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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. B, 5 juin 2014, n° 2014/00379

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Société Brink's Evolution (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grosjean

Conseillers :

Mme Demont Pierot, M. Tatoueix

Avocats :

Me Boudot, Me Rouillot, Me Jung

TGI Grasse, du 5 nov. 2013, n° 10/05796

5 novembre 2013

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

M. François L. B. F. a signé avec M. L. une convention à Genève, le 8 février 2000. Il est prévu dans cette convention, que l’acheteur de livres sterling, M. François L. B. F., met à la disposition de BRINK=S Cote d’Azur une somme de 907.000$ USA, émise par Central Hispano Banca, Valencia, Espagne, qui resteront en dépôt de garantie chez BRINK=S Cote d’Azur jusqu' au 31 mars 2000, date prévue pour la fin des opérations d'échange, et que le vendeur de livres sterling, M. L. met à la disposition de M. Roger M. et Cie une somme de 724.322 ,. Il est prévu qu=après réception des livres sterling par M. Roger M. et Cie, cet établissement procédera à leur authentification, contrôle, comptage, et que les opérations terminées dans un délai de 72 heures à partir du dépôt, une somme de 6 millions de francs français en billets de banque grosses coupures sera remise par cet établissement à M. L. qui en fera son affaire personnelle.

Le 8 février 2000, M. François L. B. F. a ainsi remis à M. B. directeur de 1 agence BRINK=S de Saint Laurent du Var la somme totale de 907.000$, décomposée comme suit :

- 872.000 USD en espèces,

- 35.000 USD en chèque au nom de BRINK=S.

Le 17 février 2000, M. François L. B. F. s'est présenté à l’agence BRINK'S de Saint Laurent du Var pour récupérer l’ensemble des fonds déposés. Seul le chèque de 35.000 $ lui a été restitué.

Le 18 février 2000, par télécopie, M. François L. B. F. par l’intermédiaire de son conseil a enjoint la société de lui restituer les fonds en espèces avant le 21 février 2000.

Cette demande a été réitérée le 22 février 2000 par lettre recommandée avec demande d`avis de réception.

Cette demande restant sans effet, M. François L. B. F. a fait citer la BRINK'S par acte du 6 mars 2000 devant le tribunal de grande instance de Grasse statuant en la forme des référés aux fins d’obtenir la restitution de la somme déposée en espèces.

Parallèlement, le 8 mars 2000 la BRINK'S a déposé une plainte contre X pour escroquerie.

Par ordonnance du 5 avril 2000, M. François L. B. F. a été débouté de sa demande par le juge des référés.

M. François L. B. F. a interjeté appel de cette ordonnance.

Par arrêt du 23 octobre 2001, la cour d’appel d’Aix en Provence a ordonné le sursis à statuer sur les demandes de M. François L. B. F. jusqu'à l’issue de la procédure pénale.

Par jugement du tribunal correctionnel de Marseille en date 6 octobre 2008, M. Michel B. directeur de l’établissement BRINK’S de Saint Laurent du Var a été condamné pour des faits d’abus de confiance commis à l’encontre de M. François L. B. F., pour avoir détourné les fonds que M. François L. B. F. lui avait remis et les avoirs confiés sans l’autorisation de ce dernier à M Jean Joseph L.. Par ailleurs, par le même jugement, M. B. F. a été condamné au paiement d'une amende douanière de 153.618 i pour avoir transféré des sommes, supérieures à 10.000 entre la France et 1 étranger, sans 1 intervention d'un établissement autorisé à effectuer des opérations de banque.

La cour d’appel d’Aix en Provence a confirmé les termes de ce jugement par arrêt du 18 mai 2010.

Le 1er octobre 2010 M. François B. F. a fait assigner la SARL BRINK’S Cote d’Azur devant le tribunal de grande instance de Grasse, sur le fondement des articles 1915 et suivants, 1147 et suivants, 1384, 1382, 1153 et 1154 du code civil.

Le 10 janvier 2012, M. François B. F. a fait assigner la SARL BRINK’S Evolution devant le tribunal de grande instance de Grasse sur le fondement des articles 1915 et suivants, 1147 et suivants, 1384, 1382, 1153 et 1154 du code civil.

