Livv
Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 19 mai 2021, n° 18/02653

ROUEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Quick Love (SCI)

Défendeur :

Guintoli (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wittrant

Conseillers :

Mme de Surirey, M. Mellet

TGI Evreux, du 5 juin 2018, n° 14/05576

5 juin 2018

Le 14 février 2008, la Sci Quick Love a commandé à la Sarl De Montsec la construction d'un centre équestre moyennant un prix convenu de 1.205.018 euros. Le 23 novembre 2009, la Sas Guintoli a émis un devis n° 920572 portant sur des travaux de voirie au prix forfaitaire de 74.307,48 euros TTC. Le 3 décembre 2009, la société Volumes et images, maître d'oeuvre, a visé ce devis et émis l'ordre de service correspondant. Le 31 décembre 2019, la Sas Guintoli a facturé la Sarl De Montsec à hauteur de 81.048, 16 euros. Elle n'a pas été réglée.

Par jugement en date du 19 février 2010, la Sarl De Montsec a été placée en liquidation judiciaire.

Par ordonnance du 3 mars 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Evreux a désigné Monsieur Didier D. en qualité d'expert judiciaire.

La Sas Guintoli a déclaré sa créance le 6 avril 2010. Le 20 mai 2010, elle a mis a mis en demeure la Sci Quick Love de lui régler le montant de sa facture sur le fondement de l'action directe du sous-traitant.

Monsieur D. a déposé son rapport le 30 janvier 2013.

Par acte d'huissier signifié le 28 novembre 2014, la Sas Guintoli a fait assigner la Sci Quick Love devant le tribunal de grande instance d'Evreux qui, par jugement contradictoire en date du 5 juin 2018, a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement formulée à l'encontre de la Sci Quick Love au titre des engagements contractés en son nom par la Sarl De Montsec,

- condamné la Sci Quick Love à régler la somme de 81.048,16 euros à la Sas Guintoli,

- rejeté toutes autres demandes des parties,

- condamné la Sci Quick Love à verser à la Sas Guintoli la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sci Quick Love aux entiers dépens de la présente instance,

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur du tiers des condamnations prononcées.

Le tribunal a considéré que la convention conclue le 14 février 2008 entre les sociétés Quick Love et De Montsec était un contrat de promotion immobilière, cette dernière s'étant engagée à réaliser pour le maître de l'ouvrage un programme de construction défini contractuellement, pour un prix convenu, ainsi qu'à agir en tant que mandataire afin de procéder aux opérations administratives, juridiques et financières y concourant, moyennant une rémunération spécifique. A défaut de sous-traitance, il a donc rejeté les demandes fondées sur le non-respect de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975, mais y a fait droit sur le fondement invoqué subsidiairement, à savoir l'article 1998 du code civil, après avoir relevé que l'assignation en paiement délivrée sur le fondement délictuel avait efficacement interrompu la prescription. Les demandes reconventionnelles ont été rejetées, le tribunal ayant considéré qu'aucune faute de la Sas Guintoli n'était démontrée ni aucun lien de causalité avec la dégradation de la voirie.

Par déclaration reçue au greffe le 26 juin 2018, la Sci Quick Love a interjeté appel de la décision.

Par dernières conclusions notifiées le 7 septembre 2018, la Sci Quick Love, appelante, demande à la cour d'appel de :

dire et juger la Sci Quick Love recevable et bien fondée en son appel,

- en conséquence, infirmer la décision dont appel,

- en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement,

- en ce qu'elle a condamné la Sci Quick Love à régler à la Sas Guintoli la somme de 81.048,16 euros,

- en ce qu'elle a condamné la Sci Quick Love à payer à la Sas Guintoli la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- en ce qu'elle a condamné la Sci Quick Love aux dépens et en ce qu'elle a débouté la Sci Quick Love de ses demandes de condamnation de la Sas Guintoli à lui régler les sommes de 171.212,70 euros à titre de dommages et intérêts, de 6.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise et de procédure de référé.

