ADLC, 4 mai 2016, n° 16-DCC-66
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif du Groupe Edouard Denis par le Groupe Nexity
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 04 avril 2016, relatif à la prise de contrôle exclusif du Groupe Edouard Denis par le Groupe Nexity, formalisée par un contrat de cession d’actions en date du 1 er mars 2016 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Nexity SA (ci-après « Nexity ») est la société à la tête du groupe Nexity actif dans les secteurs de la promotion et des services immobiliers en France et en Europe. Le groupe Nexity est notamment actif dans le secteur des services immobiliers auprès des particuliers et des professionnels (gestion locative, syndics de copropriété, gestion de résidences étudiantes, gestion de transactions d’achat/vente et de location, conseil et property management et courtage en assurances immobilières) par le biais de ses filiales et des réseaux de franchisés Century 21 France et Guy Hoquet L’immobilier.
2. Jusqu’en juin 2014, Nexity SA était contrôlée par le groupe Banque Populaire Caisse d’Épargne (ci-après « BPCE »). Par deux opérations de cession de titres en mai et octobre 2015, BPCE s’est désengagé de Nexity SA pour ne détenir désormais que 12,8 % du capital et des droits de vote, et n’exerce ainsi plus d’influence déterminante sur Nexity. En outre, la répartition du capital de Nexity SA fait apparaître qu’aucun autre actionnaire ne dispose d’une influence déterminante sur le groupe Nexity au sens du contrôle des concentrations
3. Edouard Denis Développement est la holding de tête du groupe Edouard Denis principalement actif dans le secteur de la promotion immobilière résidentielle. La société Edouard Denis Développement est contrôlée exclusivement par Monsieur Edouard Denis qui détient 79 % de son capital.
4. L’opération notifiée, formalisée par un contrat de cession d’actions en date du 1er mars 2016, consiste en l’acquisition de 55 % du capital de la société Edouard Denis Développement par le groupe Nexity. Aux termes du projet de pacte d’actionnaires la société sera dotée d’un conseil d’administration composé de cinq membres dont trois seront désignés par Nexity et deux par Monsieur Edouard Denis. Les décisions du conseil d’administration seront prises à la majorité simple. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de la société Edouard Denis Développement par le groupe Nexity, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires hors taxe mondial total de plus de 150 millions d’euros (Groupe Nexity : 2 876 millions d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2015 ; Groupe Edouard Denis : […] d’euros pour le même exercice). Elles réalisent en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Groupe Nexity : 2 822 millions d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2015 ; Groupe Edouard Denis : […] d’euros pour le même exercice). Les seuils de contrôle de l’article L. 430-3 du code de commerce sont donc franchis. Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. La concentration est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique. II. Délimitation des marchés pertinents
A. LES MARCHÉS DE PRODUITS ET SERVICES
6. Les autorités de concurrence nationale1 et européenne2 ont envisagé, tout en laissant la question ouverte, différentes segmentations dans le secteur des services immobiliers selon (i) les destinataires des services, les biens étant destinés soit aux particuliers, les immeubles concernés étant alors à usage résidentiel, soit aux entreprises, les immeubles concernés étant alors à usage commercial ou professionnel, (ii) le mode de fixation des prix, entre l’immobilier résidentiel libre et les logements sociaux ou intermédiaires, ces derniers s’inscrivant dans un cadre réglementaire particulier dans lequel l’État joue un rôle important, tant en termes d’aides financières que d’attribution de logements, (iii) le type d’activité exercée dans les locaux (bureaux, les locaux commerciaux et autres locaux d’activités comme par exemple les entrepôts ou les hôtels), et (iv) la nature des services ou biens offerts.
7. Pour cette dernière segmentation, les services suivants ont été identifiés :
(i) la promotion immobilière qui comprend les activités de construction et de vente de biens immobiliers ;
(ii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre ;
(iii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte de tiers (des investisseurs institutionnels, principalement des banques et des compagnies d’assurances) qui recouvre le conseil et la gestion de portefeuille immobilier (arbitrage et valorisation d’actifs), le montage des opérations d’investissement immobilier et la gestion d’actifs immobiliers et de véhicules d’investissements spécialisés (notamment les sociétés civiles immobilières) ;
(iv) l’administration de biens immobiliers qui recouvre les activités de gestion des immeubles pour le compte de propriétaires et qui peut être segmentée entre la gestion locative et la gestion de copropriété ;
(v) l’expertise immobilière ;
(vi) le conseil immobilier ;
(vii) l’intermédiation dans les transactions immobilières pour laquelle l’intermédiation dans les opérations d’achat/vente est distinguée de l’intermédiation dans les opérations de location.
8. La question de la délimitation exacte des marchés peut être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées quelles que soient les délimitations retenues.
9. Au cas d’espèce, les parties sont simultanément actives sur le marché global de la promotion immobilière résidentielle, ainsi que sur les segments des logements résidentiels libres et logements sociaux.
