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Décisions

Cass. com., 16 octobre 2019, n° 17-31.638

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 26 sept. 2017

26 septembre 2017

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 septembre 2017), qu'embauché comme salarié de la société Le Crédit lyonnais (la société), M. L... s'est vu consentir, en cette qualité, « le bénéfice des dispositions spécifiques du régime de retraite de la catégorie des cadres hors classification et notamment de la garantie de pension », qualifiée de « garantie de ressources », pour le cas où il terminerait sa vie active au sein du groupe Crédit lyonnais ; que M. L... a été, le 18 décembre 2002, nommé le directeur général de la société, une délibération du conseil d'administration du 15 décembre 2002 ayant autorisé l'allocation, à son profit, d'une indemnité de rupture ainsi que la conservation de ses droits d'option sur des actions de la société ; que selon une lettre du 17 décembre 2002, le président de la société lui a indiqué que son contrat de travail était suspendu pendant son mandat social, qu'il reprendrait ses effets en cas de cessation de son mandat et qu'en cas de licenciement, il conserverait le bénéfice de différents avantages, dont le régime de retraite salarié ; que, dans une seconde lettre du même jour, le président de la société, se référant à la décision du conseil d'administration lui octroyant une indemnité spécifique en cas de perte ou de démission de son mandat social, lui a précisé que cette résolution n'affectait pas son contrat de travail et qu'en cas de départ, il conserverait le bénéfice des options de souscription ou d'acquisition d'actions ainsi que des droits accumulés jusqu'à la date concernée au titre de la retraite complémentaire « mandataire social » ; qu'après avoir démissionné de son mandat social, le 15 décembre 2003, M. L... a été licencié le 30 décembre 2003 ; qu'ayant fait liquider ses droit à la retraite le 1er décembre 2012, M. L... a demandé à bénéficier de la garantie de ressources ; que, n'obtenant pas satisfaction, il a, le 28 février 2014, assigné la société et la société Prédica prévoyance dialogue du Crédit agricole (la société Prédica) ; que la société lui a opposé la nullité de l'avantage du régime de retraite salarié faute d'autorisation du conseil d'administration, en violation de l'article L. 225-38 du code de commerce ;

Attendu que M. L... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que l'action en nullité des conventions réglementées conclues sans autorisation du conseil d'administration se prescrit par trois ans à compter de leur date ; qu'en énonçant que le point de départ de la prescription n'avait couru que du jour où M. L... avait sollicité le bénéfice de la garantie octroyée par la convention réglementée, la cour d'appel a violé l'article L. 225-42 alinéa 2 du code de commerce ;

2°/ que la dissimulation d'une convention réglementée suppose la volonté délibérée de la cacher ; qu'en se bornant à affirmer que la convention litigieuse avait été dissimulée par le seul fait que M. L... n'en avait pas informé le conseil d'administration, sans caractériser la volonté de ce dernier de cacher cette convention au conseil d'administration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-42 du code de commerce ;

3°/ qu'à compter de l'expiration de la prescription de l'action en nullité, l'exception de nullité ne peut faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui a déjà reçu un commencement d'exécution par celui qui l'invoque, peu important que ce commencement d'exécution ait porté sur d'autres obligations que celle arguée de nullité ; qu'en jugeant que le commencement d'exécution du seul engagement non autorisé par le conseil d'administration - la retraite chapeau - qui ferait échec à l'invocation par voie d'exception de la nullité de l'accord du 17 décembre 2002 portant sur cet avantage ne pouvait pas se trouver dans l'exécution par la société d'autres obligations découlant de cet accord (maintien des stock-options et octroi d'une indemnité de rupture) et qui avaient été ratifiées par le conseil d'administration, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil, devenu l'article 2224 du même code, ensemble l'article L. 225-42 du code de commerce ;

4°/ qu'à compter de l'expiration de la prescription de l'action en nullité, l'exception de nullité ne peut faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui a déjà reçu un commencement d'exécution par celui qui l'invoque ; qu'il importe peu que la partie qui a commencé à exécuter la convention se rétracte ultérieurement ; que la cour d'appel a constaté que la société avait transmis le 26 septembre 2016 à la société Prédica les documents nécessaires pour que cette dernière puisse procéder au versement de la retraite supplémentaire dite chapeau ; qu'en énonçant, pour dire néanmoins que ce courriel du 26 septembre 2013 ne pouvait valoir commencement d'exécution, que la société s'était ultérieurement rétractée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant l'article 1304 du code civil, devenu l'article 2224 du même code, ensemble l'article L. 225-42 du code de commerce ;

5°/ que la cour d'appel a constaté que par son courriel du 26 septembre 2013, la société avait indiqué avoir transmis à la société Predica les documents requis pour la mise en oeuvre de la rente ; que pour juger que ce courriel ne pouvait valoir commencement d'exécution, la cour d'appel s'est bornée à relever que la transmission de documents relevait de la gestion courante de l'entreprise, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette transmission de documents, jointe à l'affirmation de la société, dans son courriel du 26 septembre 2013, selon laquelle il « confirme que M. L... pourra bien bénéficier d'un complément de retraite au titre du dispositif de retraite « Garantie 50% » ne démontrait pas le commencement d'exécution de la convention litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1304 du code civil, devenu l'article 2224 du même code, ensemble l'article L. 225-42 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que l'avantage de retraite contesté figurait dans une lettre adressée à M. L... par le président de la société sans avoir été autorisé par le conseil d'administration, l'arrêt constate que la société a exécuté d'autres obligations découlant d'une seconde lettre du président de la société, adressée à M. L..., l'informant de l'autorisation donnée par le conseil d'administration au maintien des « stock-options » et d'une indemnité de rupture à son profit ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a exclu que l'exécution de ces obligations, indépendantes de celle arguée de nullité, caractérisât un commencement d'exécution de cette dernière, susceptible de déroger à la règle selon laquelle l'exception de nullité peut faire échec à la demande d'exécution d'un acte après l'expiration de la prescription de l'action en nullité de cet acte ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt retient que l'annonce, par la direction des ressources humaines de la société, d'une transmission de documents à la société Prédica, relevant de la gestion courante, qui faisait suite à un courriel de M. L... dans lequel il affirmait avoir droit à l'avantage litigieux sur une décision du conseil d'administration, ne peut constituer le commencement d'exécution d'une promesse de rente, hors tout début de versement à son profit, et que M. L... ne peut se prévaloir de la seule indication par la société dans ces échanges de ce qu'il pourrait bénéficier de la retraite demandée, indication provoquée par son affirmation, erronée, de l'existence d'une autorisation du conseil d'administration ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire d'autres recherches, que ses appréciations et constatations rendaient inopérantes, en a justement déduit que l'avantage litigieux n'avait pas commencé à être exécuté ;

Et attendu, en dernier lieu, que l'arrêt ayant écarté, par les motifs vainement critiqués par les troisième, quatrième et cinquième branches, tout commencement d'exécution de l'avantage dont M. L... réclamait le paiement, le moyen, pris en ses première et deuxième branches, qui conteste le point de départ de la prescription de l'action en nullité de l'avantage litigieux retenu par la cour d'appel, est inopérant ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.