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Décisions

ADLC, 22 décembre 2016, n° 16-DCC-219

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif de la société Holding Groupe Dacquin par la société NGE SAS

ADLC n° 16-DCC-219

21 décembre 2016

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 21 novembre 2016, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Holding Groupe Dacquin par la société NGE SAS, formalisée par un contrat de cession d’actions et de garantie en date du 18 novembre 2016 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l’opération 1. NGE SAS (ci-après « NGE ») est une société par actions simplifiée contrôlée exclusivement par la société holding Financière Sainte Anne (ci-après « FSA ») qui détient [20-30] % de son capital et [50-60] % des droits de vote. Le reste du capital est détenu par plusieurs actionnaires minoritaires dont aucun ne dispose de droits de veto de nature à lui octroyer une influence déterminante sur les décisions stratégiques de la société1 . NGE est spécialisée dans les travaux publics et exerce ses activités au travers de plusieurs filiales (ci-après « le groupe NGE »). Le groupe NGE est organisé autour de sept principaux domaines d’activités : (i) bâtiments, (ii) terrassement et voiries et réseaux divers, (iii) canalisations et réseaux, (iv) travaux géotechniques et de sécurisation, (v) génie civil, (vi) route et équipements de la route et (vii) ferroviaire.

2. FSA est contrôlée exclusivement par la société Prométhée Group, maison mère du groupe Prométhée, elle-même contrôlée par M. [X]. Hormis le groupe NGE qui regroupe les activités de construction, les activités du groupe Prométhée sont réparties en différents pôles : hôtels, énergie, carrières, plantations, immobilier et le pôle cosmétiques.

3. La société Holding Group Dacquin (ci-après, avec ses filiales, « la cible »), société holding du groupe Dacquin, est détenue par les sociétés Infraconcept, actionnaire majoritaire, et GB finances ainsi que par des personnes physiques. Elle détient 100 % du capital des sociétés Dacquin SAS et Dacquin Logistique SAS. Le groupe Dacquin a pour activité la réalisation de travaux de fondations spéciales.

4. L’opération, formalisée par contrat de cession d’actions et de garantie en date du 18 novembre 2016, consiste en l’acquisition, par NGE, de la totalité du capital de la société Holding Groupe Dacquin. Cette opération, qui se traduit par la prise de contrôle exclusif de la cible par NGE, constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros au dernier exercice clos (groupe Prométhée : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015 ; groupe Dacquin : […] d’euros pour l’exercice clos le 30 juin 2016). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (groupe Prométhée : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015 ; groupe Dacquin : […] d’euros pour l’exercice clos le 30 juin 2016). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique. II. Délimitation des marchés pertinents

6. Au sein des activités de construction, la pratique décisionnelle opère une distinction entre, d’une part, le secteur des travaux publics, et d’autre part, celui du bâtiment. NGE est active sur les marchés des travaux publics et du bâtiment, tandis que la cible est présente uniquement sur le marché des fondations spéciales, qui est une sous-catégorie du marché des travaux publics.

A. LE SECTEUR DES TRAVAUX PUBLICS

7. Sur la base d’une nomenclature établie par la Fédération nationale des travaux publics (« FNTP »), les autorités de concurrence nationales ont considéré2 qu’au regard du niveau de spécialisation constaté pour ces différentes catégories de travaux, il convenait de distinguer plusieurs marchés au sein du secteur des travaux publics, à savoir :

- au sein des travaux routiers, les marchés de la fabrication des produits de revêtements de chaussée, d’une part, et un marché de la pose de ces revêtements, d’autre part ;

- les marchés du terrassement à l’air libre (simple et moyen et en grande masse) ;

- les marchés des travaux de voies ferrées ;

- les marchés des fondations spéciales ;

- les marchés des travaux de réseaux, canalisation et autres, en souterrain (dont les travaux de la filière eau) ;

- les marchés généraux du génie civil avec, en premier lieu, les ouvrages d’art et d’équipement industriel, le génie civil d’usines, le génie civil de stations de traitement des eaux et de réservoirs, en deuxième lieu, les travaux souterrains (ouvrages souterrains de circulation, d’adduction ou d’évacuation d’eau, de stockage) et en troisième lieu, les travaux en site maritime ou fluvial.

8. Il n’y a pas lieu de revenir sur cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

9. En l’espèce, NGE et la cible sont présents sur le marché des fondations spéciales. Les marchés du génie civil sont également concernés par l’opération dans la mesure où il existe un lien vertical entre les activités de NGE sur ces marchés et l’activité de fondations spéciales de la cible.

