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Décisions

CA Orléans, ch. com., économique et financière, 28 janvier 2021, n° 19/027581

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Societe D'assurance Mutuelle Du Bâtiment Et Des Travaux Publics (Sté)

Défendeur :

Etudes Bâtiments Ingénierie (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Caillard

Conseillers :

Mme Chenot, Mme Michel

Avocats :

Me Devauchelle, Me Cousseau, Me Mercy, Me Dechelette

T. com. Orléans, du 20 juin 2019

20 juin 2019

EXPOSE DU LITIGE :

Selon marché du 20 octobre 1999, le département du Loiret a confié à un groupement d'architectes la maîtrise d'œuvre de travaux de construction d'un collège à édifier dans la commune de [...].

Les travaux du lot gros-œuvre ont été confiés à un groupement constitué des sociétés Bâtiments et travaux publics de l'orléanais (BTPO) et TP BAT, lesquelles ont sous-traité certaines de leurs prestations, spécialement les plans d'exécution des ouvrages de gros-œuvre, à un bureau d'étude, la société EBI.

L'ouvrage a été réceptionné sans réserve le 12 novembre 2002, avec effet au 20 août précédent.

Des désordres étant apparus au cours des années 2011 et 2012 (infiltrations d'eau, déformation des sols et enfoncement d'une partie du bâtiment), le maître de l'ouvrage a saisi le président du tribunal administratif d'Orléans qui, par ordonnance de référé du 30 août 2012, dont les effets ont été étendus le 11 juillet 2013 à la société EBI, a ordonné une expertise et désigné pour y procéder M. J... K..., qui a déposé son rapport le 9 décembre 2015.

Par requête enregistrée le 3 mai 2016, le département du Loiret a saisi le tribunal administratif d'Orléans qui, par jugement du 11 mai 2017 a, notamment, condamné in solidum la société BTPO et les maîtres d'œuvre à payer au maître de l'ouvrage la somme de 35 995,30 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2016 au titre des travaux de reprise, celle de 17 256 euros TTC au titre des frais et honoraires de l'expertise confiée à M. K..., outre une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, puis condamné la société BTPO à garantir les maîtres d'œuvre de ces condamnations à hauteur de 90 %.

Faisant valoir qu'en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société BTPO, elle a versé au département du Loiret une somme de 50 085,34 euros [correspondant à 90 % des condamnations prononcées in solidum] et qu'elle se trouve en conséquence subrogée dans les droits de son assurée, la SMABTP a fait assigner la société EBI devant le tribunal de commerce d'Orléans par acte du 18 juillet 2017 aux fins de l'entendre condamner à lui régler la somme principale de 50 085,34 euros avec intérêts à compter de la date de l'assignation, outre une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 20 juin 2019, le tribunal a rejeté l'intégralité des demandes de l'assureur et l'a condamné aux dépens ainsi qu'à régler à la société EBI une indemnité de procédure de 2 000 euros.

Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a retenu que, sans qu'il importe de savoir si l'action de la SMABTP est prescrite ou non, l'assureur ne pouvait qu'être débouté de ses demandes dès lors que le jugement du tribunal administratif est inopposable à la société EBI, qui n'a pas été condamnée et dont la part de responsabilité dans les désordres n'a pas non plus été évaluée, et que l'assureur ne produit aucun contrat de sous-traitance conclu entre son assurée et la société EBI - le seul contrat de sous-traitance versé aux débats étant un contrat de réalisation des plans d'exécution des ouvrages du collège de [...] conclu par la société EBI, non pas avec la société BTPO, mais avec la société TP BAT, sans indication de ce que cette dernière serait intervenue pour le compte du groupement constitué avec la société BTPO.

La SMABTP a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 26 juillet 2019, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 5 mai 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses moyens, la SMABTP demande à la cour, au visa des articles L. 121-12 du code des assurances et 1346 du code civil, de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel

- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture de l'instruction à la date de l'audience des plaidoiries

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions

- condamner la société EBI à lui verser la somme de 50 085,34 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2017, date de l'assignation

- condamner la société EBI aux dépens ainsi qu'à lui verser une somme de 3 000euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Au soutien de son appel, la SMABTP commence par rappeler qu'il est normal, contrairement à ce qu'a indiqué le premier juge, que la juridiction administrative ne se soit pas prononcée sur la responsabilité de la société EBI, dont seules peuvent connaître les juridictions de l'ordre judiciaire, et souligne, sans produire le contrat de sous-traitance conclu entre son assurée et la société EBI, que le lien contractuel entre la société BTPO et l'intimée est néanmoins incontestable, et résulte notamment de l'annexe de l'acte d'engagement du groupement constitué par son assurée et la société TP BAT et de la demande d'agrément du sous-traitant que la société BTPO a transmise au maître de l'ouvrage, qui y a répondu favorablement.

