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Décisions

CA Paris, 16e ch. A, 16 mai 2007, n° 03/01236

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Semimo B - Société D'économie Mixte de Montreuil (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Duclaud

Conseillers :

Mme Imbaud-Content, M. Zavaro

Avoués :

SCP Petit Lesenechal, SCP Bommart-Forster - Fromantin

Avocats :

Me Hyest, Me Seban

TGI Bobigny, du 4 déc. 2002, n° 20020011…

4 décembre 2002

Par acte du 29 avril 1988, M. R. a acquis un fonds de commerce dépendant de l'immeuble situé [...], propriété de la Société d'économie mixte de Montreuil (Semimo) Le bail commercial a été renouvelé le 1er juillet 1996.

Par jugement du 9 septembre 1998, le tribunal de commerce de Bobigny a déclaré M. R. en redressement judiciaire. Le 10 mars 1999, il prononçait la liquidation judiciaire et désignait Maître M. en qualité de liquidateur.

Par ordonnance du 24 juillet 2000, le juge des référés de Bobigny, saisi par la Semimo, a ordonné l'expulsion de M. R.. Maître M. a restitué les clés des locaux qui ont été libérés, puis il a saisi le tribunal de grande instance de Bobigny d'une demande en indemnité d'éviction. Par jugement du 4décembre 2002, la juridiction l'a débouté de sa demande, retenant que la Semimo l'avait interrogé sur le sort du bail en cours et que, faute de réponse dans le délai imparti, le bail s'était trouvé résilié.

Par arrêt du 25 mars 2004, cette cour, considérant qu'il n'était pas démontré que la Semimo avait interrogé Maître M. sur son intention quant à la poursuite du bail qui n'a donc pu être résilié faute de réponse du mandataire liquidateur dans le délai imparti et que l'expulsion avait été obtenue au vu d'un arrêté de péril, ce qui avait eu pour effet de mettre fin à toute exploitation du fonds de commerce alors que le bail était en cours, a dit que Maître M. es qualité avait droit à une indemnité d'éviction et a ordonné une expertise avant dire droit sur son montant.

Mme B., expert désigné, a déposé son rapport le 28 juillet 2006.

Maître M. es qualité demande que l'indemnité d'éviction soit fixée à la somme de 258.000 € et sollicite la condamnation de la Semimo à payer cette somme outre 2200 € au titre de la provision à valoir sur les honoraires de l'expert et 1525 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La Société d'économie mixte de Montreuil demande que le montant de l'indemnité d'éviction soit fixé à la valeur locative et, subsidiairement, à 64 000 €.

SUR CE,

Considérant que le rapport d'expertise propose deux hypothèse d'évaluation du fonds de commerce ; que la première se fonde sur la valeur d'acquisition du fonds de commerce réactualisée en fonction de l'érosion monétaire à la somme de 258 000 €; que la seconde se fonde la moyenne de deux estimations, l'une calculée sur le chiffre d'affaires communiqués de 1995 à 1997 valorisé à hauteur de 80% en fonction des usages professionnels, l'autre à hauteur de 115% du chiffre d'affaires, moyenne s'établissant à 64 000 €;

Considérant que l'appelant demande l'allocation de la somme correspondant à la première hypothèse en indiquant que la seconde ne saurait être retenue dans la mesure où la carence du propriétaire serait la cause directe de la dégradation des lieux qui explique la baisse du chiffre d'affaires lors des dernières années d'exploitation, alors que de 1991 à 1997, le chiffre d'affaires était en progression constante ;

Considérant que le bailleur soutient qu'aucune des deux hypothèses ne peut être retenue ; que M.R. a fait lui-même péricliter son affaire dont le chiffre d'affaires moyen a baissé de 65% durant les dernières années d'exploitation ; que le fonds de commerce n'avait plus aucune valeur et qu'aucun élément comptable pertinent n’a pu être fourni; qu’il conviendrait donc de fixer l’indemnité d'éviction au montant de la valeur locative, laquelle est nulle puisque l'immeuble a disparu et, subsidiairement, à la somme de 64 000 € ;

Considérant que l'indemnité d'éviction n'est constituée en l'espèce que du montant de l'indemnité principale, que M. R. ne s'est en effet pas réinstallé et qu'il n'existait plus au 31 décembre 1997d'immobilisation corporelle non amorti e, les immobilisations incorporelles étant négligeables ;

Considérant que l'éviction est intervenue en juillet 2000 ; que c'est à cette date qu'il convient de se placer pour apprécier l'indemnité ; que la valeur du droit au bail est nulle compte tenu de l'arrêté de péril frappant l'immeuble en date du 3 mars 1999; que cet arrêté est justifié par l'état des lieux, minés par des infiltrations, les dégradations n'ayant pas été réparées par le propriétaire du fait d'un projet global de rénovation ;

Considérant dès lors que l'indemnité d'éviction doit être appréciée au regard des résultats significatifs de l'exploitation ; que les chiffres des années 1998 à 2000 ne sont pas communiqués, mais qu'il n'est pas discuté qu'ils ont diminué d'environ 63%;

Considérant toutefois que cette diminution ne saurait être prise en compte dans la mesure où les conditions de l'exploitation induites par l'état du local n'autorisaient pas la poursuite d'une activité normale ; qu'en revanche le résultat moyen des trois dernières années durant lesquelles le commerce a fonctionné sans difficulté relevant de l'état du local (1995 à 1997) s'établit à 61 705 €HT soit 65 098 € TTC ;

Considérant que la valeur du fonds, s'il avait été mis en vente en 1997, se serait élevée à 115% de ce montant, soit 75 000 € ;

Considérant que ce chiffre représente la dernière estimation fi able de la valeur du fonds avant que les désordres affectant l'immeuble, dus à la carence du bailleur dans l'accomplissement de son obligation d'entretien ne contribuent à sa déperdition ; qu'il doit donc être retenu pour établir le montant de l'indemnité d'éviction ;

Considérant que l'arrêt ordonnant l'expertise a réservé les dépens ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande en paiement de l'avance sur honoraires d'expert ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimé la totalité des frais non compris dans les dépens exposés à ce jour, qu’il convient de lui allouer de ce chef une somme complémentaire de 1500 €;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Condamne la Société d'économie Mixte de Montreuil à payer à Maître M. en qualité de mandataire liquidateur de M. R., une somme de 75 000 € à titre d'indemnité d'éviction,

Ainsi qu'une somme complémentaire de 1500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes ;

Condamne la Semimo aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile par la SCP Petit Lesénéchal.