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Décisions

Cass. soc., 2 octobre 1991, n° 87-45.668

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cochard

Rapporteur :

M. Boittiaux

Avocat général :

M. Graziani

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Me Cossa

Paris, 18e ch. A, du 29 sept. 1987

29 septembre 1987

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... a été engagé le 3 juillet 1980 par la société anonyme Soparind, aux droits de laquelle vient la société anonyme Cogesti, société du groupe X..., pour exercer des fonctions de directeur général des établissements Lerebourg, autre société du groupe X... ; que, le 3 mars 1981, il a été nommé directeur général de cette société par le conseil d'administration ; qu'il a été révoqué de son mandat social le 15 juin 1982 et licencié, pour faute grave, par la société anonyme Soparind, le 6 juillet 1982 ;

Attendu que la société anonyme Cogesti fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 29 septembre 1987) d'avoir admis l'existence d'un contrat de travail entre elle et M. Y..., et retenu la compétence de la juridiction prud'homale, alors que, d'une part, selon le moyen, le prétendu contrat de travail conclu entre M. Y... et la société Soparind ayant pour unique objet la direction générale de la société Lerebourg, se confondait nécessairement avec le mandat social dont il était investi par le conseil d'administration de cette société au titre de directeur général ; qu'en effet, ce directeur général se trouvait, selon les dispositions mêmes de la charte de poste de directeur général" à laquelle la cour d'appel se réfère, "contrôlé directement par la direction générale du groupe qui représente celui-ci dans les conseils d'administration, conseils de surveillance ou assemblée d'actionnaires de la filiale", ses fonctions étant exercées dans la limite des statuts, règlements et directives établis à ce sujet par la direction générale du groupe, dont il devait obtenir l'autorisation préalable pour les opérations les plus importantes ; que la direction générale du groupe, en représentant ainsi le groupe comme l'énonce la charte de poste de directeur général, agissait, vis-à-vis du directeur général de la filiale, non en tant qu'employeur, mais comme représentant de l'actionnaire majoritaire au conseil d'administration de la filiale ; que M. Y... avait bien été nommé directeur général par le conseil d'administration de la société Lerebourg, présidée par M. X..., et dans lequel le groupe était représenté par la direction générale du groupe ; que, partant, la rémunération versée à M. Y... ne correspondait pas à un travail effectif mais rémunérait ses fonctions de directeur général, même si elle était versée par la société Cogesti, puisque, aussi bien, comme l'a constaté elle-même la cour d'appel, cette dernière recevait 0,75 % du chiffre d'affaires de la filiale dirigée par M. Y... afin de s'en rembourser ; qu'en se fondant sur un prétendu lien de subordination matériel envers la direction générale du groupe dont il n'est pas prouvé qu'elle ait été l'employeur de M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1710 du Code civil et dénaturé la charte de poste de directeur général en violation de l'article 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, que le cumul entre un mandat social et des fonctions salariées n'est possible qu'à la condition que ces dernières correspondent à un emploi subordonné effectif, distinct du mandat social, en contrepartiee duquel est versé un salaire distinct de la rétribution du mandat ; qu'en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que M. Y... ne remplissait et n'avait jamais rempli que la fonction de mandataire social d'une filiale du groupe pour laquelle il avait été engagé, la cour d'appel a violé les articles 1710 et 1134 du Code civil ; et alors, enfin, que la possibilité donnée à un directeur général d'exercer en tant que salarié ce mandat contrevient au principe de la libre révocation de ce mandataire social ; qu'en retenant que les relations entre la société Cogesti et Michel Y... ont été celles d'un contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 116 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu que, sans dénaturation, la cour d'appel a constaté l'existence d'un lien de subordination de M. Y... vis-à-vis de la société Soparind et de son président-directeur général qui l'obligeait à en référer pour toute question importante, la réalité d'une rémunération versée directement par cette société et l'exercice, par M. Y..., des fonctions pour lesquelles il avait été engagé ; qu'elle a pu décider que M. Y... était lié à la société Soparind par un contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer différentes sommes au titre de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de congés payés, alors que, selon le moyen, la société Cogesti faisait valoir, dans ses conclusions délaissées, qu'en raison des occupations fort nombreuses de M. X..., M. Y... bénéficiait de la plus grande liberté dans la gestion de la société Lerebourg ; que celle-ci allait malheurement se révéler désastreuse entre octobre 1980 et le 19 juin 1982, puisqu'elle devait se solder par la perte des trois quarts du capital social ; que la perte annoncée par M. Y... en 1981 de 545 000 francs se trouvait fixée à la somme de 16 387 424,75 francs ; que, de la même façon, celle annoncée pour 1982 de 1 900 000 francs se trouvait déjà au 30 avril de 3 133 000 francs ; que ces chiffres montraient combien il était impossible de laisser M. Y... à la direction de la société, qui, par ailleurs, avait préconisé la reprise d'une activité de compote de pommes en se prévalant d'une analyse technique qu'il affirmait avoir été sérieusement effectuée et qui s'avéra catastrophique et qui encore avait contracté des baux dépassant très largement la limite qui lui était assignée par le conseil d'administration ; que, saisie de ces conclusions qui démontraient l'incurie ou la négligence du directeur général de nature à mettre en péril l'entreprise elle-même, la cour d'appel, qui a pourtant relevé la détérioration grave de la situation des établissement Lerebourg pendant la gestion de M. Y..., qui bénéficiait pourtant d'un large pouvoir de décision et de suggestion, n'a pas, en refusant d'y voir une faute grave justifiant un licenciement immédiat, tiré de ses constatations les conséquences légales qui en résultaient au regard des articles L. 122-6 et L. 122-8 du Code du travail, qu'elle a violés ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que si, pendant la durée de son emploi, la situation de l'entreprise Lerebourg s'était détériorée et avait obtenu de très mauvais résultats, le comportement du salarié n'avait pas révélé une incapacité et une incurie de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée de préavis ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.