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Décisions

Cass. 1re civ., 5 mai 1993, n° 91-13.664

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Paris, du 18 déc. 1990

18 décembre 1990

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 décembre 1990), que la sociétéénérale européenne de créations et de participations (GECEP), a édité cinq romans érotiques dont l'auteur est Mlle Brigitte Y... et qui, sous le titre général "Les fantasmes de la comtesse Alexandra", mettent en scène ce personnage féminin emprunté à une série de romans publiés par M. de Villiers, gérant de la société GECEP ; que Mlle Y... a expressément accepté de conserver l'anonymat, de sorte que ses ouvrages ont été édités sous une couverture comportant l'indication :

"X... de Villiers présente", suivie du titre général, puis, en plus petits caractères, du titre particulier de chaque roman ; qu'à la suite d'une contestation sur le montant des redevances d'auteur perçues par Mlle Y..., celle-ci a soutenu à la fois que M. de Villiers avait commis la faute de se présenter comme auteur des romans litigieux, et que la renonciation à la divulgation de son nom était nulle, ainsi que les contrats qui la comportaient ; que la cour d'appel lui a alloué 400 000 francs de dommages et intérêts et a dit que, par les termes de son assignation, elle avait révoqué la clause d'anonymat licitement stipulée dans chacun des contrats d'édition ; Sur le moyen unique du pourvoi principal de M. de Villiers et de la société GECEP :

 

Attendu que M. de Villiers et la société GECEP font grief à l'arrêt d'avoir prononcé cette condamnation et d'avoir autorisé Mlle Y... à faire publier dans la presse une insertion révisant sa qualité d'auteur, alors, selon le moyen, d'une part, qu'étant lui-même auteur du titre général et du personnage central des cinq romans, M. de Villiers n'a fait qu'exercer ses droits en faisant figurer son seul nom sur la couverture de ces ouvrages, dont l'auteur avait valablement renoncé à faire connaître le sien ; et alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait retenir que la typographie utilisée constituait une "manoeuvre", alors qu'elle est identique à celle que l'on retrouve sur tous les ouvrages des collections dirigées par la société GECEP et M. de Villiers, auxquels il convenait de comparer les ouvrages litigieux, de même qu'il fallait rechercher si, à l'époque où les parties avaient envisagé l'usage d'un pseudonyme par Mlle Y..., celle-ci en avait proposé un à son éditeur ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a expressément reconnu à M. de Villiers les droits d'auteurs qu'il invoquait, a néanmoins souverainement retenu que la présentation typographique équivoque adoptée pour la couverture des cinq romans litigieux était de nature à faire naître dans l'esprit du public la croyance que M. de Villiers en était l'auteur unique ; qu'elle a, par ces seuls motifs, caractérisé la faute commise par les éditeurs à l'égard de Mlle Y... et légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ; Sur le premier moyen du pourvoi incident de Mlle Y... :

 

Attendu que Mlle Y... reproche à l'arrêt d'avoir déclaré M. de Villiers titulaire du droit de propriété intellectuelle sur le titre "Les fantasmes de la comtesse Alexandra" et sur ce personnage lui-même, alors, selon le moyen, que la cour d'appel s'est bornée à énumérer les caractéristiques de la "comtesse Alexandra" sans indiquer "de quels ouvrages elles sont déduites", ni vérifier si le personnage avait "une consistance suffisante" pour constituer une création originale ;

Mais attendu que, par des motifs qui ne sont pas critiqués par le moyen, la cour d'appel a constaté l'originalité du titre général dont M. de Villiers est l'auteur, et qui justifie à lui seul que son nom figure sur la couverture des divers romans qu'il désigne ; qu'elle a au surplus indiqué que les caractéristiques du personnage dont elle relevait souverainement l'originalité ressortaient de l'ensemble des romans dans lesquels M. de Villiers l'avait fait figurer ; que le moyen, qui ne tend qu'à remettre en cause ces appréciations de fait, ne peut donc être accueilli ; Sur le second moyen :

 

Attendu que Mlle Y... fait en second lieu grief à l'arrêt d'avoir déclaré valable la clause "par laquelle elle abdiquait la paternité des ouvrages écrits par elle", ainsi que les contrats qui la contenaient, sans vérifier si cette clause, imposée à un jeune auteur, n'avait pas pour seul but de permettre à M. de Villiers l'usurpation de son oeuvre ;

Mais attendu qu'ayant retenu et sanctionné la responsabilité encourue par M. de Villiers en raison de son comportement abusif, la cour d'appel a déclaré à bon droit valable une clause d'anonymat qui, stipulée par Mlle Y... dans l'exercice de son droit moral d'auteur, ne pouvait constituer une renonciation définitive à aucune de ses prérogatives ;

 

Sur le troisième moyen :

 

Attendu que Mlle Y..., qui avait encore demandé à la cour d'appel de prononcer l'annulation des contrats conclus par les sociétés GECEP et Plon, en vue de l'édition de la série romanesque litigieuse, fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande au motif que les contrats incriminés ne lui causaient aucun dommage, alors, selon le moyen, que son intérêt provenait du fait que son éditeur se présentait comme "l'auteur" des ouvrages écrits par elle ;

Mais attendu qu'abstraction faite de l'impropriété de terme dénoncée par le moyen, il était loisible à la société éditrice, cessionnaire de tous les droits d'exploitation de l'auteur, de conclure avec un tiers des contrats destinés à assurer cette édition, auxquels la cour d'appel a retenu avec raison que Mlle Y... était étrangère ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen, tel que formulé au mémoire en demande et annexé ci-après :

Attendu que Mlle Y... ne peut utilement faire grief à l'arrêt d'avoir, pour exclure les exemplaires dit "de passe" du calcul des redevances de l'auteur, fait application pure et simple d'une clause expresse du contrat d'édition, dont les parties avaient pu valablement convenir, alors même qu'elle eût été contraire aux usages ;

 

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;