CA Riom, 4e ch. civ., 1 mars 2022, n° 21/01990
RIOM
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Monsieur (J-M) N.
Défendeur :
S.E.L.A.R.L. M.J M., L'UNEDIC
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Christophe RUIN
Conseillers :
Mme Karine VALLEE, Mme Frédérique DALLE
Avocats :
Me Barbara G. P., Me Thierry T., Me Mouad A., Me Emilie P.
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS DOM COMPOSIT, créée en 1991 et immatriculée sous le SIREN 381 525 047, dont le siège social était situé à RIOM (63200), était spécialisée dans le secteur d'activité de la fabrication d'éléments en matières plastiques pour la construction (piscines et éléments de piscine).
Monsieur Jean-Michel N., né le 23 janvier 1961, a été embauché par la société DOM COMPOSIT pour la période du 1er décembre 2005 au 30 avril 2006, suivant un contrat à durée déterminée, en qualité de chargé de mission à temps partiel.
Par jugement rendu en date du 6 juin 2019, le tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND a prononcé le redressement judiciaire de la SAS DOM COMPOSIT, désigné la SELARL G. & associés, représentée par Maître Vincent G., comme administrateur, et la SELARL MJ M., représentée par Maître Fanny M., en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement rendu en date du 31 juillet 2019, le tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS DOM COMPOSIT, arrêté un plan de cession et désigné la SELARL MJ M., représentée par Maître Fanny M., en qualité de liquidateur judiciaire.
Par requête réceptionnée au greffe le 9 mars 2020, Monsieur Jean-Michel N. a saisi le conseil de prud'hommes de RIOM afin de voir requalifier la relation le liant à la SAS DOM COMPOSIT en contrat de travail à durée indéterminée, juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de l'entreprise différentes sommes à titre de rappel de salaires et indemnitaire.
Après plusieurs convocations devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de RIOM par suite de l'annulation de différentes audiences de plaidoiries en raison de la crise sanitaire liée au coronavirus, l'affaire a été radiée le 3 février 2021. Elle a ensuite été réinscrite le 8 février 2021 sur diligence de Monsieur Jean-Michel N..
Par jugement contradictoire en date du 8 septembre 2021 (audience du 28 avril 2021), le conseil de prud'hommes de RIOM :
- a dit que Monsieur Jean-Michel N. exerçait une activité professionnelle non salariée ;
- a jugé que Monsieur Jean-Michel N. n'avait pas la qualité de salarié de la société DOM COMPOSIT ;
- s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND en l'absence de contrat de travail ;
- dit que passé le délai d'appel, le dossier de l'affaire sera transmis au tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND conformément aux règles posées par l'article 82 du code de procédure civile;
- déclaré les attestations versées par Monsieur Jean-Michel N. en pièces n° 30 et 31 irrecevables ;
- débouté Monsieur Jean-Michel N. de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions ;
- laissé les dépens à la charge de chacune des parties.
Le 23 septembre 2021, Monsieur Jean-Michel N. a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 13 septembre 2021.
Monsieur Jean-Michel N. a sollicité de la première présidente de la cour d'appel de RIOM l'autorisation d'assigner à jour fixe la SELARL MJ M., en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS DOM COMPOSIT, et l'UNEDIC ainsi que le CGEA d'ORLEANS, ès qualités de gestionnaire de l'AGS.
Par ordonnance rendue en date du 28 septembre 2021, le président de la chambre sociale de la cour d'appel de RIOM, sur délégation de la première présidente de la cour d'appel de RIOM, a autorisé Monsieur Jean-Michel N. à assigner à jour fixe la SELARL MJ M., en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS DOM COMPOSIT, et l'UNEDIC ainsi que le CGEA d'ORLEANS, ès qualités de gestionnaire de l'AGS, pour l'audience du 3 janvier 2022 à 13 heures 45 de la chambre sociale de la cour d'appel de Riom.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 2 décembre 2021 par l'UNEDIC, CGEA d'ORLEANS, en qualité de gestionnaire de l'AGS,
Vu les conclusions notifiées à la cour le 21 décembre 2021 par Monsieur Jean-Michel N.,
Vu les conclusions notifiées à la cour le 28 décembre 2021 par la SELARL MJ M. en qualité de liquidateur judiciaire de la société DOM COMPOSIT.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, Monsieur Jean-Michel N. conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- renvoyer les parties devant le conseil de prud'hommes de RIOM ;
- débouter la SELARL MJ M. et l'AGS-CGEA de leurs appels incidents ;
- condamner solidairement la SELARL MJ M. et l'AGS-CGEA à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Monsieur Jean-Michel N. soutient qu'après avoir été employé en contrat de travail à durée déterminée par la société DOM COMPOSIT pendant la période du 1er décembre 2005 au 30 avril 2006, il a continué ensuite, pendant treize années (de mai 2006 à juillet 2019), à réaliser les mêmes tâches pour le compte de la société DOM COMPOSIT, sous la subordination de celle-ci, car son employeur l'a contraint à s'inscrire comme auto-entrepreneur pour échapper aux obligations du salariat.