Sur la recevabilité de son action subrogatoire, la SMABTP souligne que l'intimée ne peut lui opposer une prescription tirée de ce que l'ouvrage a été réceptionné plus de dix ans avant l'introduction de son recours, en faisant valoir que le délai et le point de départ des recours des constructeurs entre eux ne relèvent pas des dispositions de l'article 1792-4-2 du code civil, mais de celles de l'article 2224 du même code, ce dont elle déduit que son action introduite le 18 juillet 2017, moins de cinq ans après la mise en cause de son assurée par le maître de l'ouvrage, est recevable, d'autant que la prescription a selon elle été interrompue par la mise en cause de la société EBI par l'expert judiciaire le 6 mai 2013.

Sur le fond, la SMABTP produit les conditions particulières d'assurance justifiant sa qualité d'assureur de la société BTPO, les justificatifs du paiement auquel elle indique avoir procédé, puis assure que la responsabilité de la société EBI à qui son assurée avait confié les études d'exécution du gros-œuvre est établie par l'expertise qui a retenu une faute majeure du bureau d'étude, en indiquant que les dommages résultaient d'une insuffisance de dimensionnement des goujons Cret destinés à assurer la reprise des efforts des joints de dilatation pour éviter une rupture ou un pliage de la dalle.

La SMABTP soutient que le sous-traitant est tenu à l'égard de l'entrepreneur principal d'une obligation contractuelle de résultat dont il ne peut s'exonérer que par la preuve d'une cause majeure et ajoute que l'intimée ne peut exciper de ce que le dimensionnement et la mise en œuvre des goujons Cret ne relevaient pas de ses prestations alors que, consciente de sa responsabilité, la société EBI n'a jamais communiqué ses plans d'exécution mais qu'il est néanmoins établi qu'elle est à l'origine des plans que l'expert a photographiés et intégrés en pages 40 et 41 de son rapport.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 10 juin 2020, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société EBI demande à la cour, au visa des articles 122 du code de procédure civile, L. 121-12 du code des assurances, 1146 du code civil et 1147 ancien du même code, de :

- lui donner acte de son accord pour le rabat de l'ordonnance de clôture d'instruction à la date de l'audience des plaidoiries

- déclarer la SMABTP mal fondée en son appel et l'en débouter

- confirmer le jugement déféré et débouter la SMABTP de l'intégralité de ses « conclusions »

- condamner la SMABTP aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

La société EBI, qui explique que selon contrat de sous-traitance du 5 février 2001, la société TP BAT, membre du groupement d'entreprises conjointes BTPO et TPBAT, titulaire du lot gros œuvre, lui a confié l'établissement des plans d'exécution des ouvrages de gros œuvre, commence par faire valoir que la SMABTP ne justifie d'aucun lien contractuel entre son assurée, la société BTPO, et elle-même, ce dont elle déduit que faute de produire le contrat de sous-traitance qui permettrait de fonder son recours subrogatoire, l'appelante ne pourra qu'être déboutée de ses prétentions par confirmation du jugement déféré.

Subsidiairement, l'intimée soutient que le recours de la SMABTP est en toute hypothèse irrecevable et mal fondé.

En ce sens, la société EBI soutient, de première part que la SMABTP, qui n'établit pas avoir réglé la somme litigieuse de 50 035,84 euros au département du Loiret, ne justifie pas de sa subrogation dans les droits de la société BTPO ; de seconde part que faute d'avoir été engagée dans les dix ans de la réception, l'action de la SMABTP à son encontre est prescrite par application des dispositions de l'article 1792-4-2 du code civil.

Sur le fond, la société EBI ajoute que le jugement du tribunal administratif lui est inopposable et souligne qu'au regard des seules obligations contractuelles que la SMABTP est en mesure de prouver, la cour ne pourra que constater que l'appelante, qui ne produit aucun contrat passé entre elle et son assurée, ne démontre ni la consistance, ni l'étendue de ses obligations, et ne peut en conséquence lui reprocher la violation d'une quelconque obligation de résultat.

