CA Aix-en-Provence, 2e ch., 20 janvier 2004, n° 2004/47
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
FAITS, PROCEDURE ET ARGUMENTS DES PARTIES
M. Michel DAYEZ a relevé appel d'un jugement, rendu le 28 février 2000 par le Tribunal de grande instance de GRASSE, et qui, l'ayant débouté de ses demandes contre M. DAVIN DE CHAMPCLOS et la société RETIF, l'a condamné à leur payer chacun la somme de 5 000 Frs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il expose qu'étant entré en relations avec M. DAVIN DE CHAMPCLOS, qui exerçait sous l'enseigne CDC des activités d'agence de communication, il a réalisé, de 1987 à 1994 un ensemble de prises de vues photographiques relatives à des produits diffusés par la société RETIF, et qu'ayant découvert, en 1992, que les photographies dont il était l'auteur avaient été reproduites sans son autorisation dans les catalogues de vente de la société RETIF, il a tenté d'obtenir un règlement amiable du litige, puis que, le catalogue étant paru en 1994 malgré son opposition, il a fait assigner M. DAVIN DE CHAMPCLOS et la société RETIF en paiement de dommages et intérêts.
Il fait valoir :
- que, contrairement à ce qu'a décidé la juridiction saisie, ses oeuvres ont un caractère protégeable en application de l'article 122-2-9 du Code de la propriété intellectuelle en raison de leur originalité, dans la mesure où il s'est employé à rechercher les angles ou éclairages particuliers afin de mettre en valeur les objets photographiés et que ces oeuvres sont artistiques
- qu'il établit être propriétaire des droits sur ces photographies, notamment par la communication de photocopies en couleur des photographies litigieuses, de la couverture du catalogue RETIF 1994, qui mentionne que les photographies ont été réalisées par “PHOTOGRIFFE“ qui était son enseigne, et alors au surplus qu'il est bien mentionné dans le jugement déféré que M. DAVIN DE CHAMPCLOS avait reconnu à l'audience que “les pièces communiquées par M. DAVEZ sont des copies d'ecktachromes représentant des objets photographiés par monsieur DAYEZ et qui ont été diffusés dans le catalogue RETIF“
- qu'il n'a jamais procédé à la cession des droits de reproduction à des fins publicitaires de ses photographies, les seuls documents contractuels étant de simples bons de commande et des factures
- que les deux intimés doivent être retenus comme solidairement responsables, y compris la société RETIF, qui invoque en vain une absence de relations contractuelles avec lui, alors qu'elle a, en dépit des mises en garde, persisté dans la parution du catalogue édité à plus de trois millions d'exemplaires, et a publié ses photographies sans s'être au préalable préoccupée de l'existence d'une cession des droits de reproduction.
Il demande en conséquence la condamnation solidaire des intimés à lui payer les sommes de 3 000 000 Frs à titre de dommages et intérêts et 30 000 Frs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
M. DAVIN DE CHAMPCLOS conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il à débouté M. DAYEZ de toutes ses demandes mais en son infirmation en ce qu'il a été déclaré recevable à agir, alors qu'il n'identifie pas, à l'aide de ses pièces versées aux débats, une création déterminée dont il serait l'auteur et qui aurait date certaine, ni même celles de ses créations qui seraient reproduites dans le catalogue RETIF.
Il conteste avoir à un moment de la procédure reconnu l'identité entre les photographies communiquées et celles diffusées dans le dit catalogue, ses conclusions de première instance étant claires sur ce point.
Il invoque encore l'irrecevabilité des demandes fondées à la fois sur les dispositions de la loi du 11 mars 1957 et celles des articles 1382 et 1383 du Code Civil.
Il fait valoir, sur le fond :
- que les photographies de M. DAYEZ n'ont aucun caractère original, s'agissant de représentation d'outils ou de machines sans aucune mise en scène et qui n'ont pour but que de montrer aux clients potentiels ces produits, sans aucune recherche de composition, les choix de prise de vue ou éclairage obéissant à des impératifs techniques, sans effort créatif.
- que la cession des droits peut résulter de la simple commune intention des parties, sans obligation de contrat de cession et qu'en l'espèce M. DAYEZ, qui était en relations avec lui de 1984 à 1993, ne pouvait ignorer que ses photographies étaient destinées à figurer dans le catalogue RETIF, puisqu'il travaillait dans un format particulier et l'avait lui-même mis en relation avec la société RETIF
- qu'aucune demande n'est faite au titre de la prétendue contrefaçon et que M. DAYEZ ne justifie de l'existence d'aucun préjudice.
