Cass. 1re civ., 16 novembre 2004, n° 01-11.911
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ancel
Rapporteur :
M. Gridel
Avocat général :
M. Sainte-Rose
Avocats :
SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Baraduc et Duhamel, Me Capron, SCP Boutet, SCP Piwnica et Molinié, SCP de Chaisemartin et Courjon
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, tant du pourvoi principal que du pourvoi incident :
Attendu que, de 1988 à 1992, des vidéogrammes incorporant des phonogrammes publiés à des fins de commerce ont été diffusés par les sociétés de télévision Canal plus et Métropole télévision (M 6) ; que, la Société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE) s'abstenant de recouvrer auprès d'elles la rémunération prévue par la loi à l'intention des artistes-interprètes de phonogrammes lorsque ceux-ci donnent lieu à radiodiffusion, la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse (SPEDIDAM) et le Syndicat national des artistes musiciens de france (SNAM), agissant par la voie oblique, les ont assignées en paiement ; que la société Canal plus a alors appelé en garantie la Société civile pour l'exercice des droits des producteurs phonographiques (SCPP), la société M 6 faisant de même à son égard et à celui de la Société des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) ; que l'action de la SPEDIDAM et du SNAM, à laquelle s'était associée la Société pour l'administration des droits des artistes musiciens interprètes (ADAMI), a été dite recevable mais mal fondée ;
Attendu que ces trois dernières sociétés font grief à la décision attaquée (Paris, 9 mai 2001) d'avoir jugé que le régime invoqué de licence légale est sans application à la radiodiffusion de phonogrammes utilisés pour sonoriser des vidéogrammes, et ordonné le remboursement de sommes perçues par provision en première instance, violant ainsi à trois reprises, selon le moyen, l'article L. 214-1 du Code de la propriété intellectuelle : d'abord, en ce que cette disposition, à relier aux articles 3 et 12 de la Convention de Rome du 26 octobre 1961 sur la protection des artistes-interprètes, se suffit à elle-même et a pour seule condition d'application la radiodiffusion de la séquence son telle que préalablement fixée et publiée ; ensuite, parce que l'incorporation d'un phonogramme dans un vidéogramme détermine une oeuvre composite, réservant conséquemment les droits voisins des artistes-interprètes, à l'instar de ceux de l'auteur lui-même, et leur ouvrant la rémunération de moitié inhérente à la licence légale ; pour la raison, enfin, que l'article L. 215-1, concernant seulement les droits des producteurs de vidéogrammes, n'affecte en rien les droits des artistes-interprètes, exclusivement régis par les articles L. 212-1 à L. 214-5 du même Code ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu, d'une part, que les articles L. 212-3 à L. 215-1 du Code de la propriété intellectuelle soumettent, à titre de principe, la reproduction et la communication au public des phonogrammes à l'autorisation cumulative du producteur et de l'interprète, et, d'autre part, que le régime de licence légale de l'article L. 214-1, texte propre aux phonogrammes déjà publiés à des fins de commerce et faisant l'objet d'une communication directe au public ou d'une radiodiffusion ou télédiffusion, ne pouvait recevoir application en dehors des cas ainsi strictement définis ; qu'elle a par ailleurs justement énoncé que ces dispositions internes écartaient les prévisions de l'article 12 de la Convention de Rome, ce que permet son article 16 ;
D'où il suit qu'en décidant que, si le vidéogramme réalisé par incorporation d'un phonogramme publié détermine une oeuvre distincte, les droits de l'artiste-interprète au titre de l'oeuvre ainsi incorporée relèvent du régime conventionnel général précité, l'arrêt est légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi provoqué éventuel :
REJETTE les pourvois principal et incident.