L'intimée précise que la réalisation des plans d'exécution des ouvrages de gros œuvre intervient en amont du choix des matériaux et des fournisseurs de l'entrepreneur titulaire du lot, souligne qu'elle n'était chargée d'aucune prestation de contrôle de la bonne exécution de ses plans et que, ainsi qu'elle l'a fait valoir devant l'expert sans être démentie par la société BTPO, le dimensionnement et la mise en œuvre des goujons Cret relevaient exclusivement de l'entreprise de gros œuvre et de son fournisseur.

Elle en déduit, en rappelant que l'expert avait donné un avis sur sa responsabilité en précisant qu'il ne lui appartenait pas de prendre position sur la nature du contrat conclu entre elle et la société BTPO, qu'en l'absence de production du contrat en cause, la SMABTP ne pourra qu'être déboutée de son recours subrogatoire.

Par arrêt rendu avant dire droit le 17 juin 2020, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture du 30 avril 2020, fixé la clôture de l'instruction au 18 juin 2020 et ordonné la réouverture des débats à l'audience du 26 novembre suivant, à laquelle l'affaire a été effectivement plaidée et mise en délibéré à ce jour.

SUR CE, LA COUR :

Nonobstant l'ordre dans lequel l'intimée a développé ses moyens de défense, il convient d'examiner la fin de non-recevoir tirée de la prescription avant les moyens de défense au fond.

I- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève, non pas des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil, propres à la garantie décennale dont les constructeurs ne sont pas redevables entre eux, mais de la responsabilité commune de l'article 1147 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016.

La prescription d'une telle action, engagée par un sous-traitant qui n'est pas contractuellement lié au maitre de l'ouvrage et qui est étranger à l'acte de réception, n'est donc pas soumise aux dispositions spécifiques de l'article 1792-4-2 du code civil, mais à celles de l'article 2224 du même code.

Il en résulte que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (v. par ex. Civ. 3, 16 janvier 2020, no 18-25915).

L'assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur principal met en cause la responsabilité de ce dernier et constitue le point de départ du délai de son action récursoire à l'encontre des sous-traitants (v. par ex. Civ. 3, 19 mai 2016, no 15-11.355).

La requête en référé expertise présentée par le département du Loiret a été enregistrée le 20 juillet 2012 et communiquée à la société BTPO dans les droits de laquelle l'appelante indique agir le 25 juillet suivant. Etant si besoin précisé que les opérations d'expertise étendues le 11 juillet 2013 à la société EBI ont suspendu le délai de prescription durant plus de deux ans, par application de l'article 2239 du code civil, le recours subrogatoire engagé le 18 juillet 2017 par la SMABTP contre la société EBI doit être déclaré recevable.

II- Sur le fond

A) sur les conditions de la subrogation de l'assureur

L. 121-12 du code des assurances énonce que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

La subrogation spécifique du droit des assurances n'interdit pas à l'assureur de se prévaloir de la subrogation légale de droit commun de l'article 1346 du code civil s'il a, par son paiement, et du fait de cette subrogation, libéré envers leur créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette.

Selon ces textes, l'assureur de responsabilité d'une entreprise de construction qui, à la suite d'un désordre, a indemnisé le maître de l'ouvrage, peut se prévaloir de la subrogation légale dans les droits de son assurée, laquelle dispose contre son sous-traitant d'une action contractuelle en responsabilité fondée sur les dispositions de l'article 1147 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016.

Au cas particulier, SMABTP justifie avoir réglé le 13 juillet 2017 à la Carpa, au moyen d'un virement bancaire, une somme de 50 085,34 euros destinée au département du Loiret, en exécution du jugement du tribunal administratif d'Orléans ayant condamné son assurée, la société BTPO, à indemniser ladite collectivité des dommages affectant le collège édifié à [...].

La SMBTP peut donc exercer un recours subrogatoire contre le sous-traitant de son assurée, lequel prospérera si les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de la société EBI sont réunies.

B) sur la preuve du contrat de sous-traitance conclu entre l'assurée et l'intimée

Au sens de l'article 1 de la loi no 75-1334 du 31 décembre 1975, dont toutes les prescriptions sont réputées d'ordre public par l'article 15, la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant, l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage.

Constituant lui-même un contrat d'entreprise, le sous-traité est soumis au droit commun qui en résulte, s'agissant de sa conclusion et de ses conditions intrinsèques de validité.

Le principe du consensualisme n'étant écarté que dans des secteurs particuliers étrangers au présent litige, le droit commun conduit à exclure toute condition de forme ; un sous-traité non écrit est donc parfaitement valable et produit tous ses effets si la preuve en est rapportée.