Par jugement contradictoire en date du 5 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Grasse a :

- vu les articles 117 et 32 du code de procédure civile,

- dit que l'assignation introductive d'instance à 1 encontre de la société BRINK’S Côte d’Azur est nulle,

- constaté être valablement saisi par l’assignation délivrée le 10 janvier 2012 contre la Sarl BRINK’S Evolution,

- vu les articles 1915 et suivants du code civil, 1332 et 1384 alinéa 5 du code civil,

- débouté M. B. F. de toutes ses demandes à l'encontre de la SARL BRINK=S Evolution,

- débouté M. B. F. de sa demande fondée sur 1 article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. B. F. à verser à la SARL BRINK=S Evolution une somme de 3.000i sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. B. F. aux entiers dépens avec distraction au profit de Me GAMBINI en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le tribunal énonce en ses motifs que :

- après avoir assigné la société BRINK'S Côte d'Azur qui n'avait finalement plus d'existence juridique depuis le 27 décembre 2999, M. BRUNO F. a assigné la société BRINK'S EVO. LUTION par exploit du 10 janvier 2011 et a donc régularisé la procédure,

- si le dépôt invoqué porte sur un chèque de 35 000 $ US et sur des espèces pour un montant de 872 000 $ US, l'existence d'un contrat de dépôt ne saurait se traduire sur une seule remise matérielle, pas plus que sur le seul fait que la société BRINK'S ait restitué le chèque de 35 000 $ US,

- M. BRUNO F. produit un document intitulé « récépissé » sur lequel sont mentionnées les espèces et le chèque mais sur lequel ne figure à aucun moment le terme de « dépôt »,

- M. BRUNO F. produit également une convention signée avec M. L. le 8 février 2010 au terme de laquelle il est prévu un dépôt à la BRINK'S Côte d'Azur mais cette société n'est à aucun moment signataire du document,

- il ressort de l'arrêt de la cour d'appel en date du 18 mai 2010 que la remise de l'argent et des espèces ont été réalisé en dehors des consignes de sécurité, l'argent ayant été convoyé dans le véhicule de M. B.,

- les circonstances de la remise attestent de l'impossibilité pour M. BRUNO F. d'avoir pu croire valablement contracter avec la société BRINK'S et d'avoir ignoré que la remise faite à M. B., même si elle a eu lieu à l'occasion de ses fonctions, n'était pas dans l'intérêt de son commettant était nécessairement accomplie hors de ses fonctions,

- le comportement délibérément imprudent de M. BRUNO F. dans le cadre d'opérations en partie occultes avec le souci de ne pas rendre fiscalement apparent les fonds détenus ne lui permettent donc pas d'invoquer la responsabilité du commettant.

M. François F. F. a relevé appel de ce jugement par déclaration du 18 novembre 2013.

L’affaire a été fixée à bref délai, en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 14 février 2014, M. François B. F. demande à la cour d’appel de :

- vu les articles 1915 et suivants du code civil,

- vu les articles 1147 et suivants du code civil,

- vu les articles 1341 et 1347 du code civil,

- vu l'article 1384 alinéa 5 du code civil,

- vu l'article 1382 du code civil,

- vu les articles 1153 et 1154 du code civil,

- vu l'article 515 du code de procédure civile,

- à titre principal,

- dire que la BRINK'S Côte d'Azur a reçu de M. François L. B. F. la somme de 872.000 USD,

- dire que la société BRINK'S Evolution, venant aux droits de la société BRlNK'S Côte d'Azur, a manqué à son obligation de restitution,

- en conséquence,

- condamner la société BRlNK'S Evolution venant aux droits de la société BRINK'S

Côte d'Azur, à verser à M. François L. B. F. la somme de 872.000 USD, ou sa contre-valeur en euros au jour du paiement, avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2000,

- ordonner l'anatocisme des intérêts produits au taux de 5 % à compter de la première année écoulée jusqu'au jour du paiement effectif de ladite somme,

- à titre subsidiaire,

- dire que M. Michel B., préposé de la société BRlNK'S Côte d'Azur, a commis une faute, dans l'exercice des fonctions auxquelles il était employé, au préjudice de M. François L. B. F.,

- en conséquence,

- dire que la responsabilité de la société BRINK'S Evolution, venant aux droits de la société BRINK'S Côte d'Azur, se trouve engagée,

- condamner la société Brink's Evolution, venant aux droits de la société BRINK'S Côte d'Azur, à verser à M. François L. B. F. la somme de 872.000 USD, ou sa contre valeur en euros au jour du paiement, avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2000,

- ordonner l’anatocisme des intérêts produits au taux de 5 % à compter de la première année écoulée jusqu'au jour du paiement effectif de ladite somme,

