CJUE, 4e ch., 1 août 2022, n° C-332/20
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
Question préjudicielle
PARTIES
Demandeur :
Roma Multiservizi SpA, Rekeep SpA
Défendeur :
Roma Capitale, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato, Consorzio Nazionale Servizi Soc. coop. (CNS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. C. Lycourgos (rapporteur)
Juges :
M. Rodin, M. Bonichot, Mme Rossi, Mme Spineanu‑Matei
Avocat général :
M. Szpunar
Avocats :
Me Baglivo, Me Frosini, Me Leozappa, Me Lipani, Me Sbrana, Me Lirosi, Me Martinelli, Me Vercillo, Me Zoppini
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 30 de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession (JO 2014, L 94, p. 1), telle que modifiée par le règlement délégué (UE) 2017/2366 de la Commission, du 18 décembre 2017 (JO 2017, L 337, p. 21) (ci-après la « directive 2014/23 »), ainsi que des articles 12 et 18 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), telle que modifiée par le règlement délégué (UE) 2017/2365 de la Commission, du 18 décembre 2017 (JO 2017, L 337, p. 19) (ci-après la « directive 2014/24 »), lus en combinaison avec l’article 107 TFUE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Roma Multiservizi SpA et Rekeep SpA à Roma Capitale (ville de Rome, Italie) ainsi qu’à l’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (Autorité garante de la concurrence et du marché, Italie) au sujet de la décision de cette ville d’exclure le groupement projeté par Roma Multiservizi et Rekeep de la procédure d’attribution d’un contrat.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2014/23
3 L’article 3 de la directive 2014/23 dispose :
« 1. Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent de manière transparente et proportionnée.
La procédure d’attribution d’une concession, y compris l’estimation de sa valeur, ne peut être conçue avec l’intention de la soustraire au champ d’application de la présente directive ou de favoriser ou défavoriser indûment certains opérateurs économiques ou certains travaux, fournitures ou services.
2. Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices visent à garantir la transparence de la procédure d’attribution et de l’exécution du contrat, tout en respectant l’article 28. »
4 L’article 5 de cette directive prévoit :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
1) “concessions”, des concessions de travaux ou de services au sens des points a) et b) :
[...]
b) “concession de services”, un contrat conclu par écrit et à titre onéreux par lequel un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices confient la prestation et la gestion de services autres que l’exécution de travaux visée au point a) à un ou à plusieurs opérateurs économiques, la contrepartie consistant soit uniquement dans le droit d’exploiter les services qui font l’objet du contrat, soit dans ce droit accompagné d’un prix ;
L’attribution d’une concession de travaux ou d’une concession de services implique le transfert au concessionnaire d’un risque d’exploitation lié à l’exploitation de ces travaux ou services, comprenant le risque lié à la demande, le risque lié à l’offre ou les deux. Le concessionnaire est réputé assumer le risque d’exploitation lorsque, dans des conditions d’exploitation normales, il n’est pas certain d’amortir les investissements qu’il a effectués ou les coûts qu’il a supportés lors de l’exploitation des ouvrages ou services qui font l’objet de la concession. La part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché, telle que toute perte potentielle estimée qui serait supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement nominale ou négligeable ;
[...] »
5 L’article 8, paragraphe 1, de ladite directive énonce :
« La présente directive s’applique aux concessions dont la valeur est égale ou supérieure à 5 548 000 [euros]. »
6 L’article 10, paragraphe 3, de la même directive est ainsi libellé :
« La présente directive ne s’applique pas aux concessions relatives à des services de transport aérien basés sur l’octroi d’une licence d’exploitation au sens du règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil[, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (JO 2008, L 293, p. 3),] ou aux concessions relatives à des services publics de transport de voyageurs au sens du règlement (CE) no 1370/2007 [du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) no 1191/69 et (CEE) no 1107/70 du Conseil (JO 2007, L 315, p. 1)]. »
7 Aux termes de l’article 17 de la directive 2014/23 :
« 1. Une concession attribuée par un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice au sens de l’article 7, paragraphe 1, point a), à une personne morale de droit privé ou public ne relève pas du champ d’application de la présente directive lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :
a) le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice exerce sur la personne morale concernée un contrôle analogue à celui qu’il ou elle exerce sur ses propres services ; et
b) plus de 80 % des activités de cette personne morale contrôlée sont exercées dans le cadre de l’exécution des tâches qui lui sont confiées par le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice qui la contrôle ou par d’autres personnes morales que ce pouvoir adjudicateur ou cette entité adjudicatrice contrôle ; et
c) la personne morale contrôlée ne comporte pas de participation directe de capitaux privés à l’exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par les dispositions législatives nationales, conformément aux traités, qui ne permettent pas d’exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée.
Un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice au sens de l’article 7, paragraphe 1, point a), est réputé exercer sur une personne morale un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services, au sens du premier alinéa, point a), du présent paragraphe, s’il exerce une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de la personne morale contrôlée. Ce contrôle peut également être exercé par une autre personne morale, qui est elle-même contrôlée de la même manière par le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice.
[...]
4. Un contrat conclu exclusivement entre plusieurs pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices au sens de l’article 7, paragraphe 1, point a), ne relève pas du champ d’application de la présente directive lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :
a) le contrat établit ou met en œuvre une coopération entre les pouvoirs adjudicateurs participants ou les entités adjudicatrices participantes dans le but de garantir que les services publics dont ils doivent assurer l’exécution sont fournis en vue d’atteindre les objectifs qu’ils ont en commun ;
b) la mise en œuvre de cette coopération n’obéit qu’à des considérations d’intérêt public ; et
c) les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices participants réalisent sur le marché concurrentiel moins de 20 % des activités concernées par la coopération.
[...] »
8 L’article 19 de cette directive dispose :
« Seules les obligations découlant de l’article 31, paragraphe 3, ainsi que des articles 32, 46 et 47 s’appliquent aux concessions relatives aux services sociaux et aux autres services spécifiques dont la liste figure à l’annexe IV relevant du champ d’application de la présente directive. »
9 L’article 20, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :
« Les concessions qui ont pour objet à la fois des travaux et des services sont attribuées conformément aux dispositions applicables au type de concession qui constitue l’objet principal du contrat en question.
En ce qui concerne les concessions mixtes consistant en partie en des services sociaux et autres services spécifiques dont la liste figure à l’annexe IV et en partie en d’autres services, l’objet principal est déterminé en fonction de la valeur estimée des services respectifs qui est la plus élevée. »
10 L’article 30 de la directive 2014/23 énonce :
« 1. Le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice est libre d’organiser la procédure qui conduit au choix du concessionnaire sous réserve du respect des dispositions de la présente directive.
2. La procédure d’attribution de concession respecte les principes énoncés à l’article 3. En particulier, au cours de la procédure d’attribution de concession, le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice ne donne pas, de manière discriminatoire, d’information susceptible d’avantager certains candidats ou soumissionnaires par rapport à d’autres.
[...] »
11 L’article 38, paragraphe 1, de la directive 2014/23 est ainsi libellé :
« Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices vérifient les conditions de participation relatives aux capacités professionnelles et techniques et à la capacité économique et financière des candidats ou des soumissionnaires, sur la base de déclarations sur l’honneur, ainsi que la ou les références à présenter comme preuve conformément aux exigences spécifiées dans l’avis de concession qui sont non discriminatoires et proportionnées à l’objet de la concession. Les conditions de participation sont liées et proportionnées à la nécessité de garantir la capacité du concessionnaire d’exploiter la concession, compte tenu de l’objet de la concession et de l’objectif d’assurer une concurrence effective. »
La directive 2014/24
12 Aux termes du considérant 32 de la directive 2014/24 :
« Les marchés publics attribués à des personnes morales contrôlées ne devraient pas être soumis à l’application des procédures prévues par la présente directive si le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale concernée un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services, à condition que la personne morale contrôlée consacre plus de 80 % de ses activités à l’exécution de missions qui lui ont été confiées par le pouvoir adjudicateur qui la contrôle ou par d’autres personnes morales contrôlées par ledit pouvoir adjudicateur, quel que soit le bénéficiaire de l’exécution du marché.