statuant à nouveau de chef,

vu les articles L. 110-4 II du code de commerce et les articles 1134 et 1147 (anciens) du code civil,

- dire et juger la Sas Guintoli irrecevable car prescrite en sa demande de paiement de sa facture du 31 décembre 2009,

en tout état de cause,

- dire et juger la Sci Quick Love recevable et bien fondée à invoquer l'exception d'inexécution,

- débouter en conséquence la Sas Guintoli de toutes ses demandes,

subsidiairement,

- dire et juger que le montant du marché de la Sas Guintoli ne saurait excéder la somme de 74.307,48 euros TTC et débouter cette société de ses demandes plus amples,

en tout état de cause, vu l'article 1147 et/ou 1382 (anciens) du code civil,

- condamner la Sas Guintoli à payer à la Sci Quick Love la somme globale de 171.212,70 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la Sas Guintoli à payer à la Sci Quick Love la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la Sas Guintoli aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, lesquels comprendront les frais et honoraires de monsieur D., expert judiciaire, et les dépens du référé-expertise, dont distraction au profit de maître Aurélie B., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir en substance ce qui suit :

- la Sas Guintoli n'a pas la qualité de sous-traitante mais est intervenue en qualité d'entrepreneur principal titulaire du lot terrassement, dans le cadre du contrat de promotion immobilière confié à la Sarl De Montsec conformément à l'article 1831-1 du code civil ;

- la demande formée subsidiairement sur le fondement de l'article 1998 du code civil est atteinte par la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, puisqu'elle correspond au paiement d'une facture émise le 31 décembre 2009, et que le premier acte interruptif valant demande en paiement sur le fondement contractuel est daté du 22 avril 2016 ;

- les demandes formées par voie d'assignation le 28 novembre 2014 sur le fondement délictuel ne sont pas susceptibles d'avoir interrompu le délai de prescription à défaut d'identité d'objet de cause entre les deux actions ;

- la Sas Guintoli ne rapporte pas la preuve qu'elle a exécuté l'ensemble de ses obligations contractuelles et qu'elle a livré un ouvrage conforme aux règles de l'art ;

- les travaux litigieux sont atteints par des vices de construction ;

- l'éventuelle erreur de conception commise par le maître d'oeuvre n'exonère pas le constructeur ;

- elle n'a jamais été informée d'éventuelles réserves sur la pérennité de l'ouvrage ;

- elle doit être indemnisée du coût de la reprise de l'ouvrage sur le fondement des articles 1147 et 1382 du code civil.

Par dernières conclusions notifiées le 6 décembre 2018, la Sas Guintoli, intimée, demande à la cour d'appel, au visa des articles 12 et 13 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance,1240 du code civil (ancien article 1382 du code civil), 1103, 1104 et 1193 du code civil (ancien article 1134 du code civil), 1188 (ancien article 1135 du code civil) et 1998 du code civil, 2241 du code civil de :

à titre principal :

- déclarer la Sas Guintoli recevable et bien fondée en son appel incident,

- dire et juger que le contrat souscrit entre la Sci Quick Love et la Sas De Montsec doit s'analyser en un contrat d'entreprise, et non un contrat de promotion immobilière,

- dire et juger que la Sas Guintoli est intervenue sur le chantier en qualité de sous-traitant,

- dire et juger que la Sci Quick Love était encore redevable d'une somme de 238.543,60 euros TTC au jour de la réception de la mise en demeure et est donc tenue, par stricte application des dispositions de l'article 13 de la loi du 31 décembre 1975, de régler l'intégralité de la créance de la Sas Guintoli,

- dire et juger recevable et bien fondée l'action directe exercée par la Sas Guintoli à l'encontre de la Sci Quick Love, en sa qualité de maître de l'ouvrage,

en conséquence,

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance d'Evreux en date du 5 juin 2018 en ce qu'il a qualifié le contrat conclu entre la Sci Quick Love et la Sarl De Montsec de contrat de promotion immobilière et qu'il a, ce faisant, débouté la Sas Guintoli de sa demande de paiement sur le fondement de l'action directe,

statuant à nouveau,

- condamner la Sci Quick Love au paiement de la somme de 81.048,16 euros TTC au profit de la Sas Guintoli, sur ce qu'il devait encore à l'entrepreneur principal à la date de la réception de la copie de la mise en demeure, soit le 20 mai 2010,

