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Décisions

ADLC, 27 février 2015, n° 15-DCC-19

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Abylsen par le groupe Naxicap Partners

ADLC n° 15-DCC-19

26 février 2015

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 28 janvier 2015, relatif à la prise de contrôle exclusif du groupe Abylsen par Naxicap Partners, formalisée par un contrat de cession en date du 13 février 2015 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. La société Naxicap Partners (ci-après « Naxicap ») est détenue à 100 % par Natixis Global Asset Management, elle-même détenue à 100 % par Natixis, laquelle est majoritairement détenue par la société Banque Populaire et Caisse d’Epargne (ci-après « BPCE »). Naxicap est une société de gestion de portefeuille qui intervient en accompagnement de projets de capital développement, de réorganisation du capital, de diversification du patrimoine des dirigeants, de financement de la transmission et de la création, avec des interventions en fonds propres. Son activité porte principalement sur les petites et moyennes entreprises. Naxicap détient notamment une participation contrôlante dans la société MC2I Groupe (ci-après « MC2I »), via la holding Concerto Finance1, qui est active dans le secteur du conseil en systèmes d’information.

2. Abylsen est un groupe de sociétés détenues et gérées par la société CG holding, holding financière détenue par Vespa Capital ([…] %), Michel Abecassis ([…] %) et le management ([…] %). Abylsen est un groupe de conseil en ingénierie industrielle spécialisée qui assure des prestations d’ingénierie et de conseil en technologies. Le groupe Abylsen est présent en Suisse, Belgique, Allemagne et en France.

3. Aux termes d’un contrat de cession d’actions en date du 13 février 2015, Naxicap s’est engagée à faire acquérir par une société nouvellement créée (ci-après « Newco ») 100 % du capital et des droits de vote d’Abylsen. Au terme de l’opération, Naxicap détiendra directement et indirectement, via la société Thohr qu’elle détient à […] %, {…] % du capital d’Abylsen. Les […] % restants seront détenus par le management d’Abylsen.

4. Le projet de pacte entre associés de Newco prévoit qu’il sera doté d’un conseil de surveillance qui se prononcera sur l’ensemble des décisions stratégiques. Les décisions suivantes seront notamment soumises à l’autorisation préalable du conseil : l’approbation ou la modification du budget annuel et du business plan et, l'engagement de toute dépense d'investissement, d'achat d'immobilisation ou d'actifs (y compris sous forme d'options) dont le montant supérieur à cent mille euros pour l'exercice considéré. Le conseil de surveillance sera composé de 5 membres, dont trois nommé par Naxicap et un nommé par Thohr. Dans la mesure où décisions seront prises à la majorité simple, Naxicap disposera de la majorité au sein du conseil de surveillance

5. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif du groupe Abylsen par BPCE, via Naxicap, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

6. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d’affaires hors taxes sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (BPCE : […] d’euros au cours de l’exercice clos le 31 décembre 2013 ; Abylsen : […] d’euros au cours de l’exercice clos au 31 décembre 2013). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (BPCE : […] d’euros au cours de l’exercice clos le 31 décembre 2013 ; Abylsen […] d’euros au cours de l’exercice clos le 31 décembre 2013). Compte tenu des chiffres d’affaires des entreprises concernées, elle ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés à l’article L. 430-2-I du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

7. Abylsen est active sur les marchés des services d’ingénierie et des études techniques. Par ailleurs, Naxicap, via MC2I, est active sur les marchés des services informatiques dont certains segments présentent des liens de connexité avec les services d’ingénierie et des études techniques.

 

A. L’INGÉNIERIE ET LES ÉTUDES TECHNIQUES

1. LES MARCHÉS DE SERVICES

8. Les services en ingénierie et études techniques correspondent à l’ensemble des prestations fournies au cours du cycle de vie d’un produit, à chaque étape de la conduite de projets (R&D, développement, ingénierie et process, réalisation, exploitation et maintenance). Ces services se retrouvent dans de nombreux domaines d’activités tels que l’industrie, l’énergie, le transport, l’environnement, le BTP et les services publics.

9. Les autorités de concurrence2 ont envisagé plusieurs segmentations possibles dans le secteur des services en ingénierie et études techniques, sans trancher définitivement la question. Elles ont a ainsi envisagé de définir un marché du conseil en technologies, un marché de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, distincts des autres services en ingénierie et études techniques. Elles se sont également interrogées sur la pertinence d’une segmentation du marché des services d’ingénierie en fonction des secteurs d’intervention. A ce titre, les services offerts respectivement dans les secteurs de l’aéronautique, de la défense, des télécommunications, de l’énergie, du ferroviaire, du transport, de l’industrie, de la banque et de l’assurance peuvent être considérés comme autant de marchés pertinents3.

10. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l’occasion de cette décision. En l’espèce, Abylsen est active sur le marché du conseil en technologies dans les secteurs de la banque, l’assurance, l’automobile, l’aéronautique, l’aérospatial, l’industrie lourde, le transport, l’énergie et la pharmaceutique.

 

2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

11. Si la pratique a généralement retenu des marchés de dimension nationale, elle a aussi envisagé qu’ils puissent être de dimension infranationale4 selon le type de clientèle et les missions concernées.

12. En l’espèce, les opérateurs du marché proposent une offre de services large, leur permettant d’intervenir par le biais de réseaux d’envergure nationale sur des marchés de tailles variées, tout comme leurs principaux concurrents. En outre, leurs principaux clients sont des groupes industriels de dimension au moins nationale.

