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Décisions

ADLC, 20 mai 2014, n° 14-DCC-68

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif du groupe PERL par le groupe Nexity (groupe BPCE)

ADLC n° 14-DCC-68

19 mai 2014

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 11 avril 2014, relatif à la prise de contrôle exclusif du groupe PERL par la société Nexity SA, formalisée par un contrat d’acquisition en date du 14 mars 2014 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Nexity SA (ci-après « Nexity ») est la société de tête du groupe Nexity actif dans les secteurs de la promotion et des services immobiliers en France et en Europe. Le groupe Nexity est notamment actif dans le secteur des services immobiliers auprès des particuliers et des professionnels (gestion locative, syndics de copropriété, gestion de résidences étudiantes, gestion de transactions d’achat/vente et de location, conseil et property management et courtage en assurances immobilières) par le biais de ses filiales et de deux réseaux de franchisés, Century 21 et Guy Hoquet. Nexity SA est contrôlée par le groupe Banque Populaire Caisse d’Épargne1 (ci-après « BPCE »), lequel exerce tous les métiers de la banque et de l’assurance.

2. PERL est une société par actions simplifiée active dans le secteur du démembrement de propriété (usufruit et nue-propriété) dans le secteur de l’immobilier résidentiel. Son activité consiste à identifier et acquérir des actifs immobiliers résidentiels neufs (principalement des programmes de vente en l’état futur d’achèvement), à les valoriser par une opération de démembrement puis à revendre les droits issus de ce démembrement. PERL est active dans de nombreuses zones urbaines en France grâce à ses quatre implantations locales situées à Paris, Bordeaux, Nice et Lyon. PERL exerce également une activité marginale d’achat/vente de biens existants qui consiste à acheter en bloc la nue-propriété de biens immobiliers à des propriétaires institutionnels, l’usufruit étant conservé ou acquis concomitamment par les bailleurs sociaux et la nue propriété étant revendue en lots à des investisseurs privés.

3. L’opération notifiée consiste en l’acquisition par Nexity SA de 76,43 % des actions de PERL. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de PERL par la société Nexity SA, l’opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

4. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d’affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros au dernier exercice clos (BPCE : 49,9 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2013 ; Groupe PERL : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 mars 2013). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (BPCE : 44,1 milliards d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2013 ; Groupe PERL : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 mars 2013). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Les parties à l’opération sont simultanément présentes dans le secteur des services immobiliers à destination des particuliers.

 

A. LES MARCHÉS DE SERVICES IMMOBILIERS

6. La pratique décisionnelle nationale2 et européenne3 a envisagé, tout en laissant la question ouverte, différentes segmentations dans le secteur des services immobiliers selon (i) les destinataires des services (particuliers ou entreprises), (ii) le mode de fixation des prix, (immobilier résidentiel libre et logements sociaux ou intermédiaires aidés), (iii) le type d’activité exercée dans les locaux (bureaux, locaux commerciaux et autres locaux d’activités), et (iv) la nature des services ou biens offerts.

7. En ce qui concerne la segmentation selon la nature des services ou des biens offerts, la pratique décisionnelle4 a envisagé de distinguer :

- la promotion immobilière qui comprend les activités de construction et de vente de biens immobiliers ;

- la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre ;

- la gestion d’actifs immobiliers pour compte de tiers ;

- l’administration de biens immobiliers qui recouvre les activités de gestion des immeubles pour le compte de propriétaires et qui peut être segmentée entre la gestion locative et la gestion de copropriété ;

- l’expertise immobilière ;

- le conseil immobilier ;

- l’intermédiation dans les transactions immobilières pour laquelle l’intermédiation dans les opérations d’achat/vente est distinguée de l’intermédiation dans les opérations de location.

