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Décisions

Cass. crim., 11 avril 1975, n° 74-91.695

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cenac

Rapporteur :

M. Malaval

Avocat général :

M. Boucheron

Avocat :

Me Lyon-Caen

Paris, 13e ch., du 17 avr. 1974

17 avril 1974

CASSATION SUR LE POURVOI FORME PAR X... Y... (JUAN), CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS, 13E CHAMBRE, DU 17 AVRIL 1974, QUI L'A CONDAMNE A 500 FRANCS D'AMENDE AINSI QU'A DES REPARATIONS CIVILES POUR CONTREFACON. LA COUR, VU LE MEMOIRE PRODUIT ;

SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 425 A 429 DU CODE PENAL, 2 ET SUIVANTS DE LA LOI DU 12 MARS 1952, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT ET CONTRADICTION DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE ET RENVERSEMENT DU FARDEAU DE LA PREUVE, "EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE X... Y... COUPABLE DU DELIT DE CONTREFACON AUX MOTIFS QUE LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 3 DE LA LOI DU 12 MARS 1952 EXIGEANT UN ECRIT POUR PROUVER LES CESSIONS DE MODELES NE SONT PAS OPPOSABLES A UN EMPLOYEUR LIE PAR UN CONTRAT DE TRAVAIL AVEC UN OUVRIER QU'IL A SPECIALEMENT EMBAUCHE POUR CREER ET DESSINER DES MODELES, QUE X... Y... ETAIT LE SALARIE REMUNERE A LA TACHE DE LA MAROQUINERIE REPUBLIQUE ET NE PEUT QUE SOUTENIR QUE Z... S'EST DESINTERESSE DU MODELE LITIGIEUX ET QU'EN REPRODUISANT ET EN COMMERCIALISANT POUR SON COMPTE UN MODELE DE SAC A MAIN CREE ALORS QU'IL ETAIT AU SERVICE DE LA MAROQUINERIE REPUBLIQUE, X... Y... S'EST RENDU COUPABLE DU DELIT DE CONTREFACON, ALORS QUE LA COUR N'A PAS REPONDU AUX CONCLUSIONS PAR LESQUELLES X... Y... SOUTENAIT QUE, REMUNERE A LA TACHE, IL NE CEDAIT A SON EMPLOYEUR QUE LES OBJETS ACCEPTES PAR CELUI-CI, ET ALORS QUE, SI PAR L'EFFET DU CONTRAT DE LOUAGE DE SERVICES, UN EMPLOYEUR PEUT OBTENIR LE DROIT D'UTILISER LES OEUVRES CREEES PAR SON EMPLOYE, ENCORE FAUT-IL QU'UNE TELLE CESSION SOIT STIPULEE, QUE SEUL LE CONTRAT DE TRAVAIL PEUT CONSTITUER L'ECRIT EXIGE PAR L'ARTICLE 3 DE LA LOI DU 12 MARS 1952, QU'EN APPLICATION DE CE TEXTE IL APPARTIENT A L'EMPLOYEUR DE DEMONTRER QUE L'OBJET PRETENDUMENT CONTREFAIT ENTRAIT DANS LA CATEGORIE DES OBJETS SUR LESQUELS L'EMPLOYE A CEDE SES DROITS, ET QU'EN DECIDANT QU'IL APPARTENAIT A X... Y... DE DEMONTRER QUE Z... S'ETAIT DESINTERESSE DU MODELE, LA COUR A TOUT A LA FOIS VIOLE LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 3 DE LA LOI DU 12 MARS 1952 ET RENVERSE LA CHARGE DE LA PREUVE ;

" VU LESDITS ARTICLES ;

ATTENDU, D'UNE PART, QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE 3 DE LA LOI DU 12 MARS 1952 REPRIMANT LA CONTREFACON DES CREATIONS DES INDUSTRIES SAISONNIERES DE L'HABILLEMENT ET DE LA PARURE, LES CESSIONS OU AUTORISATIONS DE REPRODUCTION D'UNE DES CREATIONS ARTISTIQUES VISEES PAR LADITE LOI NE PEUVENT ETRE PRESUMEES ET DOIVENT RESULTER D'UN ECRIT ASSORTI DE TOUS MOYENS PROPRES A IDENTIFIER LA CREATION ORIGINALE DONT LA REPRODUCTION EST CEDEE OU AUTORISEE ;

QU'EN VERTU DE L'ARTICLE 1ER DE LA MEME LOI, L'EXIGENCE AINSI EDICTEE D'UNE PREUVE ECRITE EN CAS DE CESSION S'AJOUTE A LA PROTECTION NORMALEMENT ASSUREE AUX DROITS D'AUTEUR PAR LA LEGISLATION EN VIGUEUR ;

ATTENDU, D'AUTRE PART, QUE LA LOI DU 11 MARS 1957 SUR LA PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE POSE EN REGLE GENERALE DANS SON ARTICLE 1ER QUE L'EXISTENCE OU LA CONCLUSION D'UN CONTRAT DE LOUAGE D'OUVRAGE OU DE SERVICES PAR L'AUTEUR D'UNE OEUVRE DE L'ESPRIT N'EMPORTE AUCUNE DEROGATION A LA JOUISSANCE DU DROIT EXCLUSIF DE PROPRIETE INCORPORELLE RECONNU AUDIT AUTEUR PAR CETTE MEME LOI ;