Monsieur Jean-Michel N. prétend qu'il était donc lié à la société DOM COMPOSIT par un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 2006 à juillet 2019, qu'en conséquence le juge prud'homal est compétent pour statuer sur ses demandes à ce titre, qu'il y a lieu de renvoyer les parties devant le conseil de prud'hommes de RIOM pour trancher le litige.
L'appelant fait notamment valoir sa dépendance économique à l'égard de la société DOM COMPOSIT, son intégration dans un service organisé de cette entreprise, les instructions reçues de l'employeur, sa rémunération à l'heure travaillée, le pouvoir de contrôle et de sanction de la société DOM COMPOSIT sur ses prestations, la fourniture par cette entreprise du matériel nécessaire et d'un bureau.
Monsieur Jean-Michel N. affirme qu'il est en mesure ainsi de renverser la présomption simple de non salariat édictée par l'article L. 8221-6 du code du travail.
Dans ses dernières écritures, la SELARL MJ M., en qualité de liquidateur judiciaire de la société DOM COMPOSIT, conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour, en conséquence, d'inviter Monsieur Jean-Michel N. à mieux se pourvoir devant la juridiction matériellement compétente et le débouter de son appel.
A titre subsidiaire, si la cour décide d'évoquer sur le fondement des articles 88 et suivant du code de procédure civile, la SELARL MJ M., en qualité de liquidateur judiciaire de la société DOM COMPOSIT, demande à la cour de :
- débouter Monsieur Jean-Michel N. de l'ensemble de ses demandes ;
- juger que la demande au titre du rappel de salaire à hauteur de 5.000 euros comme prescrite s'agissant d'une créance de juin 2016 et ce en vertu de l'article L. 3245-1 du code du travail ;
- juger que le revenu de référence dont se prévaut le salarié est inexact ;
- débouter Monsieur Jean-Michel N. de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- débouter Monsieur Jean-Michel N. de sa demande de rappels de salaire ;
- débouter Monsieur Jean-Michel N. de sa demande d'indemnité de travail dissimulé ;
- débouter Monsieur Jean-Michel N. de ses autres demandes plus amples ;
- à titre infiniment subsidiaire, réduire à de plus justes proportions les demandes formulées ;
- condamner Monsieur Jean-Michel N. aux dépens.
Le liquidateur judiciaire de la de la société DOM COMPOSIT fait valoir l'incompétence matérielle de la juridiction prud'homale pour connaître du présent litige, dès lors que, s'agissant d'un litige commercial, seul le tribunal de commerce est compétent. Elle expose que Monsieur Jean-Michel N. exerçait une activité de prestataire de service sous le statut de travailleur indépendant dès 1988, qu'il a ensuite été immatriculé au registre du commerce et des sociétés le 21 octobre 2006, fichier sur lequel il apparaît en qualité de commerçant comme exerçant une activité de soutien aux entreprises sous l'enseigne TCB SERVICES. Elle relève également l'existence d'une convention tripartite régularisée entre Monsieur Jean-Michel N., l'entreprise N. et la société DOM COMPOSIT qui comportait notamment mention d'une clause attributive de compétence en faveur de la juridiction commerciale en cas de différend afférent à l'exécution du contrat existant entre les parties. Elle fait enfin valoir que les circonstances d'espèce démontrent que Monsieur Jean-Michel N. n'avait pas la qualité de salarié de la société DOM COMPOSIT, l'appelant échouant à caractériser les éléments constitutifs d'un contrat de travail dès lors qu'il exerçait son activité sans lien de subordination aucun, en toute indépendance économique.
A titre subsidiaire, le liquidateur judiciaire de la de la société DOM COMPOSIT soutient que la demande de rappel de salaire est prescrite s'agissant de la somme de 5.000 euros réclamée par l'appelant dès lors qu'elle est en réalité afférente à un avoir daté de 2016, et mal fondé s'agissant des autres sommes lesquelles doivent demeurer à la seule charge de l'entreprise N.. Concernant les indemnités de rupture du contrat de travail, l'intimée souligne tout d'abord l'inexactitude du revenu de référence pris comme base de calcul par Monsieur Jean-Michel N. et qu'alors qu'il sollicite des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'a jamais fait valoir sa qualité de salarié auprès de la liquidation judiciaire de la société DOM COMPOSIT ce qui lui aurait pourtant permis, le cas échéant, d'être licencié pour motif économique, étant relevé en tout état de cause l'absence de toute justification de sa situation économique. Elle conclut enfin au débouté de l'appelant du chef de demande d'indemnité pour travail dissimulé en l'absence de bien fondé de la demande tendant à voir requalifier la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée.
