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Décisions

ADLC, 25 juin 2019, n° 19-DCC-123

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à l’acquisition du contrôle exclusif par la sociétéLidl de deuxmagasins de commerce de détail à dominante alimentaire

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme de Silva

ADLC n° 19-DCC-123

25 juin 2019

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 17 mai 2019, relatif à la prise de contrôle exclusif par la société Lidl de deux magasins de commerce de détail à dominante alimentaire sous enseigne Leader Price, formalisée par une promesse d’achat en date du 11 avril 2019 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. La société Lidl (ci-après « Lidl ») est une société en nom collectif appartenant au groupe familial Schwarz (ci-après le « groupe Schwarz »). Le groupe Schwarz est actif en France uniquement dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire, au travers de plus de 1 500 points de vente sous enseigne Lidl. Le groupe Schwarz détient par ailleurs l’enseigne Kaufland, laquelle est également active dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire à l’étranger. Il est enfin présent dans la collecte, le traitement et l’élimination des déchets non-dangereux via les sociétés GreenCycle et PreZero.

2. Les actifs cibles de l’opération sont deux magasins de commerce de détail à dominante alimentaire situés respectivement à Drumettaz-Clarafond (73) et à Thiais (94), exploités sous enseigne Leader Price et contrôlés exclusivement par le groupe Casino.

3. L’opération, formalisée par une promesse d’achat en date du 11 avril 2019, consiste en l’acquisition par Lidl des fonds de commerce des deux magasins cibles. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif des magasins cibles, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

4. Conformément à l’article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 139/20041 auquel renvoie l’article L. 430-2 du code de commerce, « […] deux ou plusieurs opérations au sens du premier alinéa qui ont eu lieu au cours d’une période de deux années entre les mêmes personnes ou entreprises sont à considérer comme une seule concentration intervenant à la date de la dernière opération ». En l’espèce, la présente opération fait suite à une opération intervenue entre les mêmes parties – à savoir le groupe Schwarz et le groupe Casino – dans une période inférieure à deux années2. Dans ces conditions, il y a lieu d’inclure la précédente opération dans le périmètre de l’opération à examiner au cas d’espèce.

5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total hors taxes sur le plan mondial de plus de 75 millions (groupe Schwarz : [≥ 75 millions] d’euros pour l’exercice clos le 28 février 2018 ; magasins cibles : [≥ 75 millions] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2018). Les entreprises concernées réalisent en France dans le secteur du commerce de détail un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros (groupe Schwarz : [≥ 15 millions] d’euros pour l’exercice clos le 28 février 2018 ; magasins cibles : [≥ 15 millions] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2018).

6. Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

7. Selon la pratique constante des autorités nationale3 et européenne4 de concurrence, deux catégories de marchés peuvent être délimitées dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire : d’une part, les marchés aval, de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d’autre part, les marchés amont de l’approvisionnement sur lesquels les entreprises en tant qu’acheteurs sont en contact avec les fabricants des produits, de dimension nationale.

A. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

8. En ce qui  concerne  les  marchés  de  l’approvisionnement,  les  autorités  de  concurrence5 retiennent l’existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits.

9. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

B. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE DÉTAIL À DOMINANTE ALIMENTAIRE

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

10. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, la pratique décisionnelle de l’Autorité6 distingue six catégories de commerce en retenant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés (d’une surface de vente supérieure à 2 500 m²), (ii) les supermarchés (magasins à dominante alimentaire d’une surface de vente inférieure à 2 500 m² et supérieure à 400 m²), (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail (moins de 400 m²), (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.

11. Les autorités de concurrence7 considèrent que, si chaque catégorie de magasins conserve sa spécificité, il existe une concurrence asymétrique entre certaines de ces catégories. Elles distinguent ainsi :

- un marché comprenant uniquement les hypermarchés ;

- un marché comprenant les supermarchés et les formes de commerce équivalentes (hypermarchés, hard-discount et magasins populaires) hormis le petit commerce de détail (moins de 400 m²).