- débouter la Sci Quick Love de l'ensemble de ses demandes en toutes fins qu'elles comportent,

à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la Cour de céans devait considérer que les conditions de l'action directe ne sont pas réunies,

- déclarer la Sas Guintoli recevable et bien fondée en son appel incident,

- dire et juger la société Quick Love responsable des dommages subis par la Sas Guintoli,

en conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Sas Guintoli de ses demandes de condamnation à l'encontre de la Sci Quick Love pour ne pas avoir mis en demeure l'entreprise générale de lui présenter son sous-traitant et de lui faire agréer ses conditions de paiement, causant ainsi un préjudice direct à la Sas Guintoli en l'empêchant de ce fait d'exercer l'action directe,

statuant à nouveau,

- condamner la Sci Quick Love au paiement de la somme de 81.048,16 euros TTC au profit de la Sas Guintoli,

- débouter la Sci Quick Love de l'ensemble de ses demandes en toutes fins qu'elles comportent,

à titre très subsidiaire, si par extraordinaire la Cour de céans devait considérer que le contrat devait s'analyser en un contrat de promotion immobilière et que les conditions de l'action directe ne sont pas réunies,

- dire et juger que la Sci Quick Love, maître d'ouvrage, est tenue d'exécuter les obligations contractuelles souscrites par son mandataire, le maître de l'ouvrage délégué, la société De Montsec,

en conséquence,

- confirmer le jugement du tribunal de grande Instance d'Evreux en date du 5 juin 2018 en toutes ses dispositions,

- débouter la Sci Quick Love de son appel et de l'ensemble de ses demandes en toutes fins qu'elles comportent,

en tout état de cause,

- dire et juger que, conformément aux termes, parfaitement clairs, du rapport d'expertise déposé par monsieur D., aucune responsabilité ne saurait être mise à la charge de la Sas Guintoli dans le cadre des désordres allégués par la Sci Quick Love,

en conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Sci Quick Love de ses demandes reconventionnelles formulées à l'encontre de la Sas Guintoli, en toutes fins qu'elles comportent,

- condamner la Sci Quick Love à la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

Elle fait valoir ce qui suit :

- la Sci Quick Love et la Sarl De Montsec étaient liées par un contrat d'entreprise générale ;

- le simple fait que la Sci Quick Love ait donné mandat afin d'engager un architecte et de mener les démarches administratives nécessaires à l'obtention d'un permis de construire n'est pas suffisant pour qualifier le contrat de promotion immobilière ;

- la Sas Guintoli est intervenue en qualité de sous-traitante au titre de la réalisation de travaux de terrassement et des travaux de voirie ;

- la Sci Quick Love avait connaissance de l'intervention de la Sas Guintoli sur le chantier, en qualité de sous-traitante de la société De Montsec, et doit répondre de sa faute, pour ne pas voir mis en demeure l'entreprise générale de lui présenter son sous-traitant ;

- à titre subsidiaire, le jugement doit être confirmé en ce que le tribunal a condamné la Sci Quick Love, sur le fondement de l'article 1998 du code civil, à exécuter les engagements pris par le promoteur en son nom ;

- l'effet interruptif de l'assignation ne dépend pas de la nature de l'action mais de l'objet de la demande ;

- la Sci Quick Love ne démontre aucune faute dans la réalisation des travaux de voirie commandés, qui se sont dégradés postérieurement à leur réception ;

- l'absence de caractère pérenne de l'ouvrage est mentionnée sur le devis.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2021, et l'affaire, plaidée à l'audience du 15 mars 2021, a été mise en délibéré au 19 mai 2021.