Dans ses dernières écritures, l'UNEDIC, CGEA d'ORLEANS, en qualité de gestionnaire de l'AGS, conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour de débouter Monsieur Jean-Michel N. de ses demandes, fins et conclusions.
A titre subsidiaire, si par impossible la cour devait réformer le jugement entrepris et reconnaître la qualité de salarié de la SAS DOM COMPOSIT à Monsieur N., l'intimée demande à la cour de :
- déclarer prescrite la demande de rappel de salaire correspondant à la facture de 5.000 euros antérieure à juin 2016 ;
- débouter Monsieur N. de sa demande de dommages et intérêts pour retard
dans le paiement des salaires ;
- débouter Monsieur Jean-Michel N. de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier ;
- débouter Monsieur Jean-Michel N. de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 10.000 euros ;
- débouter Monsieur Jean-Michel N. de sa demande d'exécution provisoire ;
- déclarer que la garantie du l'UNEDIC est exclue s'agissant de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
A titre infiniment subsidiaire, l'intimée demande à la cour de:
- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'UNEDIC, AGS/CGEA d'Orléans en qualité de gestionnaire de l'A.G.S, dans les limites prévues aux articles L.3253-1 et suivants (Article L.3253-8), D.3253-5 du Code du travail et du Décret n° 2003-684 du 24 juillet 2003 ;
- déclarer que la garantie de l'UNEDIC, AGS/CGEA est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, au plafond XX défini à l'article D.3253-5 du Code du Travail ;
- déclarer que les limites légales et jurisprudentielles de la garantie de l'UNEDIC sont applicables ;
- déclarer que l'arrêt à intervenir ne saurait prononcer une quelconque condamnation à leur encontre ;
- déclarer que l'UNEDIC, AGS/CGEA ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-1 et suivants du Code du Travail (article L.3253-8 du Code du Travail) que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-1 et suivants du Code du Travail (article L.3253-8 du Code du Travail);
- déclarer que l'obligation de l'UNEDIC, AGS/CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafonds applicables, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire ;
- arrêter le cours des intérêts à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective (articles L.622-28 du Code de Commerce et suivants).
L'UNEDIC, CGEA d'ORLEANS, en qualité de gestionnaire de l'AGS, conclut à titre principal à l'incompétence de la juridiction prud'homale au profit du tribunal de commerce au motif que Monsieur N. ne démontre pas avoir été salarié de la société DOM COMPOSIT. L'intimée relève plus spécialement que l'appelant est inscrit au répertoire SIRENE depuis le 21 octobre 2006 et qu'il exerce sous l'enseigne TCB SERVICES une activité indépendante non salariée et qu'il n'apporte aucun élément démontrant l'existence d'un contrat de travail et permettant de renverser la présomption de non salariat édictée à l'article L. 8221-6 du code du travail.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que la demande de paiement de facture pour un montant de 5.000 euros est prescrite étant expliqué qu'elle correspond à un avoir daté du 30 juin 2016 et que l'appelant, par application du délai triennal de prescription applicable aux rappels de salaire, est mal fondé à réclamer le paiement de ladite facture dès lors qu'il a saisi la juridiction prud'homale en mars 2020. En tout état de cause il sollicite que soit limité à la somme de 1.259,65 euros brut, outre 125,97 euros au titre des congés payés afférents, les rappels de salaire susceptibles d'être dus.
L'intimée conteste ensuite le bien-fondé de la demande indemnitaire présentée par Monsieur N. dès lors que celui-ci, afin d'objectiver le préjudice subi à raison du retard dans le paiement de ses salaires, excipe de relevés bancaires qui sont pourtant ceux de l'entreprise Jean-Michel N. et non les siens considérés à titre personnel, en conséquence de quoi l'appelant échoue à caractériser le principe et le quantum du préjudice qu'il allègue.
Elle conclut de même au débouté de Monsieur N. de la demande formulée à titre indemnitaire à raison du non-respect de la procédure de licenciement dès lors que celui-ci n'a nullement été licencié par la société DOM COMPOSIT, les relations commerciales existantes entre les parties ayant simplement cessé. En tout état de cause, il existe un principe de non-cumul entre l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'indemnité susceptible d'être allouée pour irrégularité de la procédure de licenciement.
Elle conteste enfin le bien-fondé de la demande indemnitaire présentée au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en l'absence de toute justification par l'appelant de sa situation économique postérieurement à la rupture des relations ayant existé entre les parties.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
À titre liminaire, s'agissant des pièces versées aux débats, il échet de relever que seuls les documents en langue française ou les documents étrangers traduits de façon certifiée en langue française sont recevables, sauf aux parties à en faire une lecture identique dans leurs écritures au titre des constatations matérielles ou de fait. En effet, si l'ordonnance de Villers-Cotterêts d'août 1539 ne vise que les actes de procédure, le juge est fondé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère, faute de production d'une traduction en langue française.
Aux termes de l'article 79 du code de procédure civile : 'Lorsqu'il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d'une question de fond, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes. Sa décision a autorité de chose jugée sur cette question de fond.'
Aux termes de l'article 81 du code de procédure civile :
'Lorsque le juge estime que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir.
Dans tous les autres cas, le juge qui se déclare incompétent désigne la juridiction qu'il estime compétente. Cette désignation s'impose aux parties et au juge de renvoi.'
Relèvent de la compétence prud'homale les litiges s'élevant à l'occasion du contrat de travail, qu'ils soient nés au cours de l'exécution du contrat de travail, voire avant un début d'exécution du contrat de travail, ou après la cessation du contrat de travail s'ils se rattachent à celui-ci, ou à l'occasion de l'application d'une convention accessoire au contrat de travail. Relèvent de la compétence prud'homale les litiges entre employeur et salarié, ou entre salariés à l'occasion du travail.
La compétence du juge prud'homal est subordonnée à l'existence d'un contrat de travail au sens de la législation du travail. Il n'est pas nécessaire que le contrat de travail ait reçu un début d'exécution. Une promesse de contrat de travail (ou d'embauche), même non suivie d'effet, suffit pour que la juridiction prud'homale soit compétente.
Le juge prud'homal est compétent pour statuer sur l'existence d'un contrat de travail et sur la détermination de la qualité d'employeur.
En l'absence de définition légale du contrat de travail, la jurisprudence considère qu'il y a contrat de travail quand une personne (salarié) s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre (employeur, personne morale ou physique) moyennant rémunération.
Cette définition jurisprudentielle du contrat de travail fait apparaître trois éléments :
- la prestation de travail, qui peut avoir pour objet les tâches les plus diverses (travaux manuels, intellectuels, artistiques...), dans tous les secteurs professionnels ;
- la rémunération, contrepartie de la prestation de travail, peu importe qu'elle soit versée en argent ou en nature et calculée au temps, aux pièces ou à la commission ;
- la subordination juridique du salarié qui accepte de fournir une prestation de travail vis-à-vis de l'employeur qui le rémunère en conséquence (critère décisif).
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
La subordination juridique est un critère spécifique et fondamental du contrat de travail.
La dépendance économique ou les liens économiques ne caractérisent pas à eux-seuls l'existence d'un contrat de travail, la subordination économique ne pouvant être assimilée à la subordination juridique.
Le pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de l'employeur, qui marque l'existence d'un lien de subordination, peut apparaître à travers différentes contraintes ou obligations imposées par l'employeur (lieu de travail, horaires, fourniture du matériel, mise à disposition du personnel, intégration à une service organisé etc.) qui constituent des simples indices en la matière.
Il convient donc de distinguer le contrat de travail de contrats voisins tels que notamment :
- le contrat de mandat par lequel une personne confie à une autre le pouvoir de faire quelque chose en son nom et pour son compte ;
- le contrat de société par lequel deux personnes ou plus conviennent de mettre quelque chose en commun en vue de partager les bénéfices en résultant ;
- le contrat d'entreprise par lequel une partie s'engage à accomplir pour l'autre un travail déterminé moyennant un prix convenu, en dehors de tout lien de subordination.
Le véritable critère distinctif du contrat de travail par rapport aux autres contrats est le lien de subordination qui se décompose en trois pouvoirs pour l'employeur :
- pouvoir de donner des ordres et des directives ;
- pouvoir de contrôler l'exécution et le respect des ordres et des directives ;
- pouvoir de sanctionner les manquements aux ordres et directives donnés, ce dernier pouvoir étant l'élément fondamental pour caractériser l'existence d'un contrat de travail.
Ces pouvoirs de l'employeur se distinguent de ceux d'un co-contractant classique qui peut seulement opposer l'exception d'inexécution ou demander unilatéralement la résiliation du contrat.
L'existence d'une relation de travail salariale ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. C'est en principe à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence. Toutefois, en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve. Mais des bulletins de paie établis par un tiers ne créent pas l'apparence d'un contrat de travail. La preuve du contrat de travail est libre. Tous les procédés de preuve peuvent donc être utilisés et tout élément matériel peut être pris en compte.
De l'existence d'un contrat de travail résulte la qualité de salarié qui permet au travailleur de bénéficier de la protection des lois sociales et la compétence du juge prud'homal. C'est l'existence d'un contrat de travail qui permet l'application de la réglementation du travail aux relations contractuelles et confère à chacune des parties la qualité d'employeur et de salarié.
