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Décisions

ADLC, 25 février 2015, n° 15-DCC-16

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la création d’une Société de Groupe d’Assurance Mutuelle (« SGAM ») par le Groupe La Mutuelle Générale et le Groupe Malakoff Médéric

ADLC n° 15-DCC-16

24 février 2015

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 23 janvier 2015, relatif au rapprochement entre le Groupe La Mutuelle Générale et le Groupe Malakoff Médéric, formalisé par un protocole de rapprochement en date du 22 janvier 2015 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Le Groupe Malakoff Médéric est un groupe de protection sociale, à but non lucratif, paritaire et mutualiste, composé de diverses entités et à la tête de filiales actives notamment dans les secteurs de la prévoyance, de l’assurance de personnes et de la gestion de portefeuille. Le groupe est ainsi présent dans les secteurs de la gestion de retraites complémentaires et de l’assurance de personnes.

2. Le Groupe La Mutuelle Générale est constitué des entités La Mutuelle Générale (ci-après « LMG »), de MG Union, de Mutaris Caution, de MG Services et de Taores. Le Groupe La Mutuelle Générale exerce également un contrôle conjoint, avec La Banque Postale, sur la société La Banque Postale Assurance Santé (ci-après « LBPAS »), active dans le domaine de l’assurance santé. Le Groupe La Mutuelle Générale est principalement présent dans le secteur de l’assurance de personnes.

3. Aux termes du protocole de rapprochement en date du 22 janvier 2015, l’opération consistera en la constitution d’une Société de Groupe d’Assurance Mutuelle (« SGAM »), à laquelle seront affiliées les différentes entités des parties dont les activités seront réorganisées atour de deux pôles : une union de groupe mutualiste (« UGM ») et un groupement paritaire de prévoyance (« GPP »). La création de la SGAM, ainsi que les réorganisations envisagées, établiront des liens de solidarité financière et de combinaison entre le Groupe La Mutuelle Générale et le Groupe Malakoff Médéric.

4. Les SGAM sont une forme juridique de société introduite par l’ordonnance n° 2001-767 du 29 août 2001 dans le code des assurances et portant transposition en droit français de la directive communautaire du 27 octobre 1998 relative à la surveillance des entreprises d’assurance faisant partie d’un groupe d’assurance1.

5. Selon les dispositions de l’article L. 322-1-2 du code des assurances, une SGAM est une entreprise dont l’activité principale consiste (i) « à prendre et à gérer des participations au sens du 2º de l'article L. 334-2 dans des entreprises soumises au contrôle de l’État en application de l'article L. 310-1 ou de l'article L. 310-1-1, ou dans des entreprises d'assurance ou de réassurance dont le siège social est situé hors de France » ou (ii) « à nouer et à gérer des liens de solidarité financière importants et durables avec des mutuelles ou unions régies par le livre II du code de la mutualité, des institutions de prévoyance ou unions régies par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale, des sociétés d'assurance mutuelle régies par le code des assurances, ou des entreprises d'assurance ou de réassurance à forme mutuelle ou coopérative ou à gestion paritaire ayant leur siège social dans un État membre de la Communauté européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ». L’article L.322-1-3 du même code précise que lorsque la SGAM entretient des liens de solidarité financière importants et durables qui ne résultent pas de participations financières avec des mutuelles, des institutions de prévoyance ou des sociétés d’assurance mutuelle, ces liens sont définis par une convention d’affiliation et la société peut être dénommée SGAM.

6. En l’espèce, le protocole de rapprochement signé entre les parties le 22 janvier 2015 prévoit que la SGAM sera en charge notamment de définir la stratégie du groupe en matière d’assurance, d’action sociale et de services. Le protocole de rapprochement prévoit également la combinaison des comptes des entreprises affiliées ainsi qu’un système de solidarité financière à deux niveaux (mécanisme de prévention puis mécanisme d’aide) au bénéfice des entreprises affiliées. Enfin, les moyens humains, commerciaux et de gestion, ainsi que les systèmes d’information et les fonctions support des parties seront mis en commun au sein d’une structure unifiée dont le budget sera placé sous le contrôle du directeur général de la SGAM.

