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Décisions

ADLC, 18 février 2016, n° 16-DCC-24

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier situé à Neuilly-sur-Seine par le Groupe Crédit Agricole et la Banque Fédérative du Crédit Mutuel

ADLC n° 16-DCC-24

17 février 2016

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 19 janvier 2016, relatif à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier situé à Neuilly-sur-Seine par le Groupe Crédit Agricole et la Banque Fédérative du Crédit Mutuel, formalisée par un projet de pacte d’associés, une promesse synallagmatique de vente du 4 décembre 2015 ainsi que par des statuts de la SCI MPA ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Groupe Crédit Agricole (ci-après « GCA ») est un groupe mutualiste français, offrant un large éventail de services bancaires et d'assurance. Le Groupe Crédit Agricole contrôle notamment la société Amundi Immobilier (ci-après « AI ») qui exerce une activité de développement, de structuration et de gestion de fonds immobiliers, notamment de bureaux, ainsi qu’une activité d’expertise en immobilier commercial, logistique, hôtellerie et résidentiel.

2. La société Banque Fédérative du Crédit Mutuel (ci-après « BFCM ») est la holding d’un groupe bancaire mutualiste constitué par les 11 fédérations régionales de Crédit Mutuel. Le groupe BFCM exerce une activité de banque détail, de banque de financement, de banque privée, d’assurance, de marché et de capital développement. La BFCM contrôle la société Assurances du Crédit mutuel vie SA (ci-après « ACM Vie SA ») qui commercialise des produits d’assurances de personne à destination de la clientèle de particuliers du groupe.

3. La cible de l’opération est un ensemble immobilier de bureaux situés 2-8 rue Ancelle à Neuilly-sur-Seine (92 200) d’une surface de 17 226 m² comprenant (i) des locaux à usage de bureaux d’une surface de 16 142 m², (ii) des locaux à usage d’archive d’une surface de 652 m², (iii) un local d’une surface de 432 m² à usage de restauration interentreprises, ainsi que (iv) de 199 places de stationnement. L’ensemble immobilier est détenu par la société Unibail investissement II. Il est loué à la [confidentiel] pour un loyer annuel de […] d’euros et génère ainsi un chiffre d’affaires.

4. L’opération notifiée, formalisée par les statuts constitutifs de la SCI MPA en date du 20 novembre 2015, un projet de pacte d’associés, ainsi qu’une promesse synallagmatique de vente en date du 4 décembre 2015, consiste en l’acquisition de l’ensemble immobilier cible par la société civile immobilière MPA, créée pour les besoins de l’opération, auprès de la société Unibail investissement II. En application des statuts de la SCI et du projet de pacte d’associés, la cible fera l’objet d’un contrôle conjoint des sociétés AI et ACM Vie SA dès lors que les décisions stratégiques, telles la nomination et la révocation des dirigeants, seront adoptées soit à la majorité des deux tiers soit à la majorité simple des associés1 lesquels détiennent respectivement 50 % des actions et des droits de vote. L’opération constitue ainsi une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaire hors taxe total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Groupe Crédit Agricole : […] d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2014 ; BFCM : […] d’euros pour le même exercice ; actif immobilier cible : […] d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d’affaire supérieur à 50 millions d’euros (Groupe Crédit Agricole : […] d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2014 ; BFCM : […] d’euros pour le même exercice ; actif immobilier cible : […] d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, les seuils prévus par l’article 1, paragraphe 2, a) et b) du Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sont franchis. Toutefois, chacune des entreprises concernées réalisant plus des deux tiers de son chiffre d’affaires dans l’Union européenne en France, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

6. L’opération entraîne un chevauchement d’activité dans le secteur des services immobiliers.

A. DÉLIMITATION DES MARCHÉS DE PRODUITS ET DE SERVICES

7. Les autorités de concurrence nationale2 et européenne3 ont envisagé, tout en laissant la question ouverte, différentes segmentations dans le secteur des services immobiliers selon (i) les destinataires des services (particuliers ou entreprises), (ii) le mode de fixation des prix (immobilier résidentiel libre et les logements sociaux ou intermédiaires aidés), (iii) le type d’activité exercée dans les locaux (bureaux4, les locaux commerciaux et autres locaux d’activités5 ), et (iv) la nature des services ou biens offerts.

8. Pour cette dernière segmentation, les services suivants ont été identifiés : (i) la promotion immobilière qui comprend les activités de construction et de vente de biens immobiliers ; (ii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre ; (iii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte de tiers (des investisseurs institutionnels, principalement des banques et des compagnies d’assurances) qui recouvre le conseil et la gestion de portefeuille immobilier (arbitrage et valorisation d’actifs), le montage des opérations d’investissement immobilier et la gestion d’actifs immobiliers et de véhicules d’investissements spécialisés (notamment les sociétés civiles immobilières) ; (iv) l’administration de biens immobiliers qui recouvre les activités de gestion des immeubles pour le compte de propriétaires et qui peut être segmentée entre la gestion locative et la gestion de copropriété ; (v) l’expertise immobilière ; (vi) le conseil immobilier ; (vii) l’intermédiation dans les transactions immobilières pour laquelle l’intermédiation dans les opérations d’achat/vente est distinguée de l’intermédiation dans les opérations de location.

9. Au cas d’espèce, les parties sont simultanément actives sur les marchés de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à usage de bureaux.

