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Décisions

ADLC, 11 mars 2014, n° 14-DCC-33

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Oralia par le groupe Nexity (groupe BPCE)

ADLC n° 14-DCC-33

10 mars 2014

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 4 février 2014, relatif à la prise de contrôle exclusif du groupe Oralia par la société Nexity SA, formalisée par un protocole d’acquisition du groupe Oralia conclu le 20 décembre 2013 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Nexity SA (ci-après « Nexity ») est la société tête du groupe Nexity actif dans les secteurs de la promotion et des services immobiliers en France et en Europe. Le groupe Nexity est notamment actif dans le secteur des services immobiliers auprès des particuliers et des professionnels (gestion locative, syndics de copropriété, gestion de résidences étudiantes, gestion de transactions d’achat/vente et de location, conseil et property management et courtage en assurances immobilières) par le biais de ses filiales et de deux réseaux de franchisés, Century 21 et Guy Hoquet. Nexity SA est contrôlée par le groupe Banque Populaire Caisse d’Épargne1 (ci-après « BPCE »), lequel exerce tous les métiers de la banque et de l’assurance.

2. Oralia Partenaires (ci-après « Oralia ») est la structure de tête du groupe Oralia qui est spécialisé dans les services immobiliers à destination des particuliers et notamment la gestion locative, la gestion de syndic ainsi que l’intermédiation dans les transactions d’achats/vente et de location. Le groupe exerce également de manière marginale une activité de co-courtage en produits d'assurances immobilières à destination de particuliers. Oralia dispose d’un réseau de 27 agences en France, principalement à Paris et à Lyon.

3. Oralia Partenaires, est actuellement contrôlée conjointement par BPCE et monsieur Serge Déglise via la société DS Finances. En effet, BPCE détient indirectement environ […] % du capital et Monsieur Serge Déglise, environ […] %. Monsieur Déglise, qui est le président d’Oralia, n’est pas membre du conseil de surveillance de cette société et n’exerce donc pas de droit de véto sur les décisions relatives au budget annuel et aux investissements supérieurs à 2 millions d’euros, qui relèvent de la seule compétence de BPCE. Monsieur Serge Déglise dispose toutefois de droits de vote multiples (à hauteur de […] %) pour toutes les décisions collectives ordinaires (à l’exception de celle relative à la nomination et à la révocation des membres du conseil de surveillance) et notamment l’approbation des comptes annuels et la nomination et révocation de son poste de président. A ce titre, il dispose, en vertu de l’article 14.8 des statuts de la société, de la possibilité de prendre toutes les décisions qui ne sont pas soumises à l’approbation du conseil de surveillance et notamment les décisions stratégiques relatives à la politique commerciale d’Oralia. BPCE et Monsieur Serge Déglise sont donc en mesure d’exercer conjointement une influence déterminante sur la société Oralia Partenaires, préalablement à l’opération notifiée.

4. L’opération notifiée consiste en l’acquisition par Nexity SA de 100 % du capital et des droits de vote d’Oralia Partenaires. En ce qu’elle se traduit par le passage du contrôle conjoint au contrôle exclusif du groupe Oralia par la société Nexity SA, l’opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

5. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d’affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros au dernier exercice clos (BPCE : 52,1 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2012 ; Groupe Oralia : […] d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (BPCE : 46,3 milliards d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2012 ; Groupe Oralia : […] d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

6. Les parties à l’opération sont simultanément présentes dans le secteur des services immobiliers à destination des particuliers.

7. Elles sont également présentes dans le courtage en assurances immobilières. Cependant dans la mesure où cette activité représente moins de […] d’euros de chiffre d'affaires pour Oralia sur un marché de près d’un milliards d’euros, elle ne sera pas examinée dans le cadre de la présente décision.

A. LES MARCHÉS DE SERVICES IMMOBILIERS

8. La pratique décisionnelle nationale2 et européenne3 a envisagé, tout en laissant la question ouverte, différentes segmentations dans le secteur des services immobiliers selon (i) les destinataires des services (particuliers ou entreprises), (ii) le mode de fixation des prix, (immobilier résidentiel libre et logements sociaux ou intermédiaires aidés), (iii) le type d’activité exercée dans les locaux (bureaux, locaux commerciaux et autres locaux d’activités), et (iv) la nature des services ou biens offerts.

