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Décisions

ADLC, 25 juillet 2016, n° 16-DCC-110

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif de la société Trocadéro Participations par Naxicap Partners

ADLC n° 16-DCC-110

24 juillet 2016

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 24 juin 2016, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Trocadéro Participations par Naxicap Partners formalisée par un contrat de cession d’actions en date du 7 juin 2016 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. La société Naxicap Partners (ci-après, « Naxicap ») est détenue à 100 % par Natixis, laquelle est majoritairement détenue par la société Banque Populaire et Caisse d’Epargne (ci-après, « BPCE »). Naxicap est une société de gestion de portefeuille qui intervient en accompagnement de projets de capital développement, de réorganisation du capital, de diversification du patrimoine des dirigeants, de financement de la transmission et de la création, avec des interventions en fonds propres. Son activité porte principalement sur les petites et moyennes entreprises.

2. La société Trocadéro Participations (ci-après, « Texa ») est contrôlée par les sociétés Trocadéro Participations II ([…] %), Texa Groupe Investissement ([…] %), Holding Belair ([…] %), FCPR Pragma II ([…] %) et par Texa Groupe Construction et son management ([…] %). Texa est principalement active sur le marché de l’expertise en assurance ainsi que sur le marché du diagnostic immobilier au travers de ses filiales Texa SAS, Eurisk SAS, CLE SAS, Geop SAS et AlloDiagnostic.

3. Aux termes d’un contrat de cession d’actions en date du 7 juin 2016, Naxicap s’est engagée à faire acquérir par une société nouvellement créée (ci-après, « Newco II ») 100 % du capital et des droits de vote des actionnaires de Texa. Au terme de l’opération, Naxicap détiendra directement et indirectement, via plusieurs fonds d’investissement qu’elle détient à titre exclusif, […] % du capital de Texa. Les […] % restants seront cédés au management de Texa, sans que ce dernier ne puisse exercer d’influence déterminante sur l’entreprise.

4. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de Texa et de l’ensemble de ses filiales par Naxicap, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Naxicap : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015 ; Texa : […] d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Naxicap : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015 ; Texa : […] d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

6. Texa est notamment active sur le marché de l’expertise en assurance. Le groupe BPCE, via la société Natixis Assurances, est actif quant à lui sur le marché aval de l’assurance de personnes et de l’assurance non vie, dont certains segments présentent des liens verticaux avec le marché de l’expertise en assurance.

 

A. MARCHÉ DE PRODUITS

7. A l’amont, la pratique décisionnelle européenne1 a segmenté le marché de l’expertise en assurance en distinguant (i) les services liés au calcul du montant du dommage et à la détermination de la responsabilité de l’assureur, (ii) les services de gestion des demandes d’indemnisation, (iii) les services de conseil en assurance et (iv) les services de rétablissement ou de remplacement de la propriété suite à une perte ou à un dommage.

8. Au cas d’espèce, la question de la définition précise du marché de l’expertise en assurance peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, l’analyse concurrentielle demeurera inchangée.

9. A l’aval, les autorités nationales et européennes de concurrence distinguent les marchés de l’assurance de personnes, de l’assurance dommages (biens et responsabilités) et de la réassurance2.

10. S’agissant de l’assurance de personne et de l’assurance dommages, les autorités de concurrence ont estimé qu’elles peuvent être segmentées en autant de marchés qu’il existe d’assurances couvrant les différents types de risques, dans la mesure où, du point de vue de la demande, les assurances couvrant ces risques différents ne sont pas substituables3. Concernant le marché des assurances de personnes, une segmentation supplémentaire peut être opérée entre les contrats d’assurance collective, conclus entre un assureur et un souscripteur distinct du bénéficiaire, et les contrats d’assurance individuelle où le souscripteur est également le bénéficiaire. De la même manière, concernant le marché des assurances de dommages, une segmentation supplémentaire peut être opérée entre les assurances à destination des particuliers et les assurances à destination des professionnels.

11. Au cas d’espèce, seul le groupe BPCE est actif en matière d’assurance de personnes via les sociétés BPCE Vie, BPCE Prévoyance et Natixis Life et actif en matière d’assurance non vie par le biais des sociétés BPCE Assurances et BPCE IARD.

12. La définition exacte de chacun des marchés examinés dans la présente décision peut toutefois être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées quelles que soient les segmentations retenues.

 

B. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

13. La pratique décisionnelle4 considère que le marché de l’expertise en assurance est de dimension nationale.

14. Par ailleurs, à l’exception de certaines assurances couvrant des risques de grande ampleur, la pratique décisionnelle considère que les marchés de l’assurance sont de dimension nationale compte tenu des préférences des consommateurs, de l’existence de législations et de contraintes fiscales nationales, de la structure actuelle de ces marchés ou encore des systèmes de régulation5 concernant ce secteur d’activités.

 

III. Analyse concurrentielle

15. Les parties à l’opération ne sont pas simultanément présentes sur les mêmes marchés. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur les marchés de l’assurance et de l’expertise en assurance. Les activités des parties présentent en revanche un lien vertical dans la mesure où, du fait de l’opération, les sociétés de Natixis Assurances pourront recourir aux services d’expertise en assurance de Texa.

16. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l’entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l’entreprise intégrée refuse d’acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. Cependant, la pratique décisionnelle écarte en pratique les risques de verrouillage lorsque la part de l’entreprise issue de l’opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.

17. Au cas d’espèce, la part de marché de Texa est estimée à [10-20] % sur le marché de l’expertise en assurance, quelle que soit la segmentation de marché retenue. De plus, la part de marché du groupe BPCE sur le marché global de l’assurance est inférieure à [0-5] %.

18. Par conséquent, tout risque de verrouillage de l’accès à la clientèle et de verrouillage de l’accès aux intrants peut être écarté.

19. L’opération n’est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux sur les marchés concernés.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 16-119 est autorisée.

 

NOTES :

1 Décision de la Commission européenne n° COMP/M.6752 – CVC/Cunningham Lindsey Group du 3 décembre 2012.

2 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne IV/M.862 AXA / UAP du 20 décembre 1996, COMP/M.2676 SAMPO / VARMA SAMPO / IF HOLDING / JV du 18 décembre 2001, COMP/M.3556 FORTIS / BCP du 19 janvier 2005, ainsi que les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Épargne et Banque Populaire, n° 10-DCC-52 du 2 juin 2010 relative à la création d’une SGAM par la MACIF, la MAIF et la MATMUT, n°11-DCC-11 du 27 janvier 2011 relative au rapprochement du groupe Aprionis et du groupe Vauban Humanis, n°11-DCC-215 du 29 décembre 2011 relative au rapprochement du groupe Humanis et du groupe Novalis Taitbout, n° 14-DCC-20 du 17 février 2014 relative à l’affiliation de la Mutuelle des personnels Air France à la Société de Groupe d’Assurance Mutuelle Macif et n° 14-DCC-109 du 28 juillet 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la Mutuelle Myriade par Eovi-MCD Mutuelle.

3 Voir par exemple la décision de la Commission européenne COMP/M.5083 GROUPAMA / OTP GARANCIA du 15 avril 2008 ainsi que les décisions précitées

4 Décision de la Commission européenne n° COMP/M.6752 – CVC/Cunningham Lindsey Group du 3 décembre 2012.

5 Voir par exemple la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-52 du 2 juin 2010 relative à la création d’une Société de Groupe d’Assurance Mutuelle par la MACIF, la MAIF et la MATMUT.