ADLC, 29 décembre 2016, n° 16-DCC-230
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle conjoint de Fonroche Energie par InfraVia Capital Partners et Eurazeo
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 6 décembre 2016, relatif à la prise de contrôle conjoint de Fonroche Energie par InfraVia Capital Partners et Eurazeo, formalisée par un protocole d’investissement en date du 1er décembre 2016 et un projet de pacte d’associés en date du 5 décembre 2016 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. InfraVia Capital Partners est une société d’investissement spécialisée dans le secteur des infrastructures. Elle gère les fonds structurés sous la forme de fonds professionnels de capital investissement et d’autres formes de véhicules de droit étranger InfraVia FCPI, InfraVia European Fund, InfraVia European Fund III FPCI et InfraVia European Fund III SCSp (ces deux derniers désignés collectivement « InfraVia European Fund III »). La société de gestion InfraVia Capital Partners est détenue par InfraVia Partners (65 %) et par OFI Asset Management (35 %), dont le capital est détenu par MACIF (60,9 %), Matmut (25,8 %) et Ofivalmo Partenaires (13,3 %), ses actionnaires étant toutefois dépourvu de droit de véto sur des décisions stratégiques.
2. Fonroche est la société de tête d’un groupe (ci-après, « Fonroche ») actif dans le domaine de l’énergie solaire1. Le capital de Fonroche est détenu par Yann Maus (52 %), Eurazeo (39 %) et deux personnes physiques. 3. Eurazeo est une société d’investissement cotée à la bourse NYSE-Euronext de Paris dont les participations interviennent dans les secteurs du capital investissement, de l’immobilier et dans des sociétés cotées. Les actionnaires d’Eurazeo sont plusieurs personnes physiques et morales sans qu’aucune ne soit en mesure d’exercer une influence déterminante sur ses décisions stratégiques.
4. L’opération, formalisée par un protocole d’investissement en date du 1er décembre 2016, consiste en l’acquisition par InfraVia Capital Partners et Eurazeo, par le biais de véhicules d’investissement, de 53,17 % et 46,83 % des actions et droits de vote de Fonroche, via NewCo, une société créée à cet effet. InfraVia Capital Partners et Eurazeo disposeront chacune du droit de nommer deux des quatre membres du comité de surveillance lequel prend les décisions relatives notamment au budget annuel et au business plan, aux investissements et au recrutement de certains directeurs. Ces décisions devront être prises à la majorité avec les votes positifs d’un représentant d’InfraVia Capital Partners et d’un représentant d’Eurazeo. InfraVia Capital Partners et Eurazeo disposeront donc d’un droit de véto sur les décisions stratégiques et exerceront conjointement une influence déterminante sur Fonroche.
5. L’opération consiste en la prise de contrôle conjoint de Fonroche par Eurazeo et InfraVia Capital Partners. Elle constitue donc une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
6. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Eurazeo : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015 ; InfraVia Capital Partners : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015 ; Fonroche Energie : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015). Deux d’entre elles réalisent en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Eurazeo : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015 ; Fonroche Energie : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique. II. Délimitation des marchés pertinents
7. L’opération en cause concerne le secteur des centrales photovoltaïques, où les parties à l’opération sont simultanément présentes à différents niveaux de la chaîne de production (développement, construction, exploitation et maintenance). En outre, InfraVia et Fonroche sont présentes en amont sur le marché de la production et de la vente en gros d’électricité.
A. LE SECTEUR PHOTOVOLTAÏQUE
1. MARCHÉ DE PRODUITS
8. L’Autorité de la concurrence a récemment envisagé, tout en laissant la question ouverte, que l’activité de construction de centrales photovoltaïques2 puisse constituer un sous-segment du marché des ouvrages d’art et d’équipement industriel3. La Commission a également définit un marché concernant les fermes éoliennes4 ainsi qu’un marché du développement, de la construction et de la promotion de fermes éoliennes. Elle a toutefois laissée ouverte les questions de la pertinence d’une définition plus étroite distinguant le développement et la promotion des fermes éoliennes en vue de leur vente à des tiers et de savoir si le marché du développement, de la construction et de l’exploitation des fermes éoliennes comprenait les services de maintenance des fermes a également été laissée ouverte. La question de l’analogie entre fermes éoliennes et centrales photovoltaïques a également été examinée5 et laissée ouverte.