Selon les dispositions des articles L. 120-3 et L. 311-1 du code de la sécurité sociale
- Sont présumés travailleurs indépendants les personnes physiques immatriculées au registre du commerce ou à celui des agents commerciaux, au répertoire des métiers, ou auprès des URSSAF en tant que travailleurs indépendants ou encore inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes qui effectuent du transport scolaire ou à la demande.
- Toutefois, l'existence d'un contrat de travail peut être établie lorsque les personnes citées au premier alinéa fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ouvrage dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci. Dans un tel cas, il n'y a dissimulation d'emploi salarié que s'il est établi que le donneur d'ouvrage s'est soustrait intentionnellement à l'accomplissement de l'une des formalités prévues aux articles L. 143-3 et L. 320.
- les personnes présumées travailleurs indépendants ne relèvent du régime général de la sécurité sociale que s'il est établi que leur activité les place dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard d'un donneur d'ordre. Elles peuvent demander aux organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général de leur indiquer si cette activité relève de ce régime. A défaut de réponse dans le délai de deux mois suivant la date de cette demande ou en cas de réponse négative, les personnes en cause ne peuvent se voir imposer ultérieurement une affiliation au régime général que si les conditions d'exercice de leur activité ont été substantiellement modifiées ou si les informations qu'elles ont fournies étaient erronées.
Selon les dispositions des articles L. 8221-6 et L. 8221-6-1 du code du travail :
- Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription : 1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ; 2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire ou de transport à la demande ; 3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;
- L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci. Dans ce cas, la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement par ce moyen à l'accomplissement des obligations incombant à l'employeur
- Est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d'ordre.
Sont donc présumés non-salariés les travailleurs indépendants et les dirigeants de personnes morales. Toutefois, cette présomption n'est pas irréfragable puisque l'existence d'un contrat de travail peut être établie lorsque les personnes susvisées fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.
En l'espèce, le 26 septembre 2006, Monsieur Jean-Michel N. s'est fait immatriculer au RCS du tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND, sous le numéro 353 835 119, pour une activité commerciale personnelle de 'prestations de services rendues principalement aux entreprises', avec deux établissements mentionnés, dont l'un à son domicile de SAINT ELOY LES MINES (63), et une dénomination commerciale ou enseigne 'TCB SERVICES'. Il n'est pas contesté que cette immatriculation commerciale a perduré jusqu'en 2020, voire encore à ce jour.
Monsieur N. était déjà enregistré sous cette dénomination auprès de l'INSEE (numéro SIRET 353 835 119 00028) depuis le 1er janvier 1988.
De 2006 à 2020, voire encore à ce jour, Monsieur Jean-Michel N. était enregistré auprès de l'URSSAF comme micro-entrepreneur et affilié à la sécurité sociale des travailleurs indépendants. Son relevé de carrière de l'assurance retraite mentionne qu'il a été salarié de la société DOM COMPOSIT du 1er janvier au 30 avril 2006 puis, sans interruption, chef d'entreprise à compter du 21 octobre 2006. Entre 1988 et 1996, Monsieur Jean-Michel N. aurait exercé le métier d'agent d'assurances. Depuis le 1er février 2014, Monsieur Jean-Michel N. perçoit une pension d'invalidité.
Le 31 octobre 2006, un contrat 'd'intervention temporaire' a été signé entre la SAS DOM COMPOSIT, l'entreprise Jean-Michel N. (représentée par Monsieur Jean-Michel N., avec mention du numéro SIRET 353 835 119 00028) et Monsieur Jean-Michel N..
Cette convention tripartite prévoit que pour la période du 1er novembre 2006 au 31 décembre 2006, l'entreprise Jean-Michel N. met Monsieur Jean-Michel N. à la disposition de la SAS DOM COMPOSIT pour une mission d'assistance comprenant la gestion, le suivi et l'instruction des dossiers litigieux compromettant la responsabilité civile professionnelle de la société DOM COMPOSIT, que ce soit dans le cadre de procédures judiciaires amiables engageant ou non les assureurs de cette entreprise, ou dans le cadre de procédures judiciaires en cours ou non encore initiées, ainsi que la gestion, le suivi et l'instruction des dossiers relatifs aux assurances ou garanties.
Cette convention tripartite prévoit une facturation mensuelle sur la base d'un tarif forfaitaire par jour d'intervention et d'un remboursement forfaitaire des frais de déplacement, repas et nuitée. Les autres frais (téléphoniques, déplacements de mission) pouvant être remboursés par la société DOM COMPOSIT sur présentation de justificatifs.