B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
10. La pratique décisionnelle3 considère que les marchés relatifs au secteur immobilier sont de dimension locale, tout en laissant la question ouverte. L’analyse a toutefois déjà pu être menée au niveau national pour les services immobiliers à destination des entreprises lorsque les opérations étaient réalisées par des groupes d’envergure nationale suivant une stratégie d’implantation selon une logique de maillage du territoire.
11. Pour la région Île-de-France, le ministre de l’économie a relevé que « la région parisienne possède des propriétés particulières de continuité des zones urbaines. En effet, il existe une vaste zone très urbanisée et homogène recouvrant la majeure partie de l’Île-de-France, desservie par un réseau global de transport ; les habitants sont toujours en mesure d’arbitrer entre différentes parties de la région. Cette substituabilité entraîne une convergence au niveau des prix. Dès lors le niveau régional est le plus approprié pour l’analyse concurrentielle. »4. Pour les autres régions, les autorités de concurrence ont mené leurs analyses concurrentielles au niveau régional ou infrarégional.
12. En l’espèce, les activités des parties se chevauchent dans les régions Ile-de-France, Haute-Normandie, Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Pays-de-la-Loire, Aquitaine et Rhône-Alpes. Au niveau départemental les parties sont simultanément actives à Paris, dans la Seine-et-Marne, la Seine-Saint-Denis, l’Essonne, le Val-de-Marne, le Val d’Oise, la Seine-Maritime, le Nord, l’Oise, la Somme, la Loire Atlantique, la Gironde, les Pyrénées-Atlantiques, le Rhône et la Haute-Savoie. Enfin si l’on retient une analyse au niveau de l’aire urbaine les parties sont simultanément présentes à Rouen, Lille, Beauvais, Creil, Amiens, Nantes, Bordeaux, Bayonne, Lyon, Cluses et Thenon les Bains.
13. La question de la délimitation géographique exacte des marchés sera toutefois laissée ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelles que soient les délimitations retenues.
III. Analyse concurrentielle
14. A l’exception de la région Picardie, dans l’ensemble des zones géographiques dans lesquelles l’opération emporte un chevauchement la nouvelle entité détiendra une part de marché inférieure à 21 % quelque soit la segmentation retenue. En matière de promotion immobilière elle restera confrontée à la concurrence de nombreux opérateurs tels que Bouygues Immobilier, Vinci Immobilier, Altéra-Cogedim ou encore Eiffage Immobilier.
15. En Picardie la part de marché cumulée des parties au niveau régional dépassera 25 % sur le seul segment de l’immobilier résidentiel libre ([20-30] %). Dans cette région leurs activités se chevaucheront en particulier dans l’Oise (60) et la Somme (80) ainsi que dans les aires urbaines de Beauvais, Creil et Amiens. Dans ces différentes zones la position de la nouvelle entité dépassera 25 % uniquement sur le marché de l’immobilier résidentiel libre sur le département de la Somme ([30-40] %) de Creil ([20-30] %) et d’Amiens ([30-40] %). Dans ces zones la nouvelle entité demeurera soumise à la concurrence exercée par les promoteurs Vinci Immobilier, Eiffage Immobilier, Nacarat et BDP Marignan.
16. Compte tenu de ce qui précède, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés de la promotion immobilière.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 16-048 est autorisée.
NOTES
1 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Épargne et Banque Populaire, n° 15-DCC-156 du 7 décembre 2015 relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier à usage de bureaux par Sogecap et Prédica, n° 14-DCC-46 du 1er avril 2014 relative à la prise de contrôle conjointe d’un actif immobilier industriel en Moselle par la Norges Bank et Prologis ainsi que la décision C2008-79 / Lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi du 22 août 2008, aux conseils des sociétés CDC et Eurosic, relative à une concentration dans le secteur de l’immobilier, BOCCRF N° 8 bis du 23 octobre 2008.
2 Voir les décisions de la Commission européenne COMP/M.2110 Deutsche Bank / SEI / JV du 25 septembre 2000, IV/M.2825 Fortis AG SA / Bernheim-Comofi SA du 9 juillet 2002 COMP/M.3370 BNP Paribas/ARI du 9 mars 2004.
3 Voir notamment les décisions n° 09-DCC-16 précitée et C2005-108 / Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 25 novembre 2005 aux conseils de la société Foncière des Régions relative à une concentration dans le secteur immobilier, BOCCRF n°6 bis du 21 juin 2006 ainsi que la décision de la Commission M. 2825 précitée.
4 Voir la décision C2006-151/ Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 10 janvier 2007 au conseil du groupe Société Nationale Immobilière, relative à une concentration dans le secteur du développement et de la gestion de parc immobilier à vocation essentiellement résidentielle, BOCCRF n° 3 bis du 23 mars 2007.