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Décisions

ADLC, 10 mars 2016, n° 19-DCC-39

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Rozay Distribution et Tournan Goncours par le groupe Carrefour

ADLC n° 19-DCC-39

9 mars 2016

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 12 février 2016, relatif à la prise de contrôle exclusif des sociétés Rozay Distribution et Tournan Goncours par le groupe Carrefour, formalisée par un protocole de cession en date du 31 décembre 2015 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. La société CSF est une filiale à 100 % de la société Carrefour SA, société tête du groupe Carrefour (ci-après, ensemble, « Carrefour »). Le groupe est actif dans le secteur du commerce de détail à dominante alimentaire ainsi que dans la distribution en gros à dominante alimentaire en France et dans le reste du monde. En France, le groupe Carrefour exploite 4 714 magasins (hypermarchés, supermarchés, commerce de proximité, cash and carry), sous enseignes Carrefour, Carrefour Market, Carrefour City, Carrefour Contact, Carrefour Express, Carrefour Montagne, Huit à 8, Marché Plus, Proxi, Promocash. Le groupe Carrefour dispose également d’une activité de drive et de différents sites marchands sur internet, l’un alimentaire (Ooshop) et l’autre non alimentaire (On Line Carrefour). Carrefour conclut également avec des sociétés exploitant des magasins de commerce de détail à dominante alimentaire des contrats d’enseigne et d’approvisionnement qui leur permettent d’exploiter leurs points de vente sous l’une des enseignes du groupe Carrefour, de s’approvisionner auprès de ses centrales d’achat, de bénéficier de fournisseurs référencés par Carrefour et des conditions d’achat du groupe, et de bénéficier enfin de services offerts par Carrefour.

2. Les cibles sont les sociétés Rozay Distribution et Tournan Goncours (ci-après, « les sociétés cible »), entités intégralement détenues par les membres de la famille Markey préalablement à l’opération. Rozay Distribution exploite un fonds de commerce de distribution à dominante alimentaire sous enseigne Simply Market à Rozay en Brie, en Seine et Marne (77), d’une surface de vente de 1 968 m². Tournan Goncours exploite pour sa part un fonds de commerce de distribution à dominante alimentaire sous enseigne Simply Market de 1 980 m² à Tournan en Brie, en Seine et Marne (77).

3. L’opération notifiée, formalisée par un protocole de cession en date du 31 décembre 2015, consiste en l’acquisition par la société CSF de l’intégralité du capital des sociétés Rozay Distribution et Tournan Goncours. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif des sociétés Rozay Distribution et Tournan Goncours par le groupe Carrefour l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce

4. Les entreprises concernées exploitent plusieurs magasins de commerce de détail et réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 75 millions d’euros (Carrefour : 76 milliards d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2014 ; les sociétés cible : 26,9 millions d’euros au 30 avril 2015). Les entreprises concernées réalisent en France dans le secteur du commerce de détail un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros (Carrefour : 37 milliards d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2014 ; les sociétés cible : 26,9 millions d’euros au 30 avril 2015). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle applicables au commerce de détail mentionnés au point II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Les marchés concernés par l’opération relèvent du secteur de la distribution à dominante alimentaire.

6. Selon la pratique décisionnelle des autorités nationale1 et européenne2 de concurrence, deux catégories de marchés peuvent être délimitées dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire : d’une part, les marchés « aval », de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d’autre part, les marchés « amont » de l’approvisionnement des entreprises de commerce de détails en biens de consommation courante, de dimension nationale.

A. MARCHÉS AVAL DE DISTRIBUTION

1. LES MARCHÉS DE SERVICE

7. S’agissant de la vente au détail de biens de consommation courante, la pratique décisionnelle3 a distingué six catégories de commerces en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés (magasins à dominante alimentaire d’une surface légale de vente supérieure à 2 500 m²), (ii) les supermarchés (entre 400 et 2 500 m²), (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail (moins de 400 m²), (v) les maxi-discompteurs, (vi) la vente par correspondance.

8. Au sein du petit commerce de détail4 sont distingués les petits libres-services qui offrent un assortiment étroit de produits courants (une surface inférieure à 120 m²) et les supérettes dont l’offre de produits est un peu plus étendue (une surface comprise entre 120 et 400 m²).

9. En l’espèce, les sociétés cible exploitent deux magasins de distribution à dominante alimentaire d’une surface comprise entre 1 900 m² et 2 000 m². Ils entrent donc dans la catégorie des supermarchés.

