comme étant de dimension nationale compte tenu des préférences des consommateurs, de l’existence de législations et de contraintes fiscales nationales, de la structure actuelle de ces marchés ou encore des systèmes de régulation.
13. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations pour analyser les effets de l’opération.
III. Analyse concurrentielle
14. La partie notifiante a donné une estimation de la taille des marchés de l’assurance complémentaire santé individuelle et collective en 2012 sur la base des données de l’Argus de l’assurance, lesquelles estiment le marché total de la santé individuelle à 14 milliards d’euros et de la santé collective à 11 milliards d’euros en 201211.
15. Sur la base de chiffres d’affaires réalisés en 2013, la part de marché de la nouvelle entité ne dépasserait pas [10-20] % quel que soit le marché de l’assurance de personnes (prévoyance collective, prévoyance individuelle, assurance santé complémentaire collective, assurance santé complémentaire individuelle), la part de marché de Réunica ne dépasserait pas 3 %.
16. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés de l’assurance de personnes.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 14-115 est autorisée.
NOTES :
1 Les groupes paritaires de protection sociale (« GPPS ») sont des ensembles structurés de personnes morales ayant entre elles des liens étroits et durables, créés en lien avec les organisations patronales et les syndicats (les « partenaires sociaux »). Un GPPS comporte au moins une institution de retraite AGIRC, une institution de retraire ARRCO et une institution de prévoyance, dans l’intérêt des entreprises et des salariés (formule du « guichet unique »). Il peut également être composé de mutuelle. Il est constitué d’une association sommitale « loi 1901 » qui est gérée paritairement et conduit la stratégie d’ensemble du GPPS. Une ou plusieurs associations de moyens humains, matériels et informatique, le plus souvent prenant la forme de Groupement d’Intérêt Économique permettent à ces groupes de fait de mettre en oeuvre leurs activités concurrentielles et non concurrentielles. Voir à cet égard les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 11-DCC-215 du 29 décembre 2011 relative au rapprochement du groupe Humanis et du groupe Novalis Taitbout et n° 12-DCC-93 du 29 juin 2012 relative à la fusion du Groupe Mornay, du Groupe D&O et de la Fédération Mutualiste Interdépartementale de la Région Parisienne.
2 Décision de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-149 du 13 octobre 2014 relative à la fusion du groupe AG2R-La Mondiale et de la Mutuelle ViaSanté.
3 Voir les décisions du ministre C2007-49 / Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 21 août 2007, aux conseils de l’institut de prévoyance AG2R Prévoyance et la société La Mondiale, relative à une concentration dans le secteur de l’assurance prévoyance santé et retraite et de l’Autorité de la concurrence n° 13-DCC-171 du 20 novembre 2013 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe Klésia d’un portefeuille de contrats d’assurance et n° 12-DCC-93 précitée.
4 Les institutions de retraites complémentaires du groupe Arpège ont également adhéré au GIE Systalians. Les institutions de retraite complémentaire des groupe Réunica et Arpège, d’une part, Réuni Retraites Cadres et Arège Retraites Cadres et d’autre part, Réuni Retraite des Salariés et Arège Retraite des Salariés, ont également fusionné le 1er janvier 2010 par des traités de fusion en date, respectivement, des 4 et 16 juin 2009 et des 16 et 18 juin 2009. Ces activités dans le domaine de la retraite complémentaire ne sont toutefois pas des activités concurrentielles et ne sont donc pas soumises aux dispositions des articles L. 430-1 et suivants du code de commerce.
5 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne COMP/M.3556 FORTIS / BCP du 19 janvier 2005, COMP/M.2676 SAMPO / VARMA SAMPO / IF HOLDING / JV du 18 décembre 2001, IV/M.862 AXA / UAP du 20 décembre 1996 ainsi que les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Épargne et Banque Populaire, n° 10-DCC-52 du 2 juin 2010 relative à la création d’une SGAM par la MACIF, la MAIF et la MATMUT, n°11-DCC-11 du 27 janvier 2011 relative au rapprochement du groupe Aprionis et du groupe Vauban Humanis, n°11-DCC-215 du 29 décembre 2011 relative au rapprochement du groupe Humanis et du groupe Novalis Taitbout, n° 14-DCC-20 du 17 février 2014 relative à l’affiliation de la Mutuelle des personnels Air France à la Société de Groupe d’Assurance Mutuelle Macif et n° 14-DCC-109 du 28 juillet 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la Mutuelle Myriade par Eovi-MCD Mutuelle.
6 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne COMP/M.5083 GROUPAMA / OTP GARANCIA du 15 avril 2008 ainsi que les décisions précitées.
7 Voir la décision C2008-77 / Lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi du 28 octobre 2008 aux conseils de la société Mutuelle Harmonie Mutualité, relative à une concentration dans le secteur des assurances santé complémentaire et de prévoyance.
8 Voir les décisions C2008-77 précitée ainsi que la décision C2007-49 / Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 21 août 2007, aux conseils de l’Institut de prévoyance AG2R Prévoyance et la société La Mondiale, relative à une concentration dans le secteur de l’assurance prévoyance santé et retraite.
9 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-138 du 19 octobre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de MFPrévoyance par CNP Assurances et n° 11-DCC-12 du 1er février 2011 relative à la création d’une Union Mutualiste de Groupe par les groupes MGEN, MNH, la MNT, la MGET et la MAEE.
10 Voir les décisions précitées.
11 Les chiffres de l’année 2013 ne sont pas connus à ce jour. La partie notifiante indique toutefois que ces estimations de part de marché ne seraient pas significativement affectées.