Cass. com., 5 novembre 2013, n° 12-14.645
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Canivet-Beuzit
Avocat général :
M. Le Mesle
Avocats :
SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP de Chaisemartin et Courjon
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 novembre 2011), que la société Les Chantiers de l'Atlantique devenue la société Aker Yards puis STX Cruise et enfin STX Cruise France (la société STX France) ayant confié la réalisation de travaux sur des paquebots à la société Dos France (la société Dos), laquelle les a sous-traités, pour partie, aux sociétés Fuh-Ochen (la société F-O), K and K et Protection of metal construction (la société PMC), les sociétés Crédit industriel de l'Ouest (le CIO) et Banque populaire atlantique (la BPA) ont escompté des traites émises par la société Dos sur la société Aker Yards ; que, la société Dos ayant été mise en liquidation judiciaire le 9 août 2006, les sous-traitants impayés ont déclaré leurs créances et exercé une action directe contre la société Cruise France, maître de l'ouvrage, tandis que les banques ont assigné cette société en paiement des sommes dues au titre des effets escomptés impayés ;
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que la société STX France fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action directe de la société F-O et de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer à cette dernière la somme de 166 774,54 euros, rectifiée à la somme de 117 717,54 euros par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 14 février 2012, avec intérêts de droit à compter du 2 octobre 2006, alors, selon le moyen :
1°/ que le sous-traitant doit avoir été accepté et ses conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage pour qu'il soit recevable à exercer l'action directe en paiement, ces deux conditions étant cumulatives ; que si l'acceptation et l'agrément peuvent être tacites, ils doivent résulter d'actes manifestant sans équivoque la volonté du maître de l'ouvrage d'accepter le sous-traitant et d'agréer ses conditions de paiement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société STX France a effectué auprès de la société F-O un paiement « pour le compte de la société Dos » ; que pour déduire de ce paiement ponctuel l'acceptation par la société Cruise France de la société F-O en qualité de sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement, la cour d'appel s'est fondée sur un courrier du 10 octobre 2006 adressé par la société STX France à la société F-O et aux termes duquel « ce paiement a été opéré sur demande et pour le compte de la société Dos » ; qu'il résultait de la lettre de ce courrier du 10 octobre 2006 qu'il ne s'agissait que de la simple exécution d'un mandat ponctuel, qui n'impliquait aucun agrément du sous-traitant ; qu'il en découlait seulement que la société STX France admettait devoir cette somme à la société Dos et acceptait de la payer à l'un de ses créanciers, qui n'était pas nécessairement un sous-traitant ; qu'en se fondant pourtant sur la lettre du 10 octobre 2006 pour retenir que la société STX France aurait accepté la société F-O en qualité de sous-traitant, cependant que cette lettre signifiait simplement que la société STX France tenait la société F-O pour le créancier de son propre créancier, la société Dos , la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;
2°/ que le sous-traitant doit avoir été accepté et ses conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage pour qu'il soit recevable à exercer l'action directe en paiement, ces deux conditions étant cumulatives ; que si l'acceptation et l'agrément peuvent être tacites, ils doivent résulter d'actes manifestant sans équivoque la volonté du maître de l'ouvrage d'accepter le sous-traitant et d'agréer ses conditions de paiement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société STX France a effectué auprès de la société F-O un paiement « pour le compte de la société Dos » ; que pour déduire de ce paiement ponctuel l'acceptation par la société STX France de la société F-O en qualité de sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement, la cour d'appel s'est fondée sur un courrier du 10 octobre 2006 adressé par la société STX France à la société F-O et aux termes duquel « ce paiement a été opéré sur demande et pour le compte de la société Dos » ; qu'il était ainsi impossible de voir dans ce paiement une acceptation des conditions de paiement de la société F-O puisqu'il ne s'agissait que d'un règlement partiel n'impliquant en rien que la société STX France ait eu connaissance des conditions de paiement de la société F-O dans leur ensemble ; qu'en déduisant pourtant d'un paiement purement ponctuel, l'agrément par la société STX France des conditions de paiement de la société F-O, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la société F-O verse aux débats les contrats de sous-traitance signés avec la société Dos ainsi que des factures émises à l'encontre de cette dernière, l'arrêt retient que, dans un courrier du 10 octobre 2006 adressé à la société F-O, la société STX France expose « Nous attirons ... votre attention sur le paiement direct que nous avons effectué le 11 août 2006, entre les mains de la société F-O, pour un montant de 49 057 euros. Ce paiement a été opéré sur demande et pour le compte de la société Dos et a permis le règlement immédiat des salaires des employés de la société F-O au titre du mois de juillet 2006. De fait, nous vous remercions de bien vouloir d'emblée déduire ladite somme de la facture n° 7/E/2006 du 30 juillet 2006 de 52 692 euros » ; qu'il retient, encore qu'il s'évince des termes de ce courrier que la société STX France a procédé à un paiement pour le compte de la société Dos qui avait donné son accord par lettre du 8 août 2006 adressé à la société STX France, pour une facture émise par la société F-O à laquelle elle faisait elle-même référence ; que de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la société STX France ne s'était pas bornée à effectuer un paiement ponctuel pour le compte de la société Dos, la cour d'appel a pu déduire que la société STX France avait, de manière non équivoque, accepté la société F-O en qualité de sous-traitant et agréé ses conditions de paiement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société STX France fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société PMC la somme de 412 774,54 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2006, alors, selon le moyen, que l'extension aux sous-traitants industriels du champ d'application des dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 opérée par la loi du 26 juillet 2005 s'inscrit dans le seul cadre des marchés principaux concernant des travaux de bâtiment ou des travaux publics ; que c'est seulement lorsque le contrat principal est un contrat de travaux de bâtiments ou de travaux publics que le maître de l'ouvrage est tenu envers les sous-traitants industriels n'intervenant pas sur le site des obligations prévues par le nouvel article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ; qu'en l'espèce, le contrat principal conclu entre la société Chantiers de l'Atlantique, aux droits de laquelle vient désormais la société STX France, et la société Dos, relatif à la construction navale, n'était pas un contrat de travaux de bâtiment ou de travaux publics ; que pour décider que la société PMC, sous-traitante de la société Dos, pouvait invoquer les dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, la cour d'appel a pourtant retenu que : « son champ d'application n'est plus restreint aux seuls sous-traitants dans les contrats concernant les travaux de bâtiment et dans les travaux publics » ; qu'en statuant ainsi, cependant que ce texte ne s'applique que lorsque le contrat principal est un marché de travaux de bâtiment ou de travaux publics, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, tel que modifié par la loi du 26 juillet 2005 ;
Mais attendu que les dispositions du troisième alinéa de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 1985, s'appliquent également aux contrats de sous-traitance industrielle ; qu'après avoir exactement énoncé que l'application de l'article 14-1, alinéa 2, par renvoi de l'alinéa 3 au contrat de sous-traitance industrielle n'était nullement subordonnée à l'existence d'un marché de travaux de bâtiment ou de travaux publics, l'arrêt retient, d'un côté, que, par son comportement, la société STX France avait démontré qu'elle connaissait l'objet de l'intervention de la société PMC en qualité de sous-traitant et, de l'autre, que les sommes dues à la société PMC n'avaient pas été intégralement réglées ; que, de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que l'action directe, dont les conditions de forme avaient été respectées, aurait pu y prospérer ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.