Cette exemption ne devrait pas être étendue aux situations où un opérateur économique privé détient une participation directe dans le capital de la personne morale contrôlée dès lors que, dans de telles circonstances, l’attribution d’un marché public sans recourir à une procédure concurrentielle conférerait à l’opérateur économique privé détenant une participation dans le capital de la personne morale contrôlée un avantage indu par rapport à ses concurrents. Toutefois, eu égard aux caractéristiques particulières des organismes publics à adhésion obligatoire, tels que les organisations chargées de la gestion ou de l’exécution de certains services publics, cette règle ne devrait pas s’appliquer dans les cas où la participation d’opérateurs économiques privés spécifiques dans le capital de la personne morale contrôlée est rendue obligatoire par une disposition législative nationale en conformité avec les traités, à condition que cette participation ne donne pas une capacité de contrôle ou de blocage et ne confère pas une influence décisive sur les décisions de la personne morale contrôlée. Il convient en outre de préciser que la participation privée directe dans le capital de la personne morale contrôlée constitue le seul élément déterminant. Par conséquent, le fait que le ou les pouvoirs adjudicateurs de contrôle comportent une participation de capitaux privés ne fait pas obstacle à l’attribution de marchés publics à la personne morale contrôlée, sans appliquer les procédures prévues par la présente directive étant donné que ces participations ne nuisent pas à la concurrence entre les opérateurs économiques privés.
Il convient également de préciser que les pouvoirs adjudicateurs tels que les organismes de droit public, qui peuvent comporter une participation de capitaux privés, devraient être en mesure de se prévaloir de l’exemption concernant la coopération horizontale. Par conséquent, lorsque toutes les autres conditions relatives à la coopération horizontale sont remplies, l’exemption en la matière devrait également s’appliquer à ces pouvoirs adjudicateurs, dans le cas où le marché est conclu exclusivement entre pouvoirs adjudicateurs. »
13 L’article 2, paragraphe 1, de cette directive dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
9. “marchés publics de services”, des marchés publics ayant pour objet la prestation de services autre que ceux visés au point 6) ;
[...] »
14 L’article 3 de ladite directive prévoit :
« 1. Le paragraphe 2 s’applique aux marchés mixtes qui ont pour objet différents types d’achats relevant tous de la présente directive.
Les paragraphes 3 à 5 s’appliquent aux marchés mixtes qui ont pour objet des achats relevant de la présente directive et des achats relevant d’autres régimes juridiques.
2. Les marchés qui ont pour objet plusieurs types d’achats (travaux, services ou fournitures) sont passés conformément aux dispositions applicables au type d’achat qui constitue l’objet principal du marché en question.
En ce qui concerne les marchés mixtes portant à la fois sur des services au sens du titre III, chapitre I, et sur d’autres services, ou les marchés mixtes portant à la fois sur des services et sur des fournitures, l’objet principal est déterminé en fonction de la plus élevée des valeurs estimées respectives des fournitures ou des services.
3. Lorsque les différentes parties d’un marché donné sont objectivement séparables, le paragraphe 4 s’applique. Lorsque les différentes parties d’un marché donné sont objectivement inséparables, le paragraphe 6 s’applique.
Lorsqu’une partie d’un marché donné relève de l’article 346 [TFUE] ou de la directive 2009/81/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE (JO 2009, L 216, p. 76)], l’article 16 de la présente directive s’applique.
4. Lorsqu’un marché a pour objet des achats relevant de la présente directive ainsi que des achats qui ne relèvent pas de la présente directive, les pouvoirs adjudicateurs peuvent décider de passer des marchés distincts pour les différentes parties du marché ou de passer un marché unique. Lorsque les pouvoirs adjudicateurs décident de passer des marchés distincts pour les différentes parties, la décision concernant le régime juridique applicable à chacun de ces marchés distincts est adoptée sur la base des caractéristiques des différentes parties concernées.
Lorsque les pouvoirs adjudicateurs choisissent de passer un marché unique, la présente directive s’applique, sauf disposition contraire de l’article 16, au marché mixte qui en résulte, indépendamment de la valeur des parties qui relèveraient normalement d’un régime juridique différent et indépendamment du régime juridique dont celles-ci auraient normalement relevé.
Dans le cas d’un marché mixte contenant des éléments de marchés de fournitures, de travaux et de services et de concessions, le marché mixte est passé conformément à la présente directive, pour autant que la valeur estimée de la partie du marché qui constitue un marché relevant de la présente directive, calculée conformément à l’article 5, soit égale ou supérieure au seuil applicable fixé à l’article 4.
5. Lorsqu’un marché a pour objet à la fois des achats relevant de la présente directive et des achats en vue de l’exercice d’une activité relevant de la directive 2014/25/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (JO 2014, L 94, p. 243)], les règles applicables sont, nonobstant le paragraphe 4 du présent article, déterminées conformément aux articles 5 et 6 de la directive [2014/25].
6. Lorsque les différentes parties d’un marché donné sont objectivement inséparables, le régime juridique applicable est déterminé en fonction de l’objet principal dudit marché. »
15 L’article 4 de la même directive énonce :
«La présente directive s’applique aux marchés dont la valeur estimée hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est égale ou supérieure aux seuils suivants:
[...]
b) 144 000 [euros] pour les marchés publics de fournitures et de services passés par des autorités publiques centrales et pour les concours organisés par celles-ci ; en ce qui concerne les marchés publics de fournitures passés par des pouvoirs adjudicateurs qui opèrent dans le domaine de la défense, ce seuil ne s’applique qu’aux marchés concernant les produits visés à l’annexe III ;
c) 221 000 [euros] pour les marchés publics de fournitures et de services passés par des pouvoirs adjudicateurs sous-centraux et pour les concours organisés par ceux-ci ; ce seuil s’applique également aux marchés publics de fournitures passés par des autorités publiques centrales opérant dans le domaine de la défense, lorsque ces marchés concernent des produits non visés à l’annexe III ;
d) 750 000 [euros] pour les marchés publics de services portant sur des services sociaux et d’autres services spécifiques énumérés à l’annexe XIV. »
16 L’article 7 de la directive 2014/24 est ainsi libellé :
« La présente directive ne s’applique pas aux marchés publics ni aux concours qui, dans le cadre de la directive [2014/25], sont passés ou organisés par des pouvoirs adjudicateurs exerçant une ou plusieurs des activités visées aux articles 8 à 14 de ladite directive et qui sont passés pour l’exercice de ces activités [...] »
17 Aux termes de l’article 12 de cette directive :
« 1. Un marché public attribué par un pouvoir adjudicateur à une personne morale régie par le droit privé ou le droit public ne relève pas du champ d’application de la présente directive lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies:
a) le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale concernée un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services ;
b) plus de 80 % des activités de cette personne morale contrôlée sont exercées dans le cadre de l’exécution des tâches qui lui sont confiées par le pouvoir adjudicateur qui la contrôle ou par d’autres personnes morales qu’il contrôle ; et
c) la personne morale contrôlée ne comporte pas de participation directe de capitaux privés, à l’exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par les dispositions législatives nationales, conformément aux traités, qui ne permettent pas d’exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée.
Un pouvoir adjudicateur est réputé exercer sur une personne morale un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services, au sens du premier alinéa, point a), s’il exerce une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de la personne morale contrôlée. Ce contrôle peut également être exercé par une autre personne morale, qui est elle-même contrôlée de la même manière par le pouvoir adjudicateur.
[...]
4. Un marché conclu exclusivement entre deux pouvoirs adjudicateurs ou plus ne relève pas du champ d’application de la présente directive, lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :
a) le marché établit ou met en œuvre une coopération entre les pouvoirs adjudicateurs participants dans le but de garantir que les services publics dont ils doivent assurer la prestation sont réalisés en vue d’atteindre les objectifs qu’ils ont en commun ;
b) la mise en œuvre de cette coopération n’obéit qu’à des considérations d’intérêt public ; et
c) les pouvoirs adjudicateurs participants réalisent sur le marché concurrentiel moins de 20 % des activités concernées par la coopération ;
[...] »
18 L’article 18 de cette directive dispose :
« 1. Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent d’une manière transparente et proportionnée.
Un marché ne peut être conçu dans l’intention de le soustraire au champ d’application de la présente directive ou de limiter artificiellement la concurrence. La concurrence est considérée comme artificiellement limitée lorsqu’un marché est conçu dans l’intention de favoriser ou de défavoriser indûment certains opérateurs économiques.
