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Décisions

Cass. com., 10 novembre 2009, n° 08-70.302

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

M. Petit

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 7 oct. 2008

7 octobre 2008

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 octobre 2008), que M. X... a, le 3 février 2005, démissionné de ses fonctions de président du conseil d'administration de la société Carrefour, qu'il exerçait depuis le mois d'octobre 1992 ; que, faisant valoir que le conseil d'administration de cette société avait souscrit à son égard, le 29 août 2001, un engagement particulier de retraite additionnelle qui avait été réitéré le 3 février 2005 et que cet engagement avait pris effet le 18 février 2006, date à laquelle il avait atteint l'âge de 60 ans, M. X... a fait assigner la société Carrefour en paiement de sommes correspondant aux deux premières annuités de retraite ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen, qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, par sa délibération du 29 août 2001, le conseil d'administration de la société Carrefour avait décidé l'attribution à M. X... d'une retraite d'un montant égal à 40 % de la rémunération globale "Groupe" qu'il percevrait au cours de la dernière année de référence ; qu'il avait précisé que ce montant était indépendant des pensions acquises au titre des régimes légaux et conventionnels ; qu'il avait ajouté que les versements au titre de la retraite commenceraient lorsque M. X... atteindrait l'âge de 60 ans, peu important qu'il soit ou non président de la société Carrefour à ce moment ; que le complément de retraite alloué à M. X... avait ainsi fait l'objet d'une décision du conseil d'administration à la fois sur son montant rendu parfaitement déterminable par la référence, dans la délibération, à la rémunération globale qui serait perçue par l'intéressé au titre de la dernière année de référence et par la non prise en compte expresse des pensions légales et conventionnelles et sur ses modalités (point de départ des versements, indifférence au maintien du mandat de président de M. X... jusqu'à ses 60 ans) ; que le procès-verbal des délibérations mentionnait l'approbation expresse des termes du document annexé, qui comportait l'ensemble de ces précisions ; qu'en estimant néanmoins que la délibération du 29 août 2001 ne satisfaisait pas aux exigences légales, la cour d'appel a violé l'article L. 225-47 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le montant de la rémunération accordée à M. X... sous forme de complément de retraite n'avait pu être connu qu'après la liquidation de son assiette constituée par le salaire brut fiscal perçu par celui-ci au cours des douze mois précédant sa cessation d'activité, que cette liquidation avait été faite le 3 février 2005 et qu'ainsi ce n'était qu'à cette date que le conseil d'administration avait fixé le montant du complément de retraite litigieux, la cour d'appel en a exactement déduit que les délibérations antérieures, y compris celle du 29 août 2001, ne satisfaisaient pas aux exigences légales ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il incombe au demandeur à l'exception de nullité d'une délibération du conseil d'administration prise en application de l'article L. 225-47 du code de commerce de faire la preuve que les conditions de l'octroi d'une retraite complémentaire ne sont pas réunies ; qu'en retenant qu'il n'est pas démontré par M. X... que les services dont il se prévaut, accomplis dans l'exercice de son mandat de président du conseil d'administration de Carrefour, justifient l'allocation d'une rémunération s'ajoutant à celle qu'il a perçue au cours de la période considérée au titre de son mandat, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et, partant, violé l'article 1315 du code civil ;

2°/ que l'octroi d'un complément de retraite entre dans les prévisions de l'article L. 225-47 du code de commerce lorsqu'il a pour contrepartie des services particuliers rendus à la société par le président du conseil d'administration, pour autant que l'avantage accordé soit proportionné à ces services et ne constitue pas une charge excessive pour la société ; qu'en revanche la confiance des actionnaires ou l'évolution des résultats de la société ne constituent pas, en eux-mêmes, des éléments pertinents ; qu'en se bornant à relever qu'au début de l'année 2005, M. X... avait perdu la confiance des actionnaires de référence de la société Carrefour, que l'évolution de la situation du groupe au cours de la période 2000-2004 avait été marquée par un ensemble de facteurs défavorables et que la presse spécialisée était réservée dans l'appréciation du titre Carrefour, la cour d'appel a énoncé des motifs impropres à justifier la solution retenue et de ce fait, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 225-47 du code de commerce ;

3°/ que l'octroi d'un complément de retraite entre dans les prévisions de l'article L. 225-47 du code de commerce lorsqu'il a pour contrepartie des services particuliers rendus à la société par le président du conseil d'administration, pour autant que l'avantage accordé soit proportionné à ces services et ne constitue pas une charge excessive pour la société ; que la proportionnalité s'entend d'un rapport suffisant entre les services particuliers rendus et l'avantage consenti ; qu'en se bornant à relever le caractère "insolite", du point de vue de la fiscalité et des charges sociales, des modalités du complément de retraite alloué à M. X..., sans comparer le montant de l'avantage accordé et la qualité des services particuliers rendus par le président de la société Carrefour, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 225-47 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant retenu, sans inverser la charge de la preuve, que si le bilan de l'action de M. X... de 1992 à 2005 était positif, il n'était pas pour autant établi que les services dont il se prévalait, qui avaient été rendus par lui dans l'exercice de ses fonctions de président du conseil d'administration de la société Carrefour, justifiaient l'allocation d'une rémunération venant s'ajouter à celle qu'il avait perçue au titre de ces fonctions, la cour d'appel a, par ces seuls motifs et abstraction faite de ceux, surabondants, que critiquent les deuxième et troisième branches, légalement justifié sa décision ; que le moyen, non fondé en sa première branche, ne peut pour le surplus être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.