Cass. 1re civ., 29 novembre 2005, n° 01-17.034
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ancel
Rapporteur :
Mme Marais
Avocat général :
M. Sainte-Rose
Avocats :
Me Luc-Thaler, Me Capron
Attendu que M. Loïc Le X..., artiste peintre, auteur des décors du ballet "Gisèle" donné à l'Opéra de Paris au printemps 1991, s'est opposé à la vente d'une ébauche qu'il a réalisée à cette occasion, reproduite sur la couverture du catalogue d'une vente publique organisée, le 7 octobre 1998, par M. Y..., commissaire-priseur ; que celui-ci ayant passé outre à cette interdiction et procédé à la vente, M. Le X... l'a assigné en réparation du préjudice résultant de l'atteinte portée à son droit moral de divulgation ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 10 septembre 2001) d'avoir condamné M. Y... à payer à M. Le X... des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1 / que la cession du support matériel de l'oeuvre à un tiers par l'artiste implique nécessairement sa volonté de divulgation ; que la cour d'appel qui avait constaté que le peintre avait fait don de son oeuvre et qui a décidé qu'il ne l'avait pas divulguée, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L. 121-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
2 / que la cour d'appel qui déduit de l'absence de date et de signature de la toile le caractère inachevée de l'oeuvre, ce qui aurait exclu toute divulgation par l'auteur, s'est déterminée par un motif inopérant, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il appartient à l'auteur seul de divulguer son oeuvre et de déterminer le procédé et les conditions dans lesquelles la divulgation doit s'exercer ; que la propriété incorporelle de l'oeuvre étant indépendante de la propriété de l'objet matériel qui en est le support, la remise de l'objet à un tiers n'implique pas la divulgation de cette oeuvre ; que la cour d'appel, qui a constaté que la toile litigieuse, était une étude de couleur pour le décor de ballet qui lui avait été commandé, qu'il n'avait ni datée ni signée, a exactement retenu que sa remise au directeur de la danse, à supposer même qu'elle ait été faite à titre de don, ce qui ne résultait que des déclarations faites par ce dernier, ne suffisait pas à démontrer que le peintre ait entendu s'exercer sur cette oeuvre son droit de divulgation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est encore fait grief à la cour d'appel d'avoir condamné le commissaire-priseur à payer au peintre d'un tableau mis en vente par ses soins des dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1 / que le droit de divulgation de l'auteur de l'oeuvre qui s'en est volontairement dessaisi, ne fait pas obstacle au droit du propriétaire de vendre le support matériel, de sorte que la cour d'appel, en statuant comme elle l'a fait, a violé l'article 544 du Code civil ;
2 / que le commissaire-priseur, mandaté par le propriétaire du support matériel de l'oeuvre, ne commet pas de faute à l'égard de l'auteur en exécutant son mandat de vendre, de sorte que la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt que l'ébauche du peintre, reproduite en page de couverture du catalogue de la vente publique organisée le 7 octobre 1998 par M. Y..., a été adjugée au cours de cette vente publique malgré les protestations exprimées de façon circonstanciée par le peintre ; que dès lors qu'il s'agissait d'une oeuvre non divulguée, la cour d'appel a exactement retenu qu'en poursuivant la vente dans de telles conditions, le commissaire-priseur avait porté atteinte au droit moral de l'artiste ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.