QU'IL RESULTE DU RAPPROCHEMENT DE CES TEXTES QUE, DANS LE DOMAINE D'APPLICATION DE LA LOI DU 12 MARS 1952, L'EXIGENCE D'UNE PREUVE ECRITE EN CAS DE CESSION DES ATTRIBUTS PATRIMONIAUX DU DROIT D'AUTEUR NE CESSE PAS D'ETRE REQUISE DANS LES RELATIONS D'UN EMPLOYEUR AVEC SON SALARIE ;

QU'A SUPPOSER QU'EN PAREIL CAS LE CONTRAT DE TRAVAIL AIT POUR OBJET LA REALISATION PAR LE SALARIE DE CREATIONS ARTISTIQUES DESTINEES A DEMEURER ACQUISES A L'EMPLOYEUR EN CONTREPARTIE D'UNE REMUNERATION LEGALEMENT APPROPRIEE, LA PREUVE D'UNE TELLE CONVENTION NE PEUT RESULTER QUE D'UN ACTE ECRIT ;

ATTENDU QU'AUX TERMES MEMES DE L'ARRET ATTAQUE, LE FAIT RETENU COMME CONSTITUTIF D'UNE CONTREFACON A LA CHARGE DU DEMANDEUR X... Y... EST CELUI D'AVOIR "REPRODUIT ET COMMERCIALISE POUR SON COMPTE UN MODELE DE SAC A MAIN QU'IL AVAIT CREE ALORS QU'IL ETAIT AU SERVICE DE LA MAROQUINERIE REPUBLIQUE " ;

ATTENDU QU'IL RESULTE DES AUTRES ENONCIATIONS DE L'ARRET QUE X... Y... SOUTENAIT, D'UNE PART, N'AVOIR ETE EMPLOYE QU'A TEMPS PARTIEL PAR Z..., EXPLOITANT DE LA MAROQUINERIE REPUBLIQUE, LEQUEL, SELON LUI, FAISAIT UN CHOIX PARMI LES MODELES QUE LE PREVENU LUI PRESENTAIT, PAYANT LE PRIX DE CERTAINS D'ENTRE EUX DONT IL DEVENAIT AINSI ACQUEREUR, ET REFUSANT LES AUTRES QUI DEMEURAIENT LA PROPRIETE DU DEMANDEUR ;

QUE CETTE DERNIERE SITUATION AVAIT ETE, D'APRES LUI, CELLE DU MODELE LITIGIEUX ;

QUE D'AUTRE PART, LE PREVENU OPPOSAIT A LA POURSUITE LA DISPOSITION PRECITEE DE L'ARTICLE 3 DE LA LOI DU 12 MARS 1952, AUCUN ECRIT N'AYANT ETE PRODUIT POUR ETABLIR L'ACQUISITION DU MODELE PAR Z... ;

ATTENDU QUE, POUR ECARTER CES MOYENS DE DEFENSE, L'ARRET SE FONDE ESSENTIELLEMENT SUR LE MOTIF QUE "LA DISPOSITION DE L'ARTICLE 3 DE LA LOI DU 12 MARS 1952 EXIGEANT UN ECRIT POUR PROUVER LES CESSIONS DE MODELES N'EST PAS OPPOSABLE A UN EMPLOYEUR LIE PAR UN CONTRAT DE TRAVAIL AVEC UN OUVRIER QU'IL A SPECIALEMENT EMBAUCHE POUR CREER ET DESSINER DES MODELES" ;

QU'EN CET ETAT, LA COUR DEDUIT DES CIRCONSTANCES DE LA CAUSE, D'UNE PART, QUE X... Y... "N'ETAIT PAS L'ARTISAN INDEPENDANT QU'IL PRETEND AVOIR ETE" ET "QUE SON STATUT ETAIT CELUI D'UN OUVRIER A LA TACHE" ET, D'AUTRE PART, QU'IL NE PEUT ETRE SOUTENU QUE Z... AVAIT REFUSE LE MODELE EN QUESTION ET S'EN ETAIT DESINTERESSE ;

MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL, DES LORS QU'ELLE AVAIT EXPRESSEMENT ADMIS QUE LE MODELE LITIGIEUX AVAIT ETE "DESSINE" ET "CREE" PAR LE DEMANDEUR, NE POUVAIT, SANS MECONNAITRE LE SENS ET LA PORTEE DE L'ARTICLE 3 DE LA LOI DU 12 MARS 1952, SE FONDER EN L'ABSENCE D'ECRIT SUR DE SIMPLES PRESOMPTIONS, QUELLE QU'EN FUT LA FORCE, POUR DECIDER QUE CETTE CREATION AVAIT ETE ACQUISE PAR L'EMPLOYEUR DU PREVENU ;

D'OU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS DU 17 AVRIL 1974 : ET, POUR ETRE STATUE A NOUVEAU, CONFORMEMENT A LA LOI, RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL D'AMIENS.