7. La SGAM sera gouvernée par un conseil d’administration composé de […] membres répartis en […] collèges ([confidentiel]), composés chacun de […] administrateurs élus par l’assemblée générale. Au sein de l’assemblée générale, le Groupe Malakoff Médéric disposera de […] % des voix et le Groupe La Mutuelle Générale de […] % des voix.

8. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la constitution de la SGAM s’analyse comme la réunion d’activités d’entreprises antérieurement indépendantes au sein d’un seul et même ensemble économique, doté d’un pouvoir de gestion économique unique et durable, et qui sera contrôlé, de manière exclusive, par le groupe Malakoff Médéric. En conséquence, la présente opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

9. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaire hors taxe total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Groupe La Mutuelle Générale : 1,08 milliard d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2013 ; Groupe Malakoff Médéric : 3,5 milliards d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d’affaire supérieur à 50 millions d’euros (Groupe La Mutuelle Générale : 1,08 milliard d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2013 ; Groupe Malakoff Médéric : 3,5 milliards d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

10. Les parties à l’opération sont simultanément actives dans le secteur de l’assurance.

 

A. LES MARCHÉS AMONT DE PRODUITS D’ASSURANCE

11. Au sein du secteur de l’assurance, la pratique décisionnelle2 distingue, de manière constante, les assurances de personnes et les assurances de dommages (biens et responsabilités), chacune pouvant à leur tour être segmentée en autant de marchés qu’il existe d’assurances couvrant les différents types de risques, dans la mesure où, du point de vue de la demande, les assurances couvrant ces risques différents ne sont pas substituables. Concernant le marché des assurances de personnes, une segmentation supplémentaire peut être opérée entre les contrats d’assurance collective, conclus entre un assureur et un souscripteur distinct du bénéficiaire, et les contrats d’assurance individuelle où le souscripteur est également le bénéficiaire3.

12. Au cas d’espèce, les parties à l’opération sont simultanément actives en matière d’assurance de personnes. Les parties ont identifié les segments suivants sur lesquels leurs activités se chevauchent :

- le marché de la prévoyance4 qui regroupe les produits d’assurance destinés à couvrir les bénéficiaires contre une perte de revenus imprévisible (en cas de décès, d’invalidité ou d’incapacité) au moyen d’un versement sous la forme d’un capital ou d’une rente. Les parties sont actives sur les marchés de la prévoyance individuelle et collective ;

- le marché de l’assurance santé complémentaire5 qui regroupe les produits d’assurance garantissant les bénéficiaires en cas de maladie, d’accident ou de maternité et visant à faire bénéficier les assurés d’une couverture complémentaire des frais de santé. Les parties sont actives sur les marchés de l’assurance santé complémentaire individuelle et collective.

13. A l’exception de certaines assurances couvrant des risques de grande ampleur, la pratique décisionnelle considère que les marchés de l’assurance sont de dimension nationale compte tenu des préférences des consommateurs, de l’existence de législations et de contraintes fiscales nationales, de la structure actuelle de ces marchés ou encore des systèmes de régulation6 concernant ce secteur d’activités.

14. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations pour analyser les effets de la présente opération et la question de la délimitation des marchés sera laissée ouverte car, quelles que soient les délimitations retenues, les conclusions de l’analyse concurrentielle ne seront pas affectées.

 

1. LES MARCHÉS AVAL DE DISTRIBUTION DE PRODUITS DASSURANCE

15. La distribution de produits d’assurance consiste à commercialiser et assurer la gestion administrative des garanties ou contrats d’assurance dont le risque est porté par des assureurs tiers7. Les autorités de concurrence, tant européenne que nationales, ont laissé ouverte la question de la délimitation précise des marchés dans ce secteur, plusieurs segmentations étant envisagées8.

16. La pratique décisionnelle9 a ainsi envisagé un marché large de la distribution des produits d’assurance par des intermédiaires indépendants, comprenant tous les canaux de distribution : agents, courtiers, et autres intermédiaires (dont les banques), à l’exception toutefois de la distribution directe par les compagnies d’assurance. La pratique a également considéré un marché plus étroit du courtage d’assurance, comprenant ce seul canal de distribution.

17. Enfin, les marchés de la distribution de produits d’assurance peuvent également être segmentés en fonction de la catégorie de risques assurés (assurance de dommages et assurance de personnes) et selon la clientèle (entreprises ou particuliers).

18. En l’espèce, les parties sont simultanément actives sur le marché de la distribution de produits d’assurance pour compte de tiers.

