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Décisions

ADLC, 30 juin 2017, n° 17-DCC-101

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle conjoint d’un ensemble immobilier par la Caisse des Dépôts et Consignations et Bâtiment Travaux Publics Sud France

ADLC n° 17-DCC-101

29 juin 2017

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 24 mai 2017, relatif à la prise de contrôle conjoint d’un ensemble immobilier par la Caisse des Dépôts et Consignations et Bâtiment Travaux Publics Sud France, formalisée par un projet de statuts, un projet de pacte d’associés et une déclaration d’intention de la Caisse des Dépôts et Consignations en date du 21 novembre 2016 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Bâtiment Travaux Publics Sud France est une SARL à la tête du groupe du même nom (ci-après « BTPSF »), actuellement contrôlée par M. Antoine Nunes. BTPSF regroupe un ensemble de sociétés actives dans le secteur du BTP, et plus précisément dans les secteurs de l’étude et de la gestion de projets immobiliers, du gros et du second œuvre, ainsi que dans le secteur de la promotion immobilière.

2. La Caisse des Dépôts et Consignations (ci-après « CDC ») est un établissement public à statut légal spécial, régi par les articles L. 518-2 et suivants du code monétaire et financier, qui remplit des missions d’intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l’État et les collectivités locales, et qui exerce des activités ouvertes à la concurrence. Celles-ci sont regroupées autour de quatre pôles : (i) l’environnement, (ii) l’immobilier, par l’intermédiaire de ses filiales Société Nationale Immobilière et Icade, (iii) l’investissement et le capital investissement et (iv) les services. Créée par la loi du 28 avril 1816, la CDC est placée « sous la surveillance et la garantie de l’autorité législative », ce mode de gouvernance étant destiné à assurer l’autonomie de cette institution qui gère des fonds privés nécessitant une protection particulière1.

3. La cible de l’opération est un ensemble immobilier à usage de résidence de tourisme2, situé [confidentiel] à Mimizan (40) comprenant 37 logements avec des espaces communs, 37 places de stationnement, une salle de sport et une piscine extérieure (ci-après « l’ensemble immobilier »).

4. Cet ensemble immobilier, actuellement en cours d’achèvement, a fait l’objet d’un contrat de bail commercial en l’état futur d’achèvement conclu avec [confidentiel], contrat qui a pris effet le [confidentiel]. L’ensemble immobilier constitue donc un actif devant générer à court terme et de façon certaine un chiffre d’affaires.

5. L’opération notifiée consiste en l’acquisition de l’ensemble immobilier par une société civile immobilière, créée pour les besoins de l’opération. Cette société est détenue à hauteur de 51 % du capital et des droits de vote par BTPSF et à hauteur de 49 % par la CDC. La CDC et BTPSF exerceront un contrôle conjoint sur l’actif cible, dans la mesure où, conformément aux statuts et aux dispositions du pacte d’associés de la SCI, les décisions stratégiques relatives à son activité seront adoptées à l’unanimité.

6. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle conjoint de l’ensemble immobilier par BTPSF et la CDC, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

7. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires hors taxes mondial total de plus de 150 millions d’euros (CDC : […] d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2015 ; BTPSF : […] d’euros pour le même exercice). Elles réalisent en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (CDC : […] d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2015 ; BTPSF : […] d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

A. LES MARCHÉS DE SERVICES

8. L’opération entraîne un chevauchement d’activités dans le secteur des services immobiliers.

9. Les autorités de concurrence nationale3 et européenne4 ont envisagé, tout en laissant la question ouverte, différentes segmentations dans le secteur des services immobiliers selon (i) les destinataires des services (particuliers ou entreprises), (ii) le mode de fixation des prix (immobilier résidentiel libre et logements sociaux ou intermédiaires aidés), (iii) le type d’activité exercée dans les locaux5 (bureaux6 , locaux commerciaux et autres locaux d’activités), et (iv) la nature des services ou biens offerts.

10. Pour cette dernière segmentation, les services suivants ont été identifiés :

(i) la promotion immobilière, qui comprend les activités de construction et de vente de biens immobiliers ;

(ii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre ;

(iii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte de tiers (des investisseurs institutionnels, principalement des banques et des compagnies d’assurances) qui recouvre le conseil et la gestion de portefeuille immobilier (arbitrage et valorisation d’actifs), le montage des opérations d’investissement immobilier et la gestion d’actifs immobiliers et de véhicules d’investissements spécialisés (notamment les sociétés civiles immobilières) ;

(iv) l’administration de biens immobiliers, qui recouvre les activités de gestion des immeubles pour le compte de propriétaires et qui peut être segmentée entre la gestion locative et la gestion de copropriété ;

(v) l’expertise immobilière ;

(vi) le conseil immobilier ;

(vii) l’intermédiation dans les transactions immobilières pour laquelle l’intermédiation dans les opérations d’achat/vente est distinguée de l’intermédiation dans les opérations de location.

11. En l’espèce, les parties sont simultanément actives sur les marchés de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers destinés aux entreprises et portant sur des locaux à usage d’autres activités.