MOTIFS

1° sur la qualification du contrat

La Sas Guintoli fonde sa demande sur l'action directe régie par la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. Il lui revient donc d'établir que les conditions d'application de cette loi sont réunies, et en premier lieu, qu'elle est bien intervenue en sous-traitance d'un contrat d'entreprise.

Bien que la Sci De Montsec soit une société belge, il n'est pas contesté que le droit français s'applique à ses rapports contractuels avec la Sci Quick Love. Il doit du reste être relevé que ces parties n'ont pas opté pour une loi étrangère et que l'objet du contrat est la construction d'un immeuble situé en France, pays d'implantation d'une des parties.

Il revient donc à la cour d'interpréter le contrat du 14 février 2008 en fonction du droit français, étant précisé que la copie versée aux débats n'est pas signée, mais que les parties conviennent qu'il constitue le support contractuel de l'opération de construction.

L'interprétation de la commune intention des parties relève du pouvoir souverain du juge du fond, sous réserve de ne pas la dénaturer.

Le contrat d'entreprise, régi par l'article 1779 du code civil, est un contrat de louage d'ouvrage en exécution duquel le locateur d'ouvrage s'oblige contre rémunération à exécuter un travail de façon indépendante et sans représenter son cocontractant.

Le contrat d'entreprise de construction, régi quant à lui par l'article 1793 du même code, conduit un architecte ou un entrepreneur à s'obliger contre rémunération à exécuter la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, de façon indépendante et sans représenter son cocontractant.

La principale distinction entre ces contrats et la promotion immobilière, régie quant à elle par l'article 1831-1 du code civil, est l'existence d'un mandat de représentation rémunéré confié au promoteur. Ce dernier est chargé, pour un prix convenu, au moyen de contrats de louage d'ouvrage, de réaliser un programme de construction, moyennant une rémunération spécifique, indépendante du prix convenu, ainsi qu'à faire procéder ou à procéder à tout ou partie des opérations juridiques, administratives et financières concourant à la construction.

S'agissant du contrat conclu le 14 février 2008, le tribunal a rappelé les dispositions de l'article 1831-1 ci-dessus, relevé que la publicité n'était pas une condition de validité du contrat de promotion, considéré que le contrat comportait mandat contre rémunération, et l'a donc qualifié de promotion immobilière.

La Sas Guintoli soutient qu'il s'agit en réalité d'un contrat d'entreprise, relevant que la police souscrite l'a été en qualité de 'contractant général', que la Sarl De Montsec a effectué une partie des travaux, que le prix du marché ne correspond pas à des honoraires, que la Sarl De Montsec n'a pas souscrit de contrat de maîtrise d'oeuvre, et que la Sci Quick Love aurait participé à certaines réunions de chantier.

Il y a lieu de relever que la qualification retenue par les parties dans l'acte correspond essentiellement à une vente. Ce contrat est intitulé  « bon de commande », la Sci Quick Love y apparaît comme acquéreur, y sont annexées des « conditions générales de vente », y compris une clause de réserve de propriété.

En application de l'article 1601-3 du code civil, la qualification de vente en l'état futur d'achèvement doit toutefois être exclue, puisqu'il est constant que la Sci Quick Love était propriétaire du terrain d'assiette, ce que le contrat rappelle d'ailleurs expressément.

Le contrat emploie en revanche expressément, s'agissant de la société De Montsec, l'expression de 'constructeur' et ne fait pas référence à l'existence d'un mandat de représentation.

Certes, le constructeur est chargé, pour le compte de la Sci Quick Love, de souscrire les assurances civiles et responsabilité décennale, de choisir l'architecte et d'entreprendre les démarches d'obtention du permis de construire. Toutefois, outre qu'il est implicite, ce mandat est toutefois limité dans son objet, et de telles clauses sont courantes en matière de contrat de maîtrise d'oeuvre, de construction de maison individuelle, ou de vente d'immeuble à construire, qui ne sont pas pour autant qualifiés de mandats.

