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Décisions

ADLC, 22 octobre 2019, n° 19-DCC-190

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce Géant Casino parM. Machillot et la société Coopérative U Enseigne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Vice-Président :

M. Combe

ADLC n° 19-DCC-190

22 octobre 2019

L’Autorité de la concurrence,

Vu  le   dossier   de   notification   adressé   complet   au   service   des   concentrations   le   20 septembre 2019, relatif à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce du Géant Casino, situé à Marmande, par M. Machillot et la société Coopérative U Enseigne, formalisée par des promesses unilatérales d’achat en date du 23 juillet 2019 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. La société Coopérative U Enseigne est une société anonyme coopérative détenue par les quatre sociétés coopératives centrales régionales du groupe Système U et leurs administrateurs, personnes physiques. Elle a notamment pour objet d’acheter des marchandises auprès de fournisseurs et de les revendre à ses associés commerçants indépendants, chacun propriétaire de leur magasin,  qui  exploitent  les  magasins  à  enseignes  Hyper U,  Super U,  Marché U, U Express et Utile.

2. M. Machillot est une personne physique qui ne détient aucune participation contrôlante dans aucune société.

3. Le magasin cible, actuellement exploité sous enseigne Géant Casino, est un hypermarché d’une surface commerciale de 3 819 m2, avec une station-service, situé à Marmande (47). Le magasin cible est détenu par la société Distribution Casino France et la station-service par la société Floreal.

4. L’opération envisagée consiste en l’acquisition par la société Marmandis, société par actions simplifiée créée à cet effet et détenue par M. Machillot ([50-60] % du capital et des droits de vote) et la société Coopérative U Enseigne ([20-30] % du capital et des droits de vote), d’une part, du fonds de commerce du magasin cible avec station-service, et d’autre part, de l’ensemble immobilier dans lequel il est exploité. Les deux acquisitions étant concomitantes et juridiquement liées dans les promesses unilatérales d’achat précitées, elles constituent une opération de concentration unique. Au terme de l’opération, le fonds de commerce cible sera exploité sous enseigne U.

5. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle conjoint par M. Machillot et la société Coopérative U Enseigne d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

6. Les entreprises concernées exploitent un ou plusieurs magasins de commerce de détail et réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 75 millions d’euros (U Enseigne : [≥75 millions] d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2018 ; Géant Casino de Marmande : [≤75 millions] millions d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises  réalisent,  en  France,  un  chiffre  d’affaires  supérieur  à  15  millions  d’euros  (U Enseigne : [≥15 millions] d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2016 ; Géant Casino de Marmande : [≥15] millions d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

7. Selon la pratique constante des autorités nationale et européenne de concurrence, deux catégories de marchés peuvent être délimitées dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire1. Il s’agit, d’une part, des marchés « amont » de l’approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante et, d’autre part, des marchés « aval » qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation.

A. MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

8. En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la Commission européenne et les autorités nationales de concurrence ont retenu l’existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits2.

9. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

B. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

10. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant européenne que nationales, ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs et (vi) la vente par correspondance3.

11. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d’une surface de vente égale ou supérieure à 2 500 m², les supermarchés comme des magasins à dominante alimentaire d’une surface de vente inférieure à 2 500 m2 et supérieure à 400 m2 et les supérettes comme des magasins à dominante alimentaire d’une surface de vente inférieure à 400 m² et supérieure à 120 m²4. Ces seuils doivent toutefois être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d’espèce, dans la mesure où des magasins dont la surface est située à proximité d’un seuil (en-dessous ou au-dessus), peuvent se trouver en concurrence directe5.

