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Décisions

Cass. soc., 29 novembre 2006, n° 04-48.219

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sargos

Rapporteur :

Mme Mazars

Avocat général :

M. Maynial

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Reims, du 20 oct. 2004

20 octobre 2004

Attendu que M. Christian X... a été engagé le 1er mai 1995 en qualité de directeur commercial par la société Papmétal dont son père, M. Philippe X... était le président ; qu'il a été administrateur en 1999 ; qu'il est devenu attaché de direction ; que les actions de la société ayant été cédées en totalité à la société Sparflex en juillet 2000, il a été mis fin aux fonctions de M. Christian X..., lequel a, le 13 décembre 2000, saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes ; que soutenant que ce dernier était le dirigeant de fait de la société, celle-ci a opposé l'incompétence de la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Papmétal fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence, alors, selon le moyen :

1 / que la réalité du contrat de travail est subordonnée à l'existence d'un lien de subordination ; que ce lien se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Papmétal démontrait précisément que Christian X... n'exerçait nullement ses fonctions sous la subordination de son employeur, représenté par son père Philippe X... ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si Christian X... exerçait ses fonctions sous la subordination de son employeur, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 121-1 du code du travail ;

2 / qu'en décidant que la société Papmétal ne démontrait pas la qualité de gérant de fait de Christian X... tout en relevant que celui-ci procédait régulièrement aux embauches et aux licenciements, qu'il avait par ailleurs agi à plusieurs reprises sur procuration de son père, Philippe X..., dirigeant de droit, lequel était âgé et ne percevait plus de rémunération depuis l'arrivée de son fils dans la société, tandis que ce dernier percevait une rémunération et des avantages sociaux particulièrement importants, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, violant les dispositions de l'article L. 121-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui, après avoir analysé les attributions administrative, financière, bancaire et sociale effectivement exercées par l'intéressé, a estimé qu'il n'avait pas outrepassé ses fonctions d'attaché de direction et de directeur commercial salarié, a fait ressortir qu'il était demeuré sous la subordination juridique de la société ; qu'elle a pu décider que le contrat de travail du salarié n'était pas fictif et qu'il n'était pas dirigeant de fait de la société ; que le moyen n'est pas fondé ;

.Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Papmétal fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la lettre du 26 septembre 2000 s'analysait en une lettre de licenciement et que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :

1 / que le licenciement est une mesure de rupture unilatérale du contrat de travail émanant du seul employeur qui ne saurait être confondu avec un mode de rupture transactionnel ; que la cour d'appel, qui constate que la lettre litigieuse "indique sans équivoque que les parties ont décidé de cesser leur collaboration" et décide néanmoins que la lettre s'analyse en une lettre de licenciement, n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, violant les dispositions de l'article L. 122-4 du code du travail, ensemble l'article 1134, alinéa 2, du code civil ;

2 / que le contrat de travail peut prendre fin non seulement par un licenciement ou une démission, mais encore du commun accord des parties ; qu'en affirmant néanmoins qu'une transaction ne se concevait qu'après la rupture du contrat de travail, alors que ce mode de rupture constitue une résiliation amiable du contrat de travail, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 121-1 du code du travail ;

Mais attendu que le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'interprétation souveraine, par la cour d'appel, de la lettre de rupture, qui était rendue nécessaire par l'ambiguïté des termes utilisés ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen, pris en ses deux premières branches :

Vu les articles 101 et 105 de la loi du 24 juillet 1966, devenus les articles L. 225-38 et L. 225-42 du code de commerce et le principe selon lequel la prescription d'une action en nullité n'éteint pas le droit d'opposer celle-ci comme exception à l'action principale ;

Attendu que M. X... a demandé la condamnation de la société Papmétal à lui payer l'indemnité égale à un an de salaire prévue par un avenant du 2 mars 1999 stipulant qu'il aurait droit à une telle indemnité en cas de licenciement ; que la société a soulevé la nullité de cette convention comme ayant été conclue en violation de l'article 101 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l'article L. 225-38 du code de commerce, alors que M. X... était administrateur de la société ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité, la cour d'appel énonce que l'action en nullité se prescrit par trois ans à compter de la date de la convention et que la société, en a eu connaissance le 12 juillet 2000, puisque l'avenant était annexé au protocole de cession des actions ; que le moyen de nullité soulevé pour la première fois par conclusions du 21 juin 2004 est atteint par la prescription ; qu'elle ajoute que la convention a été régularisée par un vote du conseil d'administration du 15 mai 1999 ;

Attendu, cependant, d'abord, que si l'action en nullité d'une convention conclue sans autorisation préalable du conseil d'administration est soumise à la prescription triennale instituée par l'article L. 225-42 du code de commerce, l'exception de nullité est perpétuelle lorsque la convention n'a pas été exécutée ; ensuite, qu'il résulte du troisième alinéa de l'article L. 225-42 du code de commerce que la nullité d'une convention conclue entre une société et l'un de ses administrateurs ne peut être couverte que par un vote de l'assemblée générale des actionnaires intervenant sur rapport spécial du commissaire aux comptes exposant les circonstances en raison desquelles la procédure d'autorisation n'a pas été suivie ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés et le principe susénoncé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les deux dernières branches du troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de la convention du 2 mars 1999 et condamné la société Papmétal à payer à M. X... l'indemnité contractuelle de licenciement, l'arrêt rendu le 20 octobre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.