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Décisions

ADLC, 26 janvier 2016, n° 16-DCC-11

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif par la société FPLPH (groupe Casino) de deux magasins de commerce de détail à dominante alimentaire

ADLC n° 16-DCC-11

25 janvier 2016

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 18 décembre 2015, relatif à la prise de contrôle exclusif par la société Franprix Leader Price Holding de deux magasins de commerce de détail à dominante alimentaire exploités sous enseigne « U Express », formalisée par une lettre d’offre contresignée en date du 13 octobre 2015 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Le groupe Casino, acteur français de la distribution à dominante alimentaire, gère un parc de plus de 14 500 magasins (hypermarchés, supermarchés, magasins de proximité, magasins discompteurs) sous enseignes notamment Franprix, Géant Casino, Casino Supermarché, Petit Casino, Spar, Vival, Monoprix et Leader Price. Le groupe est également présent dans le secteur de la distribution sur internet de produits non alimentaires avec l’enseigne Cdiscount.

2. Il est composé de plusieurs filiales, parmi lesquelles la société Franprix Leader Price Holding (ci-après « FPLPH »). FPLPH est une société par actions simplifiée dont l’objet social est notamment l’animation et la prise de participation de sociétés exploitant des magasins sous les enseignes Franprix et Leader Price.

3. Les cibles de l’opération sont deux magasins de commerce de détail à dominante alimentaire1 exploités sous enseigne « U Express », actuellement contrôlées par les Coopérateurs de Normandie-Picardie, coopérative régionale active dans le nord ouest de la France.

4. L’opération, formalisée par une lettre d’offre contresignée en date du 13 octobre 2015, consiste en la cession par Les Coopérateurs de Normandie-Picardie à la société FPLPH des fonds de commerce de deux magasins de commerce de détail à dominante alimentaire, ainsi que de la propriété des murs de l’un d’entre eux2. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de deux magasins de commerce de détail à dominante alimentaire par FPLPH, l’opération constitue une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

5. Conformément à l’article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa, du Règlement n°139/2004 auquel renvoie l’article L.430-2 du code de commerce, « […] deux ou plusieurs opérations au sens du premier alinéa qui ont eu lieu au cours d’une période de deux années entre les mêmes personnes ou entreprises sont à considérer comme une seule concentration intervenant à la date de la dernière opération ». En l’espèce, la présente opération fait suite à deux opérations intervenues entre les mêmes parties – à savoir le groupe Casino et la société les Coopérateurs de Normandie-Picardie - dans une période inférieure à deux années3. Dans ces conditions, il y a lieu d’inclure ces deux précédentes cessions dans le périmètre de l’opération à examiner au cas d’espèce.

6. Les entreprises concernées exploitent plusieurs magasins de commerce de détail et réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 75 millions d’euros (Casino : 48,5 milliards d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2014 ; les cibles : […] d’euros4). Elles réalisent en France, dans le secteur du commerce de détail, un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros (Casino : 20,4 milliards d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2014 ; les cibles : […] d’euros). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatives à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

7. Les marchés concernés par l’opération relèvent du secteur de la distribution à dominante alimentaire.

8. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de concurrence, deux catégories de marchés peuvent être délimitées dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s’agit des marchés « aval » qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et des marchés « amont » de l’approvisionnement sur lesquels les entreprises en tant qu’acheteurs sont en contact avec les fabricants des produits.

 

A. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

1. MARCHES DE PRODUITS

9. En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la Commission européenne5 a retenu l’existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales6.

10. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

 

2. MARCHES GEOGRAPHIQUES

11. Du point de vue géographique, la pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence considère que les marchés de l'approvisionnement sont de dimension nationale7.

12. Il n’y a pas lieu de remettre en cause la pratique décisionnelle dans le cadre de la présente opération.

 

B. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE DETAIL A DOMINANTE ALIMENTAIRE

1. LES MARCHES DE PRODUITS

13. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, la pratique décisionnelle8 distingue six catégories de commerce de détail de biens de consommation courante, en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés (magasins à dominante alimentaire d’une surface légale de, (v) les maxi-discompteurs, (vi) la vente par correspondance.

vente supérieure à 2500 m²), (ii) les supermarchés (entre 400 et 2500 m²), (iii) le commercespécialisé, (iv) le petit commerce de détail(moins de 400m²), (v)les maxi-discompteurs, (vi)la vente parcorrespondance.

14.La pratique décisionnelle précise toutefois que les seuils de surfaces doivent être utilisés avecprécaution, et peuvent être adaptés au cas d’espèce, car des magasins dont la surface est situéeà proximité d’un seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, peuvent se trouver en concurrencedirecte avec les magasins d’une autre catégorie.

15.Les autorités de concurrence considèrent que, si chaque catégorie de magasin conserve saspécificité, il existe une concurrence asymétrique entre certaines de ces catégories. Pour laprovinceet la proche banlieue parisienne,elles distinguent ainsi9: (i) un marchécomprenantuniquement les hypermarchés, et (ii) un marché comprenant les supermarchés et les formes de commerce équivalentes (hypermarchés, hard-discount et magasins populaires)hormis le petitcommerce de détail (moins de 400m²).

16.En l’espèce,la surface des points de vente cibles est comprise entre 400 m² et 2500 m².L’opération sera doncanalysée sur le marché des supermarchéset formes de commerce équivalentes.

2.MARCHES GEOGRAPHIQUES

17.Il ressort de la pratiquedécisionnelle10que les conditions de la concurrence s’apprécient surdeux zones différentes selon la taille des magasins:

 

-un marché où se rencontrent la demande des consommateurs et l’offre dessupermarchés et formesde commerce équivalentes situés à moins de 15minutes detemps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuventcomprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situésà proximité desconsommateurs et les magasins discompteurs;

-un second marché où se rencontrent la demande des consommateurs d’une zone etl’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes dedéplacement en voiture et qui sont, deleur point de vue, substituables entre eux.