9. En ce qui concerne la segmentation selon la nature des services ou des biens offerts, la pratique décisionnelle4 a envisagé de distinguer :

- la promotion immobilière qui comprend les activités de construction et de vente de biens immobiliers ;

- la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre ;

- la gestion d’actifs immobiliers pour compte de tiers ;

- l’administration de biens immobiliers qui recouvre les activités de gestion des immeubles pour le compte de propriétaires et qui peut être segmentée entre la gestion locative et la gestion de copropriété ;

- l’expertise immobilière ;

- le conseil immobilier ;

- l’intermédiation dans les transactions immobilières pour laquelle l’intermédiation dans les opérations d’achat/vente est distinguée de l’intermédiation dans les opérations de location.

10. En l’espèce, les parties à l’opération sont simultanément actives sur les marchés de la gestion de copropriété résidentielle, de la gestion locative de logements résidentiels, d’intermédiation à la vente de logements résidentiels et d’intermédiation à la location de logements résidentiels.

11. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces segmentations à l’occasion de la présente opération.

 

B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

12. La pratique décisionnelle considère que la plupart des marchés de services immobiliers sont de dimension infranationale, tout en laissant la question ouverte. S’agissant de l’Ile-de-France, la pratique décisionnelle5 a relevé que « la région parisienne possède des propriétés particulières de continuité des zones urbaines. En effet, il existe une vaste zone très urbanisée et homogène recouvrant la majeure partie de l’Ile-de-France, desservie par un réseau global de transport ; les habitants sont toujours en mesure d’arbitrer entre différentes parties de la région. Cette substituabilité entraîne une convergence au niveau des prix. Dès lors le niveau régional est le plus approprié pour l’analyse concurrentielle ». Pour les autres régions, les autorités de concurrence ont mené leurs analyses concurrentielles au niveau régional ou infrarégional. Elles ont ainsi examiné les effets d’une opération au niveau des villes, de l’aire urbaine, du département ou de la région6.

13. En tout état de cause, la question de la délimitation exacte des marchés géographiques du secteur de l’immobilier sera laissée ouverte car les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureraient inchangées quelles que soient les solutions retenues.

14. En l’espèce, Oralia dispose d’un réseau de 27 agences dont douze situées à Paris, neuf dans le département du Rhône (69) (six à Lyon et une à Tarare, Abresle et Villefranche-sur-Saône), trois à Grenoble et une à Bordeaux, Marseille et Dijon. L’analyse sera menée à la fois au niveau national, au niveau de chaque ville concernée ainsi qu’au niveau départemental pour le Rhône.

 

III. Analyse concurrentielle

15. La présente opération consiste dans le passage d’un contrôle conjoint à un contrôle exclusif d’Oralia. A l’occasion de précédentes affaires, les autorités de concurrence, tant nationale que communautaire, ont souligné que ce changement dans la nature du contrôle n’était généralement pas en lui-même susceptible de modifier significativement les conditions de l’exercice de la concurrence, à l’exception d’affaires plus complexes concernant notamment des parties en situation de concurrence avant la concentration7. Au cas d’espèce, Nexity et Oralia étaient actifs sur les mêmes marchés de produits avant la concentration. Dans ce contexte, le fait qu’une entreprise demeure seule en mesure d’exercer une influence déterminante sur la cible, sans avoir à composer avec les intérêts potentiellement différents d’autres partenaires et à coopérer avec eux, peut être de nature à modifier ses incitations et à produire des effets sur la structure concurrentielle du marché.

