ADLC, 10 juin 2016, n° 16-DCC-78
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier situé à Toulouse par la société Oppidéa et la Caisse des Dépôts et Consignations
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 9 mai 2016, relatif à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier situé à Toulouse par la société Oppidéa et la Caisse des Dépôts et Consignations, formalisée par une promesse de vente en date du 9 octobre 2015 et une promesse de vente en l’état futur d’achèvement en date du 2 mars 2016 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Oppidéa est une société anonyme d’économie mixte locale qui a pour objet d’assurer l’étude, la réalisation et la commercialisation de tout projet se rapportant au développement local, en matière d’aménagement urbain ou en matière économique. Oppidéa intervient principalement pour le compte de collectivités territoriales et d’acteurs publics.
2. La Caisse des Dépôts et Consignations (ci-après, « la CDC ») est un établissement public à statut légal spécial, régi par les articles L. 518-2 et suivants du code monétaire et financier, qui remplit des missions d’intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l’État et les collectivités locales, et qui exerce des activités ouvertes à la concurrence. Celles-ci sont regroupées autour de quatre pôles : (i) l’environnement, (ii) l’immobilier par l’intermédiaire des filiales Société Nationale Immobilière et Icade, (iii) l’investissement et le capital investissement et (iv) les services. Créée par la loi du 28 avril 1816, la CDC est placée « sous la surveillance et la garantie de l’autorité législative », ce mode de gouvernance étant destiné à assurer l’autonomie de cette institution qui gère des fonds privés nécessitant une protection particulière1.
3. La cible de l’opération est un ensemble commercial en construction comprenant des locaux à usage de commerce d’une surface utile brute locative de 1 304 m², situés sur la ZAC de Bourderouge, lieudit 48 Chemin des Izards, à Toulouse (31). L’ensemble est actuellement détenu par la SCI Toulouse Micoulaud, filiale du groupe Nexity, et la HLM Le Nouveau Logis Méridional.
4. L’ensemble immobilier sera acquis au terme d’un contrat de vente en l’état futur d’achèvement (ci-après, « VEFA ») et ne génèrera donc, au jour de l’acquisition, aucun chiffre d’affaires auprès de tiers. L’ensemble immobilier a toutefois déjà fait l’objet de projets de baux en l’état futur d’achèvement (ci-après, « BEFA »), pour une durée de 9 ans avec plusieurs sociétés, lesquelles en ont validé les principes. L’immeuble est donc un actif devant générer à court terme et de façon certaine un chiffre d’affaires2.
5. L’opération notifiée, formalisée par une promesse de vente en date du 9 octobre 2015 et une promesse de vente en l’état futur d’achèvement en date du 2 mars 2016, consiste en l’acquisition de la cible par la société SAS Micoulaud Commerces, créée pour les besoins de l’opération et qui sera détenue à 60 % par Oppidéa et 40 % par la CDC. Oppidéa et la CDC exerceront un contrôle conjoint sur l’actif cible, dans la mesure où, conformément aux dispositions du pacte d’associés et des statuts de la société3, les décisions stratégiques relatives à son activité seront adoptées à l’unanimité des associés.
6. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle conjoint de l’ensemble immobilier cible par Oppidéa et la CDC, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
7. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total hors taxes sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Oppidéa : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2014 ; CDC : […] d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Oppidéa : […] d’euros pour le même exercice ; CDC : […] d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
8. L’opération entraîne un chevauchement d’activités dans le secteur des services immobiliers.
A. DÉLIMITATION DES MARCHÉS DE PRODUITS ET DE SERVICES
9. Les autorités de concurrence nationale4 et européenne5 ont envisagé, tout en laissant la question ouverte, différentes segmentations dans le secteur des services immobiliers selon (i) les destinataires des services (particuliers ou entreprises), (ii) le mode de fixation des prix (immobilier résidentiel libre et les logements sociaux ou intermédiaires aidés), (iii) le type d’activité exercée dans les locaux (bureaux6 , les locaux commerciaux et autres locaux d’activités7 ), et (iv) la nature des services ou biens offerts.
10. Pour cette dernière segmentation, les services suivants ont été identifiés :
(i) la promotion immobilière qui comprend les activités de construction et de vente de biens immobiliers ;
(ii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre ;
(iii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte de tiers (des investisseurs institutionnels, principalement des banques et des compagnies d’assurances) qui recouvre le conseil et la gestion de portefeuille immobilier (arbitrage et valorisation d’actifs), le montage des opérations d’investissement immobilier et la gestion d’actifs immobiliers et de véhicules d’investissements spécialisés (notamment les sociétés civiles immobilières) ;
(iv) l’administration de biens immobiliers qui recouvre les activités de gestion des immeubles pour le compte de propriétaires et qui peut être segmentée entre la gestion locative et la gestion de copropriété ;
(v) l’expertise immobilière ;
(vi) le conseil immobilier ;
(vii) l’intermédiation dans les transactions immobilières pour laquelle l’intermédiation dans les opérations d’achat/vente est distinguée de l’intermédiation dans les opérations de location.
11. Concernant la segmentation selon le type d’activité exercée dans les locaux, les sous-marchés suivants ont été identifiés8 : (i) les locaux à usage de bureaux ; (ii) les locaux à usage de commerces ; et (iii) les autres locaux d’activités.
12. Au cas d’espèce, les parties sont simultanément actives sur les marchés de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à usage de commerces.
13. En ce qui concerne une segmentation selon la destination des locaux, les locaux commerciaux situés dans les centres commerciaux peuvent être distingués des locaux commerciaux situés en pieds d’immeubles9. En l’espèce, seul le segment des locaux commerciaux situés en pieds d’immeubles est concerné par l’opération.
