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Décisions

ADLC, 14 novembre 2014, n° 14-DCC-163

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif de l’activité cuivre de la société Reynolds European SA par la société Genecos

ADLC n° 14-DCC-163

13 novembre 2014

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 14 octobre 2014, relatif à la prise de contrôle exclusif de l’activité cuivre de la société Reynolds European SA par la société Genecos, formalisée par un acte de cession de fonds de commerce signé le 13 octobre 2014 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Genecos SA (ci après « Genecos ») est une filiale des sociétés Hellenic Cables et Halcor1 qui sont toutes les deux contrôlées par Viohalco SA2, la société de tête du groupe Viohalco (ci après « Viohalco »). Viohalco est actif par l’intermédiaire de ses filiales dans la fabrication de produits sidérurgiques, de produits à base d’aluminium et de produits en cuivre et en alliage de cuivre qui sont vendus dans plus de 60 pays. Genecos, le représentant en France de Viohalco, vend des produits métallurgiques, et plus particulièrement des produits en aluminium et en cuivre.

2. Reynolds European est une filiale du groupe allemand Klöckner & Co. Elle est active dans le négoce de métaux à usage industriel et se spécialise plus particulièrement dans la distribution de demi-produits non-ferreux (aluminium, cuivre et laiton) principalement sur le territoire français.

3. Selon les termes de l’acte de cession signé le 13 octobre 2014 entre Genecos et Reynolds European, Genecos acquerra la totalité du fonds de commerce relatif à l’activité de négoce et d’entremise de cuivre et de produits dérivés du cuivre de Reynolds European (ci après « fonds de commerce cible »). Reynolds European conserve le reste de ses activités commerciales (aluminium et laiton de décolletage).

4. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de l’activité cuivre de Reynolds European par Genecos, l’opération notifiée constitue donc une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Viohalco : 2,9 milliards d’euros au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2013 ; fonds de commerce cible : […] d’euros pour le même exercice). Chacune réalise en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Viohalco : 137 millions d’euros au titre de l’exercice 2013 ; fonds de commerce cible : […] d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

6. Dans le secteur des produits métallurgiques, la pratique décisionnelle distingue les produits sidérurgiques des produits issus de métaux non-ferreux. Au sein des métaux non-ferreux, elle identifie autant de marchés distincts qu’il existe de types de métal3.

7. En l’espèce les marchés du cuivre sont les seuls concernés par l’opération dans la mesure où le fonds de commerce cible ne commercialise que des produits en cuivre.

8. La pratique décisionnelle de la Commission européenne4 distingue plusieurs étapes dans la chaîne de production du cuivre. Après extraction, le minerai de cuivre est enrichi dans des installations de formation en concentrés de cuivre. Les concentrés ainsi obtenus et les déchets de cuivre (matériel recyclé) sont ensuite utilisés pour produire des pièces plates mesurant environ un mètre sur un mètre, les cathodes, qui permettent de produire des barres et formes (billettes et plateaux) de cuivre lesquelles sont transformées en produits semi-finis. Il existe plusieurs produits semi-finis (tubes en cuivre, laminés cuivreux, fils et méplats émaillés, etc.) qui sont utilisés dans des secteurs économique divers (ingénierie électrique, industrie électronique, industrie de la construction, télécommunications, industrie automobile, construction de machines). La pratique décisionnelle a laissé la question de la délimitation des marchés de produits semi-finis en cuivre ouverte5.

9. Viohalco fabrique des barres et des formes de cuivre qu’il transforme ensuite en produits semi-finis. Il s’agit de laminés cuivreux, de fils et méplat émaillés ainsi que de différentes gammes de tubes en cuivre destinés au marché sanitaire, de la climatisation, du médical, ou aux diverses applications industrielles. Ces produits sont, soit vendus directement par les filiales du groupe, soit par l’intermédiaire de distributeurs spécialisés dans la commercialisation de produits métallurgiques.

10. Par ailleurs, la pratique décisionnelle de la Commission européenne et des autorités française de la concurrence6 distingue la production et la vente directe de la commercialisation. Elle estime en effet que la distribution des produits sidérurgiques se différencie de la production et de la vente directe proprement dite par la diversité de ses clients, par le montant moins élevé de ses commandes, par sa capacité de répondre rapidement aux besoins du client, par le caractère local de l’activité et par le nombre important d’entreprises présentes dans le secteur.

11. S’agissant de la commercialisation, elle retient une segmentation entre le négoce qui implique la détention en dépôt d’une gamme importante de produits et les activités d’agence commerciale et de trading qui consiste seulement en des activités de représentation ne nécessitant pas, contrairement au négoce, de financer des stocks.

12. Viohalco fabrique et vend directement des produits semi-finis en cuivre alors que le fonds de commerce cible est présent dans (i) le négoce des laminés cuivreux, (ii) le négoce des tubes en cuivre à usage sanitaire et chauffage, (iii) l’agence commerciale et le trading des tubes à usage industriel, médical et air conditionné/réfrigération (ci après « ACR ») en cuivre et (iv) l’agence commerciale et le trading des fils et méplats émaillés.

13. S’agissant de la délimitation géographique des marchés de produits semi-finis en cuivre, la pratique décisionnelle7 a considéré qu’elle s’étendait au moins jusqu’à l’Espace économique européen (« EEE ») et pouvait même avoir une dimension mondiale. S’agissant plus particulièrement des différents modes de commercialisation de produits métallurgiques (négoce, agence commerciale et trading), la Commission européenne et les autorités françaises de la concurrence8 ont retenu un marché de dimension au moins nationale.

