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Décisions

Cass. crim., 25 septembre 2012, n° 11-88.596

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cass. crim. n° 11-88.596

24 septembre 2012

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Ricardo X...,

- Mme Christelle Y..., épouse X...,

- M. André X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 8 novembre 2011, qui, pour infractions au code de la construction et de l'habitation, les a condamnés, le premier à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et 10 000 euros d'amende, la deuxième à six mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, le troisième à six mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et 5 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3 et 111-4 du code pénal, L. 232-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, L. 241-1 à L 241-9 du même code, 2, 10, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné les requérants sur l'action pénale et l'action civile pour n'avoir pas respecté la législation spéciale sur les contrats de construction d'une maison individuelle au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation ;

" aux motifs que, tant le contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan, régi par l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation, que celui ne prévoyant pas la fourniture du plan, régi par l'article L. 232-1 du même code, supposent une construction à usage d'habitation ou mixte, comprenant un ou deux logements à un même maître de l'ouvrage, soit deux conditions cumulatives ; que le régime spécifique au contrat de construction de maisons individuelles s'applique aux deux types de contrat, dès lors que les travaux, objet du contrat, ne sont pas limités au gros oeuvre et à la mise hors d'eau, qui correspond aux travaux de couverture et d'étanchéité, mais portent également sur les travaux de mise hors d'air, c'est-à-dire l'installation des portes, des fenêtres, et plus largement des menuiseries extérieures installées avec leurs vitres posées ; que le contrat de maison individuelle peut aussi avoir pour objet des travaux allant au-delà de ce minimum et porter sur l'intégralité des travaux de construction et d'équipement de la maison ; que le régime spécial du contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan suppose une troisième condition, à savoir, que le constructeur ait proposé ou fait proposer le plan ; que, contrairement à ce qu'affirment les prévenus, la législation afférente à ce type de contrat ne prévoit aucune condition relative à la pratique de prix forfaitaires ou « catalogue » quelque soit le type de contrat, le constructeur de maison individuelle doit établir un contrat écrit, conformément aux dispositions des articles L. 231-1, L. 231-2 et L. 232-1 du code de la construction et de l'habitation, et souscrire une garantie de livraison prévue à l'article L. 231-6 du même code ; que les prévenus contestent avoir exercé une activité de constructeur de maisons individuelles au travers des sociétés GC, GRCM et GRC ; qu'il résulte néanmoins du contrôle effectué par la DDCCRF et des éléments de la procédure que les publicités faites par la société GRCM, dans les journaux d'annonces gratuits, mettaient en exergue différents modèles de maisons individuelles et mentionnaient « parce que vous méritez d'être propriétaires » ; que, dans les pages jaunes, sous les références de la société GRC, seule détentrice d'un site internet, il était indiqué « construction de maisons individuelles », précisant une expérience de huit ans dans ce domaine ; que, sur les chantiers, un seul panneau apparaissait sur lequel était inscrit « ici bientôt une maison GRCM », sans distinction de lots de travaux ni des éventuelles entreprises intervenantes ; que, dans le cadre de leur contrôle, les agents de la DDCCRF ont recueilli auprès de la société GRCM, les contrats intitulés " marchés de travaux " de 18 clients, portant tous sur des constructions à usage d'habitation comprenant un logement pour un seul maître d'ouvrage ; qu'à l'exception d'un contrat mentionnant le 27 mai 2005, et d'une notice descriptive datée du 15 janvier 2006, les dates et lieux de signature des contrats ne sont pas indiqués ; que, sur la première page desdits contrats, il est indiqué que les responsables de la société GRCM sont M. André X... et Mme Christelle X... ; que, néanmoins, le contrat est établi avec du papier à entête de la société GRC ; que sous la mention « nature des travaux », il est indiqué « construction de maison individuelle », tant dans les contrats que dans les devis ; qu'une notice descriptive et un échéancier