ADLC, 17 mai 2016, n° 16-DCC-69
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif de la société Du Pareil au Même par la société La Générale pour l’Enfant Major
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 4 janvier 2016, déclaré complet le 11 avril 2016, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Du Pareil au Même par la société La Générale pour l’Enfant Major, formalisée par un protocole d’accord en date du 8 décembre 2015 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération 1. La société La Générale pour l’Enfant Major fait partie du groupe Sergent Major (ci-après « Sergent Major »), actif dans les secteurs de la vente au détail de vêtements pour enfants et d’articles de puériculture via des points de vente physiques exploités sous les enseignes Sergent Major ([confidentiel] magasins dont [confidentiel] sont situés en France) et Natalys (31 magasins tous situés en France) et des sites internet marchands www.sergent-major.com et www.natalys.com. Sergent Major est contrôlé par la société Globasia Invest, elle-même contrôlée par Monsieur X.
2. La société Du Pareil au Même (ci-après « DPAM ») est active dans les secteurs de la vente au détail de vêtements et de chaussures pour enfants ainsi que d’articles de puériculture via des points de vente physiques exploités sous l’enseigne Du Pareil au Même ([confidentiel] magasins dont [confidentiel] situés en France) et le site internet marchand www.dpam.com. DPAM est actuellement contrôlée par la société H Partners Distribution.
3. L’opération, formalisée par un protocole d’accord en date du 8 décembre 2015, consiste en l’acquisition par la société La Générale pour l’Enfant Major de l’intégralité du capital de la société DPAM.
4. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de la société DPAM par Sergent Major, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L.430-1 du code de commerce.
5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Sergent Major : [confidentiel] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2014 ; DPAM : [confidentiel] d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d’affaires hors taxes supérieur à 50 millions d’euros (Sergent Major : [confidentiel] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2014 ; DPAM : [confidentiel] d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique. II. Délimitation des marchés pertinents
6. Les parties à l’opération sont simultanément actives dans le secteur de la distribution au détail de vêtements pour enfants et d’articles de puériculture1.
A. LES MARCHES DE PRODUITS 1. LES MARCHES DE VETEMENTS POUR ENFANTS
7. S’agissant de la vente au détail de vêtements, la pratique décisionnelle2 a retenu des segmentations de marché en fonction (i) du genre3 (homme, femme, enfant), (ii) du niveau de gamme des produits4 (bas, moyen, haut de gamme) et (iii) du canal de distribution5 (boutique spécialisée, grandes surfaces spécialisées (« GSS »), grandes surfaces alimentaires (« GSA »)).
8. Par ailleurs, la pratique décisionnelle a envisagé une distinction entre les ventes de vêtements en magasin et les ventes de vêtement à distance6.
9. Sergent Major estime que la segmentation par niveau de gamme des produits n’est pas pertinente dans la mesure où les critères de distinction des différents niveaux de gamme ne sont pas clairement définis et qu’en tout état de cause, les consommateurs achètent indifféremment des vêtements bas, moyen et haut de gamme pour enfants, selon leurs souhaits.
10. Sergent Major considère également que la segmentation par canal de distribution n’est pas pertinente dans la mesure où, selon lui, les grandes surfaces spécialisées (ex. Kiabi, La Halle, Gemo, etc.) et les grandes surfaces alimentaires exercent une concurrence directe sur les magasins de son réseau. La question de la définition exacte des marchés peut être laissée ouverte pour l’examen de la présente opération dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées.
2. LES MARCHES D’ARTICLES DE PUERICULTURE
11. Les articles de puériculture sont destinés aux enfants en bas âge. L’Autorité a envisagé7 une segmentation plus fine entre les différentes catégories de produits (par exemple, bain/toilette, décoration, mobilier, sécurité, sommeil, promenade/sortie, jeux, etc.). Elle a également segmenté le marché entre vente au détail en magasin et vente à distance, tout en laissant la question ouverte de l’existence d’un marché unique regroupant l’ensemble de ces canaux de distribution.
12. En l’espèce, la définition exacte des marchés d’articles de puériculture peut être laissée ouverte dans la mesure où quelque soit la segmentation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées.