 

B. LES SERVICES INFORMATIQUES

1. LES MARCHÉS DE SERVICES

13. La pratique décisionnelle5 a examiné la délimitation des marchés pertinents du secteur des services informatiques, tout en laissant la question ouverte. La pratique décisionnelle a ainsi considéré que sept catégories fonctionnelles de services pouvaient être distinguées au sein du marché des services informatiques : (i) les services de gestion globale, (ii) les services de gestion d’entreprise, (iii) le développement et l’intégration de logiciels, (iv) le conseil, (v) la maintenance de logiciels et de support logistique, (vi) la maintenance de matériels informatiques et de support logistique, et (vii) l’enseignement et la formation. Il n’a toutefois pas été exclu que ces sept catégories de services puissent être considérées comme appartenant à un marché global des services informatiques dans la mesure où les clients recherchent en général un service intégrant l’ensemble des activités décrites ci-dessus et qu’il existe un fort degré de substituabilité du côté de l’offre.

14. En l’espèce, MC2I est active sur les segments des services de gestion globale, des services de gestion d’entreprise et des services de conseil.

15. Différentes segmentations alternatives ou complémentaires ont aussi été envisagées selon :

le type de clientèle : PME/PMI ou grands comptes ;

les types de systèmes d’information et de communication : (i) les systèmes d’applications de gestion, qui incluent les services informatiques utilisés pour remplir une fonction horizontale au sein des entreprises ou des administrations, (ii) les systèmes d’applications scientifiques techniques industrielles embarquées, (iii) les systèmes d’applications génériques, (iv) les systèmes d’infrastructures IT et (v) les systèmes d’infrastructures de communication et de réseaux d’entreprise ;

le secteur d’activité, à savoir : (i) les communications, (ii) l’enseignement, (iii) l’énergie et les réseaux locaux, (iv) les services financiers, (v) le secteur public, (vi) la santé, (vii) l’industrie, (viii) le commerce et la distribution, (ix) les services et (x) le transport.

16. En l’espèce, MC2I est active sur le segment de marché « grands comptes ». Concernant les types de systèmes d’information, MC2I est principalement active sur les segments des systèmes d’applications de gestion, des systèmes d’applications génériques et systèmes d’infrastructures IT. Enfin, MC2I est présente sur les secteurs suivants : l’énergie, les services financiers, le secteur public, les média, la santé, l’industrie, la distribution, les services, le transport.

 

2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

17. Les autorités de concurrence6 ont, à plusieurs reprises, retenu que les marchés des services informatiques étaient de dimension nationale, notamment en raison de la nécessité pour les prestataires de ces services de communiquer régulièrement dans la langue de leurs clients et de maintenir une relative proximité avec ces derniers.

18. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l’occasion de cette décision.

III. Analyse concurrentielle

19. Aucune des sociétés dans lesquelles les fonds gérés par la BPCE détiennent une participation contrôlante n’est présente sur le même secteur ou un secteur aval ou amont à ceux d’Abylsen. Il en résulte aucun chevauchement horizontal ou vertical. En revanche, les services informatiques relatifs à la gestion globale, à la gestion d’entreprise et au conseil, sur lesquels MC2I est active, présentent des liens de connexités avec les activités de services en ingénierie et études techniques d’Abylsen.

20. Une concentration est susceptible d’emporter des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d’exploiter un effet de levier. L’entreprise augmente ainsi les ventes d’un produit sur un marché en exploitant la forte position sur le marché d’un autre produit auquel le premier produit est lié ou groupé.

21. Toutefois, en l’espèce, sur le marché global des services informatiques, les parties ont estimé que leurs parts de marché cumulées seraient inférieures à [0-5] % quelles que soient les segmentations retenues. De même, sur les marchés de l’ingénierie et des études techniques, Abylsen a une part de marché inférieure à [0-5] % quelles que soient les segmentations concernées.

22. En outre, la nouvelle entité fera face à plusieurs concurrents importants présents à la fois sur les marchés des services informatiques et sur les marchés de l’ingénierie et des études techniques tels qu’Altran et Alten.

23. Compte tenu de ces éléments, la présente opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets congloméraux.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 15-010 est autorisée.

 

NOTES :

1 Naxicap détient une participation de […] % dans Concerto Finance aux côtés de son management ([…] %), de la direction générale ([…] %) et de ses fondateurs ([…] %).

2 Notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n°10-DCC-164 précitée et n° 14-DCC-08 du 22 janvier 2014 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe Ortec de la société Financière Sonovision ; décision de la Commission européenne M.2645 Saab / WM-Data AB / Saab Caran / JV du 6 décembre 2001.

3 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie du 27 novembre 2003, les décisions de l’Autorité de la concurrence n°11-DCC-131 et n° 14-DCC-08 du 22 janvier 2014 précitée.

4 Décision de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-08 du 22 janvier 2014 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe Ortec de la société Financière Sonovision et n° 14-DCC-160 du 30 octobre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de SFR par le groupe Altice.

5 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n°13-DCC-100 du 7 août 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Osiatis par la société Econocom Group, n° 14-DCC-56 du 14 avril 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Groupe Euriware par la société Capgemini France et n° 14-DCC-160 du 30 octobre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de SFR par le groupe Altice. Voir également les décisions de la Commission européenne n°M.2365 du 4 avril 2001, Schlumberger / Sema ; n°2609 du 31 janvier 2002, HP / Compa, n°3555 du 9 septembre 2004, Hewlett – Packard / Synstar ; n°3571 du 18 novembre 2004, IBM / Maerskdate / DMData ; n°M.3995 du 1er décembre 2005, Belgacom / Telindus, n°M.5197 du 25 juillet 2008, HP / EDS et n°M.5301 Cap Gemini / BAS du 13 octobre 2008.

6 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-56 du 14 avril 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Groupe Euriware par la société Capgemini France et n° 14-DCC-160 du 30 octobre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de SFR par le groupe Altice, ainsi que la décision n° M.5301 de la Commission européenne.