sont joints mentionnant le prix global de la maison à construire, et, sur le second document, les entreprises à payer par lot, la société GRCM étant titulaire de la quasi-totalité des lots, et de la société GRC d'un lot correspondant à la fourniture et pose de menuiseries ; qu'il résulte des échéanciers joints aux contrats de « marché de travaux », que la société GRCM était en charge de la signature des contrats, du dossier technique de construction, de l'assistance maître d'ouvrage, de l'ouverture du chantier, de la réalisation des fondations, de la dalle terre plein et des murs extérieurs d'élévation, de la fourniture et de la pose de la charpente ainsi que de la couverture, de l'isolation-plâtrerie, de l'achèvement des travaux d'équipement, de la plomberie et du chauffage, et du solde de fin de chantier ; que la société Cambrai charpente, évoquée par les prévenus, n'est que très rarement intervenue dans la réalisation de la charpente, en général confiée à la société GRCM ; qu'ainsi, la société GRCM était en charge des travaux de gros oeuvre et de mise hors d'eau et la société GRC des travaux de mise hors d'air ; que, s'agissant des contrats des époux A..., de Mme B... et de M. C..., portant sur la construction de leurs maisons individuelles respectives, ils se présentent de la même façon, mais avec l'intervention supplémentaire de la société GC, gérée par M. Riccardo X... ; qu'il résulte de l'analyse de leurs contrats, que la société GC était chargée de l'étude, dont la réalisation des plans, du dossier technique de construction et de la direction de l'exécution des travaux ; que la société GRCM réalisait les travaux de gros oeuvre et de mise hors d'eau, et la société GRC des travaux de mise hors d'air ; qu'ainsi, contrairement à ce que prétendent les prévenus, les maîtres d'ouvrage n'ont pu établir leur plan ni pu s'immiscer dans la maîtrise d'oeuvre, gérée en totalité par les trois sociétés X... ; que les prévenus ont entretenu une telle confusion entre ces sociétés, par leurs raisons sociales, leurs activités similaires et l'utilisation du nom de X... ; que les sociétés GRC et GRCM étaient gérées par Mme Christelle X..., et cogérées par MM. André et Claudio X..., respectivement épouse et frères de M. Riccardo X... ; que ce dernier était associé majoritaire de ces deux sociétés, la société GRC ayant repris en location gérance l'activité qu'il exerçait à titre individuel dans le bâtiment, et gérant de la société GC ; que les liens et la dépendance entre les sociétés étaient tels qu'elles ont fait l'objet de procédures collectives au même moment ; qu'il ressort de ces éléments et des auditions des prévenus que la création des trois sociétés, intervenue à des dates proches, n'a été qu'un artifice pour tenter d'échapper à la réglementation applicable aux constructeurs de maisons individuelles ; que, dès lors, il importe peu que les personnes morales n'aient pas été mises en cause, les gérants de droit et de fait étant responsables de leurs agissements frauduleux ; qu'ainsi, Mme Christelle X..., a expliqué qu'elle s'occupait du secrétariat, que son mari était le véritable gérant de la société GRCM et qu'André X... était surtout sur les chantiers ; qu'elle a été incapable de donner des explications sur les infractions relevées par les services de la DDCCRF, M. Riccardo X... étant le principal interlocuteur ; qu'il en a été de même pour M. André X... qui a confirmé être essentiellement sur les chantiers et ne pas s'occuper des contrats élaborés par son frère Riccardo et les commerciaux ; que, lors de son audition, il s'est dit incapable de faire la différence entre un contrat de construction de maison individuelle et un contrat de marché de travaux ; qu'entendu par les services de police, M. Riccardo X... a indiqué gérer la société GRCM, en être le principal actionnaire, avoir nommé comme gérants officiels des différentes sociétés des membres de sa famille, mais en réalité tout superviser ; qu'il a, en outre, expliqué qu'il n'avait pas contracté de garantie de livraison mais que les clients étaient au courant ; que, tout en reconnaissant une certaine ambiguïté, il a affirmé qu'il ne s'agissait pas de contrats de construction de maison individuelle déguisés ; que, cependant, lors de son entretien avec les contrôleurs de la DDCCRF, M. Riccardo X... a admis connaître la réglementation applicable aux constructeurs de maisons individuelles, et n'avoir pas souhaité s'y soumettre au regard des contraintes qu'elle implique ; qu'il a, par ailleurs, expliqué que l'intérêt des contrats de marché de travaux était de faire payer les clients à l'avance des travaux ; qu'il s'en suit, qu'eu