12. La question de la délimitation exacte des marchés du secteur de l’immobilier peut toutefois être laissée ouverte dans la mesure où l’analyse concurrentielle demeure inchangée quelle que soit la délimitation adoptée.

B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

13. La pratique décisionnelle7 considère que les marchés relatifs au secteur immobilier sont de dimension locale, tout en laissant la question ouverte. L’analyse a toutefois déjà pu être menée au niveau national pour les services immobiliers à destination des entreprises lorsque les opérations étaient réalisées par des groupes d’envergure nationale suivant une stratégie d’implantation correspondant à une logique de maillage du territoire.

14. Pour la région Île-de-France, le ministre de l’économie a relevé que « la région parisienne possède des propriétés particulières de continuité des zones urbaines. En effet, il existe une vaste zone très urbanisée et homogène recouvrant la majeure partie de l’Île-de-France, desservie par un réseau global de transport ; les habitants sont toujours en mesure d’arbitrer entre différentes parties de la région. Cette substituabilité entraîne une convergence au niveau des prix. Dès lors le niveau régional est le plus approprié pour l’analyse concurrentielle »8. Pour les autres régions, les autorités de concurrence ont mené leurs analyses concurrentielles au niveau régional ou infrarégional. Ainsi, dans ses décisions récentes, l’Autorité a examiné les effets d’opérations au niveau des agglomérations9.

15. Au cas d’espèce, les activités de la cible se chevauchent avec celles de la CDC dans la région Nouvelle Aquitaine. L’analyse sera donc menée, au niveau de la région Nouvelle Aquitaine, au niveau du département des Landes (40) et au niveau de la communauté de communes de Mimizan.

III. Analyse concurrentielle

16. Quelle que soit la dimension géographique retenue, les parts de marché cumulées de l’ensemble immobilier et de la CDC demeurent inférieures à [0-5] %. BTPSF n’est, quant à lui, pas actif sur les marchés de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers.

17. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers.

DÉCIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 17-110 est autorisée.

NOTES 

1 Article L. 518-2 du code monétaire et financier.

2 Il est prévu que la surface habitable soit de [confidentiel]2.

3 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 16-DCC-02 du 11 janvier 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un 
actif immobilier situé à Marseille par le groupe BPCE et la Caisse des Dépôts et Consignations ; n° 15-DCC-128 du 21 septembre 2015 relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier situé à Rennes par le groupe BPCE et la Caisse des Dépôts et Consignations ; n° 09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Épargne et Banque Populaire, n° 14-DCC-46 du 1er avril 2014  relative à la prise de contrôle conjointe d’un actif immobilier industriel en Moselle par la Norges Bank et Prologis ; n° 15-DCC-156 du relative  à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier à usage de bureaux par Sogecap et Predica ainsi que la lettre du ministre de l’économie, 
de l’industrie et de l’emploi du 22 août 2008, aux conseils des sociétés CDC et Eurosic, relative à une concentration dans le secteur de l’immobilier, publiée au BOCCRF n° 8 bis du 23 octobre 2008.

4 Voir les décisions de la Commission européenne COMP/M.2110 Deutsche Bank / SEI / JV du 25 septembre 2000, IV/M.2825 Fortis AG SA / 
Bernheim-Comofi SA du 9 juillet 2002 COMP/M.3370 BNP Paribas/ARI du 9 mars 2004.

5 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 16-DCC-78 du 10 juin 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif 
immobilier situé à Toulouse par la société Oppidéa et la Caisse des Dépôts et Consignations.

6 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 12-DCC-156 du 12 novembre 2012 relative à la prise de contrôle conjointe d’une société 
civile immobilière pour l’acquisition d’un immeuble à usage de bureaux par CNP Assurance et Sogecap, n° 12-DCC-157 du 15 novembre 
2012 relative à la prise de contrôle conjoint d’une société civile immobilière pour la détention d’un immeuble de bureaux situé à Lyon par les sociétés Prédica et la Caisse des Dépôts et Consignations et n° 16-DCC-50 du 7 avril 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier situé à Toulouse par la société Oppidéa, la société Immo Retail et la Caisse des Dépôts et Consignations.

7 Voir notamment les décisions n° 09-DCC-16 et M. 2825 précitées et la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 25 novembre 2005 aux conseils de la société Foncière des Régions relative à une concentration dans le secteur immobilier, publiée au BOCCRF 
n° 6 bis du 21 juin 2006.

8 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 10 janvier 2007 au conseil du groupe Société Nationale Immobilière, 
relative à une concentration dans le secteur du développement et de la gestion de parc immobilier à vocation essentiellement résidentielle, publiée au BOCCRF n° 3 bis du 23 mars 2007.

9 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-36 du 18 mars 2014 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe Carrefour d’un portefeuille de 57 galeries commerciales auprès la société Klépierre, n° 14-DCC-164 du 13 novembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe carrefour d’un portefeuille de six galeries commerciales auprès la société Unibail-Rodamco, la décision n° 14-DCC-166 du 13 novembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif par Klépierre SA de Corio NV et la décision n° 14-DCC-193 du 24 décembre 2014 relative à la prise de contrôle conjoint d’un ensemble immobilier à Nice par la CDC et par la société Immo Retail.