- condamner la société BRINK'S Evolution, venant aux droits de la société BRINK'S Côte d'Azur, à verser à M. François L. B. F. la somme de 202.660,80i au titre de l'indemnisation de la dépréciation de valeur à compter de la mise en demeure de restituer la somme de 872.000 USD,

soit le 22 février 2000,

- condamner la société BRINK'S Evolution, venant aux droits de la société BRINK'S Côte d'Azur, à verser à M. François L. B. F. la somme de 100.000 i à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société Brink's Evolution, venant aux droits de la société BRINK'S Côte d'Azur, à verser à M. François L. B. F. la somme de 20.000i pour réticence dolosive,

- ordonner l’exécution provisoire de la décision à venir en toutes ses dispositions, et ce sous astreinte d'un montant de 1.500 i par jour de retard à compter de la signification de la décision rendue,

- condamner la société BRINK'S Evolution, venant aux droits de la société BRINK'S Côte d'Azur, à verser à M. François L. B. F. la somme de 11.960 i au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société BRINK'S Evolution, venant aux droits de la société BRINK'S Côte d'Azur, aux entiers dépens, y compris ceux inhérents à l'instance en référé.

À titre principal, M. B. F. invoque la responsabilité contractuelle de la SARL BRINK=S au titre d'un contrat de dépôt en faisant valoir que :

- en se rendant à l'agence de St Laurent du Var de la SARL BRINK=S et en déposant les sommes auprès de M. B. agissant es qualités de directeur de cette société pour qu'elles soient entreposées dans le coffre de l'agence, il a effectué un dépôt dont il rapporte la preuve par la production d'un récépissé qui remplit toutes les conditions requises à l'article 1347 du Code civil pour établir un commencement de preuve par écrit,

- l'existence du contrat de dépôt ressort en outre de la qualification des faits retenus à l'encontre de M. B. dans le cadre de la procédure pénale puisque celui-ci a été condamné pour abus de confiance au préjudice de M. B. F., ce qui suppose que les sommes détournées l'aient été suite à un dépôt,

- c'est en vain que la SARL BRINK=S conteste toute qualité de dépositaire dans la mesure où le récépissé est à l'en tête de cette société et où la signature de son directeur est apposée dans l'encadrée « signature BRINK'S,

- la SARL BRINK=S, qui soutient qu'il aurait dû signer d'autres contrats type que le récépissé présenté par le directeur, ne peut lui reprocher de ne pas connaître les procédures internes de la banque ,

- le chèque de 35 000 $ US est libellé à l'ordre de la SARL BRINK=S et non de son directeur et l'argent était déposé dans un coffre de l'agence,

À titre subsidiaire, M. B. F. conclut à la condamnation de la société BRINK'S du fait de sa qualité de commettant de M. B. en faisant valoir que :

- M. B. l'a trompé pour commettre un détournement des fonds en donnant l'apparence qu'il agissait au nom et pour le compte de la société BRINK'S,

- il ne peut lui être reproché de ne pas avoir pris de plus amples renseignements sur les démarches administratives pratiquées normalement par la BRINK'S alors même qu'il était engagé avec son directeur d'agence avec lequel il avait pu qu'être mis en confiance,

M. B. F. invoque un préjudice correspondant d'une part à la perte de valeur du fait de l'évolution du taux de change entre la monnaie européenne et la monnaie américaine, d'autre part, à la perte de la possibilité de continuer toute activité économique au niveau où il l'exerçait ainsi qu'à l'entêtement de la société BRINK'S et enfin, au comportement déloyal de cette société et de son incompréhensible persistance à se refuser d'exécuter ses évidentes obligations.

Par ses conclusions, notifiées et déposées le 11 avril 2014, la SARL BRINK=S Evolution demande à la cour d’appel, au visa des articles 1915 et suivants, 1147 et suivants, 1341, 1347 et 1384 alinéa 5 du code civil, de :

- confirmer le jugement,

- débouter M. François B. F. de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- dire que la société BRINK=S Evolution venant aux droits e la société BRINK=S Côte d’Azur n=est pas le dépositaire des fonds litigieux,

- dire que M. B. a abusé de ses fonctions et à défaut que M. B. F. a commis une série de fautes inexcusables qui excluent tout droit à indemnisation,

- à titre infiniment subsidiaire, dire que M. Léon B. FERRER ne justifie pas des préjudices qu=il invoque,

- condamner M. François B. F. à payer à la société BRINK=S Evolution la somme de 15.000 i en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SCP ROUILLOT GAMBINI, représentée par Me Maxime ROUILLOT.

