Cass. com., 19 décembre 2006, n° 04-18.888
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Bélaval
Avocat général :
M. Main
Avocats :
SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, SCP Piwnica et Molinié, SCP Parmentier et Didier, Me Luc-Thaler
Attendu, selon l'arrêt déféré, que, suivant contrat signé à Rome le 30 juillet 1999, la société de droit italien Telecom Italia a commandé à la société de droit français CS Telecom des matériels de télécommunication ; que, le 15 septembre 1999, le Crédit lyonnais, agissant en qualité de chef de file d'un groupement bancaire, a consenti à la société CS Telecom une ouverture de crédit ; qu'en garantie de ce concours, la société CS Telecom s'est engagée à céder en propriété au Crédit lyonnais et aux autres banques concernées, dans les formes et conditions de la loi du 2 janvier 1981, les créances qu'elle détenait sur sa clientèle ; que, le 4 avril 2000, la société CS Telecom a passé avec la société de droit italien Urmet une convention dite de sous-traitance pour la fabrication des matériels qui ont été fabriqués et livrés mais dont la société CS Telecom n'a pas payé le prix ; que celle-ci a, le 9 avril 2001, autorisé la société Urmet à se faire payer directement par la société Telecom Italia ; que, le 30 avril 2001, le Crédit lyonnais, en sa qualité de chef de file du groupement bancaire, a notifié à la société Telecom Italia la cession de créances ; que la société CS Telecom a été mise en redressement judiciaire le 2 mai 2001, M. X... étant désigné administrateur et M. Y..., représentant des créanciers ; que la société Urmet a assigné la société Telecom Italia, la société CS Telecom et les organes de sa procédure collective, ainsi que le Crédit lyonnais aux fins de voir dire que la société Telecom Italia devait s'acquitter directement entre ses mains des factures résultant du contrat du 4 avril 2000, et de voir dire que la cession de créance lui était inopposable ;
Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :
Attendu que la société Urmet soulève l'irrecevabilité du pourvoi formé par le Crédit lyonnais et les banques composant le groupement bancaire au motif qu'ils seraient sans intérêt à critiquer la disposition de l'arrêt ayant dit que la société Telecom Italia devra s'acquitter directement entre les mains de la société Urmet d'une certaine somme, qui ne leur préjudicie pas ;
Mais attendu que, dès lors que les banques cessionnaires invoquaient des droits sur la somme ainsi attribuée à la société Urmet, le pourvoi, qui critique une disposition qui leur fait grief, est recevable ;
Attendu que la société Urmet soutient encore que le pourvoi serait irrecevable en ce qu'il est dirigé contre le chef du dispositif du jugement confirmé ayant dit que le présent litige était soumis à la loi française au motif que cette disposition ne ferait pas grief aux demanderesses ;
Mais attendu que les banques cessionnaires ayant conclu à l'inapplicabilité de la loi française du 31 décembre 1975 et à l'opposabilité de la cession de créances découlant de cette inapplicabilité à l'égard de la société Urmet, elles ont un intérêt à se pourvoir contre cette disposition de l'arrêt qui leur fait grief ; que le pourvoi est recevable ;
Et sur le premier moyen :
Vu l'article 3 du code civil et l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;
Attendu que pour dire que le litige est soumis à la loi française, décider que la société Telecom Italia devra s'acquitter directement entre les mains de la société Urmet de la somme de 4 103 180,50 euros, condamner le Crédit lyonnais à payer à la société Urmet la somme de 383 053,29 euros et rejeter les demandes des banques, l'arrêt retient que la cession de créances a été consentie selon les formes et conditions de la loi française du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises, que le législateur a limité le champ d'application de cette loi par un article 7 insérant un article 13-1 dans la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, que cette disposition, qui détermine les conditions d'application de la loi du 2 janvier 1981 doit recevoir application dès lors que cette loi est applicable à la cession de créances, quelles que soient par ailleurs la qualification des opérations concernées et la loi qui leur est applicable au sens du droit international privé et que les banques ne peuvent se prévaloir de la cession de créances, les créances concernées ayant donné lieu au recours à un sous-traitant, ce que ne permet pas la loi du 2 janvier 1981 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation faite à l'entrepreneur principal de ne céder les créances résultant du marché ou du contrat passé avec le maître de l'ouvrage qu'à concurrence des sommes qui lui sont dues au titre des travaux qu'il effectue personnellement résulte de l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975 et que ces prescriptions ne peuvent être valablement opposées aux banques cessionnaires qu'à la condition que la loi française soit applicable au contrat liant le cédant, la société CS Telecom, et le "sous-traitant", la société Urmet, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 juin 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.