Il demande la condamnation de l'appelant à lui payer, en outre, les sommes de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 10 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La S.A. RETIF conclut à la confirmation du jugement déféré en l'absence de liens contractuels avec M. DAYEZ, l'agence de publicité dirigée par M. DAVIN DE CHAMPCLOS ayant conçu, créé et réalisé, en exécution d'un contrat exclusif, les catalogues RETIF et ayant assuré les relations avec les sous-traitants, dont M. DAYEZ.
Elle fait valoir :
- que le contrat d'entreprise en matière de conseil en publicité entraîne cession à l'annonceur des droits d'auteurs sur les créations publicitaires et que l'agence a, envers son client, une obligation de résultat lorsqu'il s'agit de prévenir l'annonceur contre les risques de poursuites et de garantir la licéité d'une opération publicitaire
- que l'agence est encore tenue d'une obligation de conseil
- qu'elle doit en conséquence supporter seule l'indemnisation éventuelle de M. DAYEZ ou, à défaut, la relever et garantir
- qu'en toute hypothèse, les photographies de M. DAYEZ n'ont aucun caractère original et qu'elle s'en rapporte sur ce point aux motifs des premiers juges.
MOTIFS DE LA DECISION
La recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; en l'absence de moyen constitutif susceptible d'être relevé d'office, il convient de le déclarer recevable.
M. DAYEZ n'a pas pris la peine, dans ses écritures, d'identifier, au regard des catalogues RETIF, ses propres photographies, puisqu'en appel il se borne à verser aux débats le catalogue 1994, uniquement en couverture, et les photocopies en couleur des photographies qui auraient été reproduites sans son autorisation ; cependant, M. DAVIN DE CHAMPCLOS ayant lui-même versé aux débats le catalogue 1994, la cour, qui s'est livré à un travail ingrat, a découvert qu'effectivement, certaines photographies versées aux débats, dont notamment une lampe, référence 1643, intitulée lampe SL 18 D, et une autre lampe, référence 1644, intitulée lampe economy SL 25, sont reproduites en page 46 du catalogue de l'année 1994.
Mais M. DAYEZ n'a pas revendiqué, nommément, la propriété de ces photographies.
Sa recevabilité à agir est cependant établie par l'attitude de ses adversaires, qui, eu réponse aux lettres adressées à eux les 13 octobre et 17 décembre 1993 par la SOCIETE DE L'IMAGE, qui représentait les intérêts de M. DAYEZ, ont accepté de faire figurer au dos du catalogue RETIF 1994, son enseigne, “PHOTOGRIFFE“ en qualité de photographe et ont implicitement reconnu avoir utilisé pour cet ouvrage ses travaux de photographie.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action de M. DAYEZ, qui peut à la fois invoquer les dispositions de la loi du 11 mars 1957 pour caractériser des faits de contrefaçon et les articles 1382 et 1383 du Code Civil pour obtenir éventuellement la condamnation des auteurs qui auraient commis une faute à son égard et alors qu'il invoque un préjudice directement lié aux fautes dénoncées.
Il lui incombe cependant, pour triompher dans sa demande formée du chef de contrefaçon et au regard des dispositions des articles L. 112-1 et L. 112-2 9° du Code de la propriété intellectuelle, d'établir que ses photographies sont bien une oeuvre de l'esprit, c'est à dire qu'elles sont originales et portent l'empreinte de sa personnalité.
Or l'examen des photographies effectuées par M. DAYEZ, telles qu'elles figurent au catalogue 1994 permet de relever, comme les premiers juges, qu'elles ne font que représenter des objets, principalement à usage d'équipement de magasins, qu'elles sont la reproduction fidèle des dits objets, sans aucune recherche particulière notamment dans la composition, et que le choix des prises de vues obéit à des impératifs exclusivement techniques, les éclairages et angles retenus n'ayant pour but que de présenter nettement les dits objets.
Il convient en outre d'ajouter que ces objets sont photographiés sur fond unichrome et sans décor et qu'il est dès lors impossible de distinguer un effort de créativité ; à aucun moment n'apparaît une manifestation de la personnalité de leur auteur, qui ne s'est livré qu'à un travail, certes de bonne qualité, mais seulement résultat d'une technique, et qu'il ne peut dans ces conditions invoquer un droit d'auteur.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé.
M. DAYEZ n'ayant pas abusé du droit de soumettre le litige à une juridiction d'appel,
Mais vu les articles 696 et 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Par ces motifs
la cour, statuant publiquement et contradictoirement,
- Reçoit l'appel
- Confirme le jugement déféré
- Condamne en outre M. Michel DAYEZ à payer, en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :
- à M. DAVIN DE CHAMPCLOS la somme de 1 500 euros
- à la S.A. RETIF la somme de 1 500 euros
- Le condamne aux dépens, avec distraction, pour ceux d'appel, au profit de la SCP SIDER et de Me MAGNAN, avoués, sur son affirmation qu'ils en a fait l'avance sans avoir reçu provision.