18.Cependant l’attractivité de magasins de même format peut varier selon ladensité et la qualitéde l’équipementcommercial d’une zone.Les caractéristiques socio-économiques de la zoneconcernée (densité de la population, activité économique, géographie, état du réseau routier)peuvent également conduire à affiner, au cas d’espèce, les délimitations usuelles présentéesci-dessus.La présencede drives dans la zonede chalandise peutêtreprise encompte de manière qualitative.

19.En l’espèce, lespointsde vente ciblessontsituésà Caudebec-lès-Elbeuf (76) et Rouen (76).L’analyse concurrentielle sera par conséquentmenée sur le marché incluant l’ensemble deshypermarchés, supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans deszonesde chalandise de 15 minutesautour despointsde vente cibles.

 

III. Analyse concurrentielle

A. MARCHES AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

20. En ce qui concerne les marchés amont de l’approvisionnement, l’opération ne concerne que deux supermarchés, dont le montant cumulé des achats totaux s’élève à environ […] d’euros pour l’année 2015, ce qui représente moins de [0-5] % du marché de l’approvisionnement. La puissance d’achat du groupe Casino n’est donc pas susceptible d’être renforcée, tous produits confondus comme par catégories de produits, du fait de l’opération.

21. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché amont de l’approvisionnement.

 

B. MARCHES AVAL DE LA DISTRIBUTION DE DETAIL A DOMINANTE ALIMENTAIRE

22. L’opération emporte un chevauchement d’activités entre les magasins cibles et d’autres magasins détenus par le groupe Casino dans les deux zones de chalandise.

23. Dans ces deux zones, la part de marché cumulée des parties restera inférieure à [10-20] % à l’issue de l’opération. La nouvelle entité restera en outre confrontée dans ces zones à la concurrence d’au moins cinq groupes de distribution concurrents11. Dans la zone de Caudebec-lès-Elbeuf, la nouvelle entité fera notamment face à la concurrence de Carrefour, qui détient [40-50] % de part de marché sur la zone, et de Leclerc avec [30-40] % de part de marché. Dans la zone de Rouen, les principaux concurrents sont les suivants : Système U ([20-30] % de part de marché), ITM ([20-30] %), Carrefour ([10-20] %) et Leclerc ([10-20] %).

24. L’opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence dans les zones Caudebec-lès-Elbeuf (76) et Rouen (76).

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 15-239 est autorisée.

 

NOTES :

1 Ces magasins de commerce de détail à dominante alimentaire sont situés à Caudebec-lès-Elbeuf (76) et Rouen (76).

2 Le magasin dont la propriété des murs sera cédée à la société FPLPH à l’occasion de la présente opération est celui de Caudebec-lès-Elbeuf.

3 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n°14-DCC-11 du 28 janvier 2014 relative à la prise de contrôle par la société Franprix Leader Price Holding de 47 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire Le Mutant et de 22 fonds de commerce de boucherie et 14-DCC-146 du 8 octobre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif par la société Casino Guichard-Perrachon de 63 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire.

4 L’exercice considéré pour la présente opération est celui clos le 31 décembre 2014 ; pour les deux précédentes cessions, il s’agit des exercices clos les 31 décembre 2012 et 2013.

5 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne M.1684, Carrefour / Promodès du 25 janvier 2000 ; et M.2115, Carrefour / GB, du 28 septembre 2000.

6 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur de la distribution de détail à dominante alimentaire : C2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C2006-15 Carrefour/ Groupe Hamon du 14 avril 2006, C2007-172 relative à la création de l’entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008, ainsi que les décisions de l’Autorité de la concurrence n°11-DCC-45 du 18 mars 2011 relative à l’acquisition du contrôle exclusif du fonds de commerce de l’hypermarché Cora Desmarais par la société Sodex Desmarais, n°13-DCC-12 et n°13-DCC-112 précitées.

7 Voir notamment les décisions de la Commission COMP/M.1684 du 25 janvier 2000 et COMP/M.4096 du 4 mai 2006 précitées et les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 12-DCC-63 du 9 mai 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA et n°14-DCC-173 précitée.

8 Voir, par exemple, les décisions de l’Autorité de la concurrence n°12-DCC-63 du 9 mai 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA, n°13-DCC-90 du 11 juillet 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon, ainsi que les décisions de l’Autorité de la concurrence n°13-DCC-71 du 24 juin 2013 relative à la prise de contrôle exclusif du fonds de commerce de la société financière RSV par la société Carrefour et n°14-DCC-173 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Dia France SAS par la société Carrefour France SAS.

9Voir parexempleles décisionsn°13-DCC-90(paragraphe 21et suivants)etn°14-DCC-173(paragraphes21 et suivants)précitées.

10Voir notamment les décisionsde l’Autoritédela concurrence n°11-DCC-04du 28 janvier 2011 relative à la prise de contrôle exclusifdela société Maficalpar la société ITM Alimentaire Région parisienne; ladécision n°11-DCC-05 du17 janvier 2011 relative à laprisedecontrôleexclusif de la sociétéDistri Sud-Ouest par la société RetailLeaderPrice Investissement, et lesdécisionsn°11-DCC-45, n°12-DCC-63n°13-DCC-12, n°13-DCC-112et n°14-DCC-196 précitées, .

11 A Rouen : Carrefour, ITM, Leclerc, Système U, Auchan, Lidl et Aldi ; à Caudebec-lès-Elbeuf : Carrefour, Leclerc, Lidl, Aldi, ITM.