ADLC, 11 décembre 2019, n° 19-DCC-229
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif de la société Aéroport de Toulouse-Blagnacpar le groupe Eiffage
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Vice-Président :
M. Piffaut
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 8 novembre 2019, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Aéroport de Toulouse-Blagnac par le groupe Eiffage, formalisée par un contrat de cession en date du 22 juillet 2019 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :
Résumé1
L’Autorité a autorisé le rachat de la participation jusqu’alors détenue par la société Casil Europe dans la société Aéroport de Toulouse-Blagnac (« ATB »), société gestionnaire de l’aéroport de Toulouse (31), par le groupe Eiffage.
Les parties à l’opération sont simultanément actives sur le marché de l’octroi des concessions aéroportuaires, mais, compte tenu de leur part de marché cumulée, tout risque d’atteinte à la concurrence a pu être écarté.
L’opération est par ailleurs susceptible de produire des effets verticaux dans la mesure où elle concerne la prise de contrôle d’une entreprise concessionnaire aéroportuaire par un groupe actif dans le secteur des travaux public. L’Autorité a donc analysé les effets de la concentration sur les marchés de travaux et d’entretien des infrastructures aéroportuaires. Au terme de son analyse, l’Autorité a écarté tout risque d’atteinte à la concurrence sur ces marchés compte tenu du fait que la quasi-intégralité des marchés passés par ATB sont soumis à une procédure de publicité ou de mise en concurrence encadrée par les dispositions du code de la commande publique, que le groupe Eiffage ne constitue pas un fournisseur important d’ATB et qu’il ne représente, chaque année, qu’une part négligeable dans les achats d’ATB.
Compte tenu de cette analyse, l’Autorité a autorisé l’opération sans engagement.
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Le groupe français Eiffage est organisé autour de quatre branches principales : (i) la branche
« Construction » qui assure la construction de bâtiments neufs ou en réhabilitation, la promotion immobilière et l’aménagement urbain ; (ii) la branche « Infrastructures » relative à la conception et à la réalisation d’infrastructures routières, d’infrastructures de génie civil et de constructions métalliques ; (iii) la branche « Énergie système » relative aux systèmes de génie électrique, industriel, climatique et énergétique et (iv) la branche « Concessions » (autoroutes, aéroport de Lille-Lesquin2).
2. Aéroport de Toulouse-Blagnac (ci-après « ATB ») est une société anonyme à directoire et conseil de surveillance. ATB est la société concessionnaire qui gère l’aéroport de Toulouse- Blagnac (31)3. ATB est contrôlée par la société Casil Europe4, qui détient 49,99 % du capital, le solde étant détenu par des actionnaires publics (État, Chambre de commerce et d’industrie de Toulouse, région Occitanie, département de Haute-Garonne et Toulouse Métropole). ATB détient intégralement le capital des sociétés ATBDH et ATBD2i, en charge respectivement du développement hôtelier et immobilier au sein de l’aéroport. Elle contrôle conjointement la société SEFTA, en charge de la gestion de l’aérodrome de Toulouse Francazal (31)5.
3. L’opération notifiée consiste en l’acquisition par le groupe Eiffage de l’intégralité de la participation détenue par Casil Europe dans le capital d’ATB, la répartition du reliquat du capital social entre les actionnaires publics restant inchangée à l’issue de l’opération. [Confidentiel].
4. S’agissant de la gouvernance d’ATB, il ressort des statuts de cette dernière que son directoire est composé de deux à cinq membres nommés par le conseil de surveillance. Les décisions sont prises à la majorité des membres présents. En cas de partage des voix, celle du président, désigné à l’issue de l’opération par le groupe Eiffage est prépondérante. Les décisions commerciales stratégiques d’ATB (adoption du plan stratégique pluriannuel, plan d’investissement pluriannuel, budget et contrats pris en application de l’article L. 6325-2 du code des transports) ne pourront être adoptés par le directoire sans l’autorisation du conseil de surveillance. Ces autorisations sont décidées à la majorité des deux tiers en ce qui concerne l’adoption des plans pluriannuels stratégique et d’investissement et à la majorité simple en ce qui concerne le budget.