12. Il n’y pas lieu de remettre en cause ces définitions dans le cadre de la présente opération.

2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

13. Les autorités de concurrence examinent les effets des concentrations dans le secteur de la distribution de détail à dominante alimentaire au niveau local, correspondant à la zone de chalandise associée à chaque magasin, et dont l’étendue est fonction du temps de transport pour le consommateur.

14. S’agissant des supermarchés, il ressort de la pratique décisionnelle de l’Autorité8 que les conditions de la concurrence s’apprécient généralement sur une zone où se rencontrent la demande des consommateurs et l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture.

15. Cependant, l’Autorité9 a analysé des zones correspondant à un trajet en voiture de 10 minutes à partir des supermarchés situés en petite couronne parisienne.

16. L’Autorité précise toutefois de façon constante que ces délimitations sont susceptibles d’évoluer au cas par cas, en fonction des caractéristiques de la zone locale, puisque d’autres critères peuvent être pris en compte pour évaluer l’impact d’une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d’espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.

17. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations dans le cadre de la présente opération.

18. En l’espèce, l’opération envisagée concerne deux magasins à dominante alimentaire dont la surface de vente est comprise entre 400 m² et 2 500 m² et dont l’un est situé en petite couronne parisienne.

III. Analyse concurrentielle

A. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

19. En ce qui concerne les marchés amont de l’approvisionnement, il convient de tenir compte des deux opérations successives. Ces deux opérations concernent 35 magasins dont le montant des achats totaux représente une part très marginale du marché de l’approvisionnement. En effet, les 35 magasins représentent une part de marché inférieure à 0,1 % sur le marché global de l’approvisionnement et cette part reste inférieure à 5 % quelle que soit la famille de produits considérée. La puissance d’achat de Lidl n’est donc pas susceptible d’être renforcée à l’issue de l’opération.

20. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché amont de la distribution.

B. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

21. La prise de contrôle des 33 points de vente de la précédente opération a déjà fait l’objet d’une analyse par l’Autorité de la concurrence dans sa décision n°19-DCC-73. Cette analyse reste inchangée puisque les deux points de vente de la présente opération ne se situent dans aucune des zones couvertes par la précédente opération.

22. En l’espèce, l’opération emporte uniquement un chevauchement d’activité avec les magasins exploités sous enseigne Lidl dans la zone de chalandise du magasin de Thiais (94).

23. Ce magasin dispose d’une surface de 990 m². Il entre donc dans la catégorie des supermarchés situés en petite couronne parisienne.

24. Sur le marché comprenant les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans la zone de chalandise de ce magasin, Lidl exploite deux magasins pour une surface totale de 1 884 m², soit une part de marché de [5-10] % avant l’opération. À l’issue de l’opération, la part de marché de la nouvelle entité sera donc de [10-20] %. Lidl fera par ailleurs face à la concurrence des groupes Carrefour ([60-70] %), Casino ([20-30] %) et Auchan ([5-10] %).

25. Compte tenu de ce qui précède, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés aval de la distribution à dominante alimentaire dans les zones de chalandises concernées par l’opération.

 

DÉCIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 19-121 est autorisée.

NOTES :

1 Règlement n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises.

2 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n° 19-DCC-73 du 19 avril 2019 relative à l’acquisition du contrôle exclusif par la société Lidl de 33 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire.

3 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-173 du 21 novembre 2014 relative à l’a prise de contrôle de la société Dia France SAS par la société Carrefour France SAS, la décision n° 17-DCC-231 du 27 décembre 2017 relative à la prise de contrôle conjoint par la famille Zouari aux côtés du groupe Casino de 125 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire et la décision n° 19-DCC- 73 précitée..

4 Voir notamment les décisions de la Commission européenne M.1221, Rewe / Meinl du 3 février 1999 et M.1684, Carrefour/ Promodès du 25 janvier 2000.

5 Voir notamment la décision de la Commission européenne M.1221 précitée et la décision n° 11-DCC-45 du 18 mars 2011 relative à l’acquisition du contrôle exclusif du fonds de commerce de l’hypermarché Cora Desmarais par la société Sodex Desmarais.

6 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 13-DCC-90 du 11 juillet 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon.

7 Id.

8 Voir décisions n° 14-DCC-173, n° 17-DCC-231 et n° 19-DCC-73 précitées.

9 Id.