14. La question de la délimitation exacte des marchés du secteur de l’immobilier peut toutefois être laissée ouverte dans la mesure où elle est sans incidence sur l’analyse concurrentielle.
B. LES MARCHÉS GEOGRAPHIQUES
15. La pratique décisionnelle10 considère que les marchés de services immobiliers à destination des particuliers sont de dimension locale. Tout en laissant la question ouverte, la pratique décisionnelle a conduit également une analyse au niveau national pour des opérations réalisées par des groupes d’envergure nationale suivant une stratégie d’implantation dans des centres commerciaux selon une logique de maillage du territoire11.
16. Pour les régions hors Île-de-France, les autorités de concurrence ont mené leurs analyses concurrentielles au niveau régional ou infrarégional. Dans ses décisions récentes, l’Autorité a examiné les effets d’opérations au niveau des agglomérations12.
17. Au cas d’espèce, l’analyse sera donc conduite aux niveaux de l’ex-région Midi-Pyrénées, du département de Haute-Garonne (31) et de la ville de Toulouse.
18. La question de la délimitation exacte des marchés géographiques du secteur de l’immobilier peut toutefois être laissée ouverte dans la mesure où elle est sans incidence sur l’analyse concurrentielle.
III. Analyse concurrentielle
19. Aux niveaux régional (Midi-Pyrénées), départemental (Haute-Garonne (31)) et de la ville de Toulouse, les parties estiment détenir une part de marché cumulée inférieure à [0-5] %, quelle que soit la segmentation retenue. Elles restent par ailleurs soumises à la concurrence de nombreux opérateurs tels que Carmila, Imfined, Midi 2i, Sorepar, Sodes ainsi que Belin Immobilier.
20. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés de la détention et de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 16-078 est autorisée.
NOTES
1 Voir l’article L. 518-2 du code monétaire et financier.
2 Les baux commerciaux généreront un chiffre d’affaires à partir du 1er janvier 2017, qui sera compris entre […] euros et […] euros pour l’année 2017.
3 Articles 21,22 et 23 des statuts de la SAS Micoulaud Commerces.
4 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 16-DCC-50 du 7 avril 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier situé à Toulouse par la société Oppidéa, la société Immo Retail et la Caisse des Dépôts et Consignations, n°16-DCC-02 du 11 janvier 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier situé à Marseille par le groupe BPCE et la Caisse des dépôts et Consignation ; n° 15-DCC-128 du 21 septembre 2015 relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier situé à Rennes par le groupe BPCE et la Caisse des Dépôts et Consignations ; n° 09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Épargne et Banque Populaire, n° 14-DCC-46 du 1er avril 2014 relative à la prise de contrôle conjointe d’un actif immobilier industriel en Moselle par la Norges Bank et Prologis ainsi que la décision C2008-79 / Lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi du 22 août 2008, aux conseils des sociétés CDC et Eurosic, relative à une concentration dans le secteur de l’immobilier, BOCCRF n°8 bis du 23 octobre 2008.
5 Voir les décisions de la Commission européenne COMP/M.2110 Deutsche Bank / SEI / JV du 25 septembre 2000, IV/M.2825 Fortis AG SA / Bernheim-Comofi SA du 9 juillet 2002 COMP/M.3370 BNP Paribas/ARI du 9 mars 2004.
6 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 12-DCC-156 du 12 novembre 2012 relative à la prise de contrôle conjointe d’une société civile immobilière pour l’acquisition d’un immeuble à usage de bureaux par CNP Assurance et Sogecap et n° 12-DCC-157 du 15 novembre 2012 relative à la prise de contrôle conjoint d’une société civile immobilière pour la détention d’un immeuble de bureaux situé à Lyon par les sociétés Prédica et la Caisse des Dépôts et Consignations.
7 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 13-DCC-146 du 22 octobre 2013 relative à la prise de contrôle conjoint d’une société civile immobilière pour la détention d’un actif immobilier à usage d’EHPAD par la Foncière Malherbe Claudel (Groupe Crédit Agricole) et la Caisse des Dépôts et Consignations.
8 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n°13-DCC-80 du 3 juillet 2013 relative à la prise de contrôle conjoint du pôle de compétences urbaines de Bordeaux par la société Midi Foncière 2 et la Caisse des Dépôts et Consignations.
9 Id.
10 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 16-DCC-02 du 11 janvier 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier situé à Marseille par le groupe BPCE et la Caisse des dépôts et Consignation ; n°15-DCC-56 du 20 mai 2015 relative à la prise de contrôle conjoint d’un ensemble immobilier à Ollioules par le groupe BPCE et la Caisse des Dépôts et Consignations ; n°12- DCC-18 du 13 février 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société immobilière de location pour l’industrie et le commerce par la société Icade.
11 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi C2007-52, précitée et la décision de l’Autorité de la concurrence n°14-DCC-166 du 13 novembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif par Klépierre SA de Corio NV.
12 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrencen°16-DCC-02 du 11 janvier 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier situé à Marseille par le groupe BPCE et la Caisse des dépôts et Consignation ; n° 14-DCC-36 du 18 mars 2014 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe Carrefour d’un portefeuille de 57 galeries commerciales auprès la société Klépierre, ; n° 14-DCC[1]164 du 13 novembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe carrefour d’un portefeuille de six galeries commerciales auprès la société Unibail-Rodamco et Décision ; n° 14-DCC-166 du 13 novembre 2014relative à la prise de contrôle exclusif par Klépierre SA de Corio NV.