2. Les États membres prennent les mesures appropriées pour veiller à ce que, dans l’exécution des marchés publics, les opérateurs économiques se conforment aux obligations applicables dans les domaines du droit environnemental, social et du travail établies par le droit de l’Union, le droit national, les conventions collectives ou par les dispositions internationales en matière de droit environnemental, social et du travail énumérées à l’annexe X. »
19 L’article 57 de ladite directive prévoit :
« 1. Les pouvoirs adjudicateurs excluent un opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché lorsqu’ils ont établi, en procédant à des vérifications conformément aux articles 59, 60 et 61, ou qu’ils sont informés de quelque autre manière que cet opérateur économique a fait l’objet d’une condamnation, prononcée par un jugement définitif, pour l’une des raisons suivantes :
a) participation à une organisation criminelle telle qu’elle est définie à l’article 2 de la décision-cadre 2008/841/JAI du Conseil[, du 24 octobre 2008, relative à la lutte contre la criminalité organisée (JO 2008, L 300, p. 42)] ;
b) corruption, telle qu’elle est définie à l’article 3 de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l’Union européenne [...] et à l’article 2, paragraphe 1, de la décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil[, du 22 juillet 2003, relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé (JO 2003, L 192, p. 54)], ou telle qu’elle est définie dans le droit national du pouvoir adjudicateur ou de l’opérateur économique ;
c) fraude au sens de l’article 1er de la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes [...] ;
d) infraction terroriste ou infraction liée aux activités terroristes, telles qu’elles sont définies respectivement à l’article 1er et à l’article 3 de la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil[, du 13 juin 2002, relative à la lutte contre le terrorisme (JO 2002, L 164, p. 3)], ou incitation à commettre une infraction, complicité ou tentative d’infraction telles qu’elles sont visées à l’article 4 de ladite décision-cadre ;
e) blanchiment de capitaux ou financement du terrorisme tels qu’ils sont définis à l’article 1er de la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil[, du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (JO 2005, L 309, p. 15)] ;
f) travail des enfants et autres formes de traite des êtres humains définis à l’article 2 de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil[, du 5 avril 2011, concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil (JO 2011, L 101, p. 1)].
L’obligation d’exclure un opérateur économique s’applique aussi lorsque la personne condamnée par jugement définitif est un membre de l’organe administratif, de gestion ou de surveillance dudit opérateur économique ou détient un pouvoir de représentation, de décision ou de contrôle en son sein.
2. Un opérateur économique est exclu de la participation à une procédure de passation de marché si le pouvoir adjudicateur a connaissance d’un manquement par l’opérateur économique à ses obligations relatives au paiement d’impôts et taxes ou de cotisations de sécurité sociale lorsque celui-ci a été établi par une décision judiciaire ayant force de chose jugée ou une décision administrative ayant un effet contraignant, conformément aux dispositions légales du pays dans lequel il est établi ou à celles de l’État membre du pouvoir adjudicateur.
En outre, les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou être obligés par les États membres à exclure un opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché si le pouvoir adjudicateur peut démontrer par tout moyen approprié que l’opérateur économique a manqué à ses obligations relatives au paiement d’impôts et taxes ou de cotisations de sécurité sociale.
Le présent paragraphe ne s’applique plus lorsque l’opérateur économique a rempli ses obligations en payant ou en concluant un accord contraignant en vue de payer les impôts et taxes ou cotisations de sécurité sociale dues, y compris, le cas échéant, tout intérêt échu ou les éventuelles amendes.
[...]
4. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou être obligés par les États membres à exclure tout opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché dans l’un des cas suivants :
a) lorsque le pouvoir adjudicateur peut démontrer, par tout moyen approprié, un manquement aux obligations applicables visées à l’article 18, paragraphe 2 ;
b) l’opérateur économique est en état de faillite ou fait l’objet d’une procédure d’insolvabilité ou de liquidation, ses biens sont administrés par un liquidateur ou sont placés sous administration judiciaire, il a conclu un concordat préventif, il se trouve en état de cessation d’activités, ou dans toute situation analogue résultant d’une procédure de même nature existant dans les législations et réglementations nationales ;
c) le pouvoir adjudicateur peut démontrer par tout moyen approprié que l’opérateur économique a commis une faute professionnelle grave qui remet en cause son intégrité ;
d) le pouvoir adjudicateur dispose d’éléments suffisamment plausibles pour conclure que l’opérateur économique a conclu des accords avec d’autres opérateurs économiques en vue de fausser la concurrence ;
e) il ne peut être remédié à un conflit d’intérêts au sens de l’article 24 par d’autres mesures moins intrusives ;
f) il ne peut être remédié à une distorsion de la concurrence résultant de la participation préalable des opérateurs économiques à la préparation de la procédure de passation de marché, visée à l’article 41, par d’autres mesures moins intrusives ;
g) des défaillances importantes ou persistantes de l’opérateur économique ont été constatées lors de l’exécution d’une obligation essentielle qui lui incombait dans le cadre d’un marché public antérieur, d’un marché antérieur passé avec une entité adjudicatrice ou d’une concession antérieure, lorsque ces défaillances ont donné lieu à la résiliation dudit marché ou de la concession, à des dommages et intérêts ou à une autre sanction comparable ;
h) l’opérateur économique s’est rendu coupable de fausse déclaration en fournissant les renseignements exigés pour la vérification de l’absence de motifs d’exclusion ou la satisfaction des critères de sélection, a caché ces informations ou n’est pas en mesure de présenter les documents justificatifs requis en vertu de l’article 59 ; ou
i) l’opérateur économique a entrepris d’influer indûment sur le processus décisionnel du pouvoir adjudicateur ou d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu lors de la procédure de passation de marché, ou a fourni par négligence des informations trompeuses susceptibles d’avoir une influence déterminante sur les décisions d’exclusion, de sélection ou d’attribution.
Nonobstant le premier alinéa, point b), les États membres peuvent exiger ou prévoir la possibilité que le pouvoir adjudicateur n’exclue pas un opérateur économique qui se trouve dans l’un des cas visés audit point lorsque le pouvoir adjudicateur a établi que l’opérateur économique en question sera en mesure d’exécuter le marché, compte tenu des règles et des mesures nationales applicables en matière de continuation des activités dans le cadre des situations visées au point b).
[...]»
20 L’article 58 de la même directive énonce :
« 1. Les critères de sélection peuvent avoir trait :
a) à l’aptitude à exercer l’activité professionnelle ;
b) à la capacité économique et financière ;
c) aux capacités techniques et professionnelles.
Les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent imposer comme conditions de participation aux opérateurs économiques que les critères visés aux paragraphes 2, 3 et 4. Ils limitent ces conditions à celles qui sont propres à garantir qu’un candidat ou un soumissionnaire dispose de la capacité juridique et financière ainsi que des compétences techniques et professionnelles nécessaires pour exécuter le marché à attribuer. Toutes les conditions sont liées et proportionnées à l’objet du marché.
[...]
3. En ce qui concerne la capacité économique et financière, les pouvoirs adjudicateurs peuvent imposer aux opérateurs économiques des conditions garantissant que ceux-ci possèdent la capacité économique et financière nécessaire pour exécuter le marché. À cette fin, les pouvoirs adjudicateurs peuvent en particulier exiger que les opérateurs économiques réalisent un chiffre d’affaires annuel minimal donné, notamment un chiffre d’affaires minimal donné dans le domaine concerné par le marché. En outre, les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger que les opérateurs économiques fournissent des informations sur leurs comptes annuels indiquant le rapport, par exemple, entre les éléments d’actif et de passif. Ils peuvent également exiger un niveau approprié d’assurance des risques professionnels.
Le chiffre d’affaires annuel minimal que les opérateurs économiques sont tenus de réaliser ne dépasse pas le double de la valeur estimée du marché, sauf dans des cas dûment justifiés tels que ceux ayant trait aux risques particuliers inhérents à la nature des travaux, services ou fournitures. Le pouvoir adjudicateur indique les principales raisons justifiant une telle exigence dans les documents de marché ou le rapport individuel visé à l’article 84.
