ADLC, 30 juin 2017, n° 17-DCC-96
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif de la société Dumel par la société ITM Alimentaire Région Parisienne
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 26 mai 2017, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Dumel par la société ITM Alimentaire Région Parisienne, formalisée par une lettre d’intention en date du 12 mai 2017 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. ITM Alimentaire Région Parisienne est une société de droit français détenue à 100 % par la société ITM Alimentaire International, elle-même détenue à 100 % par la société ITM Entreprises. Elle anime et développe en région parisienne le réseau de franchisés exploitant des commerces sous les enseignes alimentaires Intermarché et Netto. ITM Entreprises, société contrôlée à 100 % par la société civile des Mousquetaires, elle-même détenue par plus de […] personnes physiques dits « adhérents associés » et une personne morale, conduit et anime le réseau de commerçants indépendants connu sous le nom de « Groupement des Mousquetaires ». En sa qualité de franchiseur, la société ITM Entreprises a comme activité principale l’animation d’un réseau de points de vente, alimentaires et non alimentaires, exploités par des commerçants indépendants, sous les enseignes suivantes : Intermarché, Ecomarché, Netto, Restaumarché, Bricomarché, Roady et Vêti. Cette gestion s’effectue notamment au travers de la signature et du suivi de contrats d’enseigne avec les sociétés exploitant ces points de vente. ITM Entreprises met également à la disposition de ses franchisés divers services de prospection, de conseil, de formation, etc. Enfin, ITM Entreprises offre aux franchisés la possibilité de bénéficier de conditions d’approvisionnement avantageuses auprès de ses filiales nationales et régionales, mais également de fournisseurs référencés extérieurs au « Groupement des Mousquetaires ».
2. La société Dumel, détenue majoritairement par les consorts Dubus, exploite un point de vente de commerce de détail à dominante alimentaire d’une surface de 2 900 m², sous enseigne Leclerc, situé dans la ville de Gournay-en-Bray (76).
3. Au terme de l’opération, le fonds de commerce cible sera exploité sous enseigne Intermarché et le capital de la société cible sera intégralement détenu par la société ITM Alimentaire Région Parisienne. La réalisation du projet notifié entraînera une prise de contrôle exclusif de la société Dumel par la société ITM Alimentaire Région Parisienne et constitue donc une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
4. Les entreprises concernées exploitent plusieurs magasins de commerce de détail et réalisent ensemble un chiffre d’affaires total hors taxes sur le plan mondial de plus de 75 millions d’euros (ITM Entreprises : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2016 ; Dumel : […] d’euros pour le même exercice). Chacune d’entre elles a réalisé en France dans le secteur du commerce de détail un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros (ITM Entreprises : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015 ; Dumel : […] d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2016). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
5. Selon la pratique constante des autorités nationale et européenne de concurrence1 , deux catégories de marchés peuvent être délimitées2 dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s’agit, d’une part, des marchés « aval », de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d’autre part, des marchés « amont » de l’approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.
A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION
1. LES MARCHÉS DE SERVICE
6. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant européenne que nationales3, ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs et (vi) la vente par correspondance.
7. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d’une surface de vente égale ou supérieure à 2 500 m², les supermarchés comme des magasins à dominante alimentaire d’une surface de vente inférieure à 2 500 m2 et supérieure à 400 m2 et les supérettes comme des magasins à dominante alimentaire d’une surface de vente4 inférieure à 400 m² et supérieure à 120 m². Il convient cependant de rappeler que ces seuils doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d’espèce, dans la mesure où des magasins, dont la surface est située à proximité d’un seuil (en-dessous ou au-dessus), peuvent se trouver en concurrence directe5.
