Cass. soc., 29 janvier 1992, n° 89-45.457
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cochard
Rapporteur :
M. Benhamou
Avocat général :
M. Picca
Avocat :
Me Guinard
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que M. A... est entré au service de la SARL Carrosserie A... en qualité de tôlier le 11 août 1973 ; qu'en 1984, la société A... a été transformée en société anonyme et M. A... en est devenu le directeur général ; que le conseil d'administration de la société, réuni le 4 juillet 1988, a convoqué une assemblée générale extraordinaire pour le 25 juillet avec, à l'ordre du jour, la révocation de M. A... de son mandat d'administrateur ; que celui-ci a été révoqué de ses fonctions de directeur général dès le 4 juillet 1988 et de son poste d'administrateur le 25 juillet 1988 ; qu'il a alors saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes aux fins, dans le dernier état de sa demande, d'obtenir de la société la délivrance d'une lettre de licenciement et d'un certificat de travail pour la période du 11 août 1973 au 21 septembre 1988 ; que la formation de référé a, par ordonnance du 9 décembre 1988, dit que M. A... avait la qualité de salarié lors du refus de la SA A... de lui laisser reprendre ses fonctions et a ordonné la délivrance à l'intéressé des pièces réclamées par ce dernier ; Attendu que la société Carrosserie Claisse fait grief à l'arrêt attaqué (Orléans, 28 septembre 1989) d'avoir confirmé cette décision du conseil de prud'hommes, alors, selon le pourvoi, que, d'une part, le juge ne peut retenir la qualité de salarié d'un mandataire social sans rechercher si celui-ci remplit des fonctions distinctes du mandat social sous la subordination de la société ; que, pour dire qu'il n'existait aucune contestation sérieuse sur la qualité de salarié de M. A..., directeur général de la SA A..., la cour d'appel s'est bornée à relever l'existence d'un avertissement pour absence injustifiée, d'une retenue de salaire pour absence et le paiement à titre exceptionnel d'un mois de congés payés ; qu'en statuant ainsi alors que ces circonstances ne suffisaient pas à caractériser le lien de subordination et qu'il appartenait au juge du fond de se prononcer sur la réalité d'un tel lien, le juge des référés a outrepassé sa compétence et violé l'article 808 du nouveau Code de procédure civile ; et alors que, d'autre part, pour retenir la qualité de salarié de M. A..., la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la société avait empêché ce dernier de rejoindre son poste de travail en septembre 1988 ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si M. A..., révoqué de son mandat d'administrateur et de ses fonctions de directeur général, exerçait des fonctions distinctes du mandat social, et sans même analyser les tâches qui lui auraient été confiées dans le cadre du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 808 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir rappelé qu'il n'existait aucune incompatibilité de principe entre un mandat social et des fonctions salariales, a constaté que M. A... avait non seulement eu un avertissement le 5 mai 1987 pour absences injustifiées, mais avait encore subi une retenue sur son salaire pour absence du "21 au 30 juillet 1988" et perçu des congés payés en août 1988, soit postérieurement à sa révocation de ses fonctions de directeur général et d'administrateur de la société ; qu'elle a en outre relevé que, le 27 septembre 1988, l'huissier avait constaté que le responsable de la société A... reconnaissait "refuser (à l'intéressé) l'accès à son poste de travail en raison d'un manque de confiance" ; qu'ayant ainsi fait ressortir que M. A... avait, concurremment avec son mandat social, exercé des fonctions salariales dans un lien de subordination à l'égard de la société, elle a pu en déduire que l'existence du contrat de travail de l'intéressé de 1984 à septembre 1988 n'était pas sérieusement contestable ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.