Il doit en outre être relevé que l'état des lots recensé en page 2 du contrat ne prévoit aucun honoraire de représentation. Le tribunal a interprété la ligne 'maîtrise de conception et de réalisation', facturé 81.692 euros, comme le montant des honoraires de mandat, alors qu'il s'agit du coût du lot maîtrise d'oeuvre, dont rien n'indique d'ailleurs qu'il aurait été confié à la société De Montsec, puisqu'un maître d'oeuvre est intervenu sur le chantier.

La société De Montsec a été chargée par le maître de l'ouvrage de la réalisation complète d'un ouvrage pour un prix forfaitaire, soit 120.501, 80 euros, et avec un délai d'exécution, soit le 1er semestre 2019 : elle est donc titulaire d'un contrat d'entreprise générale, et la qualification de promotion immobilière retenue par le tribunal est erronée. Elle serait du reste contradictoire avec l'insertion d'une clause de réserve de propriété au profit de la Sarl De Montsec.

2° sur la recevabilité

Les parties s'accordent sur l'applicabilité, à l'action directe de la Sas Guintoli, de la règle de prescription quinquennale contenue à l'article L. 110-4 du code de commerce.

La Sas Guintoli poursuit le paiement d'une facture datée du 31 décembre 2009. Il est constant qu'elle a assigné en paiement la Sci Quick Love par acte du 28 novembre 2014 au visa des articles 1382 du code civil, 12, 13 et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975.

La société Quick Love soutient que cette assignation serait privée d'effet interruptif, dès lors que la demande en paiement était fondée uniquement sur les dispositions relatives à la procédure de paiement direct et à la responsabilité civile, et non sur les règles du mandat, lesquelles n'ont été invoquées que postérieurement à l'expiration du délai d'appel.

La demande formulée dans l'acte introductif d'instance, dont l'objet est le paiement de la facture, est toutefois pleinement interruptive du délai de prescription, en application de l'article 2241 du code civil, et ce quel que soit le fondement juridique sur laquelle elle repose.

En toute hypothèse, le fondement de l'action directe, invoqué à l'intérieur du délai de prescription, est adéquat et correspond à l'exacte qualification du contrat.

La demande est donc recevable.

3° sur le bien-fondé de la demande en paiement

Il résulte des articles 6 et 12 de la loi du 31 décembre 1975 que l'action directe est ouverte au sous-traitant agréé après mise en demeure de l'entreprise principale.

L'article 14-1 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 dispose que le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet du agrément, mettre en demeure l'entrepreneur principal de respecter les articles 3 et 5, à savoir de :

- faire accepter chaque sous-traitant et agréer ses conditions de paiement,

- indiquer au maître de l'ouvrage la nature et le montant de chacune des prestations qu'il envisage de sous-traiter.

Un maître de l'ouvrage qui a connaissance de l'intervention d'un sous-traitant et qui ne met pas l'entrepreneur en demeure de faire agréer son sous-traitant et ses conditions de paiement commet une faute délictuelle. Cette faute est constituée même lorsque le maître de l'ouvrage n'a connaissance de l'intervention du sous-traitant qu'après l'exécution des travaux.

Le maître de l'ouvrage ne peut être tenu de payer, à titre de dommages et intérêts, que les sommes que le sous-traitant aurait pu obtenir au titre de l'action directe, c'est-à-dire celles dont le maître de l'ouvrage était encore redevable à l'égard de l'entrepreneur principal à la date à laquelle il a eu connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier.

La cour est fondée à considérer comme constants des éléments de fait spécifiquement allégués par une partie et non contestés par l'autre.

La Sas Guintoli allègue, sans être contredite, que le maître de l'ouvrage avait connaissance de son intervention depuis l'origine, et verse copie d'une mise en demeure de payer adressée à la société De Montsec le 12 février 2010, au passif duquel elle justifie avoir déclaré sa créance le 6 avril 2010.

Elle réclame le paiement de l'intégralité de la facture. La Sci Quick Love ne conteste pas ce montant et n'indique pas qu'elle aurait partiellement ou totalement désintéressé la société De Montsec avant d'avoir eu connaissance de l'intervention de la sous-traitante.

