CA Colmar, 1re ch. A, 13 juillet 2022, n° 21/02259
COLMAR
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Euraffaires (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Panetta
Conseillers :
M. Roublot, Mme Robert-Nicoud
Avocat :
Me Harter
EXPOSE DU LITIGE :
Vu le jugement de la Juridiction des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg du 10mars 2021, régulièrement frappé d'appel, le 27 avril 2021, par voie électronique, par MM. [F], [J] et[C] [E],
Vu les conclusions de MM. [F], [J] et [C] [E] du 14 juin 2021, auquel était joint un bordereau de transmission de pièces, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquelles ont été transmises par voie électronique le même jour,
Vu l'acte d'huissier de justice délivré le 22 juin 2021 à la SARL Euraffaires par lequel MM. [F], [J] et[C] [E] lui ont signifié le récapitulatif de la déclaration d'appel, leurs conclusions du 14 juin 2021 et un bordereau de pièces,
Vu l'ordonnance du 22 octobre 2021 ordonnant la clôture de la procédure et renvoyant l'affaire à l'audience de plaidoirie du 28 février 2022,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION :
L'intimée ne comparaissant pas, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, il est statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 954 dudit code, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement.
Selon les pièces produites aux débats, M. [S] [E], représenté par M. [C] [E] en vertu d'une délégation de signature accordée par le juge des tutelles du 5 mars 2007, a donné à bail à titre commercial à la société Euraffaires des locaux sis à [Localité 5], composés d'un magasin de vente situé au n°[Adresse 3] dont l'accès principal et commercial se trouve Place de l'Homme de fer, d'une superficie de 371,60 m2.
Le bail s'est poursuivi après son échéance du 10 mars 2016.
Le 30 octobre 2018, la société Euraffaires a signifié aux bailleurs, MM. [F], [J] et [C] [E] (MM. [E]),une demande de renouvellement à effet au 1er janvier 2019.
Par lettre du 23 décembre 2018, MM. [C], [J] et [F] [E]ont accepté le principe du renouvellement du bail aux clauses et conditions actuelles dudit bail et notamment celles relatives au règlement trimestriel des loyers et charges et sans préjudice de la fixation ultérieure du montant du loyer du bail renouvelé. Ils lui adressaient l'avis d'échéance du 1er trimestre 2019 mentionnant un loyer HT de 37 152 euros et une provision sur charges HT de 3 000 euros.
Le loyer annuel appelé s'élevait ainsi à 148 608 euros HT/HC, comme l'a retenu le tribunal.
La société Euraffaires n'ayant pas retiré la lettre recommandée du 7 septembre 2020 par laquelle MM. [C], [J] et [F] [E] lui proposaient de fixer le montant du loyer du bail renouvelé le 1er janvier2019, ils lui ont signifié, par acte d'huissier de justice délivré le 2 octobre 2020, le mémoire en demande en vue de la fixation du loyer du bail renouvelé le 1er janvier 2019, les pièces qui y étaient mentionnées et le courrier de leur avocat du 1er octobre 2020.
Le 18 janvier 2021, ils l'ont assignée en fixation du loyer renouvelé devant le juge des loyers commerciaux, lequel a, par le jugement dont appel, fixé le loyer renouvelé au 1er janvier 2019 à la somme annuelle de 147 000 euros HT et HC et statué sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Les appelants reprochent au premier juge d'avoir retenu l'évaluation la plus faible. Ils soutiennent que l'équité commanderait de retenir la « moyenne des moyennes » expertales, soit à minima 1 175euros/M2. Ils ajoutent qu'il ne s'agissait pas de rapports concluant à des valeurs locatives distinctes, mais complémentaires. Ils précisent avoir demandé la fixation progressive du loyer du bail renouvelé à la valeur locative de 184 000 euros en application de la règle du « plafonnement du déplafonnement » édictée par l'article L. 145-34, alinéa 4 du code de commerce.
