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Décisions

Cass. com., 19 mars 2013, n° 12-16.910

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Blanc et Rousseau, SCP Bénabent et Jéhannin

Aix-en-Provence, du 26 janv. 2012

26 janvier 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par contrat du 30 septembre 1997, la société HFS, qui avait créé un réseau de commercialisation de produits de boulangerie-pâtisserie, a concédé à M. et Mme X..., à titre personnel, et en leur qualité de fondateurs de la société Franval, une sous-licence non exclusive de son savoir-faire et des droits d'exploitation de la marque "Le Pétrin Ribeirou" ; que la société Franval ayant décidé de quitter ce réseau en raison de l'ouverture de commerces concurrents appartenant à celui-ci, la société HFS a consenti à la résiliation du contrat pour le 16 avril 2006 ; que M. et Mme X..., et les autres associés membres de la famille X..., titulaires ensemble de 74 % des parts représentant le capital social, ont, lors d'une assemblée réunie le 11 mai 2006, décidé de modifier l'objet de la société Franval ; que la société SDPR, filiale de la société HFS, titulaire du solde du capital de la société Franval, s'est abstenue de participer à cette assemblée ; qu'elle a, ensuite, fait assigner la société Franval aux fins de prononcé de sa dissolution anticipée pour justes motifs et mis en cause M. et Mme X..., dont elle a demandé la condamnation au paiement de dommages-intérêts ; que la société HFS, son associé unique, a recueilli le patrimoine de la société SDPR, dissoute pendant le cours de la procédure ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société HFS fait grief à l'arrêt de dire que la société SDPR a commis un abus de minorité en refusant de participer à l'assemblée des associés de la société Franval du 11 mai 2006 alors, selon le moyen :

1°/ que l'abus de minorité ne peut être caractérisé lorsque l'attitude des associés auxquels il est imputé n'a pas été dictée dans l'unique dessein de favoriser leurs propres intérêts au détriment des autres associés et lorsqu'ils ont pu invoquer un motif sérieux permettant de légitimer leur décision ; qu'en retenant que l'obstruction de la société SDPR à la délibération relative au changement de l'objet social de la société Franval, nécessaire à la poursuite de l'activité, caractérisait un abus parce que la société HFS aurait été intéressée, en qualité de concurrente, à la disparition de la société Franval, sans tenir compte, ainsi qu'il lui était demandé, de la violation, par la société Franval, de l'obligation à laquelle elle restait tenue de ne pas utiliser le savoir-faire de la marque « Le Pétrin Ribeirou » et, partant, sans prendre en considération la volonté légitime de la société HFS de préserver ses intérêts et droits auxquels la société Franval portait atteinte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1844-7 du code civil ;

2°/ que dans ses dernières conclusions d'appel, déposées et signifiées le 10 août 2011, la société HFS faisait valoir que la dissolution de la société pouvait également être prononcée pour mésentente entre les associés ; qu'en se contentant de relever que la régularisation était encore possible pour l'avenir et de désigner un mandataire ad hoc, sans s'interroger sur la mésentente qui paralysait le fonctionnement de la société consécutivement à l'action en nullité du contrat de sous-licence engagée le 14 juin 2006 par les consorts X... et à la violation, par la société Franval, de son obligation de ne plus utiliser le savoir-faire de la marque « Le Pétrin Ribeirou », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé que l'objet de la société Franval était limité à la mise en oeuvre du savoir-faire objet du contrat du 30 septembre 1997 et que la société HFS avait accepté la résiliation de ce contrat et la levée de la clause de non-concurrence qu'il comportait dans une mesure qui permettait l'exercice par la société Franval d'une activité concurrençant celle des enseignes "Pétrin Ribeirou", de sorte que la modification de son objet était nécessaire à la survie de la société Franval, l'arrêt constate que la société SDPR a privilégié, par son attitude ayant fait obstacle à l'adoption de cette modification à la majorité des trois quarts des parts sociales requise en pareil cas, non son intérêt d'associée mais celui de la société HFS, intéressée en tant que concurrente à la disparition de la société Franval, et, par "esprit de lucre égoïste, une liquidation dont elle espérait retirer une très substantielle plus value" ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire d'autre recherche, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant sursis à statuer sur la demande de la société HFS tendant à la dissolution anticipée de la société Franval, la cour d'appel n'avait pas à répondre à des conclusions présentées au soutien de cette demande ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le premier moyen, qui est recevable :

Vu l'article L. 235-13 du code de commerce ;

Attendu que, selon ce texte, l'action en responsabilité fondée sur l'annulation des actes et délibérations postérieurs à la constitution de la société se prescrit par trois ans à compter du jour où la décision d'annulation est passée en force de chose jugée ;

Attendu que pour déclarer la société HFS irrecevable en ses demandes dirigées contre M. et Mme X..., l'arrêt retient qu'il résulte de l'argumentation développée par la société HFS que la responsabilité des époux X... est recherchée en conséquence de l'adoption irrégulière, le 11 mai 2006, de la résolution de l'assemblée générale extraordinaire de la société Franval qui a modifié les statuts de cette dernière ; qu'il ajoute qu'à juste titre, l'assignation étant intervenue plus de trois ans après cette date, les époux X... se prévalent de la prescription triennale de l'article L. 235-13 du code de commerce ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le point de départ du délai de la prescription qu'elle a déclaré acquise n'était pas constitué par une décision d'annulation d'une délibération postérieure à la constitution de la société Franval, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré prescrite et en conséquence irrecevable l'action dirigée contre M. et Mme X..., l'arrêt rendu le 26 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.