Le ratio, par exemple, entre les éléments d’actif et de passif peut être pris en compte lorsque le pouvoir adjudicateur précise les méthodes et les critères de cette prise en compte dans les documents de marché. Ces méthodes et critères sont transparents, objectifs et non discriminatoires.
Lorsqu’un marché est divisé en lots, le présent article s’applique à chacun des lots. Cependant, le pouvoir adjudicateur peut fixer le chiffre d’affaires annuel minimal que les opérateurs économiques sont tenus de réaliser pour des groupes de lots, dans l’éventualité où le titulaire se verrait attribuer plusieurs lots à exécuter en même temps.
Lorsque des marchés fondés sur un accord-cadre sont à attribuer à la suite d’une remise en concurrence, l’exigence maximale en termes de chiffre d’affaires annuel visée au deuxième alinéa est calculée sur la base de la taille maximale prévue des marchés spécifiques qui seront exécutés en même temps ou, si ce montant n’est pas connu, sur la base de la valeur estimée de l’accord-cadre. Dans le cas des systèmes d’acquisition dynamiques, l’exigence maximale en termes de chiffre d’affaires annuel visée au deuxième alinéa est calculée sur la base de la taille maximale prévue des marchés spécifiques devant être attribués dans le cadre desdits systèmes.
[...] »
21 L’article 74 de la directive 2014/24 est ainsi libellé :
« Les marchés publics pour les services sociaux et d’autres services spécifiques énumérés à l’annexe XIV sont attribués conformément au présent chapitre lorsque la valeur des marchés est égale ou supérieure au seuil indiqué à l’article 4, point d). »
La directive 2014/25
22 Aux termes de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2014/25 :
« Un marché destiné à couvrir plusieurs activités suit les règles applicables à l’activité à laquelle il est principalement destiné. »
23 L’article 11 de cette directive dispose :
« La présente directive s’applique aux activités visant la mise à disposition ou l’exploitation de réseaux destinés à fournir un service au public dans le domaine du transport par chemin de fer, systèmes automatiques, tramway, trolleybus, autobus ou câble.
En ce qui concerne les services de transport, il est considéré qu’un réseau existe lorsque le service est fourni dans les conditions déterminées par une autorité compétente d’un État membre, telles que les conditions relatives aux itinéraires à suivre, à la capacité de transport disponible ou à la fréquence du service. »
Le droit italien
24 L’article 5, paragraphe 9 du decreto legislativo n. 50 – Attuazione delle direttive 2014/23/UE, 2014/24/UE e 2014/25/UE sull’aggiudicazione dei contratti di concessione, sugli appalti pubblici e sulle procedure d’appalto degli enti erogatori nei settori dell’acqua, dell’energia, dei trasporti e dei servizi postali, nonché per il riordino della disciplina vigente in materia di contratti pubblici relativi a lavori, servizi e forniture (décret législatif no 50, portant modalités d’application de la directive 2014/23/UE sur l’attribution de contrats de concession, de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics et de la directive 2014/25/UE relative à la passation des marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux, ainsi que réorganisation de la législation en vigueur en matière de marchés publics de travaux, de services et de fournitures), du 18 avril 2016 (supplément ordinaire à la GURI no 91, du 19 avril 2016, ci-après le « décret législatif no 50/2016 »), énonce :
« Lorsque les dispositions en vigueur autorisent la constitution de sociétés mixtes pour la réalisation et la gestion d’un ouvrage public ou pour l’organisation et la gestion d’un service d’intérêt général, l’associé privé doit être sélectionné au moyen d’une procédure de passation de marché public. »
25 L’article 4 du decreto legislativo n. 175 – Testo unico in materia di società a partecipazione pubblica (décret législatif no 175, portant texte unique en matière de sociétés à participation publique), du 19 août 2016 (GURI no 210, du 8 septembre 2016, ci-après le « décret législatif no 175/2016 »), prévoit que les objectifs poursuivis par les administrations publiques lorsqu’elles ont recours à la constitution de sociétés dans lesquelles elles détiennent une participation sont soumis à une double contrainte d’objet. D’une part, il doit s’agir de sociétés ayant pour objet des activités strictement nécessaires à la poursuite des objectifs institutionnels de l’administration concernée. D’autre part, les activités à accomplir doivent relever de celles expressément visées au paragraphe 2 de cet article, à savoir, entre autres, la production d’un service d’intérêt général, y compris la réalisation et la gestion des réseaux et des installations servant auxdits services et l’organisation et la gestion d’un service d’intérêt général par la voie d’un contrat de partenariat visé à l’article 180 du décret législatif no 50/2016, avec un entrepreneur sélectionné selon les modalités prévues à l’article 17, paragraphes 1 et 2, décret législatif no 175/2016.
26 L’article 7, paragraphe 5, du décret législatif no 175/2016 exige que les associés privés soient préalablement sélectionnés par une procédure de passation de marché public, conformément à l’article 5, paragraphe 9, du décret législatif no 50/2016.
27 L’article 17, paragraphe 1, du décret législatif no 175/2016 est ainsi libellé :
« Dans les sociétés à participation mixte publique-privée, le pourcentage de participation de la personne privée ne peut être inférieur à 30 % et la sélection de celle‑ci se fait par voie de procédure de passation de marché public conformément à l’article 5, paragraphe 9, du [décret no 50/2016] et a pour objet à la fois la souscription ou l’acquisition de la participation par l’associé privé et l’attribution du contrat de marché ou de concession constituant l’objet exclusif des activités de la société mixte ».
28 Aux termes de l’article 17, paragraphe 2, du décret législatif no 175/2016 :
« L’associé privé doit satisfaire aux conditions de qualification prévues par des dispositions légales ou réglementaires en rapport avec la prestation pour laquelle la société a été constituée [...] ».
Le litige au principal et les questions préjudicielles
29 Le 4 septembre 2018, la ville de Rome a lancé un appel d’offres destiné, d’une part, à désigner un associé en vue de constituer une société à capital mixte et, d’autre part, à attribuer à cette société la gestion du « service scolaire intégré », d’un montant évalué à 277 479 616,21 euros. Selon les documents de l’appel d’offres, la ville de Rome était amenée à détenir 51 % des parts sociales de ladite société, les 49 % restants devant être acquis par son associé, ce dernier étant également appelé à supporter l’intégralité du risque opérationnel.
30 Une seule offre a été déposée par un groupement en voie de constitution, composé de Roma Multiservizi et de Rekeep. Il était prévu que ce groupement soit détenu à hauteur de 10 % par Rekeep, en qualité de mandant, et à 90 % par Roma Multiservizi, en qualité de chef de file mandataire, et que ces deux sociétés souscrivent au capital de la société à capital mixte à constituer avec la ville de Rome, au prorata de leur participation dans ce groupement.
31 Roma Multiservizi, créée au cours de l’année 1994 par la ville de Rome, est détenue à 51 % par AMA SpA, le reste de son capital étant la propriété de Rekeep et de La Veneta Servizi SpA. Le capital d’AMA est, quant à lui, intégralement détenu par cette ville.
32 Le 1er mars 2019, le groupement en voie de constitution formé par Roma Multiservizi et Rekeep a été exclu de la procédure en cours, au motif que, compte tenu de la participation d’AMA dans le capital de Roma Multiservizi, la ville de Rome aurait détenu, dans les faits, 73,5 % du capital de la société à capital mixte qui aurait été constituée avec ce groupement, excédant ainsi la limite de 51 % fixée dans l’appel d’offres et amenant sous le seuil de 49 % la part de capital-risque dans cette société détenue par des opérateurs privés.
33 Cette décision d’exclusion a été contestée par Rekeep et Roma Multiservizi devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie). Celui-ci a rejeté leurs recours par deux arrêts rendus le 18 juin 2019.
34 Roma Multiservizi et Rekeep ont interjeté appel de ces deux arrêts devant la juridiction de renvoi.
35 Au cours de la procédure en appel, la ville de Rome a attribué, au terme d’une procédure négociée, l’exécution du « service scolaire intégré » au Consorzio Nazionale Servizi Soc. coop. (CNS). Cette attribution a été suspendue par la juridiction de renvoi.