5. À l’issue de l’opération, le groupe Eiffage détiendra 49,99 % du capital d’ATB. Par ailleurs, il sera en mesure de désigner six membres du conseil de surveillance qui en comprend quinze. [Confidentiel]. À ce titre, le groupe Eiffage sera donc le seul actionnaire en mesure de bloquer l’adoption des décisions stratégiques d’ATB par le conseil de surveillance6.
6. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif d’ATB par le groupe Eiffage, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
7. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Eiffage : 16,6 milliards pour l’exercice clos le 31 décembre 2018 ; ATB : 151,6 millions pour le même exercice). Chacune de ces entreprises réalise, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Eiffage : 12,3 milliards pour l’exercice clos le 31 décembre 2018 ; ATB : 121,4 millions pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce, relatives à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
8. Le groupe Eiffage et ATB sont présents dans le secteur de la gestion et de l’exploitation d’aéroports qui comprend notamment le marché amont de l’octroi des concessions aéroportuaires, seul marché sur lequel les activités des parties se chevauchent horizontalement (A). Les marchés d’appels d’offres en travaux aéroportuaires sont également concernés par l’opération dans la mesure où il existe un lien vertical entre les activités de travaux public du groupe Eiffage et les appels d’offre lancés par ATB pour ce type de travaux (B).
A. LE MARCHÉ DE L’OCTROI DE CONCESSIONS AÉROPORTUAIRES
1. LE MARCHÉ DE PRODUITS
9. Le marché de l’octroi d’une concession de gestion d’un aéroport consiste en une activité économique pour laquelle l’offre est représentée par l’administration publique et la demande par des entreprises ayant un intérêt dans l’obtention de la concession. Sur un tel marché, la concurrence a lieu au moment de la procédure de mise en concurrence.
10. Dans leurs pratiques décisionnelles, l’Autorité de la concurrence et la Commission européenne ont défini un marché unique de l’octroi des concessions de gestion et d’exploitation des aéroports7.
11. Il n’y a pas lieu de revenir sur cette pratique décisionnelle à l’occasion de la présente décision.
2. LE MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE
12. Les autorités de concurrence ne se sont pas prononcées sur la délimitation géographique exacte du marché de l’octroi de concessions aéroportuaires. La Commission a considéré que ce marché pourrait être de dimension européenne, voire mondiale, les consortiums soumissionnaires étant également constitués d’entreprises non-européennes8. L’Autorité n’a pas exclu la dimension nationale de ce marché9.
13. La délimitation exacte de ce marché peut toutefois être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées quelle que soit la délimitation géographique retenue.
B. LES MARCHÉS D’APPELS D’OFFRES EN TRAVAUX AÉROPORTUAIRES
1. LE STATUT D’ENTITÉ ADJ UDICATRICE D’ATB
14. Dans son avis n° 10-A-04 du 22 février 2010 relatif à une demande d’avis de l’Association pour le maintien de la concurrence sur les réseaux et infrastructures (AMCRI) sur les problèmes de concurrence pouvant résulter de la privatisation des aéroports français, l’Autorité a rappelé que les sociétés aéroportuaires régionales (ci-après « SAR ») sont des entités adjudicatrices soumises aux règles de mise en concurrence prévues par la directive 2004/17/CE portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux10. En France, cette directive a été transposée par l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, laquelle s’applique aux SAR.
15. La directive 2004/17/CE a depuis été abrogée et remplacée par la directive 2014/25/UE du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux. En droit national, l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics a notamment transposé la directive 2014/25/UE. Ces dispositions ont ensuite été codifiées au sein du code de la commande publique par l’ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique et par le décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018 portant partie réglementaire du code de la commande publique.
16. Il ressort de la lecture combinée des articles L. 1212-1 et L. 1212-3 du code de la commande publique que sont considérés comme des entités adjudicatrices les organismes de droit privé qui bénéficient, en vertu d'une disposition légalement prise, de droits spéciaux ou exclusifs ayant pour effet de leur réserver l'exercice d’une activité d’opérateur de réseaux dans les secteurs de l’énergie, de l’eau, des transports et des services postaux et d'affecter substantiellement la capacité des autres opérateurs économiques à exercer celle-ci.
