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Décisions

Cass. 1re civ., 22 septembre 2011, n° 10-23.073

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Cass. 1re civ. n° 10-23.073

21 septembre 2011

Attendu que la société à responsabilité limitée Strato-Ip, qui est un cabinet de conseil en propriété industrielle fondé par MM. X... et Y... devenus co-gérants de cette société, a demandé à M. Z... de développer un logiciel de gestion de titres de propriété intellectuelle intitulé Funky-Ip ; qu'en désaccord sur le montant de la rémunération concernant la conception et les conditions d'usage du logiciel, M. Z... a assigné la société Strato-Ip en contrefaçon du chef de l'utilisation du logiciel sans son autorisation ; que MM. X... et Y... sont intervenus volontairement à l'instance ;

Attendu que pour dire qu'en faisant usage de la structure de la base de données créée par M. Z... et associée au logiciel Funky-Ip, la société Strato-Ip a commis des actes de contrefaçon au préjudice de celui-ci, la cour d'appel énonce que M. Z... expose dans un courriel quelles options s'offraient à lui pour mettre en forme les informations provenant des clients de la société Strato-Ip qu'il y explique les raisons qui l'ont conduit à retenir l'option qu'il a choisie pour organiser les bases de données informatiques de l'application Funky-Ip et, par exemple, à utiliser deux identifiants distincts afin de conserver l'historique des modifications des informations, que M. Z... ne peut donc prétendre à la protection par le droit d'auteur que pour l'architecture de la base de données associée au logiciel, laquelle va au-delà d'une logique automatique et contraignante et porte l'empreinte de sa personnalité ;

Qu'en statuant ainsi quand ne sont protégeables par le droit d'auteur que les bases de données qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles originales ; qu'en retenant en l'espèce que M. Z... pouvait prétendre à la protection par le droit d'auteur pour l'architecture de la base de données associée au logiciel, sans préciser quels choix des matières ou quelle disposition de celles-ci avaient été opérés par M. Z... ni en quoi ils constitueraient des créations intellectuelles originales portant l'empreinte de sa personnalité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la société Strato-Ip avait commis des actes de contrefaçon, l'a condamnée à payer la somme de 10 000 euros à M. Z... et l'a enjointe sous astreinte de cesser ses agissements, l'arrêt rendu le 18 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne M. Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Z... ; le condamne à payer à la société Strato-Ip la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour la société Strato-Ip et MM. Y... et X....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit qu'en faisant usage de la structure de la base de données créée par Monsieur Bruce Z... et associée au logiciel FUNKY-IP, la Société STRATO-IP a commis des actes de contrefaçon au préjudice de celui-ci, et d'avoir en conséquence condamné cette société à verser à Monsieur Z... la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts, en lui enjoignant sous astreinte de cesser ses agissements ;

AUX MOTIFS QUE « les parties sont contraires sur le caractère original du logiciel développé par Monsieur Z..., celui-ci affirmant avoir effectué des choix révélant l'empreinte de sa personnalité et être l'auteur du code source ainsi que de l'interface graphique du logiciel et de l'application particulière qui lui est associée, les intimés répliquant que l'appelant ne rapporte pas la preuve de l'originalité des développements logiciels, s'étant borné à utiliser des logiciels tiers tels que NETBEANS, ECLIPSE, INTELLIJ IDEA, ULTRAEDIT 32, ANT ou MYSQL cités par Monsieur Z... lui-même dans ses écritures ; que, ceci exposé, il sera rappelé, à titre liminaire, que le recours à des logiciels tiers ou du domaine public, souvent nécessaire pour l'élaboration d'un logiciel, n'exclut pas ipso facto tout apport personnel original de la part du programmateur ; que pour démontrer un tel apport, Monsieur Z... a versé aux débats devant la Cour un document (pièce 21) dans lequel il ne se livre à aucun développement sur l'originalité du logiciel ; que rien n'est dit notamment sur le code source sur lequel il revendique pourtant des droits d'auteur et alors qu'il conteste la teneur du courrier électronique qu'il a adressé à Messieurs X... et Y... le 30 mai 2006, affirmant que le contenu en a été tronqué sans pour autant communiquer ledit courrier dans son intégralité, courrier dans lequel, répondant à une demande de signature d'un contrat de copropriété de la part de ces derniers, il s'exprimait ainsi : « Je comprends qu'étant donné toute votre implication pour me fournir un cahier des charges le plus précis possible, pour une conception et une réalisation qui colle au mieux à vos besoins, vous vous sentiez co-créateurs de l'outil. Avec un peu de recul, cela me semble justifiable … » ; qu'il était donc d'autant plus impératif pour l'appelant de décrire les problèmes que son programme permettait de résoudre et comment il y parvenait ; que font ainsi défaut les éléments permettant d'apprécier l'originalité du logiciel qui conditionne la protection que sollicite Monsieur Z..., comme l'architecture du programme avec l'enchaînement des instructions qui le composent et les choix des noms désignant les opérations dont il a défini le contenu et l'usage ; qu'en revanche, Monsieur Z... expose dans ce document quelles options s'offraient à lui pour mettre en forme les informations provenant des clients de la Société STRATO-IP ; qu'il y explique les raisons qui l'ont conduit à retenir l'option qu'il a choisie pour organiser les bases de données informatiques de l'application FUNKY-IP et, par exemple, à utiliser deux identifiants distincts afin de conserver l'historique des modifications des informations ; que Monsieur Z... ne peut donc prétendre à la protection par le droit d'auteur que pour l'architecture de la base de données associée au logiciel, laquelle va au-delà d'une logique automatique et contraignante et porte l'empreinte de sa personnalité, étant observé que les intimés, qui n'ont pas produit le cahier des charges, ne justifient pas avoir participé à l'élaboration de la structure de la base de données en donnant des directives sur ce point et ne peuvent donc arguer d'une qualité de coauteur sur celle-ci » ;

ALORS QUE sont protégeables par le droit d'auteur les bases de données qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles originales ; qu'en retenant en l'espèce que Monsieur Z... pourrait prétendre à la protection de droits d'auteur pour l'architecture de la base de données associée au logiciel, laquelle irait au-delà d'une logique autonome et contraignante et porterait l'empreinte de sa personnalité, au seul motif que Monsieur Z... aurait, dans un document versé aux débats, expliqué « les raisons qui l'ont conduit à retenir l'option qu'il a choisie pour organiser les bases de données informatiques de l'application FUNKY-IP et, par exemple, à utiliser deux identifiants distincts afin de conserver l'historique des modifications des informations », sans identifier ni préciser quels choix des matières ou quelle disposition de celles-ci avaient été opérés par Monsieur Z... et en quoi ces choix ou dispositions des matières constitueraient des créations intellectuelles originales portant l'empreinte de sa personnalité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1 et L. 112-3 du Code de la propriété intellectuelle.