36 Dans sa demande de décision préjudicielle, le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) relève, en premier lieu, que, selon la réglementation nationale applicable, lorsque des sociétés à capital mixte ont pour objet la réalisation d’un ouvrage public ou l’organisation et la gestion d’un service d’intérêt général, par la voie d’un contrat de partenariat avec un entrepreneur sélectionné selon les modalités prévues à l’article 17, paragraphes 1 et 2 , du décret législatif no 175/2016, la participation de la personne privée ne peut être inférieure à 30 % et la sélection de cet associé privé doit se faire au moyen de la passation d’un marché public.
37 La juridiction de renvoi relève, à cet égard, que la légalité de la participation maximale du pouvoir adjudicateur dans une société à capital mixte n’a pas été contestée devant elle et qu’elle n’est appelée qu’à examiner s’il y a lieu de tenir compte de la participation indirecte de la ville de Rome dans le capital de Roma Multiservizi afin de déterminer si cette limite a été respectée.
38 En deuxième lieu, selon cette juridiction, l’attribution directe d’un service à une société à capital mixte n’est pas, en tant que telle, incompatible avec le droit de l’Union, à condition, d’une part, que l’appel d’offres organisé, aux fins de la sélection de l’associé privé du pouvoir adjudicateur dans la société attributaire, se déroule dans le respect des articles 49 et 56 TFUE ainsi que des principes d’égalité de traitement, de non‑discrimination et de transparence et, d’autre part, que les critères de sélection de cet associé privé soient liés non seulement à l’apport en capital de ce dernier, mais également à ses capacités techniques et aux caractéristiques de son offre, au regard des prestations spécifiques à fournir, de sorte que la sélection de l’attributaire puisse être considérée comme résultant indirectement de celle de l’associé du pouvoir adjudicateur. Cet associé devrait, dès lors, être un partenaire opérationnel adéquat et non un simple actionnaire, sa participation se justifiant précisément par la carence, au sein de l’administration publique, des compétences nécessaires dont l’associé privé dispose.
39 Selon la juridiction de renvoi, c’est afin d’assurer une telle adéquation que le législateur italien a fixé à 30 % le seuil minimal de participation privée dans les sociétés à capital mixte. Elle précise que le plafonnement à 70 % de la participation publique dans de telles sociétés correspond au seuil au-delà duquel l’activité de ces sociétés peut altérer la concurrence en privant le marché concerné de son attractivité et en permettant à l’associé privé de limiter excessivement le risque économique de sa participation auxdites sociétés.
40 La juridiction de renvoi relève, en troisième lieu, que, si le pourcentage de participation de l’associé du pouvoir adjudicateur dans le capital de la société à capital mixte devait être calculé en prenant seulement en compte la forme juridique de cet associé, l’exclusion du groupement projeté par Roma Multiservizi et Rekeep de la procédure d’attribution en cause au principal ne serait pas justifiée. En revanche, s’il fallait tenir compte de la participation indirecte de la ville de Rome dans le capital de Roma Multiservizi, la part de l’associé privé résultant de la participation du groupement projeté par Roma Multiservizi et Rekeep dans la société à capital mixte, fixée formellement à 49 %, serait, en réalité, de 26,5 %, ce qui donnerait lieu à une situation d’inefficacité de marché et constituerait une violation du principe de concurrence dans la mesure où cet associé pourrait tirer indûment profit des avantages de la participation publique et s’assurer ainsi une rente de situation substantielle.
41 Dans ces conditions, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le droit [de l’Union], les considérants 14 et 32 et les articles 12 et 18 de la directive 2014/24 ainsi que l’article 30 de la directive 2014/23, tels qu’interprétés correctement, y compris au regard de l’article 107 TFUE, s’opposent-ils à ce que, afin de déterminer le seuil minimal de participation de 30 % exigé de l’associé privé pour entrer au capital d’une société mixte publique-privée en cours de constitution, limite jugée appropriée par le législateur national en application des principes [du droit de l’Union] dégagés en la matière par la jurisprudence de l’Union, il soit exclusivement tenu compte de la composition formelle ou documentaire du capital social d’un tel associé privé, ou l’administration publique qui organise l’appel d’offres a-t-elle la faculté, voire l’obligation, de tenir compte de sa propre participation indirecte dans le capital social de l’associé privé soumissionnaire ?
2) En cas de réponse affirmative à la première question, le fait pour l’administration qui organise l’appel d’offres de pouvoir exclure de l’appel d’offres un associé privé soumissionnaire dont la participation effective dans la société mixte publique-privée en cours de constitution est en réalité inférieure à 30 % par l’effet d’une participation publique constatée, directe ou indirecte, est-il conforme aux principes [du droit de l’Union], et en particulier aux principes de concurrence, de proportionnalité et d’adéquation ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la recevabilité des questions préjudicielles
42 Selon une jurisprudence constante, les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, EU:C:1995:463, points 59 et 61, ainsi que du 25 novembre 2021, État luxembourgeois (Informations sur un groupe de contribuables), C‑437/19, EU:C:2021:953, point 81].
43 La nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. La décision de renvoi doit, en outre, indiquer les raisons précises qui ont conduit le juge national à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser une question préjudicielle à la Cour [arrêt du 10 mars 2022, Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (Assurance maladie complète), C‑247/20, EU:C:2022:177, point 75 et jurisprudence citée].
44 Or, la juridiction de renvoi n’explique ni les raisons pour lesquelles elle estime qu’il convient d’interpréter l’article 107 TFUE ni le lien qu’elle établit entre cette disposition et la réglementation nationale en cause au principal.
45 En revanche, contrairement à ce que CNS soutient, la juridiction de renvoi, d’une part, identifie avec suffisamment de précision les dispositions des directives 2014/23 et 2014/24 dont elle sollicite l’interprétation et, d’autre part, ne demande pas à la Cour d’appliquer le droit de l’Union au litige au principal.
46 Il résulte de ce qui précède que les questions préjudicielles sont recevables, excepté, s’agissant de la première d’entre elles, en ce qu’elle porte sur l’interprétation de l’article 107 TFUE.
Sur le fond
47 Le litige en cause au principal concerne l’exclusion du groupement projeté par Roma Multiservizi et Rekeep de la procédure, entamée le 4 septembre 2018, et qui, avant qu’elle ne soit abandonnée par la ville de Rome en raison, précisément, de l’exclusion de ce groupement, lequel avait été le seul à déposer une offre, était destinée à conclure un accord ayant pour objet, d’une part, de constituer une société à capital mixte avec un opérateur économique sélectionné par cette ville et, d’autre part, de confier à cette société la prestation d’un ensemble de services accessoires aux activités scolaires proprement dites, consistant essentiellement en des services d’auxiliariat, de manutention, de nettoyage, de factage et d’aide au transport scolaire réservé. Il s’ensuit qu’une telle procédure avait pour objectif la conclusion d’un contrat mixte.
48 Il ressort, par ailleurs, de la décision de renvoi que la ville de Rome a considéré que, si elle avait constitué la société à capital mixte en cause au principal avec le groupement projeté par Roma Multiservizi et Rekeep, elle aurait détenu, dans les faits, 73,5 % du capital de cette société, alors que la réglementation nationale pertinente limite à 70 % la part maximale qu’un pouvoir adjudicateur peut détenir dans le capital d’une telle société et que les documents de l’appel d’offres, élaborés par cette ville, fixaient à 51 % la participation de cette ville dans le capital de ladite société.
49 La ville de Rome n’est toutefois parvenue au constat qu’elle aurait détenu, dans les faits, 73,5 % du capital de la société à capital mixte à constituer que parce qu’elle a tenu compte du fait que l’une de ses filiales, à savoir AMA, qu’elle détenait à 100 %, disposait de 51 % des parts sociales dans le capital de Roma Multiservizi.
50 En outre, il ressort de la demande de décision préjudicielle et des réponses aux questions posées par la Cour que l’exclusion du groupement projeté par Roma Multiservizi et Rekeep de la procédure en cause au principal a été justifiée à tout le moins tant par l’impossibilité de respecter, si ce groupement était choisi par la ville de Rome, la limite maximale de participation de cette ville dans le capital de la société à capital mixte, fixée par la réglementation nationale pertinente, que par l’impossibilité de respecter la limite plus stricte à une telle participation qui était prévue par les documents de l’appel d’offres.
51 Afin de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, il suffit, dès lors, d’examiner si le droit de l’Union s’oppose à ce que, afin d’examiner si cette dernière limite est respectée, un pouvoir adjudicateur prenne aussi en compte sa participation indirecte dans le capital d’un opérateur économique ayant manifesté son intérêt à devenir son associé.