17. Il résulte par ailleurs du troisième alinéa de l’article L. 1212-3 du code de la commande publique que la gestion d’un aéroport est une activité d’opérateur de réseaux et que, au vu de ce qui précède, l’entreprise privée qui en a la gestion doit être considérée comme une entité adjudicatrice au sens de l’article L. 1212-1 du code précité, soumise à un certain nombre d’obligations de publicité et de mise en concurrence pour la passation de ces marchés.
18. À l’issue de l’opération, ATB demeurera donc une entité adjudicatrice soumise aux obligations de publicité et de mise en concurrence définies par le code de la commande publique.
2. LE SECTEUR DE LA CONSTRUCTION ET DE L’ENTRETIEN D’INFRASTRUCTURES AÉROPORTUAIRES
19. En l’espèce, compte tenu des caractéristiques propres à ATB, agissant comme entité adjudicatrice, les marchés des travaux de construction et d’entretien des infrastructures aéroportuaire de l’aéroport de Toulouse-Blagnac sont des marchés concernés par l’opération.
20. Dans son avis n° 10-A-04 précité, l’Autorité a identifié les marchés de travaux de construction et d’entretien des infrastructures présentes sur les plateformes aéroportuaires, ainsi que les marchés de fourniture d’équipements11. Sur ces marchés, la demande est constituée par les gestionnaires d’aéroport et l’offre émane des opérateurs privés actifs dans les secteurs des travaux publics, du bâtiment et de l’équipement.
21. Les travaux de construction et d’entretien des infrastructures aéroportuaires s’effectuent lors de la création (ou de l’extension) d’un aéroport ou pour l’entretien ou l’amélioration des infrastructures existantes. L’ampleur et les conditions de ces travaux sont en principe différentes. La construction nécessite en particulier de grands travaux de terrassement, d’assainissement, de confection des pistes, de construction d’ouvrages d’art et de divers bâtiments (aérogare, hangars d’avions, zones de stockage, etc.). L’entretien et l’amélioration impliquent en général des travaux de moindre ampleur, sans interruption du trafic aérien, ce qui nécessite des savoir-faire particuliers, voire des habilitations spécifiques.
22. En matière de travaux publics, la Commission a notamment segmenté ces marchés en fonction de la taille des projets, considérant que les conditions de concurrence diffèrent de manière significative entre les petits et les grands projets12. À ce titre, bien qu’il n’existe pas de seuil pour distinguer la taille des projets, de manière générale, plus le montant d’un projet de construction ou de rénovation est élevé, moins le nombre d’entreprises techniquement capables de répondre est important. Inversement, lorsque les projets portent sur des marchés de travaux et d’entretien d’infrastructures ou de bâtiments de faible valeur, davantage d’entreprises de travaux, dont de petites et moyennes entreprises d’envergure locale ou régionale sont susceptibles de prendre part aux appels d’offres13.
23. Ainsi, la Commission a distingué selon les chantiers d’un montant supérieur à 5 millions d’euros et les chantiers d’un montant inférieur à 5 millions d’euros en France, notamment parce que ce seuil correspond au montant à partir duquel la procédure formalisée devient obligatoire14 en application de l’article L. 2124-1 du code de la commande publique.
24. Pour les besoins de la présente analyse, le marché retenu sera celui des travaux de construction et d’entretien des infrastructures aéroportuaires au sein duquel l’analyse concurrentielle sera réalisée en tenant compte des dispositions légales applicables.
III. Analyse concurrentielle
25. L’opération est susceptible de produire des effets horizontaux sur le marché amont de l’octroi des concessions aéroportuaires (A). Par ailleurs, en ce qu’elle aboutit à confier la gestion de l’aéroport à une entreprise également active sur des marchés amont de travaux publics, l’opération est susceptible de réduire la concurrence lors de la passation de marchés de travaux, de fournitures et de services sur les emprises aéroportuaires de l’aéroport de Toulouse- Blagnac (B).
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
26. À la date de la notification de l’opération, le groupe Eiffage ne gère aucun aéroport dans l’Union européenne. Toutefois, compte tenu du fait qu’il sera concessionnaire de l’aéroport de Lille- Lesquin (59) à compter du 1er janvier 2020, il y a lieu de considérer que le groupe Eiffage est présent sur le marché amont des concessions aéroportuaires.