19. La distribution de produits d’assurance a été considérée pour l’essentiel comme étant de dimension nationale10.

20. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l’occasion de la présente opération et la question de la délimitation exacte des marchés de la distribution de produits d’assurance sera laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle restent inchangées.

 

III. Analyse concurrentielle

21. Les marchés de l’assurance de personnes sont fortement atomisés avec 305 sociétés d’assurances, 43 institutions de prévoyance et 582 mutuelles ou unions de mutuelles agréées recensées en 2014. Au total, sur chacun des marchés de l’assurance concernés par la présente opération, la part de marché de la nouvelle entité sera inférieure à [10-20] % :

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22. Sur ces marchés la nouvelle entité demeurera confrontée à la concurrence exercée par de nombreux groupes tels qu’Axa, AG2R La Mondiale ou encore Groupama.

23. Au regard des positions que détiendra la nouvelle entité l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés du secteur de l’assurance que ce soit par le biais d’effets horizontaux ou verticaux.

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 14-187 est autorisée.

 

NOTES :

1 Ordonnance n° 2001-767 du 29 août 2001 portant transposition de la Directive 98/78/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 1998 sur la surveillance complémentaire des entreprises d’assurance faisant partie d’un groupe d’assurance et modifiant le Code de la sécurité sociale et le Code de la mutualité, JORF n°201 du 31 août 2001, p. 13965, texte n°11

2 Voir notamment les décisions de la Commission européenne COMP/M.5083 - Groupama / OTP Garancia du 15 avril 2008, COMP/M.3556 - Fortis / BCP du 19 janvier 2005, ainsi que les décisions n° 13-DCC-84 du 4 juillet 2013, relative à l'affiliation de la mutuelle interprofessionnelle SMI à la société de groupe d'assurance mutuelle Covéa, n° 10-DCC-52 du 2 juin 2010 relative à la création d’une Société de Groupe d’Assurance Mutuelle (« SGAM ») par la MACIF, la MAIF et la MATMUT, n°11-DCC-97 du 29 juin 2011 relative à l'affiliation de l'institution de prévoyance Apgis à la société de groupe d'assurance mutuelle Covéa et n° 14-DCC-84 du 20 juin 2014 relative à la prise de contrôle conjoint du groupe Primonial par les sociétés Crédit Mutuel Arkéa et Primonial Management.

3 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° COMP / M.5083 précitée et les décisions n° 09-DCC-61 du 4 novembre 2009 relative aux prises de contrôle exclusif de la mutuelle Altéis et de la mutuelle Releya par la mutuelle Prévadiè et 14-DCC-84 précitée.

4 Voir notamment les décisions n° 10-DCC-138 du 19 octobre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de MFPrévoyance par CNP Assurances et n° 11-DCC-156 du 24 octobre 2011 relative à la fusion par absorption des mutuelles Adrea Mutuelle (mutuelle absorbante), Adrea Mutuelle Bourgogne, Adrea Mutuelle Pays de Savoie, Adrea Mutuelle Muti, Adrea Mutuelle Franche-Comté, Adrea Mutuelle Unilia, Adrea Mutuelle Centre Auvergne et à l’apport du portefeuille d’Adrea Mutuelle Pays de l’Ain à Adrea Mutuelle.

5 Voir notamment les décisions de l’Autorité n° 11-DCC-97 précitée et n° 12-DCC-11 du 3 août 2012 relative à la fusion par absorption des mutuelles Harmonie Mutualité, Mutuelle Existence, Prévadiès, Santévie, Santévie MP et Spheria Val-de-France par Harmonie Mutuelle

6 Voir notamment la décision n°10-DCC-52 précitée.

7 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie C2008-77 du 28 octobre 2008 aux conseils de la société Mutuelle Harmonie Mutualité et la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-138 du 19 octobre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de MFPrévoyance par CNP assurances.

8 Voir notamment la lettre du ministre C2008-77 précitée, la décision de l’Autorité n°10-DCC-138 précitée et la décision de l’Autorité de la concurrence n°13-DCC-126 du 5 septembre 2013 relative à la prise de contrôle de la société Sofaxis par la société d’assurance mutuelle Sham.

9 Voir notamment la décision n° 12-DCC-111 précitée.

10 Ibid.