MM. [E] produisent un « rapport d'expertise en évaluation immobilière -valeur locative » de la société Galtier Valuation, l'expert étant M. [Y], mentionnant comme date de rédaction du rapport le 29janvier 2019 et la date de valeur le 31 décembre 2018. Dans ce rapport, après avoir décrit la situation et analysé le marché, l'expert évalue la valeur locative du local commercial en appliquant une méthode par comparaison. Il retient une valeur locative comprise entre 1 200 et 1 300 euros HT/HC m2 pondéré/an, soit 1 250 euros HT HC/m2 pondéré/an, soit pour une surface pondérée de 147 m2, 183 740 euros HT/HC/an, soit une valeur locative arrondie à 184 000 euros HTHC/an.
Ils produisent également un « rapport d'expertise en évaluation de valeur locative de renouvellement » de M. [Y], dont la date de rédaction est indiquée comme le 10 juillet 2020, mentionnant date de valeur : 1er janvier 2019. Dans ce rapport, après avoir décrit la situation, analysé le marché, ainsi que les facteurs locaux de commercialité, l'expert conclu à des évolutions positves des facteurs de commercialité présentant un intérêt particulier pour le local considéré, et appliquant une méthode par comparaison, il retient une « valeur locative de renouvellement de bail comprise dans une fourchette entre 1 000 et 1 200 euros HT HC/m2 pondéré/an, soit 1 100 euros HT HC/m2 pondéré/an pour les locaux », soit pour une surface pondérée de 147 m2, 161 700 euros HT/HC par an, arrondi à 162 000 euros HT/HC, soit environ 1 102 euros HT HC/m2 utile pondéré/an pour la boutique.
Ils y ajoutent le courrier du 19 avril 2021 de M. [Y] indiquant avoir 'constaté une évolution positive des facteurs locaux de commercialité sur la durée du bail, justifiant à notre sens un déplafonnement du loyer et sa fixation à la valeur locative de marché', avoir établi le 28 janvier2019 'la valeur locative de marché du magasin dans son état au 1er janvier 2019 à 184 000 euros hors taxes et hors charges par an dans le cadre d'un bail commercial standard 3/6/9 ans' et que « sur la base de cette valeur locative de marché, le loyer déplafonné de renouvellement au titre de la première année du bail renouvelé s'élève ainsi, par application des dispositions de l'article L. 145-34 dernier alinéa du code de commerce, à 162 000 euros hors taxes et hors charges par an, dans l'hypothèse de la poursuite des conditions d'occupation telles que défi nies dans le bail commercial du 10 mars 2007. »
Ces rapports d'expertise amiables, qui ne sont corroborés par aucun autre élément, proposent toutes les deux une valeur locative de renouvellement, mais en l'évaluant à une somme différente.
Les appelants ne justifient nullement ces différences. En effet, il peut être relevé que ce n'est que dans le cadre de son courrier du 19 avril 2021 que l'expert va introduire la question de l'application du palier de 10 % prévu par l'article L. 145-34 du code de commerce. Le rapport du 10 juillet 2020, qui retient une valeur locative de renouvellement de 161 700 euros, arrondie à 162 000 euros HT/HC par an n'indique nullement qu'il s'agirait de la valeur applicable pour la première année en application de l'article précité. Tant ce rapport que le courrier du 19 avril 2021 ne permettent pas d'établir que la « valeur locative en renouvellement de bail » retenue dans ledit rapport du 10 juillet 2020 à 162 000 euros ne correspondrait pas à la valeur locative, mais seulement à la valeur locative applicable au cours de la première année du bail renouvelé et que le montant du loyer déplafonné s'élèverait en réalité à 184 000 euros.
Les bailleurs ne démontrent ainsi pas suffisamment que la valeur locative de renouvellement doit être estimée à une valeur supérieure à 1 000 euros HT HC/m2 pondéré/an pour les locaux considérés.
Le premier juge a, dès lors, exactement retenu que la valeur du loyer renouvelé sera fixée, au 1erjanvier 2019, à la somme annuelle 147 000 euros HT et HC.
Le jugement sera ainsi confirmé.
MM. [E] succombant, ils supporteront les dépens d'appel et leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Confirme le jugement de la Juridiction des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg du 10 mars 2021,
Y ajoutant,
Condamne MM. [F], [J] et [C] [E] à supporter les dépens d'appel,
Rejette leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.