Conformément aux règles communes encore, la preuve du sous-traité entre les parties dépend de leur qualité respective et, par application de l'article L. 110-3 du code de commerce, cette preuve est libre contre une partie qui, comme la société SAS EBI, a la qualité de commerçant.

Au cas particulier, l'intimée, qui n'a jamais contesté l'existence du sous-traité avant l'instance d'appel, ne peut sérieusement soutenir que la SMABTP ne rapporterait pas la preuve de l'existence d'un contrat de sous-traitance entre son assurée et elle-même, alors qu'elle ne conteste pas avoir réalisé les plans d'exécution des ouvrages de gros œuvre du collège de [...] qui avaient été confiés à la société BTPO et que, à la demande de cette entreprise, assurée de l'appelante, la société EBI a été agréée par le maître de l'ouvrage pour effectuer les travaux d'étude de béton armé (exécution des plans d'exécution) après avoir elle-même renseigné et signé les documents nécessaires à la demande d'agrément et à son paiement direct par le maître.

C'est donc de manière inexacte que le premier juge a considéré que, faute de produire le contrat de sous-traitance conclu entre son assurée, la société BTPO, et la société EBI, la SMABTP n'apportait pas la preuve de l'existence d'une relation contractuelle de sous-traitance entre la société BTPO et la société EBI.

C) sur la consistance du sous-traité et l'étendue des prestations confiées à l'intimée

Les juridictions de l'ordre administratif n'étant pas compétentes pour connaître des recours des constructeurs contre leurs sous-traitants, le premier juge ne pouvait tirer aucune conséquence de ce que la responsabilité de la société EBI, qui avait été attraite aux opérations d'expertise qui lui sont en conséquence opposables, n'ait pas été recherchée devant le tribunal administratif d'Orléans, et que ce dernier n'ait prononcé aucune condamnation à l'égard de la sous-traitante qui n'était pas à la cause.

Corrélativement, la SMABTP ne peut utilement faire valoir que, lors de l'examen de la responsabilité de la société BTPO, le juge administratif a fait référence à la responsabilité du sous-traitant, ce qui est sans emport.

En tant qu'elle agit par subrogation dans les droits de son assurée, il incombe en effet à la SMABTP de démontrer que la société EBI a failli aux obligations qu'elle avait contractées envers la société BTPO, ce qu'elle ne peut faire en se contentant d'affirmer qu'en sa qualité de sous-traitante, la société EBI était tenue à l'égard de son assurée d'une obligation de résultat.

S'il est exact que, hormis les cas dans lesquels sa prestation présente un aléa, le sous-traitant est tenu envers l'entrepreneur principal d'une obligation de résultat, encore faut-il connaître le résultat qu'avait promis le sous-traitant pour dire s'il a ou non satisfait à ses obligations.

Alors que le premier juge lui avait reproché de ne pas produire le contrat de sous-traitance, la SMABTP ne produit toujours pas le sous-traité en cause d'appel, se contentant d'affirmer que l'existence de la sous-traitance n'est pas contestable, ce qui est exact, mais sans incidence sur la preuve du contenu de ce contrat de sous-traitance, pourtant déterminante de la solution du litige.

En ne versant aux débats ni le contrat de sous-traitance conclu entre son assurée et la société EBI, ni les plans d'exécution réalisés par cette dernière, ni aucun autre élément permettant de déterminer le périmètre de la mission qui avait été confiée à la société EBI, la SMABTP ne peut soutenir, pour cela seule que la société EBI est un bureau d'étude qui avait été chargé de réaliser les plans d'exécution du gros œuvre, que l'intimée a nécessairement failli à sa mission.

Les désordres litigieux affectent la dalle du rez-de-chaussée du bâtiment, dans la salle d'étude et le couloir de distribution du bâtiment dit « enseignement », de part et d'autre d'un joint de dilatation. L'expert a relevé une difficulté d'ouverture des portes, notamment des portes coupe-feu, et des fissurations du sol qui proviennent d'un mouvement de tassement et d'un soulèvement de la dalle du rez-de-chaussée, puis imputé ces désordres à des insuffisances de dimensionnement des goujons Cret, en expliquant que ces goujons sont des systèmes de reprise des efforts de cisaillement sur les joints de dilatation, qui doivent être correctement dimensionnés pour éviter un pliage ou une rupture, et qu'en l'espèce, positionnés tous les quatre-vingt dix centimètres seulement, les goujons n'ont pu jouer leur rôle, en sorte que la dalle s'est affaissée.