10. La question de la délimitation exacte des marchés du secteur de l’immobilier peut toutefois être laissée ouverte dans la mesure où elle est sans incidence sur l’analyse concurrentielle.

B. LES MARCHES GEOGRAPHIQUES

11. La pratique décisionnelle6 considère que les marchés de services immobiliers à destination des particuliers sont de dimension locale. Tout en laissant la question ouverte, la pratique décisionnelle a conduit également une analyse au niveau national pour des opérations réalisées par des groupes d’envergure nationale suivant une stratégie d’implantation dans des centres commerciaux selon une logique de maillage du territoire7.

12. S’agissant en particulier du marché de la détention et gestion pour compte propre d’actifs immobiliers, les autorités de concurrence ont mené leurs analyses concurrentielles au régional ou infrarégional.

13. En l’espèce, les parties à l’opération sont toutes actives en région Ile-de-France, dans le département des Hauts-de-Seine (92). A cet égard, la pratique décisionnelle8 a relevé que « la région parisienne possède des propriétés particulières de continuité des zones urbaines. En effet, il existe une vaste zone très urbanisée et homogène recouvrant la majeure partie de l'Ile-de-France, desservie par un réseau global de transports ; les habitants sont toujours en mesure d'arbitrer entre différentes parties de la région. Cette substituabilité entraîne une convergence des niveaux de prix. Dès lors, le niveau régional est le plus approprié pour l’analyse concurrentielle »9.

14. Au cas d’espèce, l’analyse sera donc conduite aux niveaux de la région Ile-de-France, du département des Hauts-de-Seine (92) et de la ville de Neuilly-sur-Seine.

15. La question de la délimitation exacte des marchés géographiques du secteur de l’immobilier peut toutefois être laissée ouverte dans la mesure où elle est sans incidence sur l’analyse concurrentielle.

III. Analyse concurrentielle

16. Au niveau régional (Ile-de-France) et départemental (Hauts-de-Seine (92)) les parties estiment détenir une part de marché inférieure à [0-5] %. Au niveau de la ville de Neuilly-sur-Seine la part de marché de la nouvelle entité sera inférieure à [5-10] % quelle que soit la segmentation retenue.

17. La nouvelle entité restera par ailleurs soumise à la concurrence de nombreuses sociétés foncières (telles que Gecina, Cilic, Unibail, Klépierre ou Société foncière Lyonnaise), des compagnies d’assurances (telles que Axa, Predica, CNP, Allianz, Generali, Groupama ou Macif) des fonds d’investissements (tels que Icade, Genica, Unibail Rodamco, La Française, Primonial ou Blackstone) ou des banques (telles que BNP Parispas, Deka, HSBC, Natixis, Crédit agricole).

18. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés de la détention et de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers.

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 15-243 est autorisée.

NOTES

1 Article 14 des statuts de la SCI MPA.

2 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 16-DCC-02 du 11 janvier 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier situé à Marseille par le groupe BPCE et la Caisse des Dépôts et Consignations ; n° 15-DCC-128 du 21 septembre 2015 relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier situé à Rennes par le groupe BPCE et la Caisse des Dépôts et Consignations ;n° 09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Épargne et Banque Populaire, n° 14-DCC-46 du 1er avril 2014 relative à la prise de contrôle conjointe d’un actif immobilier industriel en Moselle par la Norges Bank et Prologis ; n° 15- DCC-156 du relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier à usage de bureaux par Sogecap et Predica ainsi que la décision C2008-79 / Lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi du 22 août 2008, aux conseils des sociétés CDC et Eurosic, relative à une concentration dans le secteur de l’immobilier, BOCCRF N° 8 bis du 23 octobre 2008.

3 Voir les décisions de la Commission européenne COMP/M.2110 Deutsche Bank / SEI / JV du 25 septembre 2000, IV/M.2825 Fortis AG SA / Bernheim-Comofi SA du 9 juillet 2002 COMP/M.3370 BNP Paribas/ARI du 9 mars 2004. 4 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 12-DCC-156 du 12 novembre 2012 relative à la prise de contrôle conjointe d’une société civile immobilière pour l’acquisition d’un immeuble à usage de bureaux par CNP Assurance et Sogecap et n° 12-DCC-157 du 15 novembre 2012 relative à la prise de contrôle conjoint d’une société civile immobilière pour la détention d’un immeuble de bureaux situé à Lyon par les sociétés Prédica et la Caisse des Dépôts et Consignations. 5 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 13-DCC-146 du 22 octobre 2013 relative à la prise de contrôle conjoint d’une société civile immobilière pour la détention d’un actif immobilier à usage d’EHPAD par la Foncière Malherbe Claudel (Groupe Crédit Agricole) et la Caisse des Dépôts et Consignations.

6 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n°12-DCC-18 du 13 février 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société immobilière de location pour l’industrie et le commerce par la société Icade.

7 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi C2007-52, précitée et la décision de l’Autorité de la concurrence n°14-DCC-166 du 13 novembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif par Klépierre SA de Corio NV.

8 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-13 précitée et la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2006-151 du 10 janvier 2007 au conseil du groupe Société nationale immobilière, relative à une concentration dans le secteur du développement et de la gestion de parc immobilier à vocation essentiellement résidentielle.

9 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-67 du 19 mai 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la Société de la Tour Eiffel par la société Mutuelle du Bâtiment et des Travaux Publics et n° 14-DCC-103 du 10 juillet 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de SIIC de Paris par Eurosic.