1. LES FONDATIONS SPÉCIALES

a) Le marché de produits

10. Selon la pratique décisionnelle3, les travaux de fondations spéciales regroupent un ensemble de techniques de travaux dans le sol destinées à donner à des constructions importantes l'assise nécessaire lorsqu'elles se situent sur des terrains nécessitant de réaliser au préalable des sondages ou des forages. Les entreprises de fondations spéciales interviennent fréquemment en collaboration d'entreprises de construction (sous forme de sous-traitance, de groupement ou de convention de partenariat), les travaux de construction de grands ouvrages comprenant généralement une part de travaux spéciaux.

11. Les autorités de concurrence ont envisagé une segmentation du marché général des fondations spéciales en fonction de la taille du chantier. Elles ont ainsi examiné les effets de l’opération sur les chantiers d’une valeur supérieure à cinq millions d’euros et ceux d’une valeur inférieure à cinq millions d’euros4.

12. La question de la délimitation exacte du marché peut toutefois rester ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées.

b) Le marché géographique

13. S’agissant du marché des fondations spéciales, les autorités de concurrence ont examiné les effets d’opérations dans ce secteur au niveau national5. Il n’y a pas lieu de revenir sur cette délimitation nationale des marchés à l’occasion de la présente opération.

2. LE GÉNIE CIVIL

a) Les marchés de produits

14. La pratique décisionnelle a défini un marché du génie civil général qui regroupe trois catégories de travaux : (i) les ouvrages d’art et d’équipement industriel réalisés à l’air libre (barrages, ponts, ouvrages de croisement à plusieurs niveaux, etc.), (ii) les travaux souterrains (ouvrages souterrains de circulation, d’adduction ou d’évacuation d’eau, etc.) et (iii) les travaux en site maritime ou fluvial (jetées, phares et balises, murs de quai, appontements, etc.)6.

15. Il n’y a pas lieu de revenir sur cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

16. En l’espèce, la cible réalise des fondations spéciales uniquement pour les ouvrages d’art et d’équipement industriel réalisés à l’air libre. Les marchés des travaux souterrains et en site maritime ou fluvial ne sont donc pas concernés par l’opération.

b) Le marché géographique

17. Selon la pratique décisionnelle nationale, le marché des ouvrages d’art et d’équipement industriel est de dimension nationale7. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

B. LE SECTEUR DU BATIMENT

1. MARCHÉS DE PRODUITS

18. Dans le secteur du bâtiment, la pratique décisionnelle distingue le gros œuvre, qui concerne la structure du bâtiment (fondation, murs, couverture, etc.), du second œuvre qui concerne pour sa part l’habillage et les équipements de ladite structure (réseaux d’alimentation divers, isolation, etc.) 8.

19. Sur ces deux marchés, la pratique décisionnelle envisage une première segmentation selon que les travaux sont effectués pour des clients professionnels (publics et commerciaux) ou des particuliers. Une seconde segmentation selon l’usage du bâtiment, faisant la distinction entre les bâtiments résidentiels et non résidentiels, a également été considérée.

20. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l’occasion de l’examen de la présente opération. En toute hypothèse, en l’absence de problème concurrentiel, la question de la délimitation exacte des marchés de gros œuvre en bâtiment peut demeurer ouverte.

21. En l’espèce, NGE est présent sur les marchés de gros œuvre en bâtiment et du second œuvre. En revanche, l’activité de la cible ne concerne que le gros œuvre en bâtiment, puisque les fondations spéciales ne sont pas utilisées pour les travaux de second œuvre.

2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

22. La pratique décisionnelle retient une dimension nationale pour les marchés de gros œuvre en bâtiment9.

23. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de l’examen de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

A. LES EFFETS HORIZONTAUX

24. Les activités des parties se chevauchent sur le marché des fondations spéciales. Selon les estimations des parties, la part de marché cumulée de la nouvelle entité est de [5-10] % sur ce marché. Elle fera face, à l’issue de l’opération, à la concurrence d’opérateurs importants, tels que Vinci [20-30] % de part de marché) et Fayat [10-20] % de part de marché).

25. Sur chacun des sous-segments envisagés par la pratique décisionnelle, la part de marché cumulée des parties n’excèdera pas [5-10] %. Sur chacun de ces segments, la nouvelle entité demeurera soumise à la concurrence exercée par Vinci, Fayat et Spie.

26. Compte tenu de ce qui précède, l’opération envisagée n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur le marché des fondations spéciales.