27. À l’issue de l’opération, le groupe Eiffage gérera deux aéroports de dimension régionale en France, représentant un trafic de 11,6 millions de passagers en 2018. La partie notifiante estime que sa part de marché cumulée sera de 1,2 % sur un marché de dimension européenne. Dans l’hypothèse d’un marché national, le nouvel ensemble représentera 5,6 % du trafic annuel de passager en 2018.
28. Compte tenu de ces parts de marché limitées, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le marché de l’octroi de concessions aéroportuaires par le biais d’effets horizontaux.
B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX SUR LES MARCHÉS DE TRAVAUX ET D’ENTRETIEN DES INFRASTRUCTURES AÉROPORTUAIRES
29. Il convient d’examiner les effets résultants de l’intégration verticale qui découle de l’acquisition d’une société concessionnaire aéroportuaire par un groupe actif dans le secteur des travaux publics. En l’espèce, la probabilité que la concentration fausse le jeu de la concurrence sur ces marchés par des effets verticaux dépend de la capacité de la nouvelle entité à restreindre l’accès de ses concurrents aux marchés de travaux et d’entretien des infrastructures aéroportuaires (i), de son incitation à mettre en œuvre une telle stratégie (ii) et des effets de cette stratégie sur les marchés en cause (iii).
30. Dans son avis n° 10-A-04 précité, l’Autorité a souligné que la possibilité de soumettre à des procédures de mise en concurrence des entreprises détenues par des intérêts privés constitue une spécificité notable de la règlementation des marchés passés dans les secteurs spéciaux. Ceci est justifié par le fait que les détenteurs des droits spéciaux ou exclusifs sont en situation de monopole sur le réseau ou l’infrastructure non reproductible qu’ils exploitent dans le cadre d’une mission de service public15.
31. Le régime issu de l’ordonnance du 23 juillet 2015 et de son décret d’application du 25 mars 2016, codifié dans le code de la commande publique, transpose les obligations issues de la directive 2014/25 précitée en ce qui concerne les critères d’attribution des marchés passés par les entités adjudicatrices. Les seuils de mise en concurrences sont actuellement fixés à 5 548 000 euros hors taxes pour les marchés de travaux et 443 000 euros hors taxes pour les marchés de fournitures et de services.
32. Pour les marchés au-delà de ces seuils, les articles L. 2124-1 et suivants du code de la commande publique imposent le recours à l’une des procédures formalisées : l’appel d’offres, la procédure avec négociation ou le dialogue compétitif. L’ensemble de ces procédures impliquent la publication d’un avis d’appel de marché au Journal officiel de l’Union européenne, la définition de critères objectifs de sélection, l’obligation de choisir l’offre
« économiquement la plus avantageuse » et l’obligation d’informer les candidats des raisons pour lesquelles ils n’ont pas été retenus, ces derniers pouvant, le cas échéant, contester la décision d’attribution du marché devant le tribunal compétent.
33. En deçà de ces seuils, l’acheteur peut recourir à une procédure adaptée, telle que définie à l’article L. 2123-1 du code de la commande publique. Dans ce cadre, l’acheteur définit librement les modalités de passation du marché, dans le respect des principes de la commande publique. Ainsi, l’acheteur est tenu de mettre en œuvre une procédure de publicité adaptée dans les conditions définies à l’article R. 2131-12 du code précité, de préciser les critères d’attribution et les modalités de leur mise en œuvre16 et de choisir l’offre économiquement la plus avantageuse.17
34. Par ailleurs, selon les dispositions de l’article R. 2122-8 du code de la commande publique pour les marchés inférieurs à 25 000 euros, l’acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalable. Dans ce cadre, l’acheteur veille à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation de deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec le même opérateur économique.
35. Enfin, l’article L. 2511-7 du code de la commande publique permet aux entités adjudicatrices de ne pas recourir aux procédures de mises en concurrence lorsque les marchés sont conclus avec une entreprise liée18.
36. Néanmoins, l’article 62 du cahier des charges type du contrat de concessionnaire aéroportuaire prévoit que « les marché de travaux du concessionnaire sont soumis aux procédures de publicité et de mise en concurrence prévues par l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, même dans le cas où ils sont passés avec une entreprise liée au sens de l’article 29 de cette même ordonnance ».