Il s'ensuit que le bien-fondé de la créance est établi.

En revanche, dès lors que le devis fait la loi des parties, et qu'il a été conclu à hauteur 74.307,48 euros, la Sas Guintoli ne peut prétendre qu'à cette somme. Elle ne justifie d'aucune circonstance qui justifierait une facturation supérieure au devis,ce reliquat ne faisant d'ailleurs l'objet d'aucune explication.

Sa créance sera fixée au prix de ce devis, avec intérêts à compter du 20 mai 2010, date de la mise en demeure.

Afin de s'opposer au paiement, la Sci Quick Love se prévaut d'une exception d'inexécution et explique que la voirie réalisée s'est très vite dégradée. Elle forme une demande reconventionnelle au titre de ce même désordre.

La Sci Quick Love peut opposer toutes les exceptions dont disposait l'entreprise générale, y compris l'inexécution. En outre, les fautes contractuelles commises par le sous-traitant sont susceptibles de lui causer un préjudice indemnisable sur le fondement délictuel, préjudice dont elle peut solliciter la réparation. Toutefois, elle ne saurait à la fois être indemnisée des travaux de reprise et opposer l'exception d'inexécution afin d'être exemptée du paiement des travaux réalisés.

Il y a donc lieu à paiement au titre du solde de la facture.

4° sur la dégradation de la voirie

Il est constant que la Sas Guintoli, professionnelle du bâtiment, est tenue d'une obligation de résultat. La dégradation rapide de la voirie installée n'est pas contestée. Elle est en toute hypothèse confirmée par l'expert en page 14 du rapport. Ce dernier constate ainsi, au moment de son passage, que la voirie est instable et impraticable, à raison d'une mauvaise cohésion, l'émulsion n'étant pas adhérente. L'expert explique d'ailleurs que la voirie avait fait l'objet d'une réserve dans le projet de procès-verbal de réception du 30 décembre 2009. L'ouvrage s'est donc dégradé quelques jours seulement après sa pose, et avait disparu dès le mois de juin 2010, comme en attestent les photographies versées en pièce n° 10.

Le manquement par la Sas Guintoli à son obligation de résultat est donc établi.

Elle explique, pour se défendre de toute faute, qu'elle a averti son co-contractant de l'absence de caractère pérenne de l'ouvrage, et que les conditions de drainage et de température qu'elle avait préconisées n'ont pas été respectées.

L'expert relève en page 29 de son rapport que la principale origine des désordres est l'absence de prise en compte des venues d'eau et la finition en gravier. Il en conclu que les désordres traduisent une erreur de conception imputable à la société De Montsec, et éventuellement au maître d'oeuvre.

Toutefois, c'est bien la Sas Guintoli, en qualité de professionnelle, qui a pris la responsabilité, en établissant son devis, d'exclure le drainage et de proposer une finition en gravier. Si ces données techniques étaient susceptibles de compromettre la pérennité de l'ouvrage, il lui revenait de ne pas établir un devis en ce sens.

Elle engage donc sa responsabilité pour faute vis-à-vis de l'appelante.

Les fautes éventuellement commises par la société De Montsec et le maître d'oeuvre, à les supposer établies, n'ont pas d'effet exonératoire sur l'engagement de sa responsabilité vis-à-vis du maître de l'ouvrage, et la Sas Guintoli n'a d'ailleurs pas appelé ces parties en cause aux fins de garantie.

L'acceptation des risques par le maître de l'ouvrage constitue une cause exonératoire susceptible de réduire totalement ou partiellement son droit à indemnisation.

Il ressort en l'espèce du compte-rendu de la réunion de chantier du 30 novembre 2009, versé en pièce n°2, que c'est à la demande expresse de la Sci Quick Love que la proposition de protection de la voirie contre les venues d'eau a été exclue des prestations confiées à la Sas Guintoli.