égard à ses responsabilités, initiatives et implications dans la société GRCM, M. Riccardo X... en était manifestement le gérant de fait ; que, sous le couvert de contrats de marché de travaux, les maîtres d'ouvrage ont en réalité contracté avec la société GRCM des contrats de construction de maison individuelle, l'intervention des sociétés GC et GRC n'étant qu'un artifice visant à échapper à une réglementation plus stricte ; qu'en conséquence, les contrats de marché de travaux dont s'agit seront requalifiés en contrats de construction de maison individuelle ; que, dans ce cadre, M. Riccardo X..., en sa qualité de gérant de fait de la société GRCM, Mme Christelle X... et M. André X... en leur qualité de gérants de droit, se devaient de respecter les dispositions du code de la construction et de l'habitation imposant un contrat de construction de maison individuelle écrit, avec des mentions obligatoires, ainsi que la souscription, par le constructeur, d'une garantie de livraison ; qu'ils devaient également se conformer aux dispositions de l'article R. 231-7 du code de la construction et de l'habitation, qui impose au constructeur de respecter une grille de versement déterminée ; qu'il résulte des éléments de la procédure que les consorts X..., voulant échapper à la législation afférente, n'ont pas établi de contrats de construction de maison individuelle écrits, conformes aux dispositions des articles L. 231-1 et L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ; que, contrairement à l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation, les contrats dont s'agit ne mentionnent ni la date précise de démarrage du chantier, ni le terrain à bâtir concerné, ni les modalités de financement ; que le prix de la construction n'est déterminé qu'en fonction d'un devis annexé ; que la mention du délai de réalisation des travaux n'est apparue que dans les contrats des époux A..., de Mme B... et de M. E... ; que, de l'aveu même de M. Riccardo X..., la société GRCM n'avait souscrit aucune garantie de livraison ; qu'ainsi les époux A..., le 11 septembre 2008, avaient réglé 82 % du prix global, alors que le constructeur ne pouvait prétendre qu'à 60 %, seuls les travaux de gros oeuvre et de mise hors d'eau étant réalisés ; qu'il s'en suit que les faits reprochés à M. Riccardo X..., en sa qualité de gérant de fait de la société GRCM, et à Christelle et André X..., en leur qualité de gérants de droit de la même société, sont établis ; que le jugement sera infirmé sur la déclaration de culpabilité et les prévenus déclarés coupables de construction de maisons individuelles sans contrat écrit, sans garantie de livraison, et de perception anticipé des fonds ; que, sur la peine, compte tenu des multiples infractions commises, de leurs circonstances, de leur persistance malgré un contrôle de la DDCCRF, et de la personnalité des prévenus, dont le casier judiciaire ne mentionne aucune condamnation à la date de commission des faits, il sera fait une juste application de la loi pénale en condamnant M. Riccardo X... à la peine de 12 mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans et à une peine de 10 000 euros d'amende ; que, sur l'action civile, il convient de condamner solidairement M. Riccardo X..., Mme Christelle Y... et M. André X... à payer à Ludivine et Grégory A... la somme de 25 000 euros au titre du préjudice moral subi, la somme de 30 982, 60 euros au titre du préjudice financier subi, et à payer à M. E... et Mme B... la somme de 25 000 euros au titre du préjudice moral subi, ainsi que la somme de 1 200 euros au titre du préjudice matériel ;

" 1) alors que, seul un manquement aux obligations pénalement sanctionnées d'un contrat de construction de maison individuelle peut fonder la responsabilité pénale d'un constructeur ; que cette incrimination qui ne peut être étendue au-delà de son objet, ne concerne pas les opérations complexes ayant donné lieu à une pluralité de contrats distincts passés entre le maître d'ouvrage et des entreprises différentes dans le cadre d'une opération de construction ; que l'arrêt infirmatif a méconnu sur ce point les exigences du principe de légalité ;

" 2) alors que, nul ne peut être dit gérant de fait d'une société que s'il en assume la direction effective en toute indépendance et liberté ; qu'en prêtant à l'un des requérants la gérance de fait supposée d'une société de construction de maison individuelle sans autrement caractériser les éléments propres à établir avec précision l'existence d'une gestion de fait du chef de l'intéressé, la cour a, derechef, privé son arrêt de toute base légale ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;