Cass. 1re civ., 25 février 1997, n° 95-13.545
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lemontey
Rapporteur :
M. Ancel
Avocat général :
M. Roehrich
Avocats :
SCP Ryziger et Bouzidi, SCP Tiffreau et Thouin-Palat
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 28 février 1995) d'avoir jugé que l'ouvrage dont elle est l'auteur, intitulé " Graine d'angoisse ", portait atteinte à la vie privée de M. et Mme Y..., ses soeur et beau-frère, et de l'avoir condamnée au paiement d'une indemnité, alors que la cour d'appel n'aurait retenu que l'existence d'un préjudice éventuel, né d'un risque d'identification des personnes visées à travers une oeuvre de fiction, que les juges auraient omis de rechercher si les précautions de présentation ne manifestaient pas la bonne foi de l'auteur, qu'enfin, le préjudice n'aurait pas été caractérisé compte tenu de la très faible diffusion de l'ouvrage, la cour d'appel ayant omis de rechercher si les prétendues victimes n'étaient pas les acquéreurs des seuls exemplaires vendus à Montpellier ;
Mais attendu que selon l'article 9 du Code civil, la seule constatation de l'atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation ; que la cour d'appel a constaté que l'ouvrage, bien que présenté comme une oeuvre de fiction, était en réalité une autobiographie mal déguisée, permettant l'identification aisée des divers protagonistes dans leurs relations psychologiques et affectives au sein du milieu familial ; qu'ayant ainsi retenu l'atteinte portée par cette publication à la vie privée de M. et Mme Y..., dont les actes et les sentiments étaient dénoncés dans l'ouvrage, la cour d'appel en a exactement déduit le droit à une indemnisation dont elle a souverainement évalué le montant ; que sa décision est donc légalement justifiée sur ce point ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 121-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu qu'en vertu de son droit moral, l'auteur dispose seul du droit de divulguer son oeuvre ;
Attendu que pour décider que la production aux débats par M. et Mme Y... et la lecture partielle à l'audience d'un manuscrit inédit de Mme X..., intitulé " Mère amère ", ne constituaient pas une violation du droit de son auteur, l'arrêt attaqué retient, par motifs propres et adoptés du jugement, que ces actes ne pouvaient être assimilés ni à une communication de l'oeuvre au public, ni à une divulgation à des fins commerciales, au sens de l'article 27 de la loi du 11 mars 1957 (L. 122-2 du Code de la propriété intellectuelle) ;
En quoi elle a méconnu le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de Mme X... fondée sur son droit d'auteur de l'oeuvre " Mère amère ", l'arrêt rendu le 28 février 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée.