CE, 7eme et 2eme sous-sect. réunies, 23 mai 2011, n° 338780
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
Rejet
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 avril et 16 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE LAMY, dont le siège est 13, place Jean Berry à Givors cedex (60702), et pour la SOCIETE PITANCE, dont le siège est situé 133, rue Bataille à Lyon cedex 08 (69731), agissant l'une et l'autre par leurs représentants légaux en exercice ; la SOCIETE LAMY et la SOCIETE PITANCE demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08LY00162 du 18 février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon, en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à leur demande tendant à ce que la société Beterem Rhône-Alpes Centre soit condamnée à leur verser une indemnité de 68 502,36 euros en réparation du préjudice financier qu'elles ont subi du fait des erreurs commises par celle-ci dans la détermination de la surface à enduire dans le lot n° 3 du marché ayant pour objet la construction du bâtiment de néphrologie, urologie et hémodialyse du centre hospitalier Lyon Sud ;
2°) réglant l'affaire au fond, de condamner la société Beterem Rhône-Alpes Centre à leur régler la somme de 68 502,36 euros assortie des intérêts légaux à compter du 23 avril 2004 et leur capitalisation ;
3°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de la société Beterem Rhône-Alpes Centre en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boulloche, avocat de la SOCIETE LAMY et de la SOCIETE PITANCE et de la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la société Beterem Rhône-Alpes Centre,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boulloche, avocat de la SOCIETE LAMY et de la SOCIETE PITANCE et à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la société Beterem Rhône-Alpes Centre ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par acte d'engagement notifié le 14 août 2003, le groupement d'entreprises composé de la SOCIETE LAMY et de la SOCIETE PITANCE s'est vu attribuer le lot n° 3 relatif aux enduits d'un marché ayant pour objet la construction par les Hospices civils de Lyon d'un bâtiment dans le centre hospitalier de Lyon Sud ; que ce groupement a sous-traité, dans les conditions prévues par les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, la réalisation de son lot à la société Bat-Iso ; qu'il est toutefois apparu, en cours de chantier, que les métrés prévus dans la décomposition du prix global et forfaitaire fournie dans le dossier de consultation des entreprises établi par la société Seralpe bâtiment, aux droits de laquelle est venue la société Beterem Rhône-Alpes Centre, membre du groupement de maîtrise d'oeuvre, ne correspondaient pas aux travaux requis ; qu'afin d'assurer la continuité des travaux, le groupement constructeur a accepté de prendre directement à sa charge le paiement à son sous-traitant du surcoût des travaux pour un montant de 68 502,36 euros ; qu'après achèvement des travaux, les SOCIETES LAMY et PITANCE ont recherché sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle l'indemnisation de cette somme auprès de la société Beterem Rhône-Alpes Centre, maître d'oeuvre ; que, par un jugement du 8 novembre 2007, le tribunal administratif de Lyon n'a que partiellement fait droit à cette demande ; que saisie par les sociétés d'un appel tendant à l'indemnisation totale de leur préjudice, la cour administrative d'appel de Lyon a, par l'arrêt attaqué du 18 février 2010, rejeté leur requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance applicable au présent marché : Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution ; qu'aux termes de l'article 7 de la même loi : Toute renonciation au paiement direct est réputée non écrite ;
Considérant que, s'il résulte de ces dispositions que le sous-traitant agréé dispose d'un droit au paiement direct par le maître d'ouvrage, celles-ci ne font pas obstacle à ce que le paiement de ce sous-traitant soit directement effectué par le titulaire du marché, éteignant ainsi à due concurrence la créance du sous-traitant sur le maître d'ouvrage ; qu'ainsi, en jugeant qu'il n'appartenait qu'au maître d'ouvrage de payer les travaux supplémentaires exécutés par la société sous-traitante et en en déduisant l'absence de lien direct entre le préjudice subi par le titulaire du marché et la faute imputée au maître d'oeuvre, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la société Beterem Rhône-Alpes Centre la somme globale de 4 000 euros à verser aux sociétés requérantes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la société Beterem Rhône-Alpes Centre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 18 février 2010 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : La société Beterem Rhône-Alpes versera aux SOCIETES LAMY ET PITANCE la somme globale de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Beterem Rhône-Alpes Centre en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE LAMY, à la SOCIETE PITANCE et à la société Beterem Rhône-Alpes Centre.