52 Sous le bénéfice de ces observations, il y a lieu de considérer que, par ses deux questions préjudicielles, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les directives 2014/24 et 2014/23 doivent être interprétées en ce sens qu’un pouvoir adjudicateur ne peut pas exclure un opérateur économique de la procédure visant, d’une part, à constituer une société à capital mixte et, d’autre part, à attribuer à cette société un contrat de services lorsque cette exclusion est justifiée par le fait que, en raison de la participation indirecte de ce pouvoir adjudicateur dans le capital de cet opérateur économique, la participation maximale dudit pouvoir adjudicateur dans le capital de cette société, telle qu’elle a été fixée par les documents de l’appel d’offres, serait, dans les faits, dépassée s’il choisissait cet opérateur économique comme son associé.
Sur le régime juridique applicable au contrat en cause au principal
53 En premier lieu, il importe de rappeler, tout d’abord, que la constitution, par un pouvoir adjudicateur et un opérateur économique privé, d’une entreprise commune ne relève pas, en tant que telle, des règles du droit de l’Union relatives aux marchés publics ou aux concessions de services. Cela étant, il convient de s’assurer qu’une opération en capital ne masque pas, en réalité, l’attribution à un partenaire privé de contrats pouvant être qualifiés de « marchés publics » ou de « concessions ». Par ailleurs, le fait qu’une entité privée et un pouvoir adjudicateur coopèrent dans le cadre d’une entité à capital mixte ne peut justifier le non-respect de ces règles lors de l’attribution d’un marché public ou d’une concession de services à cette entité privée ou à l’entité à capital mixte (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2010, Mehiläinen et Terveystalo Healthcare, C‑215/09, EU:C:2010:807, points 33 et 34).
54 Ensuite, comme M. l’avocat général l’a souligné, en substance, aux points 57 à 59 de ses conclusions, il ressort de la décision de renvoi ainsi que des réponses aux questions posées par la Cour que les spécificités du contrat mixte en cause au principal exigeaient que les deux volets de celui-ci soient conclus avec un partenaire unique disposant, comme les documents de l’appel d’offres l’imposaient, tant de la capacité financière nécessaire à acquérir 49 % du capital de la société à capital mixte à constituer que de la capacité financière et technique nécessaire pour assumer, en pratique, l’intégralité des prestations de services accessoires aux activités scolaires de la ville de Rome. Il s’ensuit que, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, les deux volets du contrat en cause au principal apparaissent comme étant liés d’une manière inséparable et comme formant un tout indivisible (voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2010, Club Hotel Loutraki e.a., C‑145/08 et C‑149/08, EU:C:2010:247, points 53 et 54).
55 Or, dans une telle hypothèse, l’opération en cause doit être examinée dans son ensemble de manière unitaire aux fins de sa qualification juridique et doit être appréciée à la lumière des règles définissant le volet qui en constitue l’objet principal ou l’élément prépondérant (arrêts du 6 mai 2010, Club Hotel Loutraki e.a., C‑145/08 et C‑149/08, EU:C:2010:247, point 48, ainsi que du 22 décembre 2010, Mehiläinen et Terveystalo Healthcare, C‑215/09, EU:C:2010:807, point 36).
56 À cet égard, il ressort de la décision de renvoi et des réponses aux questions posées par la Cour que l’objectif essentiel de la procédure en cause au principal était non pas de créer une société à capital mixte, mais de faire reposer sur l’associé de la ville de Rome, au sein de cette société, l’intégralité du risque opérationnel lié aux prestations de services accessoires aux activités scolaires de cette ville, ladite société n’étant conçue que comme le support au moyen duquel ladite ville estimait que la qualité des prestations serait le mieux assurée.
57 En outre, rien ne laisse apparaître que la simple détention d’une partie du capital de la même société à capital mixte pouvait constituer une source de revenus importante pour l’associé de la ville de Rome.
58 Il apparaît, dès lors, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, que le volet lié à la prestation des services accessoires aux activités scolaires proprement dites constitue l’objet principal et l’élément prépondérant du contrat en cause au principal.
59 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre aux questions préjudicielles en partant de la prémisse selon laquelle les deux volets du contrat en cause au principal constituent un tout indivisible et que son volet prépondérant est celui ayant pour objet d’attribuer, à la société à capital mixte, les prestations des services accessoires aux activités scolaires de la ville de Rome. Dès lors, le régime juridique applicable au contrat en cause au principal, considéré dans son intégralité, est celui auquel ce volet est soumis.
60 En second lieu, il convient de relever que la juridiction de renvoi ne s’est pas prononcée sur le point de savoir si le contrat en cause au principal visait à attribuer à la société à capital mixte une concession de services, susceptible de relever de la directive 2014/23, ou un marché public de services, susceptible de relever de la directive 2014/24. En effet, la première question préjudicielle vise indistinctement ces deux directives, dont les champs d’application sont pourtant exclusifs l’un de l’autre.
61 À cet égard, il convient, premièrement, de rappeler qu’un marché public de services se distingue d’une concession de services en raison de la nature de la contrepartie octroyée à l’attributaire du contrat pour les services qu’il fournit. Ainsi, la contrepartie de l’attributaire d’un marché public consiste dans un prix payé par le pouvoir adjudicateur, alors que la contrepartie du concessionnaire consiste dans le droit d’exploiter le service faisant l’objet de la concession, ce droit étant, le cas échéant, accompagné d’un prix. L’attribution d’une concession implique, dès lors, le transfert au concessionnaire d’un risque d’exploitation (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2009, Eurawasser, C‑206/08, EU:C:2009:540, point 51, et du 15 octobre 2009, Acoset, C‑196/08, EU:C:2009:628, point 39).
62 Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, à la lumière de ce qui précède, si l’attribution à la société à capital mixte en cause au principal de la gestion des services accessoires aux activités scolaires de la ville de Rome aurait constitué un marché public de services ou une concession de services. Afin de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient, toutefois, dans le cadre du présent arrêt, d’examiner les questions préjudicielles au regard de chacune de ces deux hypothèses.
63 Deuxièmement, dans la mesure où, ainsi qu’il a été souligné au point 47 du présent arrêt, des services d’aide au transport scolaire réservé font partie des services visés par le contrat en cause au principal, il y a lieu d’examiner si une telle circonstance est de nature à influencer l’applicabilité de la directive 2014/23 ou de la directive 2014/24 à la procédure d’attribution du contrat en cause au principal.
64 À cet égard, il convient de souligner, d’une part, que, conformément à l’article 7, de la directive 2014/24, le champ d’application de celle-ci ne s’étend pas aux marchés publics dans le secteur des services de transport, tel que défini à l’article 11 de la directive 2014/25.
65 Cela étant, il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que les services d’aide au transport scolaire, en cause au principal, consistent dans l’exploitation d’un réseau destiné à fournir un service de transport, notamment, par autobus, dans les conditions déterminées par l’autorité nationale compétente, telles que les conditions relatives aux itinéraires à suivre, à la capacité de transport disponible ou à la fréquence du service, au sens de cet article 11.
66 En tout état de cause, il découle de l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2014/24 que, lorsqu’un marché a pour objet des achats relevant de cette directive et des achats en vue de l’exercice d’une activité relevant de la directive 2014/25, il convient de prendre en compte les articles 5 et 6 de cette dernière directive. L’article 6, paragraphe 2, de celle-ci prévoit, quant à lui, qu’un marché destiné à couvrir plusieurs activités suit les règles applicables à l’activité à laquelle il est principalement destiné.
67 Or, il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que les prestations d’aide au transport scolaire réservé, prévues par le contrat en cause au principal, à supposer même qu’elles satisfassent aux conditions prévues à l’article 11 de la directive 2014/25, constituent l’activité principale pour laquelle un tel contrat a été conclu.
68 D’autre part, en vertu de son article 10, paragraphe 3, la directive 2014/23 ne s’applique pas aux concessions relatives à des services publics de transport de voyageurs, au sens du règlement no 1370/2007.
69 Cela étant, il ressort encore moins dudit dossier que les prestations d’assistance au transport scolaire réservé, visées par le contrat en cause au principal, doivent être considérées comme étant des services publics de transport de voyageurs, auxquels s’appliquent le règlement no 1370/2007.