8. Les autorités de concurrence considèrent par ailleurs que, si chaque catégorie de magasin conserve sa spécificité, il existe une concurrence asymétrique entre certaines de ces catégories. En effet, un hypermarché peut être habituellement utilisé par certains consommateurs comme un magasin de proximité, en substitution d’un supermarché. En revanche, la réciproque n’est presque jamais vérifiée et l’est d’autant moins que la taille de l’hypermarché en question est importante. En conséquence, si le magasin cible est un hypermarché, l’analyse est effectuée6 sur un marché comprenant uniquement les hypermarchés, d’une part, et sur un marché comprenant les supermarchés et les formes de commerce équivalentes (hypermarchés, hard discount et magasins populaires) hormis le petit commerce de détail (moins de 400 m²), d’autres part. Si le magasin cible est un supermarché, l’analyse n’est effectuée que sur le deuxième type de marché précité.
9. En l’espèce, le fonds de commerce cible a une surface de 2 900 m². Il entre donc dans la catégorie des hypermarchés.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
10. L’Autorité de la concurrence distingue usuellement deux types de marchés, sur la base des zones de chalandise7 :
- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d’une zone et l’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;
- un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes, situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.
11. D’autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l’impact d’une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.
12. Au cas d’espèce, le fonds de commerce cible entrant dans la catégorie des hypermarchés, l’analyse concurrentielle sera menée sur un marché incluant les hypermarchés, les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans un rayon de 15 minutes en voiture autour du point de vente de la société cible, ainsi que sur un marché incluant les hypermarchés situés dans un rayon de 30 minutes en voiture.
B. MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT
13. En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la Commission européenne8 et les autorités nationales de concurrence9 ont retenu l’existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits.
14. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.
III. Analyse concurrentielle
15. Sur les marchés aval de la distribution alimentaire, le magasin cible sera le seul magasin sous enseigne Intermarché à l’issue de l’opération, quelle que soit la zone de chalandise examinée (15 minutes ou 30 minutes de trajet en voiture autour du magasin cible situé à Gournay-en-Bray). L’opération ne donne donc lieu à aucun chevauchement d’activité entre les parties sur ce marché.
16. Sur les marchés amont de l’approvisionnement, l’opération, qui concerne le changement de contrôle d’un seul magasin sous enseigne concurrente, n’est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d’achat du groupe ITM Entreprises, tous produits confondus, comme par grands groupes de produits.
17. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés en cause.
DÉCIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 17-111 est autorisée.
NOTES
1 Voir notamment les décisions de la Commission européenne M.946 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l’arrêté ministériel du 5 juillet 2000 dans l’opération Carrefour/Promodès et les avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l’affaire Carrefour/Cora, n° 98-A-06 du 5 mai 1998, dans l’affaire Casino Franprix/Leader Price, et n° 00-A-06 du 3 mai 2000, dans l’affaire Carrefour/Promodès.
2 Décisions de la Commission européenne M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 précitée et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision C.2005-98 du ministre chargé de l’économie Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005.
3 Lettres du ministre chargé de l’économie C.2008-32 Amidis SAGC du 9 juillet 2008, C.2007-172 Carrefour Plane Plamidis, du 13 février 2008, C.2007-154 Système U Vergali du 3 décembre 2007, C.2007-05 Carrefour Sofodis du 26 mars 2007, C.2006-15 Amidis Hamon du 14 avril 2006, et C 2005-98 précitée.
4 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n° 12-DCC-112 du 3 août 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société SNC Schlecker par la société Système U Centrale Régionale Sud.
5 Voir notamment l’avis du Conseil de la Concurrence n°00-A-06 du 3 mai 2000 relatif à l’acquisition par la société Carrefour de la société Promodès.
6 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 12-DCC-48 du 6 avril 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Sofides par la société ITM Entreprises, n° 12-DCC-63 du 9 mai 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA, et n° 13-DCC-90 du 11 juillet 2013, relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon.
7 Voir les décisions n° 09-DCC-24 du 23 juillet 2009 Floritine/C.S.F, n°09-DCC-10 du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis, n° 09-DCC[1]06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM et n° 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat.
8 Voir les décisions M.1684 et M. 2115 précitées.
9 Voir les décisions C2005-98, C2006-15, C2007-172, et C2008-32 précitées.