En page 6 de son rapport, l'expert explique, sans plus de précision, que les plans d'exécution réalisés par la société EBI ont « révélé la nécessité technique d'employer des goujons Cret », et précise en page 48 que « le plan EBI signale que la répartition des goujons est donnée par le fabriquant ».

Sans aucun autre élément, on peut seulement déduire des indications de l'expert que la société EBI avait préconisé à l'entreprise principale d'employer des goujons Cret pour assurer la stabilité de l'ouvrage, et que ses plans d'exécution ne contenaient aucune précision sur la distance à laquelle ces goujons devaient être fixés les uns des autres, laissant à la société BTPO le soin de déterminer ce positionnement avec son fournisseur de goujons.

Certes, en page 49, le technicien retient une « faute majeure » du bureau d'étude EBI, considérant que « en tant que concepteur des ouvrages au stade de leur exécution, le bureau d'étude n'a procédé à aucun contrôle des goujons Cret », puis précise, en réponse au dire du sous-traitant, que « reporter son implication technique sur le fournisseur de goujon sans qu'il y ait eu un échange, à défaut d'un avis, sur le mode de calcul, est une grave anomalie ». L'expert ajoute, d'une part que s'il y avait eu une discussion sur cette question, le bureau d'études EBI se serait immédiatement rendu compte qu'un seul goujon par mètre linéaire était une « invraisemblance technique » ; d'autre part que le maçon BTPO en charge de ces ouvrages « a manqué singulièrement de compétence technique en disposant un seul goujon par mètre linéaire de joint ». Il conclut en préconisant un partage de responsabilité entre la société BTPO et la société EBI, à concurrence de 70 % à la charge de l'entrepreneur principal et de 30 % à la charge du bureau d'étude sous-traitant.

La société BTPO n'a jamais démenti, durant les opérations d'expertise, que son sous-traitant n'avait reçu aucune mission de contrôle d'exécution, ni que le dimensionnement et la répartition des goujons n'avaient pas été déterminés par la société EBI, mais par elle-même ou son fournisseur.

Dans ces circonstances, en l'absence de production du contrat de sous-traitance sans lequel le périmètre de la mission du sous-traitant ne peut être déterminé, étant si besoin observé que la SMABTP n'invoque contre la société EBI aucun manquement à une obligation accessoire, de conseil notamment, mais soutient seulement que la sous-traitante de son assurée aurait manqué à son obligation de résultat, la cour ne peut que constater que l'appelante, sur laquelle pèse la charge de la preuve, n'établit pas que l'intimée se serait engagée à un résultat qui n'aurait pas été atteint, c'est-à-dire à un résultat autre que celui de réaliser des études et des plans d'exécution dont il n'a jamais été contesté qu'ils ont été remis à la société BTPO, et dont rien ne permet d'établir qu'ils contenaient des données techniques inadéquates ou comportaient des lacunes au regard de la mission qui avait été confiée à l'intimée.

En réponse aux dires de l'intimée, en page 52 de son rapport, l'expert a d'ailleurs bien pris soin de préciser que son avis sur la responsabilité de la société EBI était, selon ses propres termes, « un avis chantier », que le tribunal apprécierait « en prenant position sur les termes du contrat ».

Faute d'avoir produit le contrat de sous-traitance, la SMABTP ne permet pas à la cour de déterminer la mission qui avait été confiée à la société EBI, c'est-à-dire de déterminer en quoi consistait la réalisation des plans d'exécution du gros œuvre qui avait été confiée à l'intimée, ce alors qu'il n'est pas établi, et qu'il n'a jamais été soutenu pendant les opérations d'expertise que les goujons Cret à l'origine des désordres avaient été positionnés selon les préconisations de la société EBI et que rien, en l'absence du contrat de sous-traitance, ne permet de retenir qu'il incombait à la société EBI d'indiquer sur ses plans comment positionner ces goujons ou de s'assurer que le constructeur et son fournisseur avaient retenu un positionnement adéquat.

Dans ces circonstances, la SMABTP, qui n'apporte pas la preuve qui lui incombe, ne peut qu'être déboutée de son recours subrogatoire.

III- Sur les demandes accessoires

La SMABTP, qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance et sera en conséquence déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur ce même fondement, la SMABTP sera en revanche condamnée à régler à la société EBI, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de ses frais irrépétibles, une indemnité de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME en tous ses chefs critiqués la décision entreprise,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la SMABTP à payer à la société EBI la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la SMABTP de sa demande formée sur le même fondement,

CONDAMNE la SMABTP aux dépens.