Le 3 décembre 2009, soit 4 jours plus tard, Volumes et images, agissant en sa qualité de maître d'oeuvre de l'opération, a accepté le devis de la Sas Guintoli sur lequel les postes 7 à 10 correspondants à l'assainissement avaient été rayés. Il y était précisé en nota bene que ces 'travaux indispensables à la pérennité des voiries seraient réalisés ultérieurement par la SCI Quick Love'.

Il s'ensuit que les travaux d'assainissement, dont l'absence de drainage est la cause principale du dommage, avaient initialement été devisés.

Si la Sci Quick Love n'était pas présente lors de la réunion de chantier du 30 novembre 2009, le procès-verbal dressé par le maître d'oeuvre démontre qu'elle avait parfaitement connaissance de l'absence de pérennité de l'ouvrage à raison du défaut d'assainissement, qu'elle a pris délibérément le risque de ne pas commander ce dispositif à la société Guintoli et d'en reporter la commande pour des motifs qu'elle n'explique pas.

Cette prise de risque est directement à l'origine du désordre, et justifie un partage de responsabilité entre la Sas Guintoli et la Sci Quick Love.

Le droit à indemnité de cette dernière doit être réduit de 60 %, étant précisé que le défaut d'évacuation n'est pas la seule cause de la dégradation de la voirie, que la finition choisie incombait à la Sas Guintoli, et que le défaut de respect des conditions de cure par les autres intervenants du chantier n'est quant à lui pas démontré.

Ce ratio s'appliquera à la demande formée au titre du préjudice matériel, qui correspond au coût de réalisation d'un ouvrage pérenne tel qu'il aurait dû être devisé et réalisé par la Sas Guintoli.

Il ressort de la page 21 du rapport d'expertise que la reprise de l'ouvrage a nécessité le paiement d'une somme de 126.817, 70 euros hors taxes, en ce compris la pose des évacuations. Ce montant est inférieur au prix estimé par l'expert à hauteur de 132.952 euros.

L'indemnisation sera donc fixée à la somme de 50.727, 08 euros (126.817, 70 x 40/100).

S'il est exact que l'expert a, en page 26 de son rapport, évalué une perte financière de 24.395 euros pour la période de novembre 2009 à juillet 2010, liée à l'impossibilité d'exploiter le centre durant cette période alors que les loyers étaient dus, ce préjudice a pour cause les retards pris par les travaux dans leur ensemble. Or, le rapport recense 16 désordres différents, qu'il s'agisse de non-façons ou de malfaçons, et l'arrêt du chantier est principalement lié au placement en liquidation judiciaire de l'entreprise générale. L'expert ne précise pas si le désordre n° 16, pris isolément, a eu un effet aggravant sur le retard concerné.

Ce chef de demande doit donc être rejeté à défaut de preuve d'un lien de causalité.

La Sci Quick Love ne démontre aucun préjudice moral et ne saurait être indemnisée de ce chef.

Le montant total de l'indemnisation sera donc fixé à la somme de 50.727, 08 euros avec intérêts à compter de ce jour, s'agissant d'une créance indemnitaire.

5° sur le surplus des demandes

Compte-tenu des créances réciproques fixées aux termes de la présente décision, la Sci Quick Love succombe partiellement et sera donc tenue des dépens d'appel.

La Sas Guintoli ne demande pas que les frais et dépens de la procédure de référé-expertise soient inclus dans les dépens, et il n'y a donc pas lieu de statuer en ce sens.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile est accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort :

Infirme la décision querellée, sauf en ce que le tribunal a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement formulée à l'encontre de la Sci Quick Love au titre des engagements contractés en son nom par la Sarl De Montsec,

- condamné la Sci Quick Love aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur du tiers des condamnations prononcées,

- condamné la Sci Quick Love à verser à la Sas Guintoli la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la Sci Quick Love à payer à la Sas Guintoli la somme de 74.307, 48 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2010 ;

Condamne la Sas Guintoli à payer à la Sci Quick Love la somme de 50.727, 08 euros euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la Sci Quick Love aux dépens d'appel, en ce compris les frais et honoraires de l'expert, outre les frais et dépens de la procédure de référé expertise ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.