Cette convention tripartite prévoit un délai de préavis pour toute résiliation unilatérale. Elle mentionne la société DOM COMPOSIT comme l'entreprise utilisatrice des prestations de services fournies par l'entreprise personnelle de Jean-Michel N.. Aucun horaire hebdomadaire de travail n'est précisé, sauf que l'intervention doit être réalisée selon les horaires de l'entreprise utilisatrice et que l'intervenant doit se tenir à disposition de l'entreprise utilisatrice chaque jeudi de 8 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures. Elle prévoit la possibilité pour l'entreprise utilisatrice de fournir à l'intervenant du matériel ou de l'équipement pour les besoins de la mission du prestataire de services, sans autre précision.
Cette convention tripartite a été tacitement renouvelée et exécutée par les parties jusqu'à l'ouverture de la procédure collective concernant la société DOM COMPOSIT.
Dans le cadre de l'exécution de cette convention tripartite, Monsieur Jean-Michel N. a présenté, en qualité de représentant de l'entreprise Jean-Michel N. (enseigne services temporaires TCB), à la société DOM COMPOSIT des factures mensuelles de prestations de services (seules les factures de 2016 à 2019 sont versées aux débats). Ces facturations mentionnent la rémunération de l'intervention du prestataire de services, sur la base apparente des affirmations de Monsieur Jean-Michel N., et non d'un calcul ou contrôle réalisé par l'entreprise utilisatrice, quant aux heures de travail effectuées par l'intervenant, ainsi que le remboursement des frais engagés pour des missions 'd'intérim indépendant'.
Dans le cadre des facturations qu'il réalisait, Monsieur Jean-Michel N. a accordé parfois à l'entreprise utilisatrice des avoirs pour 'échec de mission' ou pour 'fidélité'.
S'agissant des relations entre Monsieur Jean-Michel N. et la société DOM COMPOSIT pour la période de fin 2006 à ce jour, en tout cas jusqu'à la cessation totale d'activité de la société DOM COMPOSIT, il n'est produit aucun contrat de travail, aucun bulletin de paie, aucune déclaration préalable d'embauche, aucune trace de la moindre rémunération salariale ou de pourparlers sur la formation d'un contrat de travail.
Il n'est pas contesté qu'à l'époque considérée, Monsieur Jean-Michel N. était inscrit ou immatriculé comme travailleur indépendant.
En l'absence de contrat de travail apparent, vu la présomption simple précitée, il appartient donc à Monsieur Jean-Michel N. de démontrer l'existence d'un contrat de travail l'ayant lié à la société DOM COMPOSIT.
Si la convention tripartite précitée mentionne que toute contestation entre l'entreprise utilisatrice et l'intervenant relève de la compétence exclusive du tribunal de commerce de RIOM, celle clause n'est pas opposable au juge prud'homal quant à sa compétence pour statuer sur l'existence d'un contrat de travail et sur la détermination de la qualité d'employeur, et ce alors que l'existence d'une relation de travail salariale ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.
Il apparaît que, après une courte période d'emploi en contrat de travail à durée déterminée, Monsieur Jean-Michel N. a réalisé des prestations de nature juridique (gestion des contentieux et des questions d'assurance notamment) pour la société DOM COMPOSIT, et ce comme travailleur indépendant et en exécution d'un contrat de prestations de services.
Jusqu'à l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société DOM COMPOSIT, Monsieur Jean-Michel N. s'est toujours comporté en prestataire de services vis-à-vis de la société DOM COMPOSIT, entreprise utilisatrice de ses services qu'il traitait et désignait sans ambiguïté comme une cliente, et non comme son employeur, et à laquelle il facturait ses prestations au nom de son entreprise personnelle immatriculée au RCS.
Il n'est justifié d'aucune réclamation de contrat de travail ou du statut de salarié ou d'une rémunération salariale de la part de Monsieur Jean-Michel N. à l'égard de la société DOM COMPOSIT entre mai 2006 et mai 2019, soit pendant 13 années, alors que les parties ne contestent pas avoir entretenu des relations contractuelles constantes pendant toutes cette période.
C'est seulement à partir de juillet 2019, soit après l'ouverture d'une procédure collective pour la société DOM COMPOSIT et alors qu'il n'était plus en mesure d'obtenir le règlement de ses factures de prestations de services, que Monsieur Jean-Michel N. a souhaité se présenter, dans ses courriers ou mails, comme un salarié de cette entreprise, et ce clairement afin d'obtenir le paiement des factures non acquittées par les organes de la procédure collective, en tout cas la garantie de l'AGS.
Monsieur Jean-Michel N. soutient que de mai 2006 et mai 2019 il a réalisé les mêmes prestations que dans le cadre de l'exécution du contrat de travail à durée déterminée pour la période du 1er décembre 2005 au 30 avril 2006, que c'est la société DOM COMPOSIT qui l'a contraint à créer son entreprise personnelle et à se présenter comme travailleur indépendant. Force est de constater que sur ces points l'appelant ne procède que par voie d'affirmations sans jamais justifier de ses dires.