12. Les autorités de concurrence considèrent par ailleurs que, si chaque catégorie de magasin conserve sa spécificité, il existe une concurrence asymétrique entre certaines de ces catégories. En effet, un hypermarché peut être habituellement utilisé par certains consommateurs comme un magasin de proximité, en substitution d’un supermarché. En revanche, la réciproque n’est presque jamais vérifiée et l’est d’autant moins que la taille de l’hypermarché en question est importante. En conséquence, si le magasin cible est un hypermarché, l’analyse est effectuée sur un marché comprenant uniquement les hypermarchés, d’une part, et sur un marché comprenant les supermarchés et les formes de commerce équivalentes (hypermarchés, hard discount et magasins populaires) hormis le petit commerce de détail (moins de 400 m²), d’autres part6. Si le magasin cible est un supermarché, l’analyse n’est effectuée que sur le deuxième type de marché précité.

13. En l’espèce, le fonds de commerce cible dispose d’une surface commerciale de 3 819 m². Il entre donc dans la catégorie des hypermarchés.

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

14. Dans ses décisions relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l’Autorité de la concurrence a rappelé que deux types de marchés sont usuellement distingués, sur la base des zones de chalandise7:

- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d’une zone et l’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;

- un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes, situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.

15. D’autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l’impact d’une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d’espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.

16. Au cas d’espèce, le fonds de commerce cible entrant dans la catégorie des hypermarchés, l’analyse concurrentielle sera menée d’une part, sur le marché incluant, les hypermarchés, les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans un rayon de 15 minutes de temps de trajet en voiture autour du fonds de commerce cible et, d’autre part, sur le marché incluant uniquement les hypermarchés dans un rayon de 30 minutes.

III. Analyse concurrentielle

17. Sur les marchés amont de l’approvisionnement, l’opération qui concerne le changement de contrôle d’un seul magasin sous une enseigne concurrente n’est pas susceptible de renforcer la puissance d’achat du groupement Système U, tous produits confondus comme par grand groupe de produits, dans la mesure où le fonds de commerce cible représente un poids négligeable au niveau national.

18. Sur le marché aval de la distribution alimentaire comprenant les supermarchés et formes de commerces équivalentes situés dans une zone de 15 minutes en voiture, le groupement Système U détiendra [30-40] % des surfaces de ventes de la zone ([20-30] % pour la cible).

19. Les magasins sous enseigne Système U dans la zone de chalandise feront toutefois face à la concurrence de plusieurs autres points de vente, notamment sous enseignes Leclerc ([30-40]%), Carrefour ([10-20]%), Intermarché ([10-20]%), Casino ([5-10]%) et Lidl ([0-5]%).

20. Sur le marché aval de la distribution alimentaire comprenant les hypermarchés situés dans une zone de chalandise de 30 minutes en voiture, seul l’hypermarché cible, dont la part de marché est évalué à [10-20]% des surfaces de ventes de la zone, sera exploité sous enseigne Système U. L’opération n’engendre en effet aucun chevauchement d’activités entre les parties dans cette zone.

21. La nouvelle entité fera par ailleurs face à la concurrence de plusieurs hypermarchés concurrents, sous enseignes Leclerc ([40-50]%), Intermarché ([20-30]%) et Carrefour ([10-20]%).

22. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés.

DÉCIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 19-242 est autorisée.

 

NOTES :

1 Voir, par exemple, les décisions de la Commission européennes M.1221 Rewe/Meinl  du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du  25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision du ministre chargé de l’économie C.2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005 et les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 12-DCC-48 du 6 avril 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Sofides par la société ITM Entreprises, n° 12-DCC-63 du 9 mai 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA, et n° 13-DCC-90 du 11 juillet 2013, relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon.

2 Ibid.

3 Ibid.

4 Voir par exemple la décision de l’Autorité de la concurrence n° 12-DCC-112 du 3 août 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société SNC Schlecker par la société Système U Centrale Régionale Sud.

5 Voir notamment l’avis du Conseil de la Concurrence n° 00-A-06 du 3 mai 2000 relatif à l’acquisition par la société Carrefour de la société Promodès.

6 Voir les décisions n° 12-DCC-48, n° 12-DCC-63, et n° 13-DCC-90 précitées.

7 Ibid.