B. LES EFFETS VERTICAUX

27. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Deux types de verrouillage sont distingués. Dans le premier cas, l’entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou fournit cet intrant à un prix élevé, dans des conditions défavorables ou à un niveau de qualité dégradé (« verrouillage des intrants »). Dans le second cas, la branche aval de l’entreprise intégrée refuse d’acheter ou de distribuer les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux (« verrouillage de l’accès à la clientèle »). La pratique décisionnelle des autorités de concurrence écarte en principe les risques de verrouillage lorsque la part de l’entreprise issue de l’opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.

28. En l’espèce, la cible réalise des fondations spéciales pour des travaux de génie civil et de gros œuvre en bâtiment, marchés sur lesquels le groupe NGE intervient. Ainsi, à l’issue de l’opération, l’intégration verticale du groupe NGE sera renforcée, puisqu’il sera en mesure de proposer des travaux publics et des travaux de gros œuvre en bâtiment nécessitant des fondations spéciales relevant de la compétence de Dacquin, travaux pour lesquels il a actuellement recours à la sous-traitance. Quant à la cible, elle sera en mesure de répondre à des appels d’offres « multi-métiers » comprenant des lots de travaux publics et de gros œuvre en bâtiment autres que les fondations spéciales.

29. Toutefois, à l’issue de l’opération, la nouvelle entité disposera d’une faible part de marché sur les marchés aval concernés par l’opération. En effet, celle-ci sera inférieure à [0-5] % sur le marché du gros œuvre en bâtiment, quelle que soit la délimitation retenue. Sur les marchés du génie civil, la nouvelle entité aura une part de marché inférieure à [0-5] % quel que soit le segment considéré.

30. De plus, la nouvelle entité sera confrontée à la concurrence d’opérateurs importants sur ces marchés (type Vinci, Bouygues, Eiffage), qui sont, pour certains, eux-mêmes verticalement intégrés.

31. L’opération n’est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux.

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 16-239 est autorisée.

NOTES

1 Voir la décision n°16-DCC-160 du 24 octobre 2016 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Cardinal, Menuiserie Cardinal, Le Chêne Constructions et Les Crépis d’Armor par la société NGE SAS.

2 Voir les décisions n°16-DCC-160 du 24 octobre 2016 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Cardinal, Menuiserie Cardinal, Le Chêne Constructions et Les Crépis d’Armor par la société NGE SAS, n° 14-DCC-195 du 31 décembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Juwi EnR par la société Neoen, n° 09-DCC-43 de l’Autorité de la concurrence en date du 14 septembre 2009, l’avis du Conseil de la concurrence n° 01-A-08 du 5 juin 2001 relatif à l’acquisition du groupe GTM par la société Vinci ainsi que la lettre du ministre de l’économie du 1er décembre 2008 n° C2008-116.

3 Voir la décision COMP/M.4623 du 24 juillet 2007 Vinci/Solétanche.

4 Ibid.

5 Voir la lettre du ministre de l’économie du 1er décembre 2008 n° C2008-116 et la décision COMP/M.4623 du 24 juillet 2007 Vinci/Solétanche.

6 Voir notamment les décisions n°14-DCC-195 du 31 décembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Juwi EnR par la société Neoen, n°11-DCC-135 du 5 septembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de PPDC par NGE SAS et n° 09-DCC-43 de l’Autorité de la concurrence en date du 14 septembre 2009, l’avis du Conseil de la concurrence n° 01-A-08 du 5 juin 2001 relatif à l’acquisition du groupe GTM par la société Vinci, la décision COMP/M.4623 du 24 juillet 2007 Vinci/Solétanche.

7 Voir notamment les décisions n°14-DCC-195 et n° 10-DCC-05 précitées.

8 Voir les décisions de l’Autorité n°16-DCC-160 du 24 octobre 2016 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Cardinal, Menuiserie Cardinal, Le Chêne Constructions et Les Crépis d’Armor par la société NGE SAS, n° 13-DCC-88 du 23 juillet 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Carrard Services par la société TFN Propreté, n° 10-DCC-82 du 28 juillet 2010 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Faceo par Vinci Energies, n° 10-DCC-05 du 21 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Cari Holding par la société Fayat, la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 15 novembre 2007 aux conseils de la société Spie Batignolles SA, relative à une concentration dans le secteur des travaux de finition du bâtiment (C2007-132).

9 Voir notamment les décisions de l’Autorité n° 10-DCC-05 et n°10-DCC-82 précitées.