14. En l’espèce, il n’y a pas lieu de conclure sur la délimitation précise de ces marchés, l’analyse concurrentielle demeurant inchangée quelle que soit la solution retenue.

 

III. Analyse concurrentielle

15. L’opération ne donne lieu à un chevauchement d’activité horizontal que dans l’hypothèse où un marché regroupant tous les types de vente de produits semi-finis en cuivre serait retenue (vente directe ou par le biais d’un distributeur indépendant)9. Sur le marché, la part de la nouvelle entité demeurerait cependant inférieure à 20 % avec un incrément limité, de moins de 5 %, quel que soit le segment envisagé.

16. Dans l’hypothèse d’une distinction des activités de vente directe et de commercialisation à des distributeurs indépendants, l’opération consiste en l’acquisition par Viohalco de l’activité de commercialisation de produits semi-finis en cuivre de Reynolds European dont il est le principal fournisseur10. Il convient donc d’examiner si l’opération est de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux.

17. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l’entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval ou les marchés amont lorsque la branche aval de l’entreprise intégrée refuse d’acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence considère en principe que les risques de verrouillage sont peu probables lorsque la part de l’entreprise issue de l’opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.

18. En l’espèce, sur les marchés amont de la production et de la vente directe de produits semi-finis en cuivre, la partie notifiante estime que, quelle que soit la segmentation retenue, la part de marché de Viohalco (Halcor et ses filiales) est toujours inférieure à 10 %. Sur les marchés aval de la commercialisation de produits à base de cuivre, la partie notifiante estime que, quel que soit le segment envisagé, la part de marché du fonds de commerce cible est toujours inférieure à [10-20] %. Le fonds de commerce cible représente ainsi [10-20] % du négoce des tubes en cuivre à usage sanitaire et chauffage, [10-20] % du négoce des laminés cuivreux, [5-10] % de l’activité d’agence commerciale et trading de tubes à usage industriel, médical et ACR en cuivre et [5-10] % de l’activité d’agence commerciale et trading des fils et méplats émaillés.

19. Compte tenu du faible niveau des parts de marché à l’amont et à l’aval, les fabricants concurrents de Viohalco continueront donc de disposer de débouchés alternatifs auprès de distributeurs indépendants autres que le fonds de commerce cible et les distributeurs concurrents de ce dernier continueront à disposer de fournisseurs alternatifs.

20. Au regard de ce qui précède, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 14-159 est autorisée.

 

NOTES :

1 Le capital de Genecos est détenu à 60 % par Hellenic Cables et à 25 % par Halcor, le solde étant détenu par Monsieur Robert Monnot (10,5 %) et des membres de sa famille (participations inférieures à 3 %).

2 Hellenic Cables est détenue à 72,53 % par Halcor qui est détenue à 66,36 % par Viohalco SA. Les actionnaires minoritaires d’Hellenic Cables et d’Halcor ne disposent pas de droits de veto sur les décisions stratégiques et ces sociétés sont donc contrôlées exclusivement par Viohalco SA.

3 Voir la lettre C2005-27 du 29 juin 2005 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie aux conseils de la société Klöckner Distribution Industrielle SA relative à une concentration dans le secteur de la distribution de produits métallurgiques et les décisions de la Commission européenne COMP/M.4505 Freeport-McMoran Copper & Gold/Phelps Dodge Corporation du 20 février 2007, COMP/M.4781 Norddeutsche Affinerie/Cumerio du 23 janvier 2008, COMP/M.6316 Aurubis/Luvata Rolled Products du 8 août 2011 et COMP/M.6541 Glencore/Xstrata du 22 novembre 2012.

4 Voir notamment les décisions de la Commission européenne COMP/M.4505 Freeport-McMoran Copper & Gold/Phelps Dodge Corporation, COMP/M.4781 Norddeutsche Affinerie/Cumerio, COMP/M.6316 Aurubis/Luvata Rolled Products et COMP/M.6541 Glencore/Xstrata précitées.

5 Voir notamment les décisions de la Commission européenne précitées COMP/M.4781 Norddeutsche Affinerie/Cumerio et COMP/M.6316 Aurubis/Luvata Rolled Products du 8 août 2011.

6 Voir la lettre C2005-27 du 29 juin 2005 précitée et la décision de la Commission européenne n°IV/CECA.1268 du 4 février 1999 Usinor/Cockerill Sambre.

7 Voir notamment les décisions de la Commission européenne COMP/M.4505 Freeport-McMoran Copper & Gold/Phelps Dodge Corporation, COMP/M.4781 Norddeutsche Affinerie/Cumerio, COMP/M.6316 Aurubis/Luvata Rolled Products et COMP/M.6541 Glencore/Xstrata précitées.

8 Voir la lettre C2005-27 du 29 juin 2005 précitée et la décision de la Commission européenne n°IV/CECA.1268 précitée.

9 Le chevauchement d’activité ne concerne que la vente de tubes en cuivre à usage industriel, médical et ACR et les laminés en cuivre et en alliage cuivre/laiton. Le chevauchement est en effet marginal pour les ventes de tubes en cuivre à usage sanitaire et chauffage et inexistant pour les ventes des fils et méplats émaillés.

10 Le fond de commerce cible réalise environ 42 % de son chiffre d’affaires en se fournissant auprès du groupe Viohalco.