Cass. soc., 24 avril 2013, n° 10-16.063
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gosselin
Avocats :
Me Bertrand, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray
Sur le premier moyen du pourvoi de l'employeur, dirigé contre l'arrêt du 30 avril 2009, délibéré par la première chambre civile :
Attendu que la société Le Musée l'Organe fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes de M. X... relatives à la propriété intellectuelle et d'évoquer l'affaire au fond alors, selon le moyen, que les lois relatives à la compétence des juridictions sont d'application immédiate, la compétence de la juridiction initialement saisie n'étant conservée que lorsqu'une décision intéressant le fond a été rendue avant l'entrée en vigueur des dispositions nouvelles ; que le conseil de prud'hommes, saisi de demandes fondées sur le contrat de travail et sur la propriété littéraire et artistique s'étant borné, en ce qui concerne le second chef de demande, à se déclarer compétent et à renvoyer l'affaire à l'audience présidée par un juge départiteur, aucune décision sur le fond de la contestation relative à la propriété littéraire et artistique n'avait été prononcée avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, modifiant l'article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle en ce sens que les tribunaux de grande instance disposent d'une compétence exclusive pour connaître des contestations relatives à la propriété littéraire et artistique ; qu'en déclarant compétent le conseil de prud'hommes pour la raison que cette juridiction avait été saisie avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, sous l'empire des dispositions de la loi du 29 octobre 2007 d'où résultait une compétence concurrente des conseils de prud'hommes et des tribunaux de grande instance, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 2 du code civil et L. 331-1 du code de la propriété Intellectuelle dans sa réaction issue de la loi du 4 août 2008 ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant usé de son pouvoir d'évocation et étant juridiction d'appel, tant du conseil de prud'hommes de Lyon que du tribunal de grande instance de Lyon, dont la compétence était revendiquée, le moyen est inopérant ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi de l'employeur, dirigé contre l'arrêt du 17 février 2010, délibéré par la première chambre civile :
Attendu que pour reconnaître le bénéfice de la protection au titre du droit d'auteur à quarante-six photographies revendiquées par M. X..., l'arrêt, après avoir procédé à l'analyse de trois d'entre elles, se borne à énoncer, pour les autres, qu'à travers les choix esthétiques qu'elles révèlent, M. X... a magnifié le projet « Demeure du chaos » tout en livrant une interprétation personnelle du message complexe que ce projet entend livrer, que les commentaires dont il a fait suivre quatre photographies pour les besoins de la procédure ne laissent aucun doute sur la part de lui-même qu'il a mise dans ces oeuvres et que, dans chaque cas, il a exalté la quintessence du site avec son regard personnel et sa sensibilité ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si et en quoi chacune des photographies, dont la protection était sollicitée, résultait d'un effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de leur auteur, seul de nature à leur conférer le caractère d'une oeuvre originale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur les troisième, quatrième et cinquième moyens du pourvoi de l'employeur :
Attendu que la cassation sur le deuxième moyen rend sans objet les moyens suivants ;
Sur le second moyen du pourvoi du salarié :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme sa demande au titre des heures supplémentaires effectuées, et de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé, alors, selon le moyen :
1°/ que la preuve des heures effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en retenant que M. X... n'étayait pas une demande de 12 311, 30 euros, quand, en présence d'éléments de nature à étayer la demande du salarié qui lui ont d'ailleurs permis de condamner l'employeur au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, il incombait à la cour d'appel de se prononcer sur les heures de travail effectuées par lui sans pouvoir faire peser la charge de la preuve sur l'une ou l'autre des parties, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
2°/ que la circonstance que le salarié ait pu bénéficier d'une indépendance dans l'organisation de ses journées de travail et dans ses horaires, n'est pas de nature à le priver du droit au paiement des heures supplémentaires effectuées sur la demande ou avec l'accord ne serait-ce qu'implicite de son employeur ; qu'en se fondant sur ce motif pour débouter M. X... de sa demande en paiement des heures supplémentaires effectuées, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-10 et suivants du code du travail ;
3°/ qu'à tout le moins, en se prononçant ainsi sans rechercher si M. X... disposait d'une grande latitude dans l'organisation de son travail et exerçait des fonctions de responsabilité dont l'importance aurait été attestée par son degré d'autonomie, le nombre de salariés placés sous son autorité et le niveau élevé de sa rémunération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes et des articles L. 3121-38 et suivants du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté par motifs propres et adoptés que le salarié ne versait aux débats aucun élément à l'appui d'une demande de 12 311, 30 euros, ne serait ce qu'un simple tableau récapitulatif précisant les jours et les semaines concernées, la cour d'appel a souverainement décidé, que la demande n'était pas étayée ; que le moyen, peu important les griefs énoncés dans les deuxième et troisième branches qui sont inopérantes, est mal fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi du salarié :
Vu les articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement du salarié fondé sur une faute lourde et le débouter de ses demandes, l'arrêt relève que M. X... a écrit un article paru sur internet sous le titre « le chaos comme imposture » dans lequel il s'en était pris à M. Y... et qu'il s'est fait délivrer un avis d'arrêt de travail que rien ne justifiait ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, ne contenait pas de grief relatif à la justification de l'arrêt de maladie du salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé par la société Le Musée l'Organe en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 30 avril 2009 ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a condamné la société Le Musée l'Organe à payer à M. X... la somme de 514, 50 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt rendu le 17 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.