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

10. Dans ses décisions5 relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l’Autorité de la concurrence a rappelé qu’en fonction de la taille des magasins concernés, les conditions de la concurrence devaient s’apprécier sur deux zones différentes : - un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d’une zone et l’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ; - un second marché où se rencontrent la demande des consommateurs et l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.

11. D’autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l’impact d’une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d’espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus. En région parisienne la pratique décisionnelle retient ainsi une zone équivalente à 10 minutes de temps de déplacement en voiture pour la petite couronne parisienne. S’agissant de la grande couronne parisienne, la pratique décisionnelle relève que les zones de chalandise s’apparentent selon les cas à des zones très urbanisées –zones de chalandise correspondant à un trajet en voiture de 10 minutes– ou à l’inverse à des zones rurales –zones correspondant à un trajet de 15 minutes–.

12. En l’espèce les points de vente cible étant situés en grande couronne à Rozay en Brie (77) et Tournan en Brie (77), zones rurales, les conditions de concurrence seront appréciées sur une zone où se rencontrent la demande des consommateurs et l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture.

B. MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

13. En ce qui concerne les marchés amont de l’approvisionnement, la Commission européenne a retenue l’existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales6.

14. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION À DOMINANTE ALIMENTAIRE

15. Dans la zone correspondant à un trajet de 15 minutes en voiture autour du point de vente de Rozay en Brie (77), l’opération n’emporte pas de chevauchement d’activité, les points de vente exploités par les sociétés cible étant les seuls magasins sous enseigne Carrefour de la zone. 16. Sur le marché comprenant l’ensemble des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans une zone correspondant à un trajet de 15 minutes en voiture autour du point de vente de Tournan en Brie (77), les magasins cible représentent 27,8 % des surfaces de vente. La part de marché totale du groupe Carrefour à l’issue de l’opération s’élèvera à 34,39 %, le groupe détenant également dans cette zone un magasin Dia d’une surface de 924 m². A l’issue de l’opération Carrefour demeurera soumis à la concurrence exercée par plusieurs groupes concurrents : Intermarché (27 % de part de marché), Casino (22,4 %) et le groupe Leclerc (16,1 %).

17. L’opération n’est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés aval de la distribution.

B. MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

18. En ce qui concerne les marchés amont de l’approvisionnement, il convient d’indiquer que l’opération est limitée à deux magasins ne représentant qu’une partie marginale du chiffre d’affaires réalisé par le groupe Carrefour en France. La prise de contrôle exclusif des sociétés Rozay Distribution et Tournan Goncours n’est donc pas susceptible de renforcer significativement la puissance d’achat du groupe Carrefour, tous produits confondus comme par grands groupes de produits.

19. L’opération n’est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés amont de l’approvisionnement.

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 16-031 est autorisée.

NOTES

1 Voir notamment la décision n°12-DCC-48 du 6 avril 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Sofides par la société ITM Entreprises, et la décision n°12-DCC-125 du 27 août 2012 relative à la prise de contrôle conjoint de 28 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire par l’Union des Coopérateurs d’Alsace et l’Association des Centres Distributeurs E.Leclerc. Voir également la décision de l’Autorité de la concurrence n°14-DCC-173 précitée.

2 Voir notamment les décisions de la Commission européenne M. 1221, Rewe/ Meinl du 3 février 1999 et M. 1684, Carrefour/ Promodès du 25 janvier 2000.

3 Voir, par exemple, la décision de l’Autorité de la concurrence n°12-DCC-63 du 9 mai 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA, la décision n°13-DCC-90 du 11 juillet 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon et la décision n°14-DCC-173 précitée.

4 Voir l’avis du Conseil de la concurrence n°97-A-04 du 21 janvier 1997 relatif à diverses questions portant sur la concentration de la distribution et la décision de l’Autorité de la concurrence n°10-D-08 du 3 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par Carrefour dans le secteur du commerce d’alimentation générale de proximité.

5 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 11-DCC-04 du 28 janvier 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Mafical par la société ITM Alimentaire Région parisienne, la décision n°11-DCC-45 du 18 mars 2011 relative à la prise de contrôle exclusif du fonds de commerce de l’hypermarché Cora Desmarais par la société Sodex Desmarais, la décision n°12-DCC-63 et la décision n°14-DCC-173 précitée.

6 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C.2005-98 Carrefour/ Penny Market du 10 novembre 2005, C.2006-15 Carrefour/ Groupe Hamon du 14 avril 2006, C.2007-172 relatif à la création de l’entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C.2008-32 Carrefour/ SAGC du 9 juillet 2008 ; ainsi que les décisions de l’Autorité de la concurrence n°11-DCC-45 et 11-DCC-04 précitées.