La SARL BRINK=S Evolution fait valoir que :

- le récépissé, qui n'est en réalité qu'un pré imprimé utilisé pour le transport de fonds, ne mentionne pas les éléments essentiels à tout dépôt et le cachet de la BRINK'S tout comme la signature de M. B. ne peuvent pallier l'absence de ces mentions essentielles à la validité d'un contrat de dépôt,

- le document intitulé « convention » ne porte pas la moindre trace d'un engagement de dépôt de la part de la société BRINK'S qui n'en est pas la signataire,

- M. B. F. ne peut invoquer une quelconque apparence de normalité alors qu'il a été déclaré coupable par le tribunal correctionnel de Marseille d'importation de fonds sans déclaration,

- c'est bien parce que les fonds ont été remis à titre personnel à M. B. que celui ci a été poursuivi et condamné pour abus de confiance.

- le tribunal correctionnel a relevé que le récépissé indique clairement que le déposant est M. B. F. et le dépositaire M. B.,

- la société BRINK'S n'a pas engagé sa responsabilité en qualité de commettant dans la mesure où M. B. a agi hors de ses fonctions, le tribunal correctionnel ayant en effet relevé que la société BRINK'S n'a pas pour vocation d'accepter des dépôts de particuliers,

- en tout état de cause, M. B. F. a commis une série de fautes inexcusables exonératoires de la responsabilité du commettant en signant avec M. L. la convention du 8 février 2006 qui, lui assurant une rémunération de 25 % à partir d'échange d'espèces, donnait à l'opération un caractère particulièrement suspect et ce, sans autre document que quelques lignes manuscrites sur un formulaire qui ne mentionne aucun engagement ou garantie de BRINK'S ni délai de garde ou rémunération.

- M. B. F., qui n'hésite pas à envisager d'investir des sommes en espèces dans une société qui selon ses propres dires devait répondre à des appels d'offres en les transportant en outre à travers plusieurs frontières sans se soucier de la réglementation douanière, ne peut demander le paiement d'un préjudice égal au montant de la somme détournée dans la mesure où il n'est pas propriétaire de cette somme comme la procédure de pénale le révèle et il ne justifie pas des conséquences du manque de cette somme sur ses activités.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que le contrat de dépôt n'est soumis au respect d'aucun formalisme particulier dans la mesure où, conformément à l'article 1919 du Code civil, la formation d'un contrat de cette nature, contrat réel et unilatéral, n'est subordonnée qu'à la remise effective de la chose entre les mains du dépositaire ;

Qu'il n'est pas contesté que M. B. F. a remis une somme en numéraire et un chèque à M. B. et le document établi à cette occasion, un récépissé à en tête de la BRINK'S revêtu de la mention manuscrite « ramassage le 8 février 2000 » ainsi que de la référence à des espèces et un chèque, suffit à démontrer le dépôt au sens des articles 1915 et suivants du Code civil ;

Attendu que Michel B. a été reconnu coupable d'abus de confiance, au motif qu'il a détourné, par remise à un tiers, en l'espèce M. L., des fonds en espèces pour un montant considérable qui lui avaient été remis en dépôt à titre personnel ;

Que selon les déclarations de M. L. recueillies dans le cadre de cette procédure pénale, Michel B. s'est toujours positionné comme un prestataire de services, fermant les yeux sur l'origine des fonds, M. L. ajoutant que selon lui, Michel B. faisait cela à titre personnel sous couvert de la BRINK'S ;

Qu'il n'est pas contredit par M. D., qui travaillait sous les ordres de M. B., quand celui ci déclare dans cette même procédure que le dépôt fait par M. B. F. a été réalisé en infraction aux règles fixées par la BRINK'S et que sur les instructions de

M. B., les personnes qui s'étaient présentées à l'agence pour cette opération n'ont pas été inscrites sur les registres réglementaires ;

Qu'il ressort ainsi de cette procédure pénale que M. B. a agi sous couvert de la BRINK'S et en agissant de la sorte, celui-ci a accrédité chez le déposant, par les conditions dans lesquelles il a organisé la réception des fonds, la conviction erronée qu'il agissait au nom de la BRINK'S, dont on rappelle qu'il était le chef d'agence ;

Attendu qu'il n'est pas contesté en effet que les fonds ont été remis par M. B. F. dans les locaux de la BRINK'S, entre les mains du chef d'agence lui-même, sur son temps de travail et contre récépissé à en tête de la BRINK'S au bas duquel a été apposée la signature de son directeur dans l'encadrée « signature BRINK'S ;