37. Ainsi, l’État a neutralisé, concernant les concessions aéroportuaires, l’article L. 2511-7 du code de la commande publique. Toutefois, ainsi que l’a relevé l’Autorité dans son avis n° 10-A-04 précité, cette règle plus stricte ne s’applique qu’aux seuls marchés de travaux, les marchés de fournitures et de services n’étant pas soumis à l’article 62 du cahier des charges type à la concession d’aéroport.
38. À l’issue de l’opération, le groupe Eiffage, agissant en tant qu’entité adjudicatrice, sera donc en mesure d’allouer tout ou partie des besoins en fournitures et en services d’ATB à l’une ou plusieurs de ses filiales de ses branches bâtiment, infrastructures, ou énergie système, quel que soit le montant du marché. Par exemple, l’intégralité des besoins en matière de génie climatique, de génie électrique ou les prestations d’ingénieries d’infrastructures pourrait être confiée à des filiales du groupe Eiffage présentes dans ces secteurs d’activités.
39. Néanmoins, en l’espèce, il ressort des données communiquées par la partie notifiant qu’ATB a eu recours, pour l’ensemble des marchés qu’elle a passés, travaux, fournitures et services confondus, à une procédure de publicité et de mise en concurrence en moyenne [110-130] fois par an sur la période 2013-2018. Le cumul de ces marchés soumis à publicité et mise en concurrence a représenté environ […] millions d’euros de marchés passés, soit [90-100] % du total des marchés en valeur. Ainsi, l’essentiel des marchés d’ATB, en valeur, est soumis à une procédure encadrée de publicité et de mise en concurrence.
40. Plus précisément, en ce qui concerne les procédures formalisées, auxquelles s’appliquent les procédures de publicité et de mise en concurrence les plus strictes, ces dernières représentent en moyenne pour la période 2013-2018 près de [10-20] % du nombre de contrats, tous types de marchés confondus, mais plus de [50-60] % du total de ces marchés en valeur. En ce qui concerne les marchés de travaux, pour cette période, une part substantielle de ces marchés passés par ATB, pour un volume de […] millions d’euros sur un total de […] millions d’euros, ont relevé de la procédure formalisée pour laquelle l’entité adjudicatrice est tenue de respecter des obligations strictes de publicité et de mise en concurrence. De même, en ce qui concerne les marchés de services, pour lesquels les seuils sont plus faibles, le recours à la procédure formalisée est plus important, puisque, pour la période 2013-2018, l’essentiel des marchés de services d’ATB, pour un volume de […] millions d’euros sur un total de […] millions d’euros, ont relevé de la procédure formalisée.
41. Ainsi, compte tenu de ces proportions, la portée de l’article 62 du cahier des charges d’ATB n’est pas limitée et l’obligation de mise en concurrence imposée par cet article portera sur une part substantielle des marchés de travaux passée par la cible. Dès lors, à l’issue de l’opération, ATB ne sera pas en mesure de favoriser les offres des filiales du groupe Eiffage en matière de marchés de travaux.
42. Enfin, il ressort des données transmises par les parties qu’ATB ne constituait pas un client privilégié du groupe Eiffage quel que soit le type de marchés, dans la mesure où, sur la période 2013-2018 , il a remis à ATB [confidentiel] d’offres qui n’ont pas été retenues. En outre, le groupe Eiffage ne constitue pas un fournisseur important d’ATB en matière d’infrastructures aéroportuaires puisqu’il ne s’est vu attribuer par ATB que […] contrats en matière d’infrastructures aéroportuaires sur cette même période. À ce titre, il y a lieu de constater que, sur cette période, les achats effectués auprès du groupe Eiffage ont représenté moins de 2 % des achats totaux d’ATB. En tout état de cause, eu égard à sa position marginale à la fois en tant que candidat et en tant qu’attributaire des marchés passés par ATB, le groupe Eiffage n’a pas les capacités à court ou à moyen terme pour exécuter l’intégralité des besoins d’ATB. Ainsi, quel que soit le type de marchés, on peut donc conclure qu’ATB ne sera pas en mesure de favoriser les offres des filiales du groupe Eiffage.
43. Compte tenu de l’ensemble des éléments qui précèdent, à l’issue de l’opération, le groupe Eiffage n’aura pas la capacité de restreindre l’accès de ses concurrents aux marchés de travaux et d’entretien des infrastructures d’ATB.
44. Dès lors, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deux autres conditions mentionnées au point 29 ci-dessus, l’opération n’est pas de nature à générer des effets verticaux de nature à réduire l’intensité concurrentielle sur les marchés de travaux et d’entretien des infrastructures aéroportuaires.
DÉCIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 19-234 est autorisée.
NOTES :
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Eiffage exploitera la concession de l’aéroport de Lille-Lesquin pour une durée de 20 ans, à compter du 1er janvier 2020.
3 Dans le cadre d’une convention de concession en vigueur jusqu’en 2046 et d’un cahier des charges prévu par le décret n° 2007-244 du 23 février 2007 relatif aux aérodromes appartenant à l’État et portant approbation d’un cahier des charges type applicable à la concession de ces aérodromes.
4 Casil Europe est détenue par une société chinoise*, Shandong Hi-Speed Group (51 %) et par une société immatriculée aux Îles Vierges britanniques*, Friedmann Pacific AM (49 %). - * Rectification d’erreur matérielle.
5 Situé sur la commune de Portet-sur-Garonne, l’aérodrome de Toulouse Francazal accueille principalement des vols de l’aviation d’affaires.
6 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, point 32.
7 Décisions de l’Autorité n° 16-DCC-167 du 31 octobre 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Aéroport de Lyon par la société Vinci Airports et n° 15-DCC-125 du 17 septembre 2015 relative à la création d’une entreprise commune entre Aéroports de Paris Management et Vinci Airports et de la Commission COMP/M.9270 du 15 mars 2019, Vinci Airports / Gatwick Airport, COMP/M.7537 du 21 avril 2015, Ardian France/F2i SGR/F2i Aeroporti et COMP/M.6862 du 10 juin 2013, Vinci Aeroportos de Portugal.
8 Décision COMP/M.6862 précitée, point 13 et les décisions n° 16-DCC-167, point 15 et n° 15-DCC-125, points 13 à 15, précitées.
9 Décision n° 16-DCC-167 précitée, point 53.
10 Avis n° 10-A-04 précité, point 69.
11 Avis n° 10-A-04, point 45.
12 Décision de la Commission COMP/M.4623 du 24 juillet 2007, Vinci Construction/Solétrache, point 12.
13 Décisions n° 16-DCC-167, point 50, et COMP/M.4623, point 13, précitées.
14 Décision COMP/M.4623 précitée, point 12.
15 Avis n° 10-A-04 précité, point 65.
16 Article R. 2152-11 du code de la commande publique.
17 Article R. 2152-7 du code de la commande publique.
18 « Sont soumis aux règles définies au titre II les marchés publics qui, d'une part, sont conclus par une entité adjudicatrice avec une entreprise liée ou par un organisme exclusivement constitué par plusieurs entités adjudicatrices en vue de réaliser une ou plusieurs activités d'opérateur de réseaux avec une entreprise liée à l'une de ces entités adjudicatrices et, d'autre part, présentent les caractéristiques suivantes :
1° Les marchés publics de services lorsque l'entreprise liée a réalisé au cours des trois années précédant l'année de passation du marché au moins 80 % de son chiffre d'affaires moyen en matière de services avec l'entité adjudicatrice ou avec d'autres entreprises auxquelles celle-ci est liée ;
2° Les marchés publics de fournitures lorsque l'entreprise liée a réalisé au cours des trois années précédant l'année de passation du marché au moins 80 % de son chiffre d'affaires moyen en matière de fournitures avec l'entité adjudicatrice ou avec d'autres entreprises auxquelles celle-ci est liée ;
3° Les marchés publics de travaux lorsque l'entreprise liée a réalisé au cours des trois années précédant l'année de passation du marché au moins 80 % de son chiffre d'affaires moyen en matière de travaux avec l'entité adjudicatrice ou avec d'autres entreprises auxquelles celle-ci est liée. »