Sur la directive 2014/24
70 Dans l’hypothèse où le volet du contrat en cause au principal relatif à l’attribution des prestations de services accessoires aux activités scolaires devrait être qualifié de « marché public de services », au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 9, de la directive 2014/24, il conviendrait, à titre liminaire, de faire les constatations suivantes.
71 Premièrement, il ressort de la décision de renvoi que la valeur estimée d’un tel marché, et partant du contrat en cause au principal, dans son intégralité, est largement supérieure aux seuils au-delà desquels, conformément à l’article 4 de la directive 2014/24, les marchés publics de services relèvent du champ d’application de cette directive.
72 Deuxièmement, il convient d’examiner, comme y invite la juridiction de renvoi, si le contrat en cause au principal est néanmoins susceptible d’échapper au champ d’application de cette directive, en vertu de son article 12.
73 À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que l’article 12, paragraphe 4, de la directive 2014/24 prévoit qu’un marché conclu exclusivement entre deux pouvoirs adjudicateurs ou plus ne relève pas du champ d’application de cette directive lorsque les conditions prévues à cette disposition sont réunies.
74 Sans qu’il soit nécessaire d’examiner si, en l’occurrence, la société à capital mixte en cause au principal aurait pu être considérée comme étant un pouvoir adjudicateur, au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 1, de la directive 2014/24, il suffit de relever que, pour qu’il soit couvert par les dispositions de l’article 12, paragraphe 4, de cette directive, un accord de coopération ne peut pas avoir pour effet de placer une entreprise privée dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents (arrêt du 28 mai 2020, Informatikgesellschaft für Software-Entwicklung, C‑796/18, EU:C:2020:395, point 76). Or, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 78 de ses conclusions, tel aurait été nécessairement le cas en l’occurrence, compte tenu de la participation de capitaux privés dans la société à capital mixte à constituer, de sorte que cette disposition ne permet pas de faire échapper la procédure en cause au principal au champ d’application de la directive 2014/24.
75 D’autre part, il n’apparaît pas davantage que la société à capital mixte en cause au principal aurait pu satisfaire aux conditions, imposées à l’article 12, paragraphe 1, de la directive 2014/24, permettant de la considérer comme une entité in house de la ville de Rome.
76 À cet égard, s’il est vrai que, en vertu de cette disposition, une entité in house peut comporter des formes de participation directe de capitaux privés, encore faut-il que ces dernières n’offrent pas de capacité de contrôle ou de blocage, qu’elles soient requises par les dispositions législatives nationales, conformément aux traités, et qu’elles ne permettent pas d’exercer une influence décisive sur cette société, le pouvoir adjudicateur devant, au contraire, conserver une telle influence.
77 Or, s’agissant de la condition selon laquelle ces formes de participation doivent être imposées par les dispositions législatives nationales, il y a lieu de constater que la création de la société à capital mixte en cause au principal et, par voie de conséquence, la participation d’un associé privé au capital de celle-ci apparaissent découler non pas d’une obligation légale s’imposant à la ville de Rome, mais du libre choix de ce pouvoir adjudicateur de recourir à une procédure de partenariat public-privé afin de gérer les services accessoires aux activités scolaires.
78 Troisièmement, il convient de noter que les articles 74 à 77 de la directive 2014/24 établissent un régime simplifié de passation des marchés publics ayant pour objet les services sociaux et spéciaux énumérés à l’annexe XIV de cette directive. Or, il ressort des réponses apportées aux questions posées par la Cour que le contrat en cause au principal apparaît avoir eu, en partie, pour objet d’attribuer des services énumérés à cette annexe.
79 En vertu de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2014/24, les règles applicables à ce type de marchés publics mixtes sont celles qui régissent l’attribution de l’objet principal du marché en question, cet objet principal étant, lui-même, déterminé en fonction de la plus élevée des valeurs respectives des services concernés, telles qu’estimées.
80 Eu égard aux réponses apportées aux questions posées par la Cour, il apparaît que la valeur estimée des services en cause au principal, susceptibles de relever de l’annexe XIV de la directive 2014/24, pourrait être inférieure à la valeur estimée des autres services formant l’objet du contrat en cause au principal. Dès lors, il y a lieu de partir de la prémisse selon laquelle les articles 74 à 77 de cette directive ne sont pas applicables en l’occurrence, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.
81 Sous le bénéfice de ces observations, il convient de déterminer si les règles générales de passation des marchés publics, telles qu’elles sont établies par la directive 2014/24, s’opposent à ce qu’un opérateur économique soit exclu de la procédure de passation d’un contrat mixte, tel que celui en cause au principal, au motif que, après avoir pris en compte sa participation indirecte dans le capital de cet opérateur économique, le pouvoir adjudicateur a considéré que son apport dans le capital de la société à capital mixte à constituer irait, dans les faits, au-delà de ce qui est prévu par les documents d’appel d’offres, s’il choisissait ledit opérateur économique comme son associé.
82 En premier lieu, il convient de souligner que, dans le cadre d’un contrat mixte tel que celui en cause au principal, le marché public de services est attribué sans que ce dernier ait fait l’objet, en tant que tel, d’une procédure de passation conforme aux exigences de la directive 2014/24.
83 Cela étant, ces exigences doivent être considérées comme ayant été respectées à l’occasion de l’attribution d’un tel marché public lorsque l’opérateur économique avec lequel le pouvoir adjudicateur est appelé à constituer la société à capital mixte, attributaire de ce marché, a été sélectionné selon une procédure qui respecte lesdites exigences. Il s’ensuit que cette procédure doit permettre, notamment, de sélectionner l’associé du pouvoir adjudicateur, à qui l’activité opérationnelle et la gestion du service faisant l’objet du marché public sont confiées, dans le respect des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, de libre concurrence ainsi que de transparence. Les critères de sélection de cet associé ne peuvent, dès lors, être fondés uniquement sur les capitaux apportés, mais doivent permettre aux candidats d’établir, outre leur capacité à devenir actionnaire, avant tout leur capacité technique à fournir les services faisant l’objet du marché public et les avantages, économiques et autres, de leur offre (voir, par analogie, arrêt du 15 octobre 2009, Acoset, C‑196/08, EU:C:2009:628, points 59 et 60).
84 En deuxième lieu, il ressort de l’article 58, paragraphes 1 et 3, de la directive 2014/24 qu’un pouvoir adjudicateur peut recourir à des critères de sélection qui visent, notamment, à écarter de la procédure de passation les candidats ou les soumissionnaires qui ne présentent pas suffisamment de garanties quant à leur capacité économique et financière pour exécuter le marché public concerné, à condition, d’une part, que ces critères soient propres à garantir qu’un candidat ou un soumissionnaire dispose d’une telle capacité et, d’autre part, qu’ils soient liés et proportionnés à l’objet du marché.
85 À cet égard, il importe de relever, premièrement, qu’il est dans la nature même d’un contrat mixte tel que celui en cause au principal que le pouvoir adjudicateur fixe la répartition, entre lui-même et son associé, du capital de la société à capital mixte à constituer.
86 Il s’ensuit que, dans le cadre de son application à un tel contrat mixte, l’article 58, paragraphes 1 et 3, de la directive 2014/24 permet à un pouvoir adjudicateur d’exiger des opérateurs économiques ayant manifesté leur intérêt à devenir l’associé de celui-ci et à prendre en charge l’exécution effective du contrat de services attribué à la société ainsi constituée, qu’ils démontrent disposer de la capacité économique et financière nécessaire tant à la constitution de cette société qu’à l’exécution de ce contrat.
87 Deuxièmement, dans la mesure où le recours à une société à capital mixte s’explique, notamment, par le souci du pouvoir adjudicateur de limiter tant son investissement dans le capital de cette société que les aléas économiques qui en découlent, il doit encore être permis à ce pouvoir adjudicateur de tenir compte de la participation, fût-elle indirecte, qu’il détient dans le capital des opérateurs économiques qui ont manifesté leur intérêt à devenir l’associé de celui-ci. En effet, même lorsqu’elle est indirecte, une telle participation expose, en principe, le pouvoir adjudicateur à un aléa supplémentaire à celui qu’il aurait supporté s’il n’avait détenu, directement ou indirectement, aucune part du capital de son associé.