B. LES MARCHES GEOGRAPHIQUES
1. LES MARCHES DE VETEMENTS POUR ENFANTS
13. S’agissant de la distribution au détail de vêtements, la concurrence s’exerce entre les points de vente situés sur des zones de chalandise délimitées par deux méthodes8 :
- d’une part, du point de vue des consommateurs, il existe autant de marchés que de villes où sont situés les détaillants susceptibles de vendre ces articles, chacun de ces marchés correspondant à la zone d’attraction commerciale où peuvent, très généralement, être acquis des vêtements ; et
- d’autre part, le marché géographique pertinent correspondrait, pour les GSA et les GSS à un rayon d’attractivité de 20 minutes de trajet en voiture. Cette zone de chalandise est également retenue en ce qui concerne les magasins implantés dans des centres commerciaux adossés à des GSS ou des GSA.
14. Par ailleurs, la pratique décisionnelle9 a évoqué le poids croissant de chaînes de distribution spécialisées, constituées de réseaux de points de vente sous une enseigne commune, exploités en propre, en franchise ou en groupement d’achats et présentes sur l’ensemble du territoire national, voire dans de nombreux pays. Elle a ainsi soulevé la question de l’intérêt d’une analyse sur des marchés au moins nationaux.
15. En l’espèce, cette question peut cependant être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit la délimitation retenue.
16. S’agissant de la distribution à distance de produits non alimentaires, notamment de vêtements, la pratique décisionnelle a retenu une délimitation nationale, eu égard aux différences linguistiques, à l’hétérogénéité des habitudes des consommateurs, ainsi qu’aux coûts et délais de livraison10.
2. LES MARCHES D’ARTICLES DE PUERICULTURE
17. S’agissant du marché de la vente au détail d’articles de puériculture, par analogie avec la pratique décisionnelle sur la vente au détail de vêtements, les parties estiment que le marché peut être délimité en retenant un marché correspondant à la ville lorsque les magasins spécialisés sont situés en centre-ville ou une zone de chalandise de 20 minutes de trajet en voiture pour les magasins situés dans des centres commerciaux adossés à des GSS ou des GSA.
18. Par ailleurs, la pratique décisionnelle a considéré que le segment de la vente à distance de produits de puériculture était de dimension nationale11.
19. En l’espèce, la délimitation exacte des marchés des produits de puériculture peut être laissée ouverte dans la mesure où quelque soit la segmentation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées.
III. Analyse concurrentielle
A. SUR LES MARCHES DE LA DISTRIBUTION DE VETEMENTS POUR ENFANTS
20. Les parties sont simultanément actives sur le segment des vêtements pour enfants, de moyenne gamme, à travers leurs réseaux de points de vente physiques (boutiques en centre-ville et centres commerciaux) et leurs sites internet marchands respectifs.
1. AU NIVEAU NATIONAL
21. Au niveau national, la nouvelle entité détiendra une part de marché de [5-10] % (dont [0-5] % pour DPAM et [0-5] % pour Sergent Major) s’agissant de la distribution au détail de vêtements pour enfants.
22. Sur le segment de la distribution de vêtements pour enfants de moyenne gamme au niveau national, la part de marché de la nouvelle entité s’élèvera à [10-20] % (dont [5-10] % pour DPAM et [5-10] % pour Sergent Major).
23. Sur le segment de la distribution au détail de vêtements pour enfants vendus dans des boutiques spécialisées, la part de marché de la nouvelle entité au niveau national atteindra [10-20] % (dont [5-10] % pour DPAM et [5-10] % pour Sergent Major).
24. Enfin, sur le segment de la vente à distance de vêtements pour enfants, qui représente environ 8 % du marché national de la vente de vêtements pour enfants, la part de marché de la nouvelle entité sera très limitée : [0-5] % (dont [0-5] % pour DPAM et [0-5] % pour Sergent Major).
25. Compte tenu de ces parts de marché limitées, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ces marchés définis au niveau national.
2. AU NIVEAU LOCAL
26. Les activités des parties se chevauchent dans 312 zones de chalandise, dont 127 zones de centres-villes et 185 zones de centres commerciaux.
27. Les parties n’ont pas été en mesure de communiquer leurs positions sur les marchés locaux de la distribution de vêtements pour enfants. Toutefois, les parts de marché de la nouvelle entité dans les 312 marchés locaux identifiés sont nécessairement inférieurs aux parts de marché communiqués sur chacun des deux segments (vêtements pour enfants de moyenne gamme, distribution en boutiques spécialisées), analysés ci-après.
28. Sur le segment de la distribution de vêtements pour enfants de moyenne gamme, la part de marché cumulée des parties, calculée en surface, restera inférieure à 40 % dans toutes les zones de chevauchements. Sur chacun de ces marchés, la nouvelle entité sera confrontée à l’existence de nombreux concurrents, faisant face, au minimum, à 4 magasins spécialisés et 4 points de vente de GSS concurrents.