La convention de nature commerciale ayant lié pendant 13 années la société DOM COMPOSIT et Monsieur Jean-Michel N. ne contient pas le moindre indice d'une quelconque contrainte, pas même d'un déséquilibre entre une partie forte et une partie faible.
Il apparaît que Monsieur Jean-Michel N., qui dispose nécessairement de connaissances juridiques solides au regard de la nature des prestations réalisées depuis de nombreuses années, a librement consenti et adhéré à la prise en charge par son entreprise personnelle, dans le cadre d'une relation contractuelle de nature clairement commerciale et non salariale, de la gestion des litiges juridiques et assurances de l'entreprise utilisatrice que la société DOM COMPOSIT souhaitait externaliser.
La rémunération des prestations commerciales de Monsieur Jean-Michel N. sur la base d'un nombre d'heures de travail (application d'un tarif horaire forfaitaire négocié) et de frais mentionnés par la seule entreprise N., en tout cas sans qu'il soit démontré l'existence d'un calcul ou d'un contrôle imposé par l'entreprise utilisatrice, ne caractérise en rien un lien de subordination ou une relation salariale.
S'agissant des échanges entre les parties contractantes pendant les 13 années indiquées, les pièces produites ne révèlent aucun élément pouvant indiquer que Monsieur Jean-Michel N. recevait de la part de la société DOM COMPOSIT des instructions que l'entreprise utilisatrice aurait eu le pouvoir de contrôler et de sanctionner, si ce n'est par la résiliation d'une relation commerciale.
Pour prétendre que la société DOM COMPOSIT se serait comportée comme son employeur, l'appelant relève les termes employés dans un courrier daté du 21 mai 2019 que le PDG de la société DOM COMPOSIT lui a adressé.
Dans ce courrier, le PDG de la société DOM COMPOSIT a avisé Monsieur Jean-Michel N. qu'il n'était plus en mesure de régler la dernière facture commerciale pour des raisons économiques (redressement judiciaire en juin 2019).
Dans ce courrier, il est également indiqué : 'Par ailleurs, compte tenu que nous avons toujours réglé nos collaborateurs de leurs travaux, et compte tenu que conformément à notre contrat tu réalises tes missions sous ma subordination, je te remercie de veiller à préserver la qualité de nos relations de par des propos mesurés, car si tu t'es bien acquitté de tes missions, mon entreprise peut très bien remplacer tes services sans difficulté'.
Si le mot 'subordination' est employé dans ce courrier, il échet de relever que le PDG de la société DOM COMPOSIT mentionne également le règlement des travaux d'un collaborateur réalisant des prestations de services pour son entreprise, n'évoque pas un pouvoir de direction ou de contrôle sur l'appelant, et menace de la seule sanction de la rupture ou résiliation de la relation commerciale. Surtout, nonobstant ce seul courrier intervenu dans une situation de tension du fait que l'entreprise utilisatrice en cessation des paiements ne pouvait plus régler les factures du prestataire de services, Monsieur Jean-Michel N. ne peut justifier de façon effective d'instructions ou de directives, encore moins d'un contrôle de son travail ou d'une sanction disciplinaire de la part de la société DOM COMPOSIT.
Monsieur Jean-Michel N. verse aux débats des attestations de Monsieur François G. et de Madame Sandrine B..
S'agissant des attestations produites, il échet de rappeler que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité, d'irrecevabilité ou d'inopposabilité. Il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement la valeur probante d'une attestation non conforme à l'article 202 du code de procédure civile. Le juge ne peut rejeter ou écarter une attestation non conforme à l'article 202 du code de procédure civile sans préciser ou caractériser en quoi l'irrégularité constatée constituait l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie qui l'attaque.
Monsieur G., se présentant comme responsable d'atelier de la société DOM COMPOSIT de 1996 à 2019, atteste que Monsieur Jean-Michel N., qui était régulièrement présent dans un bureau en face de celui du comptable et le consultait souvent sur des avis techniques, faisait partie du personnel de l'entreprise depuis 2005/2006 et gérait tous les litiges de l'entreprise en relation avec le PDG.
Madame B., se présentant comme secrétaire de la société DOM COMPOSIT depuis 2006, atteste que Monsieur Jean-Michel N., qui était régulièrement présent dans un bureau au sein de l'usine et demandait des renseignements et des documents d'entreprise pour travailler, gérait les litiges de l'entreprise, mais également toute sorte de problèmes (sic), sans autre précision, en relation avec le PDG.