9. En l’espèce, InfraVia détient le contrôle conjoint de deux sociétés disposant respectivement de 11 installations photovoltaïques en France6. Fonroche exploite 157 centrales solaires. Ces sociétés exploitent des parcs installés.
10. En tout état de cause, la définition précise de marché peut être laissée ouverte dans la mesure où l’opération ne soulève aucun problème de concurrence quelle que soit la définition de marché retenue.
2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
11. La pratique décisionnelle a considéré que le marché des ouvrages d’art et d’équipement industriel réalisés à l’air libre était de dimension nationale7.
12. La Commission a quant à elle laissé ouverte la définition des marchés géographiques s’agissant du marché du développement, de la construction et de l’exploitation de fermes éoliennes mais a examiné l’opération au niveau national8.
13. Il n’y pas lieu de remettre en cause la pratique décisionnelle dans le cadre de la présente opération, l’analyse sera donc menée au niveau national.
B. LA CONSTRUCTION D’OUVRAGES D’ART ET D’ÉQUIPEMENT INDUSTRIEL
1. MARCHÉ DE SERVICES
14. Sur la base d’une nomenclature établie par la FNTP (Fédération nationale des travaux publics), les autorités de concurrence nationales ont considéré9 qu’au regard du niveau de spécialisation constaté pour ces différentes catégories de travaux, il convenait de distinguer plusieurs marchés au sein du secteur des travaux publics, à savoir :
- au sein des travaux routiers, les marchés de la fabrication des produits de revêtements de chaussée, d’une part, et un marché de la pose de ces revêtements, d’autre part ;
- les marchés du terrassement à l’air libre (simple et moyen et en grande masse) ;
- les marchés des travaux de voies ferrées ; - les marchés des fondations spéciales ;
- les marchés des travaux de réseaux, canalisation et autres, en souterrain ; - les marchés généraux du génie civil avec, en premier lieu, les ouvrages d’art et d’équipement industriel, le génie civil d’usines, le génie civil de stations de traitement des eaux et de réservoirs et, en deuxième lieu, les travaux souterrains, et en troisième lieu, les travaux en site maritime ou fluvial.
15. En l’espèce, Fonroche est présente sur le marché des ouvrages d’art et d’équipement industriel réalisé à l’air libre et en particulier sur le segment de la construction de centrales photovoltaïques.
16. Il n’y a pas lieu de trancher la question de la délimitation exacte du marché des ouvrages d’art et d’équipement industriel dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées.
2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE
17. La pratique décisionnelle a considéré que le marché des ouvrages d’art et d’équipement industriel réalisés à l’air libre était de dimension nationale10. Il n’y pas lieu de remettre en cause la pratique décisionnelle de l’Autorité dans le cadre de la présente opération.
C. LA PRODUCTION ET LA VENTE EN GROS D’ELECTRICITE
1. MARCHÉ DE SERVICES
18. Les autorités de concurrence nationale et communautaire distinguent généralement les marchés de produits suivants, de l’amont à l’aval : (i) la production et la vente en gros, (ii) le négoce, (iii) le transport, (iv) la distribution et (v) la fourniture au détail d’électricité11.
19. Le marché de la production et de la vente en gros d’électricité comprend, du côté de l’offre, non seulement l’électricité produite par les centrales, mais également les importations d’électricité vers la France via les interconnexions. La pratique décisionnelle n’a pas considéré pertinent d’opérer une sous-segmentation au sein du marché de la production et de la vente en gros d’électricité en fonction du type d’énergie12.
20. En l’espèce, InfraVia et Fonroche sont présentes en amont sur le marché de la production et de la vente en gros d’électricité. Il n’y a pas lieu de remettre en cause la pratique décisionnelle de l’Autorité dans le cadre de la présente opération.
2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE
21. Les autorités de concurrence nationale et européenne13 ont généralement considéré que le marché de la production et de la vente en gros de l’électricité étaient de dimension nationale, notamment en raison de la diversité des systèmes réglementaires en vigueur.
III. Analyse concurrentielle
A. EFFETS HORIZONTAUX
22. Sur le marché des ouvrages d’art et d’équipement industriel sur lequel Fonroche est seule présente, les parties disposeront d’une part de marché inférieure à [0-5] %.