8. En l’espèce, PERL vend des biens résidentiels avec un démembrement de la propriété : il cède l’usufruit à des bailleurs sociaux et la nue-propriété à des investisseurs particuliers qui en reprennent la pleine propriété au terme d’une période de 10, 15 ou 20 ans. Cette technique permet aux bailleurs sociaux de financer des logements locatifs sociaux supplémentaires en mobilisant l’épargne des particuliers.

9. La partie notifiante considère alors que compte tenu de cette indivision de la propriété, PERL est active sur le marché de la vente de logements sociaux à destination des bailleurs sociaux et sur le marché de la vente de biens immobiliers neufs à destination des particuliers investisseurs. Elle indique à cet égard que la pratique décisionnelle a pu être amenée à envisager une segmentation plus fine du marché à destination des particuliers en tant qu’investisseur notamment pour des raisons fiscales5.

10. Nexity exerce une activité classique de promotion de logements sociaux qui consiste à construire et à vendre la pleine propriété de programmes immobiliers à des bailleurs sociaux, le plus souvent par un contrat de vente en l’état futur d’achèvement (ci-après « VEFA »).

11. La partie notifiante reconnaît toutefois que, du point de vue de la demande, les produits immobiliers proposés par Nexity et PERL sont en concurrence sur le marché de la vente de biens immobiliers neufs à destination des investisseurs particuliers. La partie notifiante a donc communiqué une estimation des parts de marché des parties sur le marché de la vente de logements à destination des bailleurs sociaux ainsi que sur le marché de la vente de biens immobiliers neufs à destination d’investisseurs particuliers.

12. La question de la délimitation exacte des marchés concernés par la présente opération peut toutefois être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées quelles que soient les délimitations retenues.

 

B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

13. La pratique décisionnelle considère que la plupart des marchés de services immobiliers sont de dimension infranationale, tout en laissant la question ouverte. S’agissant de l’Ile-de-France, la pratique décisionnelle6 a relevé que « la région parisienne possède des propriétés particulières de continuité des zones urbaines. En effet, il existe une vaste zone très urbanisée et homogène recouvrant la majeure partie de l’Ile-de-France, desservie par un réseau global de transport ; les habitants sont toujours en mesure d’arbitrer entre différentes parties de la région. Cette substituabilité entraîne une convergence au niveau des prix. Dès lors le niveau régional est le plus approprié pour l’analyse concurrentielle ». Pour les autres régions, les autorités de concurrence ont mené leurs analyses concurrentielles au niveau régional ou infrarégional. Elles ont ainsi examiné les effets d’une opération au niveau des villes, de l’aire urbaine, du département ou de la région7.

14. En l’espèce, la partie notifiante considère que le marché de la vente de logements à destination des bailleurs sociaux peut être considéré comme étant de dimension nationale ou infranationale, les négociations avec les bailleurs sociaux étant généralement menées au niveau local. De plus, Nexity et PERL disposent d’implantations locales leur permettant d’être présents sur l’ensemble du territoire vis-à-vis des bailleurs sociaux. La partie notifiante a ainsi communiqué une estimation des parts de marché dans les zones dans lesquelles les activités de Nexity et PERL en matière de vente de programmes immobiliers auprès de bailleurs sociaux se chevauchent, au niveau des agglomérations (à savoir Lyon, Nancy, Bayonne et Rouen), au niveau départemental (à savoir l’Ain (01), les Alpes-Maritimes (06), le Calvados (14), la Charente-Maritime (17), l’Ille-et-Vilaine (35), le Var (83), les Hauts-de-Seine (92) et le Val-de-Marne (94)) ainsi qu’au niveau régional (Île-de-France, Provence-Alpes-Côte-D’azur et Rhône-Alpes). Elle a également donné une estimation de sa part de marché au niveau national.

15. S’agissant de la dimension géographique du marché de la vente de biens immobiliers neufs à destination des investisseurs particuliers, les parties à l’opération considèrent qu’elle est de dimension nationale car en matière d’épargne immobilière, les critères d’investissement des épargnants particuliers ne seraient pas liés à la proximité de la localisation de l’actif mais à ses qualités et à ses perspectives de valorisation.