À la lecture de ces témoignages, il apparaît seulement que Monsieur Jean-Michel N., dans le cadre de sa mission de gestion et suivi des litiges juridiques et assurances, venait régulièrement dans les locaux de l'entreprise DOM COMPOSIT, travaillait en relation étroite avec le chef d'entreprise, pouvait consulter certains documents, s'entretenir avec des salariés de certains aspects techniques, voire disposer d'un bureau pour travailler.
Ces éléments apparaissent tout à fait conformes à l'exécution de la convention commerciale de prestations de services susvisée et ne démontrent en rien que Monsieur Jean-Michel N. était un salarié de l'entreprise DOM COMPOSIT, ou était intégré dans un service organisé de cette entreprise, alors qu'en l'espèce s'applique une présomption simple de non-salariat et que peut constituer un indice de subordination le travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution, ce qui n'est nullement établi.
Une relation de confiance, voire d'étroite collaboration ou coordination, entre un chef ou un cadre d'entreprise et le prestataire de services juridiques, paraît naturelle, voire indispensable, s'agissant de la gestion des litiges et risques juridiques de l'entreprise utilisatrice. Ce seul élément ne caractérise pas l'existence d'un lien de subordination ou d'un encadrement du travail du prestataire de services au sein d'un service organisé.
Monsieur Jean-Michel N. soutient qu'il était totalement dépendant sur le plan économique de la société DOM COMPOSIT. Il affirme, sans vraiment en justifier (aucune production d'élément certifié de comptabilité), que 60% de son chiffre d'affaires provenait de cette cliente. A contrario, Monsieur Jean-Michel N. reconnaît qu'il réalisait 40% de son chiffre d'affaires avec d'autres clients que la société DOM COMPOSIT s'agissant des prestations de services juridiques assurées et facturées par son entreprise personnelle.
La dépendance économique ne caractérise pas un lien de subordination juridique et donc l'existence d'un contrat de travail. La société DOM COMPOSIT n'a jamais interdit à Monsieur Jean-Michel N., ou à l'entreprise personnelle N., de travailler pour d'autres clients. En tout état de cause, au regard des seules pièces versées aux débats, l'appelant ne justifie pas de la dépendance économique alléguée, pas plus que de s'être tenu constamment à la disposition et aux ordres de la société DOM COMPOSIT pendant la période considérée.
In fine, la cour ne trouve à la lecture des pièces produites nulle démonstration ou caractérisation de directives ou instructions données par la société DOM COMPOSIT à Monsieur Jean-Michel N., ou à l'entreprise personnelle N., notamment en matière d'organisation du travail, en dehors de l'exécution des conditions prévues par un contrat commercial de prestations juridiques conclu entre la société DOM COMPOSIT et l'entreprise N., en tout cas aucune preuve d'un lien de subordination ayant pu exister dans ce cadre entre Monsieur Jean-Michel N. et la société DOM COMPOSIT.
Au regard des principes et observations susvisés, force est de constater que Monsieur Jean-Michel N. ne démontre en rien avoir été lié par un contrat de travail à la société DOM COMPOSIT. Monsieur Jean-Michel N. échoue notamment à démontrer l'existence d'un lien de subordination en ce qu'il aurait exécuté un travail sous l'autorité de la société DOM COMPOSIT qui aurait eu le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de le sanctionner en cas de manquements. Monsieur Jean-Michel N. ne peut qu'être débouté de toutes ses demandes à l'encontre de la société DOM COMPOSIT en rapport avec l'existence alléguée d'un contrat de travail.
Le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation des circonstances de la cause ainsi que des droits et obligations des parties en jugeant qu'en l'espèce Monsieur Jean-Michel N. et la société DOM COMPOSIT n'avaient pas été liés par un contrat de travail.
Si l'existence d'un contrat de travail n'est pas reconnue par le juge prud'homal, celui-ci n'a pas compétence pour statuer mais, la question du juge compétent étant soulevée par les parties en l'espèce, il a l'obligation de qualifier les relations ayant existé entre les parties pour indiquer le juge compétent (sauf si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère).
Au vu des éléments d'appréciation susvisés, le premier juge a également fait une exacte appréciation des circonstances de la cause en considérant comme de nature commerciale la relation ayant existé entre la société DOM COMPOSIT et Monsieur Jean-Michel N.
Le jugement déféré sera donc également confirmé en ce que le conseil de prud'hommes de RIOM s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND.
Le jugement entrepris sera également confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
Monsieur Jean-Michel N., qui succombe totalement en son recours, sera condamné aux entiers dépens d'appel et débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les intimés ne présentent pas de demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement déféré ;
- Déboute Monsieur Jean-Michel N. de toutes ses demandes ;
- Condamne Monsieur Jean-Michel N. aux dépens d'appel.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.