23. Plus spécifiquement, sur le marché du développement, de la construction, de l’exploitation et de la maintenance des centrales photovoltaïques, la part de marché des parties s’élève à environ [0-5] %. Ces parts de marché sont identiques en termes de capacité installée et de puissance raccordée. A l’issue de l’opération, la nouvelle entité demeurera confrontée à de nombreux concurrents comme Engie ([5-10] %), Neoen ([5-10] %) ou EDF ([0-5] %).
24. Sur le marché de la production et de la vente en gros d’électricité, la nouvelle entité disposera d’une part de marché estimée à [0-5] %. A l’issue de l’opération, la nouvelle entité restera confrontée à des concurrents plus importants comme EDF ([70-80] %), Engie ([5-10] %) ou CNR ([0-5] %).
25. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés du développement, de la construction, de l’exploitation et de la maintenance des centrales photovoltaïques ni sur le marché de la vente en gros d’électricité.
B. EFFETS VERTICAUX
26. Une concentration verticale peut également restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. L’Autorité considère cependant qu’il est peu probable qu’une entreprise ayant une part de marché inférieure à 30 % sur un marché donné puisse verrouiller un marché en aval ou en amont de celui-ci.
27. Sur le marché de la production et de la vente en gros d’électricité, la nouvelle entité disposera d’une part de marché estimée à [0-5] %.
28. Tout risque d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux entre le marché des centrales photovoltaïques et celui de la production peut donc être écarté compte tenu de la faiblesse des parts de marché des parties.
29. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur l’ensemble des marchés concernés.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 16-264 est autorisée.
NOTES
1 Préalablement à l’opération, les activités de géothermie, de biogaz et d’éclairage urbain de Fonroche seront restructurées afin de ne conserver que ses activités de fabrication et d’installation de solutions photovoltaïques et de production d’énergie photovoltaïque.
2 Voir la décision de l’Autorité n° 15-DCC-102 du 30 juillet 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de Solairedirect par GDF Suez.
3 Voir notamment l’avis du Conseil de la concurrence n° 01-A-08 du 5 juin 2001 relatif à l’acquisition du groupe GTM par la société Vinci, et les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-195 du 31 décembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Juwi EnR par la société Neoen, et n° 09-DCC-43 du 14 septembre 2009 relative à l’acquisition des sociétés Entreprise Malet et Entreprise Carceller par la société Spie Batignolles S.A. ».
4 Voir les décisions de la Commission européenne M.5366 Iberdrola Renovables/Gamesa du 4 décembre 2008 et M.6540 Dong Energy Borkum Riffgrund I Holdco/Boston Holding/Borkum Riffgrund I Offshore Windpark du 10 mai 2012.
5 Voir la décision n° 15-DCC-102 précitée. 6 InfraVia exploite également des installations dans les DROM, les chevauchements d’activité occasionné par l’opération n’interviennent toutefois qu’en France. 7 Voir notamment la décision n° 14-DCC-195 précitée. 8 Voir la décision de la Commission européenne M.5366 précitée.
9 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-195 du 31 décembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Juwi EnR par la société Neoen, n° 09-DCC-43 de l’Autorité de la concurrence en date du 14 septembre 2009, l’avis du Conseil de la concurrence n° 01-A-08 du 5 juin 2001 relatif à l’acquisition du groupe GTM par la société Vinci ainsi que la lettre du ministre de l’économie du 1er décembre 2008 n°C2008-116.
10 Voir la décision n° 10-DCC-05 du 21 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Cari Holding par la société Fayat.
11 Voir notamment les décisions de la Commission européenne n° COMP/M.5978 GDF Suez/International Power du 26 janvier 2011 ; décisions de l’Autorité de la concurrence n° 11-DCC-119 du 27 juillet 2011 relative à la prise de contrôle conjoint de GEG Energies Nouvelles et Renouvelables par la CDC et GEG, n° 11-DCC-41 du 11 mars 2011 relative à l’acquisition du contrôle exclusif par la société NeoElectra Group de certains actifs de la société SEEM et n°12-DCC-51 du 50 avril 2012 relative à la reprise des actifs de Photowatt International par EDF Energies Nouvelles Réparties.
12 Voir notamment la décision de la Commission européenne COMP/M.4517 Iberola/Scottish Power du 26 mars 2007 et la décision de l’Autorité de la concurrence n°11-DCC-119 précitée.
13 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° COMP/M.5978 et les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 09-DCC-28 et 12-DCC-51 précitées.