16. Par ailleurs, dans la mesure où Nexity contrôle les sociétés Century 21 France et Guy Hoquet l’Immobilier, qui sont à la tête de deux réseaux de franchise, il convient de s’interroger sur la prise en compte des parts de marché de ces deux réseaux dans l’analyse concurrentielle. A l’occasion de l’examen de l’acquisition de Nexity par le groupe Caisse d’Epargne, le ministre de l’économie8 avait considéré que les sociétés Century 21 France et Guy Hoquet l’Immobilier n’exerçaient pas de contrôle sur les adhérents de leur réseau de franchise, ces deux réseaux bénéficiant d’une autonomie totale dans la détermination de leur politique commerciale. En 2009, l’Autorité de la concurrence a confirmé l’analyse du ministre, considérant que « l’autonomie réelle des franchisés vis-à-vis des têtes de réseaux justifiait que leurs parts de marché ne soient pas prises en compte dans l’analyse ». En l’espèce, l’examen des contrats de franchise des réseaux Century 21 et Guy Hoquet fournis par les parties à l’appui de la notification de la présente opération a montré que l’analyse faite précédemment par le ministre et l’Autorité de la concurrence était toujours d’actualité.

17. Au niveau national, les parts de marché de la nouvelle entité seront inférieures à [5-10] % sur chacun des marchés des services immobiliers à destination des particuliers concernés, avec un incrément inférieur à [0-5] %. Les parties à l’opération indiquent que le leader du secteur est le groupe Foncia avec un réseau de plus de 600 agences. Elles resteront également confrontées à la concurrence des groupes Urbania–Adyal Citya, Procivis, Sergic, Akeris, Loiselet & Daigremont et Billon Immobilier.

18. Au niveau infranational, les parties sont simultanément actives dans les villes de Bordeaux, Grenoble, Marseille, Dijon, Paris, Lyon et dans le département du Rhône (6 agences à Lyon et une à Tarare, Abresle et Villefranche-sur-Saône). Pour l’ensemble de ces zones, la part de marché de la nouvelle entité restera inférieure à [20-30] % sur chacun des marchés des services immobiliers à destination des particuliers concernés. Les parties relèvent que ce secteur est très atomisé et qu'elles subissent sur chaque zone, outre la concurrence des groupes intégrés, la concurrence d'une multitude d'opérateurs locaux indépendants qui exercent une véritable pression concurrentielle en raison, notamment, de leur proximité avec les clients et de leur connaissance du marché local. Ainsi à Grenoble, où la part de marché de la nouvelle entité serait la plus élevée ([20-30] % sur le marché de la gestion de copropriété), les parties ont à faire face à la concurrence de plus de 100 agences immobilières, dont plus de 40 offrent des services de gestion de copropriété.

19. Il résulte de ce qui précède que l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés.

 

DECIDE

Article unique : l’opération notifiée sous le numéro 14-017 est autorisée.

 

NOTES :

1 Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi n° C2007-34 du 20 juin 2007 aux conseils du groupe Caisse d’Épargne, relative à une concentration dans le secteur des services immobiliers et décision n° 09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Épargne et Banque Populaire.

2 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-112 du 17 septembre 2010 relative à la prise de contrôle conjoint par Prédica et Altaréa de la société Alta Marigny Carré de Soie ; la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-13 du 29 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par Icade S.A. de la Compagnie la Lucette S.A, et la lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi C2008-49 du 9 juillet 2008 relative à une concentration dans le secteur de l’immobilier.

3 Voir notamment la décision de la Commission européenne COMP/M.3370, BNP Paribas/ARI, du 9 mars 2004.

4 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence 10-DCC-112 et 10-DCC-13 précitées.

5 Décision la décision C2006-151 du 10 janvier 2007 relative à une concentration dans le secteur du développement et de la gestion de parc immobilier à vocation essentiellement résidentielle, et C2004-79 du 28 juin 2004 relative à une concentration dans le secteur bancaire.

6 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n°13-DCC-19 du 18 février 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de plusieurs sociétés du groupe Urbania par la société Cytia Immobilier.

7 Voir notamment, au niveau national, les décisions de l’Autorité n° 11-DCC-34 du 25 février 2011 relative à l’acquisition du contrôle exclusif de Ne Varietur par GDF Suez et n°13-DCC-90 du 11 juillet 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon et, au niveau européen, la décision de la Commission européenne n° COMP/M.5141 KLM/Martinair du 17 décembre 2008

8 Lettre C2007-34 du 20 juin 2007, aux conseils du groupe Caisse d’Épargne, relative à une concentration dans le secteur des services immobiliers.