88 Un pouvoir adjudicateur doit, dès lors, pouvoir, au titre de la sélection qualitative de l’opérateur économique destiné à devenir son associé, exclure tout candidat dont il détient des parts sociales, fût-ce de manière indirecte, lorsque cette participation aboutit à méconnaître, dans les faits, la répartition du capital de la société à capital mixte entre ledit pouvoir adjudicateur et son associé, telle qu’elle a été arrêtée par les documents du marché, et à remettre ainsi en cause la capacité économique et financière de son associé à supporter, sans intervention du pouvoir adjudicateur, les obligations découlant, dans son chef, d’un tel contrat mixte.
89 Une telle exigence permet donc de garantir, comme l’impose l’article 58, paragraphe 1, de la directive 2014/24, que les opérateurs économiques disposent de la capacité économique et financière nécessaire pour exécuter les obligations découlant du contrat mixte concerné.
90 En outre, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, elle n’apparaît pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir l’objectif que le pouvoir adjudicateur poursuit et qui consiste à ne pas s’engager économiquement, fût-ce indirectement, au-delà de la part de capital de la société à capital mixte que ce pouvoir adjudicateur a manifesté l’intention d’acquérir dans les documents du marché. Pareille exigence ne pourrait être considérée comme étant disproportionnée que dans l’hypothèse où, en vertu de la réglementation nationale applicable ou des dispositions contractuelles pertinentes, il serait exclu que, dans le cadre des activités de la société à capital mixte constituée par un pouvoir adjudicateur et un opérateur économique dont ce pouvoir adjudicateur détiendrait, directement ou indirectement, une partie du capital, ledit pouvoir adjudicateur soit exposé à un quelconque risque économique additionnel, même indirect, en raison d’une telle participation au capital de son associé.
91 En troisième lieu, il importe d’ajouter que les principes d’égalité de traitement et de transparence, rappelés au point 83 du présent arrêt, exigent également que toutes les conditions et modalités de la procédure d’attribution soient formulées de manière claire, précise et univoque dans les documents du marché, de façon, premièrement, à permettre à tous les candidats et soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et, deuxièmement, à mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier effectivement si le profil et les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2018, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – Antitrust et Coopservice, C‑216/17, EU:C:2018:1034, point 63, ainsi que du 17 juin 2021, Simonsen & Weel, C‑23/20, EU:C:2021:490, point 61).
92 Il appartient, dès lors, à la juridiction de renvoi de vérifier si, en l’occurrence, il pouvait être déduit de manière claire, précise et univoque des documents du marché que les participations indirectes de la ville de Rome dans le capital des opérateurs économiques s’étant portés candidats pour devenir l’associé de celle-ci seraient prises en compte afin de déterminer si ceux-ci disposaient d’une capacité économique et financière suffisante.
93 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 58 de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens qu’un pouvoir adjudicateur peut exclure un opérateur économique de la procédure visant, d’une part, à constituer une société à capital mixte et, d’autre part, à attribuer à cette société un marché public de services lorsque cette exclusion est justifiée par le fait que, en raison de la participation indirecte de ce pouvoir adjudicateur dans le capital de cet opérateur économique, la participation maximale dudit pouvoir adjudicateur dans le capital de cette société, telle qu’elle a été fixée par les documents de l’appel d’offres, serait, dans les faits, dépassée si ce même pouvoir adjudicateur choisissait ledit opérateur économique comme son associé, pour autant qu’un tel dépassement aboutit à augmenter l’aléa économique supporté par le même pouvoir adjudicateur.
Sur la directive 2014/23
94 Dans l’hypothèse où le volet du contrat en cause au principal relatif à l’attribution des prestations de services accessoires aux activités scolaires devrait être qualifié de « concession de services », au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/23, il convient de relever, en premier lieu, que la valeur estimée de ce volet, et partant, du contrat en cause au principal, dans son intégralité, dépasse largement le seuil au-dessus duquel, en vertu de son article 8, cette directive est applicable.
95 En deuxième lieu, pour des raisons analogues à celles qui ont été exposées aux points 73 à 77 du présent arrêt, l’article 17, paragraphes 1 et 4, de cette directive n’apparaît pas applicable à la procédure en cause au principal.
96 En troisième lieu, pour des motifs analogues à ceux exposés aux points 78 à 80 du présent arrêt, il convient de partir de la prémisse, qu’il appartient, toutefois, à la juridiction de renvoi de vérifier, selon laquelle, en vertu de l’article 20, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2014/23, la concession de services en cause au principal n’est pas soumise au régime simplifié de passation établi à l’article 19 de cette directive, la valeur estimée des services en cause au principal, qui sont susceptibles de relever de l’annexe IV de ladite directive, n’apparaissant pas supérieure à la valeur des autres services faisant l’objet de la concession.
97 En quatrième lieu, pour des motifs analogues à ceux développés aux points 82 à 93 du présent arrêt, il convient de considérer que l’article 38 de la directive 2014/23 autorise un pouvoir adjudicateur à tenir compte de son éventuelle participation indirecte dans le capital des opérateurs économiques ayant manifesté leur intérêt à devenir l’associé de celui-ci afin de déterminer si la constitution de la société à capital mixte avec de tels opérateurs ne l’empêcherait pas de respecter, dans les faits, la limite de participation dans le capital de cette société qu’il s’est lui-même imposée. Cet article 38 l’autorise également, en principe, à exclure de la procédure de passation de la concession de services tout opérateur économique qui, en raison du fait que le pouvoir adjudicateur détient, fût-ce indirectement, une partie de son capital, ne pourrait être l’associé de ce pouvoir adjudicateur sans enfreindre, dans les faits, la participation maximale au capital de cette société à capital mixte que le pouvoir adjudicateur s’est fixée.
98 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 38 de la directive 2014/23 doit être interprété en ce sens qu’un pouvoir adjudicateur peut exclure un opérateur économique de la procédure visant, d’une part, à constituer une société à capital mixte et, d’autre part, à attribuer à cette société une concession de services lorsque cette exclusion est justifiée par le fait que, en raison de la participation indirecte de ce pouvoir adjudicateur dans le capital de cet opérateur économique, la participation maximale dudit pouvoir adjudicateur dans le capital de cette société, telle qu’elle a été fixée par les documents de l’appel d’offres, serait, dans les faits, dépassée si ce même pouvoir adjudicateur choisissait ledit opérateur économique comme son associé, pour autant qu’un tel dépassement aboutit à augmenter l’aléa économique supporté par le même pouvoir adjudicateur.
Sur les dépens
99 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
1) L’article 58 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, telle que modifiée par le règlement délégué (UE) 2017/2365 de la Commission, du 18 décembre 2017, doit être interprété en ce sens qu’un pouvoir adjudicateur peut exclure un opérateur économique de la procédure visant, d’une part, à constituer une société à capital mixte et, d’autre part, à attribuer à cette société un marché public de services lorsque cette exclusion est justifiée par le fait que, en raison de la participation indirecte de ce pouvoir adjudicateur dans le capital de cet opérateur économique, la participation maximale dudit pouvoir adjudicateur dans le capital de cette société, telle qu’elle a été fixée par les documents de l’appel d’offres, serait, dans les faits, dépassée si ce même pouvoir adjudicateur choisissait ledit opérateur économique comme son associé, pour autant qu’un tel dépassement aboutit à augmenter l’aléa économique supporté par le même pouvoir adjudicateur.
2) L’article 38 de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession, telle que modifiée par le règlement délégué (UE) 2017/2366 de la Commission, du 18 décembre 2017, doit être interprété en ce sens qu’un pouvoir adjudicateur peut exclure un opérateur économique de la procédure visant, d’une part, à constituer une société à capital mixte et, d’autre part, à attribuer à cette société une concession de services lorsque cette exclusion est justifiée par le fait que, en raison de la participation indirecte de ce pouvoir adjudicateur dans le capital de cet opérateur économique, la participation maximale dudit pouvoir adjudicateur dans le capital de cette société, telle qu’elle a été fixée par les documents de l’appel d’offres, serait, dans les faits, dépassée si ce même pouvoir adjudicateur choisissait ledit opérateur économique comme son associé, pour autant qu’un tel dépassement aboutit à augmenter l’aléa économique supporté par le même pouvoir adjudicateur.