29. Sur le segment de la distribution au détail de vêtements pour enfants vendus dans des boutiques spécialisées, dans les 312 zones de chevauchements, la part de marché cumulée des parties en surface sera comprise entre 40 % et 50 % dans deux zones (commune de [confidentiel]: [40-50] % ; centre commercial de [confidentiel]: [40-50] %). Sur chacun de ces marchés, la nouvelle entité sera confrontée à l’existence de nombreux concurrents, avec, au minimum, 3 magasins spécialisés et 3 points de vente de GSS concurrents.
30. La nouvelle entité demeurera confrontée à la concurrence du groupe Zannier présent à travers de nombreuses enseignes mono et multimarques (Absorba, Catimini, Tartine et Chocolat, Teenfactory, Enfance, Mon plus beau souvenir, Ubak) et distributeur des marques Chipie, Levi’s Kids et Kenzo Kids, du groupe ID Group présent à travers les enseignes mono[1]marques Okaïdi, Obaïbi, Jacadi et l’enseigne multimarques ID Kids, le groupe Orchestra-Prémaman (Orchestra et Prémaman), le groupe Cyrillus-Verbaudet (Cyrillus et Verbaudet) et enfin, le groupe Rocher à travers l’enseigne Petit Bateau.
31. Outre les chaînes spécialisées précitées, la nouvelle entité demeurera confrontée à la concurrence des chaînes de grande diffusion (par exemple, Kiabi, La Halle, Gemo, etc.) et des GSA (par exemple, Carrefour, Auchan, Casino, etc.) qui représentent respectivement environ 34 % et 22 % du marché de la vente au détail en magasin de vêtements.
32. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur l’ensemble de ces marchés au niveau local.
B. SUR LES MARCHES DE LA DISTRIBUTION D’ARTICLES DE PUERICULTURE
33. Au niveau national, la part de marché cumulée des parties atteindra [0-5] % (dont [0-5] % pour DPAM et [0-5] % pour Sergent Major). Sur le segment de la vente à distance d’articles de puériculture, elle s’élèvera à [0-5] % (dont [0-5] % pour DPAM et [0-5] % pour Sergent Major). Sur le marché national de la vente à distance d’articles de puériculture, la part de marché cumulée des parties s’élève à [0-5] % (dont [0-5] % pour DPAM et [0-5] % pour Sergent Major).
34. Au niveau local, l’activité des parties se chevauche dans 10 zones de centre-ville. Dans chacune de ces zones, la part de marché cumulée des parties restera inférieure à 20 % et la nouvelle entité sera confrontée à la présence de plusieurs points de vente concurrents composés d’enseignes nationales et/ou de magasins indépendants, en particulier les chaînes spécialisées dans la distribution d’articles de puériculture comme Aubert, Bébé 9, Autour de bébé et New Baby.
35. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la puériculture.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 16-001 est autorisée.
NOTES
1 L’opération n’entraîne aucun chevauchement d’activité des parties sur les marchés de la vente de chaussures pour enfant dans la mesure où seule DPAM est active dans ce secteur. S’agissant des marchés amont de l’approvisionnement en vêtements pour enfants et en articles de puériculture, définis au niveau mondial par la pratique décisionnelle, les parties représentent une part négligeable des achats.
2 Voir notamment les décisions de l’Autorité n°10-DCC-139 du 27 octobre 2010 relative à la prise de contrôle conjoint de Maje, Sandro, Claudie Pierlot et HF Biousse par L Capital et Florac et n°13-DCC-75 du 10 juillet 2013 relative à la prise de contrôle de la société Réservoir Team SAS par la société Towerbrook Capital Partners LP.
3 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2005-129 du 31 janvier 2006 aux conseils de la société Glam relative à une concentration dans le secteur du prêt-à-porter.
4 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 24 juillet 2003 aux conseils de la société Vetir SA relative à une concentration dans le secteur de la distribution de vêtements.
5 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 24 juillet 2003 précitée et les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-139 et 13-DCC-75 précitées.
6 Voir les décisions de l’Autorité n° 10-DCC-77 du 9 juillet 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Afibel SAS par la société Damartex SA et n°13-DCC-75 précitée.
7 Id.
8 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2007-28 précitée et les décisions de l’Autorité n° 10-DCC-139, n° 10-DCC-159 et n°13-DCC-75 précitées.
9 Voir notamment les décisions de l’Autorité n° 10-DCC-139, n°10-DCC-159 et n° 13-DCC-75 précitées.
10 Voir notamment la décision n° 10-DCC-77 précitée.
11 Voir notamment la décision n°10-DCC-113 précitée.