Cass. 1re civ., 4 juin 1971, n° 69-14.278
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Aydalot
Rapporteur :
M. Pluyette
Avocat général :
M. Lindon
Avocat :
Me Beurdeley
SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES : ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE QUE DEPUIS 1951, ADAM A FAIT EXECUTER, A DIVERSES REPRISES, DES TAPISSERIES PAR L'ATELIER DE LA DAME X..., A QUI IL AVAIT REMIS A CET EFFET CARTONS ET CALQUES ;
QUE LE 13 JUIN 1964, IL ASSIGNA LA DAME X... EN RESTITUTION DE CES CALQUES ET CARTONS ET EN DOMMAGES-INTERETS ;
QUE LA DAME X... REFUSA DE LES RESTITUER TANT QU'ELLE N'AURAIT PAS RECU LE PRIX DES TAPISSERIES COMMANDEES, QU'ELLE AVAIT LIVREES EN TEMPS VOULU ;
ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A LA COUR D'APPEL D'AVOIR RECONNU A LA DAME X... UN DROIT DE RETENTION SUR LES CARTONS ET CALQUES DE LA TAPISSERIE "GALAXIE" JUSQU'AU PAYEMENT DE CELLE-CI, AU MOTIF QUE L'EXERCICE DE CE DROIT NE PORTAIT PAS ATTEINTE AU DROIT MORAL DE L'ARTISTE, ALORS, SELON LE MOYEN, QU'EN EMPECHANT CE DERNIER DE VEILLER LUI-MEME AU RESPECT DE SON OEUVRE ET D'EN ASSURER LA DIFFUSION, TOUT EN LE PRIVANT D'UN INSTRUMENT DE TRAVAIL INDISPENSABLE POUR L'ELABORATION DE CETTE OEUVRE, LA RETENTION DE SES CARTONS ET CALQUES EMPECHAIT LES CONCEPTIONS DE L'AUTEUR DE VOIR LE JOUR ET NUISAIT GRAVEMENT A L'EXERCICE DE SON DROIT MORAL ;
QU'IL EST EGALEMENT SOUTENU QUE LE DROIT DE RETENTION NE S'APPLIQUERAIT QU'AUX CHOSES DANS LE COMMERCE, CE QUI N'EST POINT LE CAS D'UNE OEUVRE D'ART DONT L'AUTEUR EST SEUL A POUVOIR DECIDER LA DIVULGATION ;
MAIS ATTENDU QUE LE DROIT DE RETENTION FONDE SUR LA DETENTION MATERIELLE PAR UN CREANCIER D'UNE CHOSE APPARTENANT A SON DEBITEUR DONT CE DERNIER RESTE PROPRIETAIRE, OBLIGE LE DETENTEUR A NE PAS USER DE LA CHOSE ET A EN PRENDRE SOIN ;
QUE LA RETENTION NE PEUT DONC EN ELLE-MEME, CONSTITUER UNE ATTEINTE AU RESPECT DU A L'OEUVRE D'ART ;
ATTENDU QUE LES JUGES DU FOND AYANT CONSTATE, AU SUJET DE LA TAPISSERIE "GALAXIE", "QU'UN PREMIER EXEMPLAIRE DE CELLE-CI COMMANDE AU BENEFICE "D'AIR FRANCE" A ETE PAYE PAR ADAM, TANDIS QU'UN DEUXIEME COMMANDE POUR LE COMPTE DE L'ETAT N'A JAMAIS ETE REGLE", IL EN RESULTE QUE L'OEUVRE D'ADAM A ETE DIFFUSEE ET QUE SES "CONCEPTIONS AYANT VU LE JOUR", L'ARTISTE N'A PAS ETE PRIVE D'UN INSTRUMENT DE TRAVAIL INDISPENSABLE POUR L'ELABORATION DE CETTE OEUVRE, LAQUELLE, DU FAIT MEME DE SA DIVULGATION, SE TROUVAIT DANS LE COMMERCE ;
QU'AINSI, EN L'ESPECE, RIEN NE S'OPPOSAIT A CE QUE LES CARTONS ET CALQUES, POINT DE DEPART MATERIEL DE LA TAPISSERIE LITIGIEUSE LIVREE AU PUBLIC, FASSENT L'OBJET DU DROIT DE RETENTION INVOQUE PAR LA DAME X... ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;
SUR LE SECOND MOYEN : ATTENDU QU'IL EST ENCORE REPROCHE A LA COUR D'APPEL D'AVOIR ORDONNE UNE EXPERTISE POUR RECHERCHER, AU SUJET DE SIX TAPISSERIES INTITULEES "COMPOSITION EN NOIR ET BLANC", LA PART RESPECTIVE PRISE PAR LE LISSIER ET PAR LE CARTONNIER DANS LA "REALISATION" DE L'OEUVRE DE TAPISSERIE, "CE QUI DETERMINERA QUI A UN DROIT MORAL SUR L'OEUVRE", ALORS QUE LE DROIT MORAL S'ATTACHERAIT AU FAIT DE LA CREATION, ET NON A LA SIMPLE REALISATION DE L'OEUVRE, LE REALISATEUR N'AYANT AUCUNE PART A LA CREATION DE CELLE-CI ;
QU'IL EN RESULTE QUE LA MISSION DONNEE A L'EXPERT, SE LIMITANT A LA RECHERCHE DU ROLE DE CHACUN DANS LA SEULE REALISATION DE LA TAPISSERIE, NE SERAIT PAS DE NATURE A DETERMINER JURIDIQUEMENT L'AUTEUR DE L'OEUVRE C'EST-A-DIRE SON CREATION INTELLECTUEL ;
MAIS ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE NE CONTENANT AUCUN MOTIF PERMETTANT DE DIRE QUE LA COUR D'APPEL A PRIS PARTIE DEFINITIVEMENT ET EXPRESSEMENT SUR LA NATURE DES CIRCONSTANCES DONT ELLE FERA DEPENDRE SA DECISION, LES SEULS TERMES DE "REALISATION" ET "DETERMINATION DU DROIT MORAL" NE PREJUGEANT NULLEMENT LE FOND, LA DISPOSITION CRITIQUEE ORDONNANT UNE EXPERTISE DOIT ETRE TENUE POUR PUREMENT PREPARATOIRE, ET QU'AINSI LE MOYEN EST IRRECEVABLE ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 6 JUIN 1969. PAR LA COUR D'APPEL DE LIMOGES.