16. En tout état de cause, la question de la délimitation exacte des marchés géographiques de ces secteurs de l’immobilier sera laissée ouverte car les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureraient inchangées quelles que soient les solutions retenues.

 

III. Analyse concurrentielle

A. LE MARCHÉ DE LA VENTE DE PROGRAMMES IMMOBILIERS NEUFS À DESTINATION DES BAILLEURS SOCIAUX

17. De manière générale, l’opération entraîne des chevauchements limités d’activité, tant au niveau national, où la part de marché de la nouvelle entité est estimée à [0-5] %, qu’au niveau régional, avec des parts de marché cumulées de l’ordre de [5-10] % en Île-de-France, [0-5] % en Rhône-Alpes et [5-10] % en Provence-Alpes-Côte-D’azur.

18. Au niveau des agglomérations, les parties sont simultanément actives dans le Grand Paris ainsi que dans les villes de Lyon, Bayonne, Rouen, Nancy. Au niveau départemental, elles interviennent toutes deux dans les départements de l’Ain (01), des Alpes-Maritimes (06), du Calvados (14), de Charente-Maritime (17), d’Ille-et-Vilaine (35), du Var (83), des Hauts-de-Seine (92) et du Val-de-Marne (94). Sur chacune de ces zones, la part de marché de la nouvelle entité restera inférieure à [10-20] %.

19. Les parties à l’opération indiquent en outre qu’elles resteront confrontées à la concurrence de plusieurs opérateurs intervenant notamment dans le domaine d’activité de PERL, tels qu’Iplus, Fidexi, Vivalib, le groupe Areal et notamment sa filiale IRG Immobilier ainsi que Nue-Pro Select.

20. Il résulte de ce qui précède que l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la vente de programme immobiliers neufs à destination des bailleurs sociaux.

 

B. LE MARCHÉ DE LA VENTE DE PROGRAMMES IMMOBILIERS NEUFS À DESTINATION DES INVESTISSEURS PARTICULIERS

21. La partie notifiante estime la position de la nouvelle entité sur le marché national de la vente de programmes immobiliers neufs à destination des investisseurs particuliers à [10-20] %, avec une addition de part de marché de [0-5] % pour PERL.

22. Il résulte de ce qui précède que l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la vente de programmes immobiliers neufs à destination des investisseurs particuliers.

 

DECIDE

Article unique : l’opération notifiée sous le numéro 14-046 est autorisée.

NOTES :

1 Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi n° C2007-34 du 20 juin 2007 aux conseils du groupe Caisse d’Épargne, relative à une concentration dans le secteur des services immobiliers et décision n° 09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Épargne et Banque Populaire.

2 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-112 du 17 septembre 2010 relative à la prise de contrôle conjoint par Prédica et Altaréa de la société Alta Marigny Carré de Soie ; la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-13 du 29 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par Icade S.A. de la Compagnie la Lucette S.A, et la lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi C2008-49 du 9 juillet 2008 relative à une concentration dans le secteur de l’immobilier.

3 Voir notamment la décision de la Commission européenne COMP/M.3370, BNP Paribas/ARI, du 9 mars 2004.

4 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence 10-DCC-112 et 10-DCC-13 précitées.

5 Voir la décision C2007-67 / Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 18 juin 2007, aux conseils de la société Icade Capri, relative à une concentration dans le secteur de la promotion immobilière, publiée au BOCCRF n° 7 bis du 14 septembre 2007.

6 Décision C2006-151 du 10 janvier 2007 relative à une concentration dans le secteur du développement et de la gestion de parc immobilier à vocation essentiellement résidentielle, et C2004-79 du 28 juin 2004 relative à une concentration dans le secteur bancaire.

7 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n°13-DCC-19 du 18 février 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de plusieurs sociétés du groupe Urbania par la société Cytia Immobilier.