Que le lien avec les fonctions est présumé toutes les fois que le salarié a causé un dommage dans le cadre de l'exécution normale de son contrat de travail, c'est-à- dire avec des moyens mis à sa disposition par l'employeur ; qu'il n'est pas contestable que le dépôt des sommes litigieuses dans les coffres de la BRINK'S, élément déterminant dans le modus operandi de la fraude, constituait pour le déposant la garantie d'une opération au moins parfaitement sécurisée et c'est bien dans les fonctions qui sont les siennes au sein de la BRINK'S que M. B. a trouvé les moyens de commettre le dommage ;

Que les conditions de dépôt des fonds décrites ci avant, étaient de nature à créer l'apparence d'une activité directement liée à celle de l'entreprise, entreprise mondialement connue dont l'activité, au moins dans l'esprit du grand public, est liée à la remise de fonds, fut ce uniquement pour en assurer le transport, ce que pouvait parfaitement ignorer M. B. F., si c'est effectivement le cas ; que la garantie de sécurité et de sérieux résultant de la qualité de l'employeur a créé une apparence telle que le déposant, dont l'interlocuteur n'était autre que le chef d'agence, n'a pas réalisé que celui-ci agissait à des fins étrangères à ses fonctions alors que l'acte lui-même, la réception de fonds, n'était pas étranger à ses fonctions ;

Qu'il résulte par ailleurs de la procédure pénale que les fonds n'ont été transportés dans la voiture personnelle de M. B. qu'à l'occasion de leur remise à M. L. à l'aéroport, hors la présence de M. B. F. auquel on ne peut donc reprocher un comportement délibérément imprudent ;

Que M. B. F. ait voulu se livrer à une opération spéculative sur les taux de change par le truchement de circuits non officiels, sur des sommes en numéraire très importantes et en violation des règles douanières, est insuffisant à établir une faute inexcusable de la victime de nature à exonérer la BRINK'S de sa responsabilité fondée sur l'article 1384-5 du Code civil ;

Que M. B. F. est dès lors fondé à réclamer versement de la somme de 872 000 $ US à la SARL BRINK'S EVOLUTION application de l'article 1384-5 du Code civil ;

Attendu par ailleurs qu'à compter de la demande qui en a été faite par le créancier, la capitalisation des intérêts échus, dans les conditions de l'article 1154 du code civil, est de droit;

Sur la qualité à agir de M. B. F.

Attendu que le fait que la somme remise dans les locaux de la BRINK'S provenait selon M. B. F. de celles investies par la société PEERLESS INTERNATIONAL pour la création et le développement par ce dernier de la société PYROTECH EUROPA ne prive pas M. B. F. de qualité à en réclamer la restitution à la SARL BRINK'S EVOLUTION ;

Sur la perte de valeur du fait de l'évolution du taux de change

Attendu que M. B. F. ne peut, sauf à prétendre deux fois à l'indemnisation d'un même préjudice, solliciter dans le même temps condamnation au paiement de la contre valeur en euros de la somme de 872 000 $ US et au paiement d'une somme destinée à compenser une perte de valeur du fait de l'évolution du taux de change ;

Qu'une telle demande ne peut prospérer ;

Sur le préjudice économique allégué

Attendu que M. B. F. invoque une perte de chance qui est d'autant moins établie qu'elle repose sur des événements purement hypothétiques et sur un raisonnement qui s'affranchit de tout aléa ;

Qu'une telle demande ne peut prospérer ;

Attendu par ailleurs que la résistance abusive reprochée à la SARL BRINK'S EVOLUTION n'est pas caractérisée ;

Que le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté M. B. F. de sa demande de condamnation de la SARL BRINK'S EVOLUTION à lui verser la somme de 872.000 USD, ou sa contre valeur en euros au jour du paiement, avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2000 et avec anatocisme dans les conditions fixées par l'article 1154 du Code civil et en ce qu'il l'a condamné sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et il sera confirmé en toutes ses autres dispositions ;

Attendu que chacun succombant pour partie dans ses demandes, il n'y a lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et chaque partie supportera la charge de ses dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- débouté M. B. F. de sa demande de condamnation de la SARL BRINK'S EVOLUTION à lui verser la somme de 872.000 USD, ou sa contre-valeur en euros au jour du paiement, avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2000,

- condamné M. B. F. à verser à la SARL BRINK=S Evolution une somme de 3.000i sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

Vu l'article 1384-5 du Code civil,

Condamne la SARL BRINK'S EVOLUTION à verser à M. B. F. la somme de huit cent soixante douze mille dollars US (872.000 dollars US), ou sa contre-valeur en euros au jour du paiement, avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2000 et avec anatocisme dans les conditions fixées par l'article 1154 du Code civil,

Déboute la SARL BRINK'S EVOLUTION de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens.